Le Figaro, le 15 février 2017 : L’affaire commence pendant l’été. Au mois d’août, des médecins de l’IGR contactent l’Agence du médicament. Ils lui signifient que quatre femmes ont fait des chocs septiques après administration du générique du Taxotère et que, parmi elles, trois sont décédées. Ils observent qu’a priori ce n’est pas le princeps de Sanofi qui serait en cause mais bien sa copie, le générique.
Questions après des décès lors de la prise d’un anticancéreux
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Par Anne Jouan
Mis à jour le 15/02/2017 à 19:44 Publié le 15/02/2017 à 19:05
Le siège de Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, à Saint-Denis. BSIP/IMAGE POINT FR / BSIP
En 2016, six patientes suivant un traitement contre le cancer du sein sont morts. Les médecins mettent en cause le générique.
L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) retomberait-elle dans ses vieux travers ? À savoir instruire, investiguer sur des cas graves d’effets indésirables sans informer le grand public ni prendre de décisions de sécurité sanitaire ?
Selon nos informations, au moins six personnes sont décédées en France en 2016 alors qu’elles étaient traitées avec un médicament générique. Celui du Taxotère mis sur le marché en 1995. Cette molécule, très efficace est utilisée à un stade précoce des cancers, notamment pour celui du sein chez la femme, après une intervention chirurgicale. Il s’agit d’un traitement dit adjuvant (ou de sécurité), qui complète la thérapie principale pour prévenir un risque de récidive locale ou de métastases. Un pharmacologue résume : « On s’attend à des effets graves avec une chimiothérapie. Mais ce qui a beaucoup étonné la communauté médicale avec ces cas, c’est le caractère grave pour un traitement adjuvant chez des malades dont le pronostic était visiblement bon. » Trois patientes âgées de 45 à 69 ans - « ni âgées ni fragiles », fait observer un cancérologue - sont ainsi décédées entre avril et début août 2016 à l’Institut Gustave-Roussy (IGR) de Vuillejuif (Val-de-Marne), deux à Rennes et une à l’Institut Curie (Paris). « C’est probablement plus en réalité », confie un haut dirigeant de l’ANSM.
L’affaire commence pendant l’été. Au mois d’août, des médecins de l’IGR contactent l’Agence du médicament. Ils lui signifient que quatre femmes ont fait des chocs septiques après administration du générique du Taxotère et que, parmi elles, trois sont décédées. Ils observent qu’a priori ce n’est pas le princeps de Sanofi qui serait en cause mais bien sa copie, le générique.
Depuis deux ans environ, les centres de lutte contre le cancer achètent le produit générique, notamment le Docétaxel de l’indien Accord, filiale d’Intas Pharmaceuticals LTD. À la suite de ces décès, l’IGR décide donc, dès août, de ne plus donner ce médicament et de le remplacer par un autre. Le 13 septembre, un comité technique de pharmacovigilance se tient à l’Agence.
Dans un document confidentiel interne entre les 31 centres de pharmacovigilance et l’ANSM consulté par Le Figaro, il est noté : « cluster (groupe, NDLR) de quatre cas graves dont trois décès par choc septique sur entérocolite (inflammation de la muqueuse de l’estomac, et de l’intestin, NDLR) et un cas d’entérocolite grave grade 4, à J + 10 de l’administration (dix jours après, NDLR) de Docétaxel Accord , dans des cas de cancers du sein. Le même lot (S15456) a été utilisé pour trois patientes (deux cas de décès plus un cas d’entérocolite grade 4) et un troisième décès avec un second lot (PT00345). » Toujours selon ce document, « il ne semble pas qu’une erreur d’administration ait été commise ». Il conclut : « C’est la gravité des cas qui est sans commune mesure avec les observations précédentes. » Au départ, les autres centres de lutte contre le cancer pensent qu’il s’agit d’une situation propre à Gustave-Roussy. Avant d’être eux-mêmes rattrapés par « le problème ».
Depuis, cinq mois ont passé. Qu’a fait l’Agence du médicament ? Elle enquête.Un cancérologue : « À partir du moment où l’on sait qu’il y a potentiellement un risque avec un produit, il faut arrêter de le prescrire, surtout quand on a une alternative. » Un autre ajoute : « Il s’agit quand même d’une alerte assez importante, et l’alerte est d’autant plus forte que c’est un traitement adjuvant ! Quand le préventif devient toxique et provoque un décès, c’est catastrophique. » Un cancérologue reconnu note que les génériques du Taxotère « ont une concentration variable, beaucoup moins ou beaucoup plus importante que le princeps ». Contacté par Le Figaro, le laboratoire Accord, par la voix de son pharmacien responsable, Jean-Paul Drouhin, l’assure : « Tous les médicaments ont des effets indésirables. Il n’y a rien de particulier. Il n’y a aucun problème. Le nombre de décès éventuellement rapporté au global en France est tout à fait dans les normes. L’ANSM a confié une étude au centre de Toulouse. Ce n’est pas un problème de molécule, mais il va falloir exclure une partie de la population », qui ne supporterait pas le Docétaxel.
Puis, mercredi à 17 h 45, l’ASNM envoyait une lettre aux professionnels de santé. Cette dernière rappelle qu’une alternative au Docétaxel existe. Sans aller plus loin : « Aucune recommandation n’est formulée à date en l’absence d’éléments complémentaires d’investigation. »