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Du mouvementisme à l’autonomisation des luttes

dimanche 7 novembre 2010 (Date de rédaction antérieure : 7 novembre 2010).

A ce stade du mouvement social, après cette nouvelle journée "d’action nationale" du 6 novembre, réunissant un peu plus d’un million de personnes dans les rues et parsemée de nombreuses actions de blocage économique radicales, plusieurs problématiques apparaissent : Après deux mois de lutte et près de dix journées d’action nationale tournant autour de 3 millions de personne en moyenne dans la rue, après deux mois d’actions de blocage économique dur et de grève "généralisante" "reconductible", après deux mois de répression d’abord étatique puis policière et enfin syndicale, après deux mois de détermination locale et de convergence de terrain, la question n’est plus si le gouvernement veut bien ouvrir la table des négociations par rapport à la stricte réforme des retraites ; mais bien comment trouver la solution sociale par et pour le mouvement social lui-même, et non plus dans le dialogue avec l’Etat (qui n’en veut pas).

Le mouvement dure, les actions se multiplient et se durcissent, dans la convergence, dans l’efficacité, dans le harcèlement économique, dans la détermination et la solidarité. Ce qui était au départ une forme désespérée de lutte, les centrales syndicales déplorant le blocage économique du pays (cf les déclarations infâmes de Chérèque, notamment) d’abord jugé à contre-coeur nécessaire par la base salariale, devient progressivement une forme de vie, de joie, de solidarité collective. Au fil des semaines et des actions, localement, les camarades des différents secteurs ont appris à se connaître, à discuter, à briser les séparations, à briser les identités sociales figées, à briser les gue-guerres de logos et de fanions dans la solidarité sur le terrain et contre la répression, à prendre plaisir à se retrouver et agir, à discuter de nouvelles perspectives. Le renversement de perspective est en cours, lentement mais sûrement.

Le gouvernement choisit la censure-propagande médiatique en ressoudant l’union sécuritaire populaire en brandissant de nouveau dans tous les médias l’épouvantail de l’antiterrorisme, doublée d’une répression désormais impitoyable contre toute forme d’action, particulièrement si elle vient de la jeunesse étudiante et lycéenne ou des groupes radicaux (89 arrestations lors d’une manif sauvage partant de la Sorbonne, soit près d’un tiers du cortège ; flics intervenant directement dans les bahuts ; CRS débloquant les facultés et prenant la place des occupants pour laisser entrer les gentils-citoyens-étudiants aller "librement" étudier à l’ombre des matraques et des boucliers ; CRS chargeant-matraquant-gazant sans retenue les 300 camarades venus en renfort tenir le piquet de blocage du dépôt de carburant de Caen, etc). En vain. ça continue, ça se durcit, quotidiennement.

Dès lors, de nouvelles questions se posent : le gouvernement ne fléchira pas, de toute façon, aussi quel contenu donner à ce mot d’ordre général "on ne lâchera rien" ? Car non, nous ne lâcherons rien. En déplaise à l’Etat, au Medef, à la police des centrales syndicales qui n’appellent même plus à une nouvelle journée d’action prochaine mais à une vague "semaine de mobilisation entre le 22 et 26 novembre", dans près de 20 jours !

La base salariale se retrouve orpheline. Mais ce qui apparaît être une faiblesse ressurgit en réalité comme une force à part entière. D’autant que les étudiants et lycéens relancent un mouvement de blocage et occupation qui monte au créneau. Que ce soit salariés, étudiants ou lycéens, quand les débats portent sur les blocages de lieux de travail ou économiques, d’occupations de lieux stratégiques, de visibilité, de "montrer" qu’on n’est pas mort, de "montrer" notre détermination, de "montrer" aux non-grévistes leur lâcheté, de "prouver" notre force de frappe, de "prouver" aux "gens" notre légitimité, finalement il n’est question que d’une chose : REAPPROPRIATION.

Comment se réapproprier une lutte dont nous sommes dépossédés par la censure-propagande médiatique ? Comment se réapproprier une lutte désormais sans représentant ni porte-parole national ? Comment se réapproprier localement et directement sur nos lieux de travail et d’étude une lutte dont nous sommes finalement sur le terrain les seuls acteurs, au-delà des communiqués représentatifs ? Comment se réapproprier une lutte dont la répression policière cherche à nous criminaliser et nous diviser ? Comment nous réapproprier une lutte dont nous avons toujours été acteurs, et non pas instruments d’appareils qui nous dépassent ? Comment se réapproprier nos actions quotidiennes, nos convergences, nos prises de décision ?

Renversement de perspective : désormais, l’ère d’instabilité est ouverte et à long terme, et nous n’avons rien à perdre sinon d’élargir et consolider tout ce qui a de positif dans ce mouvement, dans sa force et sa radicalité. Il semble que la priorité reste de créer sa propre temporalité et sa propre structure horizontale, égalitaire et directe. De renforcer nos affinités de lutte entre camarades sur le terrain quand nous partons solidairement renforcer d’un piquet de grève à un autre, d’apprendre à forger une position collective hétérogène et élargie mais déterminée et solidaire. Pour cela, il convient d’en passer par un nécessaire mouvement des occupations. Occupation des lieux de travail pour rompre la normalité de ce qui nous tient en laisse, occupation des théâtres et opéras comme nouvelles Agora d’Assemblées Populaires permanentes et autonomes, occupation des radios et chaînes télés pour se réapproprier les formes de communication et d’information tout en brisant la censure-propagande du pouvoir étatique, occupation permanente de la rue par des fêtes et discussions populaires et permanentes, occupation des noyaux de pouvoir étatiques locaux tels mairie de quartier et hôtels de ville. Toutes les forces positives et complémentaires de ce fantastique mouvement social qui peut enfin trouver les conditions de possibilité de sa durabilité et sa créativité : déjà de nombreuses initiatives se sont réalisées, comme partout des journaux de lutte de rue ou de boîtes en grève ; des piquets volant et des actions mobiles-tournantes ; des premières tentatives de réappropriation de radio comme France Bleu Rennes ; des premières occupations éphémère de mairie comme à Vire ; la diffusion sauvage d’outils alternatifs d’information sur les murs de la ville comme à Lyon (pour Jura Libertaire, Bella Ciao ou Rebellyon) ; et, surtout, une COORDINATION NATIONALE ET AUTONOME pour contourner les mots d’ordre des centrales syndicales officielles, dont la première réunion eut lieu à Tours.

Mais avant toute chose, occuper des lieux (Maison des Syndicats, Maison des Associations, Mairies, etc.) qui deviennent Maison de la Lutte, ou Maison de la Grève, pour des discussions permanentes. Les forces créatives de ce mouvement deviennent ainsi pleinement émancipatrices. Rappelons les éléments du grand mouvement social des instituteurs à Oaxaca au Mexique qui a débouché sur la grande insurrection populaire de tout le Sud-Mexique : occupation permanente d’une place de la ville, occupation et création de plusieurs antennes radios de lutte, réappropriation des chaînes de télé locales et nationales ; grève générale par blocage économique local total ; paralysie des moyens de communication d’Etat et des forces de répression par occupation-réappropriation ; etc.

C’est déjà un nouveau tournant qui s’instaure et se développe dans l’élan d’autonomisation de toutes les luttes locales du grand mouvement social : L’Etat ne recule pas, nous ment et nous réprime, nous censure et nous calomnie ; donc nous n’avons plus rien à en attendre, et même nous devons l’attaquer dans ses rouages administratifs et communicatifs ; les centrales syndicales choisissent le silence et l’attentisme, donc nous n’avons plus rien à en attendre et nous auto-organisons par des Coordinations Nationales Autonomes et des occupations ; la réforme des retraites appelle déjà la réforme de la sécu et le programme d’austérité, donc nous n’avons plus à combattre des réformes partielles mais la logique et le système mêmes qui permettent ces réformes.

signé : guitoto

Annexes :

1°) Le point sur la mobilisation dans les facs :

http://mai68.org/spip/spip.php?article1670

2°) La fondation de la coordination interprofessionelle à Tours :

http://mai68.org/spip/spip.php?article1668

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