Wikipedia : Le Parti Ouvrier et Populaire (POP) est le nom du Parti suisse du travail dans les cantons de Berne1, de Neuchâtel, Vaud et du Jura. Ses électeurs sont appelés « popistes ». Son symbole est un bonnet phrygien rouge avec une petite croix fédérale. Il a pour but de rassembler les ouvriers, les salariés et l’ensemble des forces sociales autour d’un projet progressiste et anti-capitaliste. Il a des influences communistes et altermondialistes. Au niveau suisse, le POP participe à l’alliance À gauche toute !
Le Buffet de la gare de Lausanne sacrifié sur l’autel des idéologies contemporaines
https://www.letemps.ch/opinions/201…
Publié vendredi 14 octobre 2016 à 16:01
Par Julien Sansonnens, chercheur en santé publique et auteur, député POP au Grand Conseil vaudois.
Pour Julien Sansonnens, député POP au Grand Conseil vaudois, la volonté des CFF de transformer le Buffet de la gare en self-service végétarien relève de ce mouvement de l’oubli et de la dépossession culturelle nécessaire à l’extension infinie du domaine marchand
Le Buffet de la gare de Lausanne, notre Train bleu à nous, mais si !, fera donc place à un fast-food, et tout ce que Lausanne compte de gens qui comptent s’en extasie.
Par l’une de ces inversions de valeurs qui caractérisent l’époque, il est désormais souhaitable qu’un restaurant soit remplacé par un self-service employant deux, trois ou quatre fois moins de personnel, personnel dont la tâche ne se limitera plus qu’à s’enquérir du mode de paiement des clients (« Vous avez la Cumulus ? »).
Il est désormais souhaitable qu’un établissement proposant aussi bien de la viande que des plats végétariens (salades, fondue, pâtes…) soit remplacé par un établissement ne proposant plus que des plats végétariens ; du libéralisme on gardera donc les délocalisations d’entreprises, les « golden » parachutes et le glyphosate – pour ses éventuels « bons côtés », à commencer par la liberté de choisir ce qu’on mange, on repassera.
Un plaisir improductif et donc scandaleux
Aujourd’hui, il est devenu souhaitable qu’un établissement où l’on pouvait prendre le temps de s’asseoir, de respirer, où l’on pouvait même trouver un plaisir improductif — et donc scandaleux — à attendre, soit remplacé par un snack de luxe que l’on fréquentera en courant, entre deux trains bondés et en retard.
Il est devenu souhaitable qu’un établissement à prix moyens soit remplacé par un établissement à prix élevés, contribuant ainsi à réduire la diversité sociale de la clientèle — diversité, et c’est le comble, par laquelle évidemment on légitime l’ouverture du lieu en question !
Il faudrait faire le procès de cette diversité dont se gargarisent les tenants du progrès frelaté, eux qui n’apprécient rien de plus que de se retrouver hermétiquement entre soi : qu’on pénètre dans n’importe lequel de ces « lounges » prétentieux qui ont remplacé les derniers bistrots populaires, qu’on franchise la porte de n’importe lequel de ces brunch-du-dimanche, et l’on ne peut être que frappé par l’homogénéité de la clientèle qui s’y autocélèbre : urbaine, éduquée et aisée.
Servir de la viande devient imperceptiblement suspect
Soyons clairs : le Buffet de la gare était condamné, tant le décalage avec l’époque et ses idéologies devenait patent. D’abord, l’endroit servait de la viande, ce qui imperceptiblement, insidieusement dirions-nous – mais si ! écoutez autour de vous, voyez ! – commence à devenir suspect (on en reparle dans quinze ans…).
Surtout, l’endroit suait la tradition et le patrimoine par tous les pores de ses parois boisées. On s’y souvenait de l’histoire, on y célébrait, non sans distance, une certaine vaudoiseté (le portrait du Général Guisan, le papet…) devenue inconvenante en période d’orgie mondialiste et de libéralisation des marchés.
Image insolente de ce hier décrété obsolète
Et puis le Buffet évoquait cette époque invraisemblable où l’on était attentif aux nappes blanches, aux fresques un brin kitsch contre les murs ; en clair il était devenu hors du temps, ce qui relève désormais, à l’heure du dopage et du burn-out érigés en norme, de la pure et simple provocation (l’idéologie dominante réserve, je crois, l’adjectif « rance » à cet attachement du peuple à son passé).
Le buffet comme symbole renvoyait avec insolence à cet hier décrété obsolète, quand les gares n’avaient pas encore été transformées en vastes galeries marchandes si helvétiques, propres, vidéosurveillées et donc mortes.
Après que l’on a rasé la halle aux locomotives voisine, elle aussi témoignage indécent du passé (signe de notre honte, on en garda tout de même une fenêtre…), on comprend que le Buffet ne pouvait subsister guère plus longtemps. La mise à terre de ces deux monuments – presque concomitante, ce n’est pas un hasard – relève à l’évidence du même mouvement de l’oubli et de la dépossession culturelle, de la même logique nécessaire à l’extension infinie du domaine marchand.