31 janvier 2002

 

L'original de ce texte peut se retrouver ici :

http://www.algeria-watch.de/farticle/sale_guerre/souaidia_fin_omerta.htm

 

Il faut en finir avec l'omerta sur la " sale guerre " en Algérie

Habib Souaïdia

          Texte de la conférence donnée le 31 janvier 2002 par Habib Souaïdia au Circulo de Bellas Artes de Madrid, à l'occasion de la parution de la traduction espagnole de son livre " La sale guerre " chez Ediciones B, publié par Algeria-Watch, 31 janvier 2002.

          Depuis 1992, la guerre qui déchire mon pays a été présentée par les autorités civiles et militaires comme une lutte de défense de la société et de la démocratie contre le danger islamiste. Ce que je voudrais expliquer ici, à partir de mon expérience, c'est que la réalité est tout à fait différente. Si l'objectif était de mettre hors d'état de nuire la petite minorité qui rêvait d'instaurer une dictature islamiste, cela aurait pu être réalisé très rapidement et depuis longtemps, et par des moyens conformes au droit international.

          Mais l'objectif n'était pas celui-là : pour la poignée de généraux qui détiennent le pouvoir en Algérie, le but était de plonger la population dans un climat permanent de terreur et de violence de façon à " éradiquer " toute volonté de contester son pouvoir criminel et corrompu. Ils ont mobilisé pour cela un incroyable arsenal de techniques répressives et de manipulations, qui continue à être utilisé aujourd'hui.

La politique de la terreur

          Le 26 décembre 1991, la victoire inattendue des islamistes aux élections législatives a provoqué les généraux dans leur arrière-cour. Avec leurs alliés civils, et sans aucun état d'âme, ils ont alors préparé l'organisation de la lutte anti-terroriste, qui allait plonger l'Algérie dans une guerre sans fin.

          Comme bien d'autres armées dans les dictatures du tiers monde, l'Armée nationale et populaire (ANP) a alors été détournée par nos " décideurs " de sa mission naturelle : elle est passée d'un dispositif " classique ", organisé pour défendre l'intégrité du territoire, ses frontières et pour contribuer au développement du pays ainsi qu'à l'édification d'une société moderne, à un " hyper-terrorisme ", dirigé contre l'ensemble de la population nationale.

          En principe, quand une armée s'engage dans une guerre, c'est parce que ses chefs s'estiment assurés de vaincre avec " succès et honneur " : c'est du moins ce que l'on nous a appris à l'école de formation des officiers. Malheureusement, la logique des putschistes algériens, qui ne disposent ni de la légitimité historique, ni de la légitimité populaire, est tout autre : ils ont pris le pouvoir par la force, en recourant à la répression et à la terreur, non pas pour sauver la république et la démocratie du péril islamique comme ils veulent le faire croire, mais simplement pour garder le pouvoir. Et pour réussir, ils se sont appuyés sur deux axes : d'une part, les unités des " forces spéciales " de l'ANP et du Département de renseignement et de sécurité (DRS, ex-Sécurité militaire, que tout le monde, en Algérie continue à appeler " SM ") pour mater les gens qui pensent différemment d'eux ; et, d'autre part, les revenus du pétrole et du gaz qui leur offrent l'appui politique, diplomatique, financier et militaire des grandes puissances mondiales.

          C'est ainsi qu'en février 1992, le " Haut Comité d'État " a déclaré l'état d'urgence, et la junte a engagé sa politique " sécuritaire " fondée sur la répression et la violence. Des dizaines de milliers d'innocents ont été envoyés en prison et dans des camps de concentration du sud algérien, sans parler des humiliations, de la torture et des exécutions extrajudiciaires qui sont devenues depuis 1992 des pratiques courantes des seigneurs de la guerre. L'ampleur de la répression a rapidement dépassé l'imagination, après la mise sur pied en septembre 1992 d'un nouveau corps d'élite (dont j'ai fait partie), commandé par le général-major Mohamed Lamari, le CCCLAS (Centre de commandement et de coordination de la lutte anti-subversive).

          Composé principalement des unités de forces spéciales (cinq régiments de parachutistes au départ) et de la Sécurité militaire, celui-ci a pendant les premières années été déployé essentiellement dans le centre du pays, l'Algérois, où l'opposition islamiste était la plus forte. En un temps record, le CCCLAS est devenu une machine à tuer au service du pouvoir afin d'anesthésier les forces vives de la nation en semant la mort.

          C'est au cours de mon passage dans ces unités, de 1992 à 1995, que le rideau qui me cachait la vérité s'est déchiré dans ma conscience et que le cauchemar est devenu une réalité que je vis toujours aujourd'hui. Alors que nous pensions être engagés contre des groupes terroristes bien identifiés, notre mission a très vite pris une autre tournure : au lieu de débusquer l'ennemi par de grandes opérations organisées par les bataillons et les divisions, nous partions en pleine nuit " semer la terreur " dans la population civile. Nous nous métamorphosions en commandos de chasse, en commandos de la mort. Les moyens les plus extrêmes, de la torture par la gégène ou le supplice de la baignoire jusqu'aux exécutions extrajudiciaires, ont été utilisés systématiquement sur ordre explicite du haut commandement.

          Dans mon unité basée dans la ville de Lakhdaria, à l'est d'Alger, le 25e régiment de reconnaissance, j'ai été témoin à de nombreuses reprises de la façon dont procédaient les hommes du DRS, avec notre soutien. Quand un homme jugé " suspect " était arrêté, il était entravé, cagoulé et conduit en voiture vers le centre de détention. Une fois arrivé, sa cagoule était enlevée, il était obligé de se déshabiller complètement et ses papiers d'identité étaient brûlés devant lui. Généralement, le nouveau venu était accueilli par les cris et les supplices d'une autre victime interrogée dans une petite salle réservée à cet usage. C'est à partir de ce moment-là que le sujet était soumis à toutes les cruautés : les séances de torture commençaient le plus souvent par des coups, puis l'homme était allongé tout nu sur un sommier métallique, attaché par des sangles et torturé de toutes les façons (électricité, supplice du chiffon, etc.). Au bout de quelques jours, le corps de la victime devenait méconnaissable. S'il ne mourait pas sous la torture, il était alors abattu, parfois brûlé vif, et sa dépouille n'avait même pas droit à un enterrement.

          Nous étions isolés, nous n'avions ni le droit de contester les ordres, ni celui de démissionner. Nous étions cadrés par la propagande et cela dès le commencement de la lutte anti-terroriste. Une information à sens unique qui soulignait les " actions bénéfiques conduites par l'armée ". Malgré cela, assez rapidement, nous avons été nombreux, parmi les jeunes officiers des forces spéciales, à penser que les mauvaises méthodes de travail que l'on nous imposait, comme les coups tordus des hommes de la SM, n'étaient pas le fruit du hasard ou de l'incompétence, mais bien une politique délibérée. Objectif : pousser les jeunes à prendre les armes, augmenter le niveau de la violence terroriste pour maintenir la population dans la peur. D'ailleurs, entre nous, y compris ceux qui n'hésitaient pas à faire les sales besognes, nous disions souvent : « Tiens, qu'est-ce qu'à encore fait la " société " aujourd'hui ? » La " société " (charika en arabe), c'était pour nous la " Société nationale de formation des terroristes ", c'est-à-dire l'armée, où du moins ses grands chefs.

          Tout au long de notre tragédie, qui dure depuis dix ans, les décideurs algériens ont toujours recouru à la violence pour mettre en échec non pas les islamistes seulement, mais aussi la majorité écrasante du peuple algérien qui demande l'instauration d'un État démocratique. Les moyens matériels mis en œuvre sont colossaux, et les généraux ne reculent devant aucune dépense, même humaine, pour mener à bien leur plan. Pour eux, la vie des civils, mais aussi celles des soldats, n'a aucune valeur. Leur seule culture est celle de la mort.

          Mais il n'y a pas que les ratissages et les exactions directement pratiquées par les forces de sécurité (torture, exécutions sommaires, enlèvements nocturnes et massacres collectifs d'innocents). L'action psychologique joue un rôle fondamental dans cette " sale guerre ", à travers la désinformation et l'intoxication, la constitution de " groupes d'autodéfense ", la création de commandos de la mort, les assassinats d'intellectuels, de journalistes, de personnalités politiques. C'est de cela dont je voudrais parler maintenant.

La " guerre psychologique "

          Les deux principaux responsables de la manipulation de la violence sont le général Mohamed Médiène, dit " Tewfik ", patron des services de renseignements, le DRS, depuis la mi-1990, et son bras droit, le général Smaïn Lamari. Tout les deux sont en principe les adjoints du général major Mohamed Lamari, qui a obtenu les pleins pouvoirs en 1992.

          Depuis le " poste de commandement opérationnel " au siège de la DRS, Tewfik " la tête " et Smaïn Lamari " les jambes " ont mené les opérations les plus incroyables, une guerre de manipulation et de " coups tordus ". Dés le début de la lutte anti-terroriste, la priorité de Tewfik était l'infiltration des groupes islamiques armés (GIA) afin de les manipuler puis de les contrôler, avec trois objectifs principaux : maintenir un climat de terreur, isoler les partisans du Front islamique du salut (FIS) et obtenir le soutien des puissances occidentales.

          Le cas de Antar Zouabri, l'un des " émirs " actuels des GIA, est à cet égard révélateur. Il a été dit en Algérie que son groupe était responsable de l'assassinat des moines de Tibhérine en mai 1996 et des grands massacres de civils (Raïs, Bentalha, Sidi-Hamed…) de l'automne 1997. Or, très curieusement, depuis 1996, sa mort a été annoncée officiellement plusieurs fois par la presse aux ordres, nouvelle chaque fois démentie sur le terrain. En fait, dès 1992, les chefs radicaux des premiers GIA (comme Moh Leveilley, Abdelhak Layada, Jaffar " Al Afghani " ou Chérif Gousmi) ont tous été liquidés par les hommes de Smaïn Lamari, qui a profité de l'occasion pour faire infiltrer les groupes par ses agents afin d'utiliser les GIA comme des instruments.

          De nombreux observateurs pensent que Antar Zouabri est l'un de ces agents. Cela n'est pas établi formellement, mais je suis en tout cas absolument convaincu que, comme pour les autres GIA, plusieurs de ses lieutenants sont des hommes du DRS, chargés depuis des années par Tewfik et Smaïn d'encadrer des jeunes égarés pour leur faire commettre des massacres effroyables de civils, soit disant au nom de l'islam. Et que ces jeunes peuvent se transformer en véritables bêtes sauvages parce qu'ils ont été drogués au préalable, comme le sont les militaires chargés de la lutte " anti-subversive ". (Comme je l'ai expliqué dans mon livre, près de 80 % des hommes de troupe et des sous-officiers, mais aussi certains officiers, se droguent quotidiennement ; le haschich, l'ecstasy et l'héroïne sont vendus à l'intérieur des casernes, la drogue la plus demandée étant celle que les soldats ont surnommée " Madame courage " : il s'agit de l'Artane qui, pris à fortes doses, permet de tuer n'importe qui sans même se rendre compte de ce qu'on fait).

          C'est pour toutes ces raisons qu'en Algérie, on dit souvent que les GIA sont les " groupes islamistes de l'armée ", chargés avant tout de persécuter les civils partisans du FIS. Alors que pour la propagande du pouvoir, relayée par de nombreux journalistes et intellectuels " éradicateurs ", les GIA et le FIS ne seraient qu'une seule et même chose.

          Je n'ai aucune sympathie particulière pour le FIS, mais pour montrer l'absurdité d'une telle affirmation, je ne citerai qu'un exemple. Le 24 octobre 1993, trois Français, membres du consulat de France à Alger, ont été enlevés. Les suites de cet épisode illustrent la fracture entre les activistes du FIS et les GIA. L'enlèvement a été revendiqué depuis Londres par une frange du GIA, qui rejetait toute autorité du FIS. Alors que l'imam Sahraoui, membre honoraire du FIS, a lancé un appel pour la libération des trois Français " sans aucune condition ", affirmant que " toute atteinte à la vie et aux biens des étrangers sur le sol musulman est contraire aux lois et aux traditions islamiques ". En réalité, cet enlèvement — les trois Français seront finalement libérés — était une manipulation de la SM à destination de l'opinion française, pour la convaincre des dangers du " péril islamiste " et donner au gouvernement français de " bonnes raisons " de soutenir la junte militaire. C'était également l'objectif des manipulations des " services " qui sont derrière le détournement sanglant de l'Airbus d'Air France en décembre 1994 ou l'assassinat des moines de Tibhérine, deux actions officiellement attribuées aux GIA.

          Et c'est dans la même logique que les GIA manipulés par les deux patrons du DRS ont perpétré, surtout en 1993 et 1994, des assassinats " ciblés " visant les élites francophones : journalistes, chanteurs, artistes et hommes de culture, travailleurs expatriés, opposants politiques… Par le choix de ces cibles made in DRS, il s'agissait de montrer à l'opinion nationale comme internationale que le FIS était désormais dominé par sa frange radicale qui s'attaquait au peuple. Et d'isoler les authentiques opposants islamistes de leurs bases arrières en obtenant le soutien politique, militaire et économique des États européens. Une stratégie couronnée de succès, comme en témoigne la grande rafle opérée par la police française, le 9 novembre 1993, de 88 sympathisants du FIS (et non des GIA) résidents en France. Les opérations de ce type, avec la mise sous surveillance serrée des militants exilés (il faut savoir que des centaines d'agents de la SM sont installés en Europe — et surtout en France — pour contrôler la communauté algérienne), ont permis d'accentuer le morcellement du mouvement " fissiste " en laissant la voie libre à Tewfik et aux GIA.

          Il est affolant de constater à quel point l'opinion européenne a pu être ainsi habilement " menée en bateau " dans ce monde de machination. Il y a malheureusement fort à parier que, tant que l'omerta restera de rigueur, les illusionnistes continueront à régner en maîtres absolus. C'est d'abord pour tenter d'en finir avec cette omerta que j'ai écrit mon livre. Tout en restant lucide sur le fait que mon seul témoignage ne saurait suffire et que la relative rareté de ce type de témoignage s'explique précisément par la violence et la sophistication inédite de la terreur organisée par ces généraux.

La mort pour tous les opposants

          Dès les premières années de la guerre, en effet, parallèlement à la stratégie d'" hyperterrorisme " menée contre le peuple, les généraux Mohamed Lamari, Mohamed Médiène et Smaïn Lamari et leurs collègues ont mené à la manière fasciste une vaste opération de " nettoyage " contre leurs opposants potentiels, en commençant à l'intérieur même de l'institution militaire. Plusieurs officiers de très haut rang et de nombreux officiers subalternes ont ainsi été arrêtés, torturés et souvent exécutés. Les plus importants ont été victimes d'assassinats déguisés en " accidents ", comme, en 1995 et 1996, les généraux Mohamed Touahri (accident d'hélicoptère), Ali Boutighane (attentat) et Saïdi Fodhil (accident de la circulation).

          Cette purge permanente (elle se poursuit jusqu'à ce jour) a particulièrement touché — mais pas seulement — les officiers qui avaient un comportement religieux. Accusés d'appartenance au courant islamiste, ces cadres ont été désignés comme ennemis potentiels parce qu'ils pratiquaient leurs devoirs religieux comme tout Algérien. En réalité, leur vrai " crime " était d'être restés honnêtes et profondément nationalistes, et d'avoir marqué ouvertement leur désaccord avec la politique démoniaque des généraux.

          Pour liquider ces officiers, ces derniers ont opté pour la " méthode choc ", en intimant à leurs bourreaux, comme le colonel Bachir Tartag (directeur du CPMI, le centre opérationnel de la DCSA à Ben-Aknoun, dans la banlieue d'Alger) ou le colonel Djebar (directeur du CTRI, le centre opérationnel du DRS à Blida), l'ordre de les arrêter et de les exécuter sous le motif classique de " propagation de propos subversifs visant à porter atteinte aux institutions de l'État " ou de " relation avec une entreprise terroriste ou non dénonciation d'une entreprise terroriste ". Beaucoup d'autres officiers, qui n'étaient tout simplement pas d'accord avec les ordres criminels, ont été condamnés et incarcérés plusieurs années sous de faux prétextes. C'est ce qui m'est arrivé personnellement et qui m'a valu de passer quatre ans dans l'effroyable prison militaire de Blida.

          Mais ce prosélytisme de la terreur a surtout été dirigé contre les civils. " Encore plus virulente que la peste, la peur se transmet en un clin d'œil " : c'est ce que nous ont déclaré les émissaires du général Mohamed Lamari, le général Saïd Bey (commandant de la première région militaire) et le général Abdelaziz Medjahed (commandant du secteur opérationnel de Bouira), lors d'un briefing donné aux officiers au siège de la division à Bouira en janvier 1994, après la mort de onze militaires dans une embuscade. L'objectif qu'ils assignaient aux forces spéciales était à la fois de redoubler les violences contre les civils et de désarticuler la société pour paralyser toute riposte.

          Nos instructions étaient claires : « Les islamistes veulent aller au paradis. Qu'on les y emmène et vite, je ne veux pas de prisonniers, je veux des morts ! » Ces deux phrases, devenues légendaires, sont sorties de la bouche du patron du CCCLAS, le général-major Mohamed Lamari. Elles résument on ne peut plus clairement l'état d'esprit de la haute hiérarchie militaire à l'époque. Le général Lamari les a prononcées en avril 1993, lors d'une réunion au Commandement des forces terrestres (CFT), à Alger, réunissant tous les officiers supérieurs engagés dans la guerre et convoquée après une période où l'armée venait de subir de lourdes pertes, que nous jugions tous insupportables.

          Les résultats obtenus par les forces spéciales ont toujours incité Mohamed Lamari à leur demander encore plus, jonglant avec les différents commandants d'unité sur le terrain : le 18e RPC, commandé par le colonel Alaymia, le 12e RPC, commandé par le colonel Athamnia (celui que j'ai appelé dans mon livre le " régiment des assassins "), le 25e RR, commandé par le colonel Daoud, et le GIS commandé par le colonel Abdelkader Kamel.

          Il est difficile et même insoutenable de décrire ce que des dizaines de milliers d'Algériens de tous bords ont vécu — et vivent toujours aujourd'hui, quoi qu'on en dise — dans les centres de torture à travers le territoire national. Je ne suis ni un procureur ni un juge. J'ai été un acteur anonyme, parmi des milliers d'autres, qui souhaite seulement faire part de son point de vue sur une " sale guerre " que j'ai découverte à l'age de 21 ans, avec tristesse et incompréhension.

          Pendant longtemps, je n'ai pas compris cette situation, j'ai eu le sentiment d'avoir été trahi par nos dirigeants et par l'histoire. Aujourd'hui, j'espère seulement que mes écrits auront un jour quelque utilité. Il est sans doute difficile aux Européens de comprendre ce que j'ai vécu avec des millions de mes compatriotes, ce que nous ressentons toujours aujourd'hui alors que la majorité du peuple est en train de se faire trouer la peau et de vivre dans la misère, tandis qu'une minorité applaudit à une guerre civile sans fin et aux privilèges de la corruption. Mais par devoir de justice et pour que la mémoire des victimes de la répression soit respectée, il faut que tout soit dit de leurs calvaires et de leurs descentes aux enfers. Et que les coupables soient châtiés.

          C'est pourquoi je me bats, avec d'autres, pour établir les responsabilités, toutes les responsabilités, de Mohamed Lamari, Mohamed Médiène et des autres chefs militaires assassins. Pour qu'on désigne clairement les coupables et qu'ils soient jugés pour leurs crimes. Ce n'est qu'à partir de là qu'on pourra parler de pardon.

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NOTE de do : 1°) L'ancien militaire algérien qui dit ce texte a commencé à ouvrir les yeux, et il a le courage de dire ce qu'il voit. Mais, si le rideau qui lui cachait la vérité s'est déchiré, comme il dit, lui laissant entrevoir un part de vérité, le-dit rideau n'est pas encore tombé ! Quand ce sera fait, Habib Souaïdia reliera correctement ce dont il témoigne avec les émeutes algériennes d'octobre 1988, et, derrière le GIA, il ne verra pas seulement l'œuvre des actuels chefs des militaires algériens, mais aussi celle de l'État français. Il se fera aussi moins d'illusions sur le FIS, dont il verra les liens avec les USA. Lire le journal 55 pour plus de précisions.
                        2°) Avez-vous déjà visité le site du Mouvement Algérien des Officiers Libres ? Vous pouvez lire, entre autres, le " témoignages " si vous n'avez pas le temps de tout lire.

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EXPÉRIENCE d'un ami de Chrisrian Denis :

          Pour la première fois depuis 15 ans, nous avons parlé " en ligne " avec la censure algérienne.

          Nadia, mon épouse, est d'origine algérienne, Kabyle. Ses parents, retraités, vivent au pays 10 mois sur 12. Comme boutade, j'ai demandé tout à l'heure à ma belle-mère, au téléphone, juste après avoir lu ton mail, s'ils pensaient fêter la chute de l'Emir du GIA, annoncée à grand renfort de pub par la canaille FLN...

          Là, surprise, au lieu d'instaurer un blanc ou de couper tout simplement (comme d'ab.), l'officier (c'en est toujours un) censeur est intervenu dans la conversation pour nous dire aimablement qu'il ne pourrait supporter le moindre commentaire politique....
          C'était la première fois que j'entendais cela, ca fait tout chose... lorqu'on sait qu'ils se veulent très discrets... Ma belle mère en a profité pour leur dire ce qu'elle en pense. Ancienne combattante de la guerre (forcément sale) de libération, elle ne craint personne... même à son âge...

                    Un ami de Christian
                    


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