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LA GRÈCE, COMMENT PEUT-ELLE SORTIR DE LA CRISE ?

mardi 5 juin 2012

robertbibeau@hotmail.com

LA CRISE GRECQUE

La crise grecque est très complexe, la voici résumée en ses quelques éléments. L’ensemble du monde impérialiste est en cours de réorganisation et l’économie grecque compte pour une fraction de un pour cent dans cette tragédie de Sophocle. On se détend bonne gens, l’effondrement du Parthénon serait tragique du point de vue archéologique mais sans grand dommage pour l’économie mondiale. La mise en scène médiatique entourant la crise grecque ne vise qu’à faire accepter les sacrifices d’austérité demandés au peuple hellène et à faire avaler le renflouement des banques européennes par le peuple allemand.

Depuis l’entrée en scène de la superpuissance industrielle chinoise, une nouvelle division internationale du travail est en cours – les marchés internationaux sont l’objet d’âpres disputes entre quelques grandes alliances impérialistes dont une seule ressortira hégémonique au terme de ces hostilités, les autres devant se résigner à être les deuxièmes de cordée. C’est exactement ce qu’anticipait Georges W. Bush, un homme pas très intelligent mais très obéissant, qui répétait inlassablement : « Je ne laisserai aucune puissance nous ravir l’hégémonie mondiale et le rôle de première puissance internationale », serment qu’Obama renouvela à l’occasion de son dernier discours sur l’État de l’Union devant le Congrès américain.

Qu’à cela ne tienne, l’hydre américaine n’a plus que sa puissance militaire-nucléaire pour maintenir son hégémonie planétaire. Du point de vue économique cet État est devenu une puissance de deuxième ordre qui se prépare tout doucement à dévaluer sa monnaie pour la nième fois. Du point de vue industriel, le lilliputien états-unien n’est plus que l’ombre de ce qu’il était à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Vous souhaitez acheter un ordinateur Made in USA ? Appelez à Taiwan, il vous sera livré directement. Vous désirez le dernier ‘Ipod’ à la mode ? Passez commande chez Apple, en Inde, et il vous sera livré directement de Chine « socialiste », et ainsi de suite. Il n’y a que les sièges sociaux d’Apple, de Google et de Facebook qui se trouvent encore aux États-Unis, ainsi qu’une partie de leurs actionnaires « tondeurs de coupons » qui déposent leurs avoirs dans des banques étrangères. Pas fous les milliardaires états-uniens, la dévaluation du dollar US ce n’est pas leur affaire, de même que la galère grecque ne concerne guère les armateurs athéniens (1).

ÉCONOMIE FICTIVE ET INTANGIBLE

Facebook, la toute dernière bulle boursière américaine, a éclaté avant même que d’être gonflée. Et vous pouvez parier que les boursicoteurs de Morgan Stanley et leurs amis initiés sauveront leurs mises tandis que les milliers de petits porteurs, les investisseurs au « bas de laine » spéculatifs, perdront leur chemise et leurs bas dans l’opération. Les experts des médias sociaux se perdent en conjectures dans une dernière tentative d’accréditer le mythe du capital technologique de risque – de l’industrie des médias sociaux et de l’économie du savoir pour les poires (2). Une entreprise du secteur quaternaire, ne vendant strictement que de la publicité et ne valant quasiment rien d’un point de vue mobilier et immobilier, ne peut s’apprécier de dizaines de milliards de dollars en quelques jours ? Combien de « Hedge Funds » – fonds de pension ouvriers – auront dilapidé les économies de leurs clients dans cette aventure nébuleuse quand se dégonfleront la nébuleuse « Facebook » et toutes les étoiles filantes inscrites à la bourse ? (3)

Pendant ce temps la superpuissance industrielle chinoise construit des navires, des ordinateurs, des automobiles, des éoliennes, des ponts et des voies publiques, des cales sèches, des aéroports, des hôpitaux, des écoles, des vêtements, des ustensiles de cuisine, des appareils ménagers, des réacteurs nucléaires, des porte-avions, des hélicoptères, des satellites et un million de produits à exporter sur tous les marchés. À votre avis quelle puissance impérialiste détient la recette de la richesse et de l’accumulation élargie du capital par la confiscation de la plus-value du travail, la Chine industrielle ou les États-Unis boursicoteurs ? Les circuits économique, industriel, financier et boursier sont aujourd’hui court-circuités par l’arrivée d’un nouveau joueur majeur qui redéfinit les taux de profitabilité des investissements capitalistes. C’est aujourd’hui le niveau d’exploitation des ouvriers chinois qui définit la norme minimale recherchée par les investisseurs capitalistes internationaux.

LA GRÈCE EMBARRASSANTE OU L’EURO ENCOMBRANT ?

Le contexte économique, politique et militaire mondial ayant été esquissé, examinons maintenant notre patient, la Grèce et ses euros encombrants. Analystes et économistes de salon y vont de leurs prédictions : « Faillite imminente de la Grèce », « Ombre sur la Mer Égée », « Rififi à Athènes », « Vivement la drachme ! », « Hors de L’Euro point de salut ! » (4). Ces camelots prétentieux qui ne parviennent jamais à anticiper quoi que ce soit pourraient passer pour des humoristes si ce n’était que le peuple grec souffre de l’autre côté du miroir de ces alouettes « expertes » (5). Oublions ces polichinelles en dentelles et attaquons la question de front. Concrètement nous examinerons les différentes options qui s’offrent aux décideurs.

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Première hypothèse : Dans cette hypothèse nous imaginons que les ouvriers grecs et le peuple grec tout entier se résignent, se soumettent aux restrictions draconiennes, acceptent les réductions de salaires et de services publics, ploient sous le fardeau bancaire mortifère. L’économie grecque est ainsi ramenée aux conditions des années cinquante (1950) ; de peine et de misère le peuple grec rembourse petit à petit la dette des banques grecques aux banques européennes. Dans ces conditions, la Grèce demeure misérable, exsangue, mais subsiste à l’intérieur de la zone Euro, et elle bénéficie du « privilège » d’emprunter de fortes sommes – à taux élevé (6,6 % et davantage) – aux banques européennes pour rembourser les banques européennes. Dans cette hypothèse il est loisible d’imaginer que dans dix ans la dette grecque sera probablement un peu en-dessous de son niveau actuel alors que les métèques grecs auront continué à fuir le pays, s’expatriant partout à travers le monde comme ils le font depuis cent ans. Les Grecs qui seront restés au pays survivront grâce à l’aumône reçue des expatriés acheminant leur salaire dans la patrie saignée à blanc.

Selon cette hypothèse, un second segment du peuple grec survivra grâce à de petits emplois – bonnes, jardiniers, hommes à tout faire, commissionnaires, gardiens de sécurité, commis, manutentionnaires, concierges – au service des touristes venus contempler la nouvelle ruine du peuple grec, ou encore les métèques grecs peineront dans les villas estivales et les haciendas de vacances que les milliardaires et les artistes européens se seront fait construire pour une bouchée de pain face à la mer Égée, la mer Ionienne ou en Crète minoenne. Selon cet exemple, les prolétariats de tous les pays européens auront observé un modèle de soumission à l’austérité des riches, par les riches et pour les riches capitalistes selon le vœu des impérialistes européens.

Seule ombre au tableau capitaliste de cette solution utopique… Que feront les prolétaires, les étudiants, les jeunes chômeurs, la petite bourgeoisie et les commerçants grecs restés au pays ? Seront-ils toujours soumis ? Combien de soldats, de colonels, de tanks et de transports de troupes faudra-t-il pour écraser les sporadiques révoltes de la faim et de la misère du peuple grec en colère ? Quel sera le coût de l’option militaire contre ces forces grégaires ? L’investissement répressif vaudra-t-il son poids en Euros ? Et surtout, la bourgeoisie grecque peut-elle compter sur son armée pour réprimer le peuple grec ? Rien n’est moins certain, sinon les troupes seraient déjà sur les chemins hors des casernes.

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Seconde hypothèse : La Grèce est expulsée ou s’expulse elle-même de la zone Euro, ce qui semble le choix de la bourgeoisie européenne qui promeut le parti Syriza en coulisse (6). Oubliez toutes ces billevesées des pseudos experts qui vous expliqueront que les traités européens ne le permettent pas. Nous vivons sous la dictature de la bourgeoisie qui interprète et réaménage les traités selon ses visées. Il n’y a là qu’un petit problème technique qui, le temps venu, sera vite résolu. Les riches ont implanté l’Union sans demander l’autorisation à quiconque, et là où ils ont fait l’erreur de demander au peuple ses humeurs, ils ont dû relancer la question jusqu’à ce qu’ils obtiennent la réponse attendue, ou alors, ils se sont passés de l’accord des intimés. Voilà la démocratie des marchés.

Afin d’illustrer l’effet économique de cette seconde option, nous allons nous transporter à 15 000 kilomètres du Pirée au pays d’Évita Perron, l’Argentine des gauchos, du tango et de la passionaria. Rien de tel qu’un exemple concret pour comprendre les manigances criminelles des portefaix. Un jour de 1992, le méchant président Menem, le larbin des capitalistes argentins, institua la parité forcée entre le peso argentin et le dollar américain qui devient ainsi la devise officieuse de l’Argentine selon le système du currency board. Dans un tel système de change, la monnaie locale (peso) n’est créée qu’en fonction directe des entrées de dollars US dans le pays. Après quelques années de ce régime de dépendance, l’économie s’effondra : 40 % d’inflation, 25 % de chômage, 57% de pauvreté parmi le peuple éploré, effondrement du marché immobilier, récession catastrophique – entre 5 % et 12 % annuellement (66 % en cinq ans entre 1998 et 2003) –, gel des comptes bancaires, confiscation des épargnes des titulaires sauf ceux des riches déjà transférés en Suisse.

La classe moyenne paupérisée ayant disparu, crise sociale et concerts de casseroles retentirent dans les rues. Cinq présidents de pacotille se succèdent à la barre du bateau ivre. Le pays revient à sa monnaie nationale après ce catastrophique mariage avec le dollar américain. La banque centrale rétablit le cours flottant avec les monnaies étrangères et instigua une dévaluation de 75 pour cent de la monnaie nationale. C’est-à-dire que les petits épargnants, les retraités et les travailleurs encore en emploi ont vu leur pouvoir d’achat s’effondrer des trois quarts, pendant que ceux sans emploi recevaient une ridicule assistance d’urgence (100 peso par foyer, dévaluée mensuellement) (7).

LA BOURGEOISIE NATIONALE TENTE D’EN RÉCHAPPER

Après tant de sacrifices voilà qu’une nouvelle passionaria a été mise en selle par une union nationale de salut public, un caléidoscope politique allant du brun péroniste au rouge-brun pseudo communiste. En octobre 2011, madame Christina Kirchner a été réélue à la présidence de l’Argentine monétarisée et revenue à son peso patriotique garant de toutes les escroqueries. Après cette descente aux enfers, voici que le peso argentin pousse l’économie à un train d’enfer – 8 % de croissance annuelle entre 2003 et 2011 – mais voilà que 2012 marque un coup de frein dans le « miracle » argentin. L’Argentine avait pensé qu’elle pouvait se développer au sein de l’économie impérialiste mondiale mutualisée, qu’elle pouvait envahir les marchés étrangers – l’exportation étant le ferment de la croissance impérialiste décadente – et qu’elle pourrait fermer ses frontières à la concurrence étrangère. Le Brésil, son premier client, vient de lui rappeler par des mesures de rétorsion que ce qui est requis pour elle est aussi requis pour lui (exporter). Sous peu, le prolétariat argentin aura à faire face aux salaires de famine de la Chine qui elle aussi exportera en Argentine. Exit l’éphémère résurrection argentine.

Le scénario du peso argentin risque fort de tracer le chemin de la drachme grecque. Une monnaie n’est jamais que le reflet de la vitalité d’une économie et de ses capacités concurrentielles dans un système économique corrélatif. L’économie impérialiste mondiale est ouverte, inter reliée, interdépendante, concurrentielle, internationalisée et les ouvriers du monde entier sont mis en concurrence les uns contre les autres pour produire le maximum de plus-value au salaire le plus bas qui soit (coût minimum de reproduction de la force de travail). Le travail étant le seul vecteur pouvant produire de la valeur, c’est dire l’importance de la variable salaire dans la localisation des forces productives, des moyens de production, des usines et des industries.

Que la capacité concurrentielle d’exportation de l’économie grecque soit comptabilisée en euros ou en drachmes ne changera rien au fait que dans la division internationale du travail le prolétariat grec endetté, ayant dépensé hier les revenus qu’il n’empochera pas demain, peut difficilement concurrencer le prolétariat chinois ou indien. Comme le développement d’une industrie lourde nationale – production de machines-outils et de moyens de production – à l’abri de barrières tarifaires est interdit en système impérialiste, il n’y a aucun espoir que la Grèce suive sa propre voie de développement économique.

LA CRISE DE L’EURO

Ce que l’on appelle la crise de l’Euro est en fait une crise globale de tout le système impérialiste d’exploitation et d’exportation. Il prend la forme d’une crise monétaire car la monnaie est l’unité de mesure et le véhicule de l’activité économique, des tractations commerciales et des transactions financières.

Présentement, tous les efforts des banquiers, des financiers et des boursicoteurs européens visent à dissocier d’urgence la destinée de l’Euro de celle du dollar américain avant l’effondrement de ce dernier. L’économie grecque surendettée est la première victime de ce combat de titan. Bruxelles et Berlin, les capitales où siège l’État-major exécutif du gouvernement des riches et des puissants européens se doivent de briser la résistance grecque car demain ce sont les espagnols, les portugais, les italiens, les britanniques et les français qui suivront leur exemple de résignation ou de contestation.

Où pourront-ils investir leurs capitaux licites et illicites, ces milliardaires, ces propriétaires des moyens de production et des réseaux de transport, de distribution et de commercialisation ? Planquer son fric sous des pavillons de complaisance et dans des sanctuaires fiscaux internationaux n’est qu’une solution temporaire. Les capitaux ne peuvent fructifier, faire produire de la plus-value et engendrer des profits quand ils sont tapis au fond d’un casier dans une banque aux îles Caïmans. Les capitaux accomplissent leur cycle de reproduction élargie lorsqu’ils sont réinjectés dans le processus de production et de circulation des marchandises et qu’ils trouvent preneur pour réaliser-concrétiser la valeur ajoutée et la profitabilité.

Voilà que dans un petit pays de Méditerranée un peuple très ancien, gloire de l’antiquité occidentale, se rebiffe et refuse de baisser les bras et de voir ses conditions de vie et de travail péricliter et rétrograder de cinquante ans. Du Pirée à Thessalonique, de Rhodes à Corfou, quelques millions d’ouvriers refusent simplement d’être sacrifiés aux ajustements structurels et financiers des économies parasitaires.

Il lui faudra à ce peuple songer à la seule option d’avenir, de paix et de progrès qui reste : sortir du système économique capitaliste décadent, inefficace, gaspilleur et destructeur de richesses pour construire la seule solution qui vaille, un système économique nouveau – socialisé –.


(1) Sortie de devises des banques grecques : http://www.francesoir.fr/actualite/…

(2) Facebook spéculation des experts nouveaux-médias. http://www.lemonde.fr/technologies/…

(3) Facebook la fumisterie : http://www.lemonde.fr/idees/ensembl…

(4) Experts en goguette s’auto-aspergeant à propos de la crise grecque : http://www.lemonde.fr/idees/ensembl…

(5) http://contreinfo.info/article.php3… et
http://contreinfo.info/article.php3… et
http://www.m-pep.org/spip.php?artic… et
http://www.slate.fr/lien/54913/cris…

(6) Syriza. http://www.lapresse.ca/internationa…

(7) http://fr.wikipedia.org/wiki/Crise_…

(8) http://blog.mondediplo.net/2012-05-…

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