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Du printemps arabe à l’automne libyen (René Naba)

dimanche 11 décembre 2011, par anonyme (Date de rédaction antérieure : 11 décembre 2011).

Par René Naba

La première révolution démocratique du XXI me siècle a pris de court la France parce qu’elle était engluée dans un débat surannée, unique parmi les grandes démocraties occidentales, sur le « rôle positif » de la colonisation au point que cette insistance pose la question de la pertinence de cette thématique et des ses objectifs sous jacents ; au point que se pose la question de savoir si la « Patrie des Droits de l’Homme » ne chercherait pas à ériger, en dogme, la doxa officielle française, de crainte qu’il ne soit contesté un jour par la réminiscence de faits hideux, provenant de sa mémoire occultée. Si personne n’a rien vu venir des événements, c’est pour l’évidente raison que les Français se sont aveuglés eux-mêmes, s’intoxiquant de leur propre poison.

A égalité, les Arabes et les Musulmans occupent la première place au hit parade de la phobie des Occidentaux, dont la haine rance n’a d’égale que leur crasse ignorance, quand bien même l’Occident est redevable d’une part de sa liberté et de son indépendance à la contribution des « peuples basanés » aux deux Guerres mondiales, quand bien même l’Occident est redevable d’une part de sa victoire sur l’Union soviétique à l’effort de guerre arabo musulman dans le conflit Afghan, quand bien même l’Occident est redevable d’une part du confinement de l’Iran, son croquemitaine du moment, à ses voisins pétro monarchiques arabes et musulmans.

Personne n’a rien vu venir. Personne. Absolument personne. Ce mot d’ordre, repris en choeur par tous les intellectuels médiatiques, dans toutes les déclinaisons des réseaux hertziens et numériques, a servi de justificatif à la cécité politique occidentale lors du printemps arabe » de l’hiver 2011. Personne n’a rien vu venir, malgré quatorze tentatives d’attentat ourdis contre le président égyptien Hosni Moubarak en 32 ans de pouvoir, malgré les deux mille quatre vingt dix (2090) émeutes dénombrées à travers le Monde, en trois ans (2008-2011), dont plusieurs centaines en Egypte et en Tunisie, premières émeutes de la mondialisation, le terreau contestataire sur lequel germera la révolte des peuples arabes de l’hiver 2011. Comme tétanisée par sa nostalgie de grandeur, la France a consacré l’essentiel de son énergie intellectuelle, en cette période de mutation, non pas tant à une étude discursive de son nouvel environnement international, mais à un combat d’arrière garde contre ses anciens combattants. Personne n’a rien vu venir, parce que personne ne voulait voir. L’Occident ne perçoit pas son environnement. Il le conçoit. A l’aide de présupposés idéologiques, de prismes déformants, héritage de cinq siècles de domination absolue sur le reste de la planète, de son rôle prescripteur et de son monopole du récit médiatique.

Pour preuve, Où est passée la Palestine ??

Le 23 septembre 2011 la Palestine demande son admission à l’ONU. Depuis lors, plus rien… on en a plus entendu parler. Coup sur coup, aussitôt après la démarche palestinienne, il y eut l’attentat – ou plutôt le faux attentats- iranien contre l’ambassadeur saoudien à Washington, le dossier nucléaire iranien, le tribunal spécial sur le Liban, (le tribunal Hariri), le sort de la démocratie en Syrie, une campagne curieusement menée activement par la France et la Turquie, c’est-à-dire les deux pays qui ont comploté en faveur du démembrement de la Syrie, par l’amputation du district syrien d’Alexandrette et son rattachement à la Turquie.

Depuis trois mois l’actualité internationale tourne autour de cette question. Pendant ce temps là, Israël poursuit sa colonisation de Jérusalem, sans la moindre protestation. La Ligue arabe, il est vrai, est occupée à instaurer la démocratie dans le Monde arabe, sans le moindre reproche aux Etats-Unis pour son usage abusif du veto.

la Ligue Arabe se prend pour le Conseil de sécurité de l’ONU. Elle prend des sanctions contre l’un de ses états membres Démocratique pour autant la Ligue arabe ? Non pas franchement. Les huit monarchies arabes, toutes antidémocratiques, abritent toutes des bases américaines, détiennent une minorité de blocage, renforcée par la Libye, nouvelle base occidentale et par les Comores et Djibouti, c’est-à-dire les confettis de l’ancien empire colonial français.

Songez que le sort de la guerre de la paix au Moyen orient, le sort de la Palestine, c’est-à-dire le point de contentieux majeur entre l’Occident et le monde arabo musulman, dépend de Djibouti, une base franco américaine et un producteur de Qat et des Comores, dont l’horizon indépassable est la France.

La Ligue arabe est otage des pétromonarchies pro américaines, renforcées par la Jordanie et le Maroc, les alliés souterrains d’Israël. Avec un tel attelage, le Monde arabe va droit dans le mur en klaxonnant. Cela me rappelle la France de l’an 40, « Nous vaincrons parce que nous sommes les plus forts ». On sait comment se termine ce genre de fanfaronnade. ….Droit dans le mur

Appliquons à la Palestine ce que l’on exige de la Syrie. Une zone tampon, des observateurs étrangers pour sécuriser la population civile, l’interdiction de recourir aux forces armées pour la répression des manifestations. A ce moment, la Ligue arabe sera crédible et cessera de prendre les vessies pour des lanternes.

Voila pourquoi un printemps prometteur (Tunisie, Egypte) s’achève sur un hiver réfrigérant (Libye).


René Naba, animateur du blog : www.renenaba.com

Ancien responsable du monde arabe musulman au service diplomatique de l’Agence France Presse, il est notamment l’auteur des ouvrages suivants :

  • Les révolutions arabes et la malédiction de Camp David »- Bachari Mai 2011
  • Erhal, dégage, La France face aux rebelles arabes »- Golias Septembre 2011
  • Hariri, de père en fils, hommes d’affaires premiers ministres » – Harmattan Février 2011
  • Du Bougnoule au sauvageon, voyage dans l’imaginaire français » – Harmattan 2002
  • « Guerre des ondes, Guerre des religions, la bataille hertzienne dans l’espace euro méditerranéen – Harmattan 1998.
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