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Comaguer - n° 228 semaine 28– 2011 - Violence monétaire - des nazis au franc CFA

vendredi 15 juillet 2011, par anonyme (Date de rédaction antérieure : 15 juillet 2011).

http://comaguer.over-blog.com

Bulletin n° 228 semaine 28– 2011

Violence monétaire : des nazis au franc CFA

Pareil rapprochement a de quoi surprendre car le III° Reich même dans sa plus extrême extension africaine n’a pas pu installer l’empire colonial dont il rêvait et dont la défaite de 1918 avait privé l’Allemagne impériale.

Il s’agit donc d’un lien indirect mis en lumière par l’historien NICOLAS AGBOHOU dans son ouvrage: " Le franc CFA et l’Euro contre l’Afrique " (Editions Solidarité Mondiale 2008).

Pour reprendre le déroulement de l’évènement, il est utile de se reporter également à un autre ouvrage celui de l’Inspecteur général des Finances Pierre Arnoult : " Les finances de la France et l’occupation allemande 1940-1944 " (Presses universitaires de France 1951).

Ce très haut fonctionnaire a eu le privilège d’accéder dés 1944 à certaines archives officielles qui furent ensuite classifiées et il a pu travailler à titre dérogatoire sur les comptes-rendus de la délégation française à la commission d’armistice de Wiesbaden. Cette dérogation s’explique par le fait que les personnages cités ne sont de part et d’autre que des hauts fonctionnaires dans l’exercice de leur activité et ne prennent pas de décisions lesquelles sont prises au niveau supérieur : le politique.

Le ton général du livre de Pierre Arnoult est celui de la défense et illustration du travail des membres français de cette commission d’armistice. Ceux-ci en effet essaient sincèrement ou entretiennent l’illusion de défendre une position " française " dans des négociations entre égaux alors que dés qu’ils demandent au pouvoir politique de les soutenir contre les exigences et l’inflexibilité allemandes, celui-ci systématiquement capitule. Sur ce terrain comme sur les autres, le vainqueur dicte ses conditions et Vichy accepte.

Le livre de Pierre Arnoult présente le très grand intérêt de mettre en lumière la stratégie globale du Reich vis-à-vis de la France : celle du pillage économique et de la mise à disposition de l’économie nazie tant civile que militaire de la plus grande partie des ressources économiques industrielles et agricoles de la France occupée. Cette politique ne s’applique pas en Alsace Lorraine où le Reich, se considérant en terre allemande, passe à la gestion directe.

La première mesure de cette stratégie est monétaire : le vainqueur met en circulation en France occupée une monnaie réservée aux pays occupés le REICHSMARK qui a cours forcé et il fixe le taux de change entre cette nouvelle monnaie et le Franc à 20 francs pour un Reichsmark. Il s’agit en fait d’une brutale dévaluation du franc français qui s’échangeait en 1939 au taux de 10 francs pour un Deutschemark. Résultat : l’occupant peut se procurer à vil prix tout ce qui se vend et l’occupé en tire des recettes dérisoires, c’est l’expression financière de la défaite.

La brève citation qui suit de l’excellent roman d’Ilya Ehrenbourg : " La chute de Paris " illustre l’arrivée du Reichsmark à Paris sitôt après l’armistice.

LA CHUTE DE PARIS

ILYA EHRENBOURG

Ce remarquable " roman historique " se déroule à Paris dans la période qui va du front populaire à la défaite. Il insère des personnages de fiction pris dans divers milieux et classes sociales dans une trame historique rigoureuse où les évènements et les personnages réels : parlementaires, ministres …sont mentionnés

Le contexte de la citation

Nous sommes à la fin du livre, en Juin 1940. L’armée allemande occupe Paris et déjà l’occupant a mis en service une nouvelle monnaie qui a cours forcé et que ses soldats utilisent pour faire leurs achats.

" Ils s’étaient arrêtés devant une boulangerie. André sentit tout à coup qu’il avait faim. Ils entrèrent. C’était une boulangerie élégante qui fournissait les ambassades et les hôtels particuliers du faubourg Saint-Germain. La patronne, une femme dans les cinquante ans, du rouge sur les joues, le buste opulent, disait à une cliente :

  • On prétendait que ce ne sont que des sauvages. Eh bien, ils sont très polis. Et ils payent tout …
  • Ma patronne affirme qu’ils établiront l’ordre, qu’ils apprendront aux ouvriers comment il faut travailler. Et ils feront bien !

André mâchait un petit pain ; la bouche pleine de mie, il dit :

  • Elle parle d’or, votre patronne !

La caissière lui dit à l’oreille :

  • C’est l’économe de madame Mejeu. Comment payerez-vous, en francs ou en marks ?

Et André, goguenard :

  • Je n’ai pas de marks, je n’en ai pas encore gagné. Je ne suis pas monsieur Mejeu, moi….

La caissière n’avait pas compris l’ironie. L’air affairé, elle reprit :

  • On prétend que ces marks sont faux, qu’ils n’ont pas cours en Allemagne. Mais je pense qu’on dit des bêtises. Ce sont des gens convenables et ils ne vont pas payer avec de la fausse monnaie…..

Les fonctionnaires français à la commission d’armistice ne semblent pas avoir compris instantanément la leçon. En témoigne l’introduction du livre de Pierre Arnoult qui suit.

 

 

INTRODUCTION

••

COMMENT LES ALLEMANDS S'Y PRIRENT

POUR METTRE A LEUR MERCI, PENDANT QUATRE ANS,

TOUTES LES RESSOURCES DE LA FRANCE

 

La France de 1940, qui n'avait prévu ni la .défaite, ni l'exode, n'avait nullement imaginé, bien entendu, comment les Allemands commenceraient le pillage de ses finances.

Devant l'avance ennemie, on renouvela d'instinct les gestes de l'histoire : c'est-à-dire qu'on s'efforça d'évacuer le numéraire et tous les signes représentatifs de valeurs. Aux mois de mai et juin, sur toutes les routes de France, circulèrent ainsi par milliards nos francs disponibles: encaisses des comptables publics, dans les modestes sacoches des percepteurs ou dans les camions lourdement chargés des Trésoreries générales, mêlées aux bons du Trésor et aux valeurs d'État; réserves de billets des succursales do la Banque de France en route vers un centre de repli: trésoreries privées du commerce et de l'industrie, cherchant à suivre les personnels évacués. On n'oublia même pas les provisions de timbres fiscaux de l'Enregistrement. Et ce qu'on ne pouvait emporter qui pût représenter une valeur au porteur, on avait I' ordre, dans les administrations financières, de le détruire sur place. On se donna beaucoup de mal pour observer, d'ailleurs très imparfaitement, des consignes de cette espèce aussi rigoureuses que peu réfléchies.

Mais l'Allemand n'en fut nullement incommodé car il avait, lui, ses plans et ses moyens. Il apportait tout simplement sa monnaie avec lui, ce qui lui permettait de ne pas s'intéresser à la nôtre. Il mit donc en circulation sur notre sol, au fur et à mesure de son invasion, le mark de ses " Caisses de crédit. d'État" (Reichskreditkassen) et, déclara qu'il valait 20 fr. Fait du plus fort, contre alors, il n'était d'autre attitude que de s'incliner. Geste simple, mais grave de conséquences, car cette monnaie surévaluée et dont la quantité pouvait être illimitée permettait à l'ennemi d’acheter gratuitement tout ce qui s'offrait à lui. Ce simulacre d'achat n'était qu'un procédé de pillage, et ce fut le premier qu'utilisa l'ennemi en s'installant en France. Mais il avait les apparences trompeuses de la correction: il portait bien le sceau de l'invention allemande.

Après les batailles et l'exode, vint le triste armistice. L'ennemi vivait grassement sur le pays conquis. Ses soldats, largement payés, épuisaient avec leurs marks, dans nos pâtisseries et nos charcuteries, des stocks qui ne se renouvelleraient plus. Ces jeunes Allemands nés au lendemain de 1918, élevés parait-il dans les privations, réparaient gloutonnement les déficiences de nourriture qu''ils avaient pu subir chez eux. Quant. aux Français, ils acceptaient leur monnaie forcée d'autant plus docilement que nos propres billets faisaient défaut. En effet, on les avait évacués très loin, et maintenant il fallait les faire revenir. Or, on manquait de voitures, d'essence, et l'usage des routes n'était pas libre. Parfois, les Chambres de Commerce émirent une monnaie supplétive. Mais c'était un expédient dont il fallait limiter l'emploi. Enfin, peu à peu. la Banque de France parvint à remettre ses réserves à leur place, et ses billets réapparurent. Les marks mis en circulation par les Allemands affluèrent alors dans les. caisses publiques; et l'État, en les centralisant, put savoir le prix que lui avait coûté l'invasion du territoire.

 

* *

 

Cependant, le 22 juin, à Rethondes, l'Allemagne avait imposé à la France une convention d'armistice. Ce texte comportait-il des clauses détaillées et précises, grâce auxquelles l'ennemi allait pouvoir mettre nos finances à sa merci ? Ce n'est pas sans surprise qu'il faut répondre : non. A quelle pensée avaient donc obéi les Allemands ? Car il était impossible qu'ils aient commis un simple oubli. Sans doute faut-il admettre que, sentant la France et ses richesses à leur totale disposition, ils avaient préféré ne pas énumérer leurs exigences, dédaignant ou craignant de paraître les limiter. Aussi bien, pour les Allemands, les engagements écrits sont de peu d'importance : ce qui compte, c'est d'obtenir, le moment venu, la proie devenue nécessaire aux destinées du Reich, et non de posséder l'argument juridique susceptible d'en justifier l'accaparement.

Toujours est-il que la convention d'armistice n'abordait les; relations financières entre la France et l'Allemagne que- du seul point de vue militaire et les réglait en une unique et courte phrase:

 

 

" ART. 18, - Les frais d'entretien des troupes d'occupation allemandes sur le territoire français sont à la charge du gouvernement français. "

 

Sans doute y avait-il déjà matière, dans ce texte bref, en apparence strict et précis, mais en réalité vague et ouvert aux interprétations, à pressurer les finances françaises. On verra que les Allemands n'y faillirent pas.

Mais la convention d'armistice restait complètement muette, à la fois sur les exigences économiques que l'Allemagne allait. bientôt imposer à la France, et sur les moyens financiers destinés à les mettre en œuvre.

Ces exigences et ces moyens, cependant, l'Allemagne y pensait les tenait en réserve au moment même où elle dictait sa convention d'armistice. Ce qui le prouve, c'est que, dès les premiers temps de son occupation, elle n'en fit pas mystère.

Comment donc l'Allemagne entendait-elle parvenir à ses fins? Par des négociations, qui, à vrai dire, ne comporteraient pour elle aucun aléa, décidée qu'elle était d'user finalement de sa force imposer ses vues. Autrement dit, des semblants de négociations, dans lesquelles ses partenaires ne manqueraient pas de succomber parce qu'ils étaient les plus faibles.

 

* * *

Il eût été permis aux Français de ne passe prêter à cette manœuvre. Une convention d'armistice avait été signée. Elle c faisait la loi entre les parties, aucune raison n'existait de s'en écarter ou d'y suppléer. Donc, pas de négociations sur des objets étrangers à cette charte.

Mais les Allemands savaient, par l'expérience de leurs conquêtes précédentes, qu'ils trouveraient en France, comme ailleurs des gens pour négocier, puis pour capituler sur tout ce qu'ils proposeraient. Ils comptaient avec certitude sur l'esprit et la politique de collaboration. Hélas! Ils n'avaient pas tort.

Leur méthode fut insidieuse, à la fois enveloppante et brutale. un seul point, ils pouvaient se référer à la convention d'armistice : c'était la fixation des frais d'entretien de leurs troupes d'occupation. Ils commencèrent donc par tirer du texte de Rethondes une interprétation abusive, exagérément favorable pour eux. Excellente hase de départ pour les discussions futures.

Celles-ci, en effet, ne tardèrent pas à intervenir, et la question des frais d'occupation fut aussitôt liée à plusieurs autres qui lui étaient totalement étrangères.

 

Quant aux matières que la convention d'armistice avait passées sous silence, et que les Français n'avaient aucun intérêt, bien au contraire, à voir traiter (par exemple l'institution d'un clearing ou la prise de participations financières dans nos propres affaires), les Allemands affectèrent, en les évoquant, de les aborder le plus naturellement du monde, tantôt en vainqueurs qu'ils étaient, tantôt au contraire sur un pied d'égalité avec leurs interlocuteurs. .

Aussi bien, quel que fut le moyen employé, les négociations se trouvaient ouvertes. Les Français, qui croyaient à leur bon droit, plaidaient leur cause de leur mieux. Les Allemands, eux, ne songeaient qu'à la conquête de leur objectif. Ils discutaient pour la forme. Bientôt, las de repousser des arguments irréfutables, ils laissaient percer l'ultime menace. Et comme, malgré tout, leurs adversaires continuaient à maintenir leurs thèses, les questions se trouvaient subitement portées sur un plan supérieur, celui de la politique, celui de la collaboration à tout prix. Alors Darlan ou Laval se trouvaient toujours là pour donner à leurs mandataires l'ordre. de capituler.

Ainsi, dans ce jeu très particulier des négociations financières franco-allemandes, qui eut pour cadre principal celui de la commission d'armistice de Wiesbaden, mais qui fut toujours dominé par celui de Vichy ou de Paris, les techniciens eurent leur part de responsabilité, mais ce furent les chefs de gouvernement qui jouèrent les rôles décisifs.

Les techniciens, solidement établis sur leurs positions, défendirent toujours les intérêts de la France, de façon assez inégale il est vrai, mais souvent avec habileté. Quelques-uns, parmi eux, s'apercevant qu'ils étaient dupés et le seraient toujours, préférèrent disparaître. Les autres, qui n'eurent pas les mêmes réflexes, demeurèrent.

Quant aux chefs du gouvernement de Vichy, point n'est besoin d'expliquer longuement leur psychologie: ils désiraient s'entendre avec l'Allemagne, et rien ne leur coûta pour se donner quelque chance d'y parvenir.

Mais, entre ces deux genres de personnages, il y eut les Ministres des Finances. Ceux-là étaient, à la fois, des techniciens et des politiques. En qualité de techniciens (Bouthillier l'était personnellement, et, Cathala était bien obligé, sur le plan financier, de subir l'influence de son administration centrale), ils eurent eux aussi une tendance naturelle à défendre la cause française. Mais, si Darlan ou Laval leur enjoignaient de céder, alors ils s'inclinaient sans discussion.

 

Tel fut le scénario de toutes ces négociations dans lesquelles les allemands entrainèrent les Français pour les exploiter sans merci il rappelle celui que l'écrivain italien Malaparte a traité avec humour dans une de ses nouvelles intitulée Siegfried et le saumon.

Le général allemand qui règne sur un secteur calme de Finlande a décidé de capturer Je dernier saumon que les grenades de ses hommes n'ont pas chassé du fleuve. Botté jusqu'au ventre, casqué d'acier, le pistolet à la ceinture et la ligne à la main, il entre dans l'eau et tend son appât. Sur les berges, veillent ses gardes SS et derrière lui, dans son sillage, se trouvent, armés, ses officiers d'ordonnance. Dans la controverse qui va s'engager, le plus fort et de beaucoup, c'est donc lui. S'il avait voulu, il aurait, lui aussi, lancé une grenade et il aurait eu le saumon. Mais .il préfère discuter avec ce poisson.

 

Celui-ci pour son malheur, ne se dérobe pas au jeu. Il mord à la ligne qu'on lui tend, et le voilà qui fait le métier qu'il sait faire: c'est à dire qu'il manœuvre avec habileté, tantôt s'aidant du courant pour filer rapidement, tantôt s'arc-boutant entre deux rocs pour résister efficacement, tantôt sautant hors de l'eau, profondément. Bref, il entraîne peu à peu son partenaire loin du point de départ, là où il veut le conduire. Durant trois longues heures, la discussion continue. Elle va logiquement donner raison au saumon. Alors le général allemand se tourne vers ses officiers d'ordonnance et leur crie : Erschiesst ihn) (tuez le) Un coup de pistolet sur la croupe luisante qui justement émerge et la lutte est finie, la partie est gagnée.

C’est bien sur un thème semblable que se déroulèrent toutes les négociations financières voulues par l'Allemand tout-puissant avec le français désarmé.

Avec cette variante, cependant, à la vérité très importante, que si le poisson de Finlande jouissait de toute sa liberté d'action, les négociateurs français eurent des maitres toujours prêts à leur signifier l'ordre d'abandonner, avec cette nuance aussi que si le saumon restait vif et subtil, il arriva parfois aux mêmes négociateurs de manquer de clairvoyance et de lucidité

Mais comment interpréter; ce goût extraordinaire de l'Allemand de discuter avec l'adversaire impuissant, qui défend son bon droit et qui est à l'avance condamné. Vain souci de fausse courtoisie, d'apparente correction, de malsaine élégance? Ou peut-être jeu cruel besoin d'étonner et de dominer?

Si l'explication était demandée à un Allemand, il la donnerait peut-être mais, à coup sûr un Français ne la comprendrait pas.

 

* * *

Ainsi, pour se rendre maîtres, et maîtres absolus, des finances de la France, les Allemands ont déployé les efforts les plus méthodiques, les plus tenaces et les plus variés qu'ils ont pu imaginer.

Mais pourquoi cet acharnement ? Était-ce par ambition de réussir totalement dans une partie strictement technique? Non l les Allemands avaient des vues plus lointaines et d'une portée autrement pratique. A quoi donc, en effet, servent les finances ? Mais à acheter tout ce que l'on désire, lorsqu'on peut disposer d'elles, Or, les Allemands voulaient acheter toutes les richesses de la France, Voilà pourquoi ils avaient besoin de posséder entièrement ses finances.

Tel était le dessein de l'ennemi. Il ne s'agit pas d'une hypothèse gratuite. Certes, la suite des événements, de 1940 à 1944, a démontré par elle-même, avec une évidence éclatante, qu'il en était bien ainsi.

Mais les témoignages allemands sont, si possible, plus irrécusables. Il en est un, parmi eux, qui mérite particulièrement d'être cité. C'est celui du Ministre plénipotentiaire Hemmen qui, pendant quatre années, dirigea à Wiesbaden les travaux économiques et financiers de la commission allemande d'armistice.

Voici comment s'exprime, dès le préambule de son dernier rapport, ce personnage qui porte une si grande responsabilité clans le 'pillage de la France et qui est compétent pour en parler (ce rapport est un document secret qu'il rédigea comme une sorte de bref testament à Salzburg, en décembre 1944, dès les premiers temps de sa retraite forcée) :

" Le point de départ de l'activité de la délégation d'armistice pour I’ économie était. du .fait que la poursuite de la guerre contre l’Angleterre, et plus tard contre les États-Unis et les 'Soviets, s'imposait au Reich, la nécessité impérieuse de l’utilisation aussi étendue que possible du potentiel économique de la France pour la victoire finale de l’Allemagne. "

Le style est lourd, mais la pensée est nette. Un peu plus loin, il se félicite des résultats acquis pendant les années successives ·de l'occupation:

"Avec la consolidation du régime d'occupation au cours des années 1941 et 1942, la conversion de la production de.la.capacité industrielle de la France aux besoins civils allemands, ainsi que sa mise au point en 'vue des armements allemands avant tout, fit des progrès .importants. "

" Au cours de l’année 1943 qui suivit, les commandes allemandes à la France montèrent à environ 4 milliards de RM et dépassèrent ainsi celles exécutées pendant les deux années précédentes. "

Pour 1944, la tâche de piller la France devenait tout de même plus difficile, en raison, avoue Hemmen, des événements politiques et militaires qui avaient subitement surgi. Néanmoins, l'acharnement allemand produisit encore de substantiels résultats:

" Il a pourtant été possible, déclare Hemmen, de remplir pendant cette dernière année de l'occupation un programme économique et financier important qui, dans presque toutes les branches, dépassait: encore, souvent très sensiblement, le rendement de l'année précédente. "

Ainsi le pillage de la France a été crescendo de 1940 à 1944.

Or, il n'a pas, dans l'ensemble, été brutal. En effet, les Allemands, à partir du 25 juin 1940, exception faite pour les moyens de transport et le matériel de guerre, n'ont à peu près rien pris sans le payer. Ils ont tout acheté et réglé, mais ce fut toujours aux frais des Français. Telle était la méthode qu'ils avaient décidé d'utiliser dès l'origine de leur occupation, parce que devant donner aux Français l'illusion qu'ils n'étaient ni exploités, ni volés, ceux-ci ne regimberaient pas. La raison secrète du pillage financier de la France a donc été uniquement le pillage économique auquel il fallait aboutir. Le pillage financier n'a été que le moyen, le pillage économique le but. Et ceci explique l'effort extraordinaire, plein de diversité, d'imagination et de perversité, que les Allemands ont déployé pour se procurer aux dépens des Français les fonds nécessaires à leurs insatiables acquisitions.

Le tribut de l'occupation, tout d'abord, leur a laissé de très larges disponibilités, car il dépassait de loin les frais d'entretien réels de leurs troupes stationnées en France. Qu'en ont-ils fait? Ils s'en sont servis pour nourrir les familles de leurs soldats, munir leurs armées de matériel de guerre, de camions, d'avions, construire les grandioses défenses et tout particulièrement le " mur de l'Atlantique" qui devait mettre la France à l'abri de " l'invasion ". Et puis, dit Hemmen, " les avoirs qui restaient sur les frais d'occupation servirent à effectuer sur le marché noir des achats de marchandises qui manquaient pour environ 3 milliards de RM ", Peut-on être plus cynique ?

Mais le soi-disant clearing les a, en outre, abondamment et gratuitement approvisionnés en marchandises françaises de toute espèce. Qu'on en juge, toujours d'après Hemmen: " Sur les dettes allemandes de clearing (qui ne furent évidemment jamais payées) vis-à-vis de tous les pays européens et d'un montant d'environ 20 milliards de RM, 40 % se rapportent à la France seule. Ainsi pendant les quatre années et quelque de l'occupation, la France est devenue le plus important fournisseur de marchandises de l'Allemagne. Ces livraisons bénéficiaient à l'économie alimentaire allemande par de la viande, des céréales, des matières grasses, des fruits, des légumes, du foin, de la paille et du vin (quel mélange !) ; au secteur des armements pour une plus grande part encore par des minerais de fer, des phosphates, du bois, des produits coloniaux aussi au début, puis par de la bauxite, de l'alumine, de l'aluminium, de la mitraille, du cuivre, des peaux et des fourrures, du ciment et une importante série de produits finis, en première ligne, des avions, des moteurs, des camions, du matériel de chemins de fer, des machines, des textiles, des montres, des souliers, et des ustensiles ménagers ainsi que des produits chimiques. "

* * *

Les frais d'occupation, le prétendu clearing, tels ont été les instruments principaux qui ont mis à la disposition des Allemands toutes les ressources de la France qu'ils ont désiré lui ravir.

Mais ils ont employé aux mêmes fins d'autres moyens. C'est ainsi que, non contents d'entretenir leurs troupes à l'aide du tribut journalier payé en espèces, ils ont exigé pour elles le logement et le cantonnement gratuits. Ne pouvant mettre la main sur l'or de la Banque de France, qui avait été transféré à temps loin de la métropole, ils se sont approprié par ruse l'or belge confié en dépôt à notre institut d'émission.

Ils ont réussi, au prix de duperies et de menaces, à prendre, dans maintes affaires françaises, tant en France qu'à l'étranger, des participations gratuites qui leur paraissaient indispensables.

Ils ont organisé, dans nos départements d'Alsace et de Lorraine, une vaste exploitation financière à leur profit. Ils n'ont négligé, ni les amendes, ni les vols au détriment des Français, ni les exonérations fiscales au profit de leurs ressortissants. Ils ont manœuvré pour porter atteinte à la valeur du franc à l'étranger.

Enfin, puisque toute tragédie comporte inévitablement une note gaie, celle-ci, a été fournie, dans cette lamentable histoire financière de l'occupation, par la farce de l'impôt-métal.

Les fonctionnaires français vont s’essayer un temps à faire du juridisme avec l’occupant au sujet des frais d’occupation que la France doit rembourser à l’Allemagne en application de la Convention d’Armistice. Peine perdue ! Hemmen, le ministre plénipotentiaire allemand à la commission d’armistice leur fait savoir, dés le 8 Aout 1940, deux mois seulement après l’armistice, dans une note qu’Arnoult publie (voir ci-dessous) et qualifie de comminatoire, que les arguties juridiques n’ont plus cours et il confirme le taux de change de 20 francs pour un Reichsmark.

Les frais d’occupation étant libellés en Reichsmark c’est une véritable saignée financière de l’occupé qui commence.

 

Hemmen répond à Huntzinger

Sa première note au général Huntziger porte déjà son sceau.

Elle est datée de Wiesbaden, le 8 août 1940 (Del. W.280) et est ainsi rédigée :

" D'ordre de mon gouvernement, j'ai l'honneur de vous communiquer ce qui suit :

" 10 D'après l'article 18 de la convention d'armistice franco-allemande du 22 juin 1940, les frais d'entretien des troupes allemandes d'occupation en territoire français incombent au gouvernement français. Pour l'exécution de cette stipulation, un règlement prochain est nécessaire.

" 2° Eu égard à l'impossibilité d'évaluer actuellement les frais d'une manière précise, il est nécessaire jusqu'à nouvel ordre d'opérer des versements par acomptes d'au moins 20 millions de RM par jour. Ces acomptes pourront être payés, soit en francs français, soit en billets de la Caisse de crédit du Reich, ou en d'autres valeurs à fixer d'un commun accord. La conversion en francs français se fera sur la base du cours de 1 à 20, sous réserve d'une fixation différente ultérieure du taux. Dans les acomptes prévus n'est pas compris le cantonnement des troupes d'occupation en territoire français. Les frais de cantonnement seront remboursés aux logeurs par le gouvernement français en dehors du règlement des payements d'acomptes.

" 30 Le règlement des payements par acomptes vaut à partir du 25 juin 1940. Les versements doivent se faire chaque fois d'avance pour une durée de dix jours: Les versements échus entre-temps sont payables immédiatement. Les versements doivent être effectués à un compte " frais d'occupation" à la Banque de France, à Paris, à la libre disposition du chef de l'administration militaire en France.

" 40 Les bons de réquisition délivrés par les troupes allemandes d'occupation pour les livraisons en nature, à l'exclusion du cantonnement, peuvent également, dans la mesure où ils auront été délivrés après l'entrée en vigueur du règlement de payements par acomptes, être versés par le gouvernement français en payement des frais d'occupation. Par contre, les bons de réquisition délivrés par l'armée allemande d'occupation jusqu'à l'entrée en vigueur du règlement de payements par acomptes doivent être remboursés par le gouvernement français sans imputation sur les frais d'occupation,

Je vous prie, mon général, de m'accuser réception de la présente note, et de me faire connaître les mesures que le gouvernement français a prises pour l'exécution du règlement ci-dessus. "

Note comaguer :

L’acompte de 20 millions de RM soit 400 millions de francs par jour représente 146 milliards de francs par an alors que le revenu national annuel de la France s’élevait avant la guerre à 270 milliards.

Le rappel de ces faits par un haut fonctionnaire français dûment mandaté est doublement utile :

  • d’une part il constitue une réponse à ceux qui aujourd’hui osent prétendre que l’industrie française ne s’est pas mise au service du Reich et de son armée (se reporter à ce sujet au site de l’historienne Annie Lacroix-Riz www.historiographie.org qui apporte, archives à l’appui, un démenti à ceux qui prétendent blanchir les industriels français collaborateurs)
  • d’autre part et c’est la thèse de Nicolas Agbohou il montre que la domination monétaire, outil de la domination économique que le Reich a fait subir à la France occupée, a été reproduite dés 1945 en Afrique dans ses colonies africaines, ignominieuse rétribution de la contribution en hommes et en sang de ces colonies à la libération de la " mère patrie ". Jugeons-en !

La naissance du franc CFA (mot à mot : Colonies françaises d’Afrique)

La guerre à peine achevée, la France coloniale se retrouve dans une situation nouvelle : la métropole ressort très affaiblie économiquement du conflit alors que les colonies, mis à part le tribut en hommes, ont peu souffert et que la plupart de leurs capacités de production (surtout des produits agricoles et miniers) sont intactes. Il faut donc organiser une perfusion massive du Sud vers le Nord. L’utilisation de l’outil monétaire est indispensable : Le franc CFA  est né.

Le projet était antérieur à la guerre et la création d’une " zone franc " s’inspirait de la " zone sterling " créée par l’empire britannique, mais il n’avait pas vu le jour et la monnaie des colonies était le franc français lui-même même si, pendant la guerre, il avait été nécessaire d’avoir recours, ici et là, à des monnaies de remplacement en l’absence de moyens locaux de fabrication de monnaie.

La franc CFA créé en Décembre 1945 est donc une monnaie nouvelle mais une monnaie subsidiaire du Franc, fabriquée par la Banque de France qui ne peut s’échanger que contre des Francs et dans le cadre maintenu du monopole colonial du commerce extérieur - les colonies ont un seul fournisseur et un seul client : la métropole. La métropole exsangue va donc fixer un taux de change du Franc/franc CFA lui permettant d’acquérir à bas prix les produits coloniaux.

Le franc métropolitain disparait des colonies françaises .Il est remplacé par le franc CFA. Le taux de change initial est fixé à 1,70 franc français pour un franc CFA. Le franc français a donc subi une dévaluation de 58% dans les colonies. Comme nous sommes dans une situation coloniale la métropole paie avec des francs dévalués et dépense donc moins qu’auparavant pour ses achats dans les colonies. Celles-ci et plus précisément les trois banques qui sont créées pour gérer la monnaie des colonies : celle de l’Afrique de l’Ouest, celle de l’Afrique centrale et celle des Comores encaissent donc des montants importants de francs CFA ( les francs français majorés de 70%) mais ne peuvent rien en faire puisque les francs CFA inutilisables sur les marchés extérieurs ne peuvent même pas servir aux échanges entre colonies et sont déposés sur un compte du Trésor public donc gérés directement par le gouvernement français, qui ,dans sa grande magnanimité, verse un intérêt pour l’argent des colonies qu’il thésaurise…

La situation est donc inspirée de celle instaurée par les nazis avec le Reichsmark qui avaient créé un monnaie surévaluée par rapport au franc pour pouvoir acheter à bon compte tout ce que la France produisait mais en quelque sorte inversée le franc CFA est surévalué mais ne sert à rien aux colonies et retourne dans les caisses de la métropole.

Le franc français subit une nouvelle dévaluation en 1948 et le franc CFA vaut désormais 2 francs français. Il va garder cette valeur jusqu’en 1958 date de la création par la V° République naissante du Nouveau franc qui vaut 100 anciens francs et mécaniquement le franc CFA vaudra donc lui 0,02 NF.

Ce qu’il est important de saisir c’est que pendant toute cette période la métropole va sous-payer ses achats dans les colonies et disposer dans ses propres caisses des avoirs des 3 banques centrales des colonies

Lorsqu’arrive la période des indépendances octroyées cet assujettissement monétaire est évidemment maintenu et n’y échapperont que les pays d’Afrique du Nord et la Guinée. Le rapport colonial est donc maintenu dans le domaine monétaire et le franc CFA, monnaie non souveraine, subira encore une violente manipulation néocoloniale lorsqu’en 1994 le gouvernement Balladur, Sarkozy étant Ministre du Budget, le dévalue de 50% par rapport au franc français. Du jour au lendemain les prix des biens de consommation importés doublent et comme il ne s’est pas créé un tissu industriel local permettant de satisfaire une partie au moins des besoins – toujours la domination coloniale – les économies de la zone CFA subissent un choc brutal imposé par l’ancienne puissance coloniale.

Qu’après Sékou Touré, Laurent Gbagbo ait formé le projet de quitter la zone franc dit assez qu’il avait bien compris que, sans cette rupture, l’indépendance réelle était impossible. Il a, et avec lui une partie du peuple ivoirien, cher payé cette impertinence monétaire !

La BCEAO (Banque centrale de l’Afrique de l’Ouest) gère la monnaie des Etats de l’UEMOA

La BEAC (Banque des Etats d’Afrique centrale) celle des Etats de la CEMAC

 

 

Pourtant la vraie décolonisation ne pourra venir que  de la conquête de la souveraineté monétaire, c'est-à-dire :

  1. de la suppression du franc CFA et des trois banques qui le gèrent et avec elle
  2. de la suppression du dépôt obligatoire d’un montant fixé aujourd’hui à 50 % des avoirs en CFA de ces 3 banques dans la caisse du gouvernement français ce qui veut dire que les banques "colonisées " assurent à l’occasion les fins de mois du gouvernement français. C’est de l’aide Sud-Nord !
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