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Amnesty International est contre l’interdiction du voile intégral

lundi 3 mai 2010 (Date de rédaction antérieure : 3 mai 2010).

http://www.amnesty.fr/index.php/amn…

AMNESTY INTERNATIONAL
DÉCLARATION PUBLIQUE

Index AI : POL 30/005/2010
EFAI
21 avril 2010

Toute interdiction du voile intégral constituerait une violation
du droit international relatif aux droits humains

Ces derniers mois, la question du port du voile intégral, notamment burqa et niqab, par certaines musulmanes a suscité en Europe un débat public de plus en plus animé. Deux pays, la Belgique et la France, envisagent actuellement l’adoption de lois qui interdiraient totalement le port du voile intégral. En Belgique, une proposition de loi actuellement soumise au Parlement entend prohiber le port du voile intégral dans l’espace public. En France, une mission d’information parlementaire constituée à cet effet a proposé d’interdire le port du voile intégral dans les services et transports publics.

Selon Amnesty International, les interdictions générales du port du voile intégral actuellement envisagées violeraient les droits à la liberté d’expression et de religion des femmes qui choisissent, en portant un voile intégral, d’exprimer leur identité ou leurs convictions religieuses, culturelles, politiques ou personnelles. Amnesty International invite donc instamment les États à ne pas adopter de telles lois, et leur demande de prendre une série de mesures pour veiller à ce que toutes les femmes puissent exercer leurs droits sans subir de coercition, de harcèlement ou de discrimination.

Les États sont dans l’obligation, en vertu du droit international, de respecter les droits humains de toutes et de tous sans discrimination fondée sur la couleur de la peau, le sexe, la langue, la religion, les opinions politiques ou autres, l’origine nationale ou sociale, les biens, la naissance ou toute autre condition ; de protéger ces droits contre toute atteinte commise par des tiers, y compris des acteurs privés appartenant à la famille ou à l’entourage des personnes ; et de veiller à ce que celles-ci puissent exercer ces droits dans la pratique.

En vertu du droit international relatif aux droits humains, toute personne a droit à la liberté d’expression et à la liberté de manifester sa religion ou ses convictions ; ces libertés s’étendent à la manière dont les gens choisissent de se vêtir. Les États ne peuvent donc pas obliger de façon globale les femmes à s’habiller ou à ne pas s’habiller d’une certaine façon et ils doivent protéger les femmes contre les contraintes imposées dans ce domaine par des tiers. Ni l’État ni des acteurs non étatiques ne doivent forcer les femmes à porter un foulard ou un voile et il n’est pas non plus correct que la législation leur interdise de le porter.

Aux termes du droit international relatif aux droits humains, l’exercice des droits à la liberté d’expression et à manifester ses convictions religieuses peut subir certaines restrictions mais uniquement lorsque ces restrictions répondent à trois conditions rigoureuses : elles doivent être prescrites par la loi ; elles doivent remplir un but précis, légitime et autorisé par le droit international ; enfin, il doit être possible de prouver qu’elles sont nécessaires et proportionnées à la réalisation du but visé.

Les buts légitimes admissibles consistent à garantir le respect des droits d’autrui ou à protéger certains intérêts publics (sécurité nationale, sécurité publique, ordre, santé, ou moralité publics). En outre, si une restriction de ce type paraît nécessaire pour atteindre un de ces buts, il doit être possible de le prouver ; en d’autres termes, comme l’a affirmé la Cour européenne des droits de l’homme, elle doit répondre à un « besoin social impérieux » ; elle doit être aussi peu importune que possible tout en réalisant l’objectif légitime attendu ; enfin, le degré d’intervention spécifique dans chaque cas particulier doit être proportionné à l’objectif visé.

De surcroît, de telles restrictions ne sauraient être imposées pour des motifs discriminatoires ou appliquées de manière discriminatoire, et elles ne doivent pas porter atteinte au droit concerné. Le port de symboles ou de vêtements à caractère religieux, tout comme les restrictions à leur égard, peuvent avoir différentes conséquences sur l’exercice de toute une série de droits humains. Pour cette raison, si l’on cherche à évaluer la légitimité de telle ou telle restriction, on doit toujours examiner la question avec soin, au cas par cas, en se référant à des faits démontrables et non à des présomptions ou à des spéculations.

Amnesty International ne pense pas qu’une interdiction générale du port du voile intégral dans l’espace public soit nécessaire ou proportionnée en vue d’un objectif légitime.

Certaines restrictions clairement définies du port du voile intégral pour des motifs liés à la sécurité publique peuvent être légitimes. C’est le cas, par exemple, de l’impératif de montrer son visage dans certains lieux où il est possible de prouver qu’il existe un risque important. De manière similaire, il sera également légitime d’imposer aux personnes de se dévoiler lorsqu’il leur est demandé de le faire en cas de contrôle d’identité nécessaire. Toutefois, en l’absence d’un lien démontrable entre le port du voile intégral et la mise en danger de la sécurité publique, il est impossible d’invoquer de façon globale l’argument de la sécurité publique pour justifier la restriction de la liberté d’expression et de religion qu’entraînerait une interdiction complète du port du voile intégral dans l’espace public.

Certes, la protection de la moralité publique est un objectif qui légitime certaines restrictions de la liberté d’expression ou de manifestation de la religion ou des convictions, mais cela n’autorise pas à imposer des restrictions du port du voile au motif qu’une partie de la population trouve cette pratique répréhensible. La Cour européenne des droits de l’homme a répété à maintes reprises que le droit à la liberté d’expression s’applique aussi à des formes d’expression « qui heurtent, choquent ou inquiètent l’État ou une fraction quelconque de la population ».

Certaines personnes plaident pour l’interdiction totale du voile intégral en soutenant que cette mesure serait nécessaire pour garantir l’égalité entre hommes et femmes et protéger les femmes contre tout risque d’être forcées à porter ce voile ou de subir des pressions dans ce sens. En effet, les États sont dans l’obligation de défendre l’égalité entre hommes et femmes et de veiller à ce que toutes et tous soient aptes à exercer sans entrave leur droit à la liberté d’expression et d’autres droits humains comme les droits au travail et à l’éducation et le droit de circuler librement. Les États doivent donc prendre des mesures pour protéger les femmes face à toute tentative de les contraindre à porter le voile intégral contre leur gré ou d’exercer des pressions sur elles dans ce sens.

Lorsque la violence ou les menaces sont employées pour contraindre les femmes à se vêtir de telle ou telle manière, il est souhaitable que l’État intervienne dans chaque cas individuel, en s’appuyant soit sur les juridictions pénales soit sur celles dont relèvent les affaires familiales. La réponse de l’État à de tels actes ou à toute autre forme de pression ne devrait pas être d’instaurer une interdiction généralisée qui toucherait de façon massive toutes celles qui portent le voile intégral et les empêcherait de bénéficier de toute une série de services permettant la jouissance des droits sociaux et économiques. En fait, une interdiction absolue et générale risque d’être contre-productive, car une mesure destinée à protéger les femmes contre le harcèlement et l’oppression pourrait entraîner un isolement encore plus grand.

Pour autant que les normes sociales ou religieuses qui prescrivent des codes vestimentaires reflètent une discrimination envers les femmes, il en découle pour l’État une obligation positive de prendre des mesures afin d’empêcher cette discrimination. Mais ces mesures doivent avoir pour but essentiel de combattre la discrimination elle-même ainsi que ses causes sous-jacentes, et pas seulement ses symptômes. Elles ne doivent pas déboucher sur des restrictions imposées à des femmes qui exercent librement leur droit à la liberté d’expression.

Les femmes qui vivent dans un milieu musulman peuvent subir des formes multiples de discrimination, qui peuvent leur être infligées tant par des personnes de leur milieu que par des personnes extérieures ; elles peuvent être visées en tant que femmes, en tant que musulmanes et en tant que membres de minorités ethniques. Vouloir combattre la discrimination en imposant une mesure qui est elle-même discriminatoire ne fait qu’aggraver le problème et renforce l’idée que la discrimination peut être légitime.

Ce type de mesure risque d’être inefficace et contre-productif ; les femmes qui portent le voile parce qu’elles subissent les pressions de leur famille ou de leur milieu pourraient, dans la pratique, avoir encore plus de difficultés à exercer d’autres droits humains comme les droits au travail et à l’éducation ou le droit de circuler librement. Les États doivent étudier la façon dont ces formes multiples de discrimination exercées par les acteurs étatiques et non étatiques privent les femmes de leur capacité d’agir et ils doivent prendre des mesures efficaces pour les combattre. Il faut, à cette fin, élaborer toute une série de mesures de politique publique et sociale en consultant les femmes et les instances représentatives concernées. Il convient notamment de prévoir des mesures visant les préjugés qui alimentent les discriminations pour des raisons liées au genre, à la religion ou à l’appartenance ethnique et de veiller à ce que les victimes de ces discriminations aient accès à un recours effectif.

Les normes juridiques et sociales qui régissent les codes vestimentaires dans différents pays et cultures ont en commun des caractéristiques sous-jacentes. Elles ont souvent des conséquences disproportionnées sur les femmes, dont le vêtement et l’apparence font l’objet de réglementations particulières parce qu’ils sont considérés comme une manifestation symbolique des valeurs culturelles ou religieuses de la société. Ces normes peuvent renvoyer à des attitudes discriminatoires et refléter un désir sous-jacent de contrôler la sexualité des femmes et leur autonomie corporelle, de transformer les femmes et leur corps en objets. Qu’elles soient imposées par l’État ou par des acteurs non étatiques, non seulement elles limitent la possibilité pour les femmes d’exercer leur liberté d’expression, mais elles peuvent aussi avoir une répercussion sur leur jouissance d’autres droits, en particulier les droits au travail et à l’éducation et le droit de circuler librement.

Toutes et tous ont le droit d’exprimer leurs convictions religieuses ou personnelles ou leur identité en choisissant leur façon de se vêtir. Les gouvernements sont dans l’obligation de respecter, de protéger et de réaliser ces droits en créant un environnement dans lequel chaque femme peut effectuer ce choix sans subir de coercition, de menace ou de harcèlement, sans faire l’objet de restrictions qui ne soient ni nécessaires ni proportionnées à un objectif reconnu comme légitime par le droit international relatif aux droits humains, et sans éprouver de conséquences négatives sur son exercice d’autres droits humains.

FIN

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