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La guerre des mercenaires (Renaud de Jouvenel, 1952)

dimanche 8 juillet 2012 (Date de rédaction antérieure : 8 juillet 2012).

 Avec ce texte écrit, il y a quelque 60 ans, nous revenons aux sources de la guerre froide et de "l' Amérique" ...
 

 y compris suite 69/70

Il ne me semble pas inutile de rappeler que ce texte a été écrit en 1952, en pleine période "stalinienne" (sic), mais aussi et surtout du McCarthysme (1950-1954). Staline est mort en 1953. L' Urss se relevait victorieusement des destructions et des cendres de la 2e guerre mondiale, en remportant de véritables succès. Nous connaissions déjà la guerre froide et même des guerres chaudes (Corée, Indochine). Et la guerre d' Algérie pointait déjà à l'horizon, car sous la pression des peuples, et avec l'aide du camp socialiste, les pays esclaves et pillés entamaient la lutte pour se libérer du colonialisme des puissances capitalistes européennes occidentales (celles qui se disent aujourd'hui  "libres" et "démocratiques") ...

On verra 60 ans après que beaucoup d' analyses contenues dans cet ouvrage se sont révélées exactes, amplifiées même, comme de véritables prédictions... On verra et on comprendra mieux avec quelle facilité, quelle complicité, quelle lâcheté, les dirigeants d' Europe occidentale, et d' autres coins de la planète, se sont progressivement rangés derrière et soumis à la politique dominatrice du capitalisme et de l'impérialisme américains...

Aux U$A : Pour ceux qui se souviennent :

En 1952, déjà (I) : "La guerre des Mercenaires" ... Qu' est-ce qui a changé depuis 60 ans ???


(les parties soulignées en gras le sont par RoRo)

En cette année 1952, et sous ce titre, paraissait déjà cet ouvrage de Renaud DE JOUVENEL: en voici quelques extraits :

I. LE PAYS DE LA BARBARIE   

La barbarie a désormais élu domicile légal aux Etats-Unis. Jamais, en aucun pays, la barbarie n' a été, à ce point, le fondement de la doctrine d' une société et de ses gouvernements en tous leurs actes intérieurs et extérieurs. Jamais,  non plus, le monde n' a été menacé par la destruction totale comme il l' est aujourd' hui, du fait de la barbarie morale, intellectuelle et matérielle du régime social américain.

Nous sommes loin des soldats de Washington libérant leur patrie du joug de l' Empire britannique; d' Abraham Lincoln, Président élu, libérant les Noirs de l 'esclavage; de ces pionniers du syndicalisme fêtant, en 1886, le premier Premier Mai, fête des travailleurs ayant gagné leur première bataille des huit heures; et du temps où les Etats-Unis accueillaient les émigrés de toute l' Europe asservie et en faisaient des hommes libres.

Seule une histoire réaliste des Etats-Unis pourrait nous expliquer, en détail, comment le développement forcené du capitalisme est parvenu si rapidement à y étouffer l' appétit de liberté des hommes, à le canaliser dans la voie unique, à y donner racine à ce mythe de la "liberté d' entreprise", qui sous-entend (page 7) la liberté de réduire en esclavage et de tuer. Mais, il nous faut bien le constater.

L' impérialisme à son dernier stade, le stade de pourrissement et de destruction de l' homme, de démagogie mensongère en tant que moyen d' aveuglement des masses et d'organisation du terrorisme à l' échelle mondiale, a vraiment produit là son plus bel enfant. Fils de l' hitlérisme et de Wall-Street, il a, pour blason, la bombe atomique.; pour morale, celle du plus fort en meurtres et, pour servants, la cohorte des valets et des traîtres dont tout l' honneur est de vendre leur patrie contre un emploi de mercenaire.

On a beaucoup parlé de la civilisation américaine, mais qu'est-ce et où est-elle? La civilisation ne se limite pas à l' usage, par certains, de la baignoire, du téléphone et de l' automobile ! On la mesure, croyons-nous, au niveau de vie général d' une nation ! Alors, regardons un peu ce qu' il en est de la société américaine.

Les 150 millions d' habitants de ce territoire sont soumis à la dictature de quelque 80 trusts tout-puissants, c' est-à-dire à un gang de quelque mille personnes. Le pouvoir réel n'est pas exercé par un gouvernement mais bien, à travers un gouvernement, par un groupe représentant les magnats les plus puissants : le N.A.M. ou Association Nationale des Industriels. C'est celui-ci qui finance les partis politiques, les banques, la radio, le cinéma, la presse, c'est-à-dire toute la vie économique du pays, et qui utilise les maffias de gangsters pour régler certains problèmes aux échelons inférieurs.

Pendant la guerre, ces industriels américains (Du Pont,  Morgan, Rockefeller, Mellon, etc...) ont financé les organisations nazies établies sur le sol américain  (Le procès engagé contre celles-ci par l' administration Roosevelt fût, ensuite étouffé). Ils  avaient aidé Hitler à parvenir au pouvoir et, aujourd'hui, ils aident activement à la renaissance du militarisme allemand.

Ils financent les diverses organisations anti-ouvrière (page 8) qui, sous forme d' agences de police privée, se chargent de la lutte anti-syndicale, des provocations anti-ouvrière, de la surveillance des "agitateurs" et, si nécessaire, de l' assassinat des dirigeants ouvriers fidèles à la classe ouvrière. De là vient aussi le pourrissement des cercles dirigeants du syndicalisme.

Toute la vie économique et politique du pays se trouve entre les mains du grand capital, grâce aux huit grandes banques américaines, de même que l' opinion se trouve contrôlée par les grands trusts de la presse qui sont, à leur tour, maîtres des trois quarts des postes de radio.

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La constitution fédérale des États-Unis a, par ailleurs, pour effet, une fragmentation du pouvoir qui facilite, aux hommes politiques locaux, gouverneurs, sénateurs, juges et policiers (juges et policiers étant élus), l' exercice d' une dictature à l' échelle de chaque États et, en retour, place ses fascistes locaux à la solde des puissances financières locales et nationales.

Le général américain H.C. Holdrige a écrit: "Nous sommes en présence du fait qu'on a créé, aux États-Unis, dans le cadre de notre démocratie constitutionnelle, un État secret, illégal, au sein de l' État légal... Les maîtres financiers du pays contrôlent les chefs de nos forces armées, chefs qui ont trahi le peuple pour devenir des mercenaires à la solde de la dictature financière et de ses collaborateurs... Nos chefs militaires sont aveuglés à tel point qu' ils tourneront les armes contre les citoyens insurgés des Etats-Unis avec autant d' empressement qu' ils le font contre les pays étrangers" (c' est nous qui soulignons) (page 9).

Dewey, Gouverneur de New York et candidat républicain, et Truman lui-même, sont les élus de groupes de gangsters, successeurs de Al Capone. Truman est l' élu d' un gang appelé "la machine Pendergast, du nom de son patron, et il reçut à la Maison Blanche, jusqu' au jour de sa mort brutale, le gangster Binaggio qui avait trempé dans plus de quinze affaires criminelles célèbres. Tout ceci peut étonner les Français mais n' étonne plus depuis longtemps les Américains, qui se sont faits aux moeurs et à l' état social imposé par les trusts et leurs agents d' exécution des gangs.

Le crime étant un moyen de gouvernement, il en découle que le pays est celui de la plus forte criminalité : "un crime majeur toutes les 18 secondes", selon le rapport du Bureau fédéral d' Investigation (F.B.I.) de 1948.

Tout récemment encore, le rapport du Sénateur Kéfauver démontrait la collusion intime établie entre les gangs et les politiciens. Le sénateur écrit: "Ce que j' ai vu et appris m' a effaré... L' Amérique est presque arrivée au point de saturation de la corruption politique qui risque de nous entraîner tous à la ruine. Jusqu' à quel point l' Amérique peut-elle rester corrompue et survivre ?".

Le rapport Kefauver expose que deux gangs principaux : la bande Gusik et la bande Adonis-Lansky-Costello se partagent à peu près les États-Unis. "Entre ces deux groupes et d' autres bandes similaires, le lien est assuré par la "Maffia", vaste organisation internationale... Aux Etats-Unis, la Maffia compterait 800 membres, chargés plus spécialement des basses besognes d' exécution car, bien entendu, les "grands patrons", comme Costello et Gusik, répugnent à ce travail ingrat et dangereux ...". (Henri Pierre, le Monde, 11-5-51). La corruption "s' exerce à tous les échelons, de la municipalité au gouvernement, du simple flic au chef de police" (Idem).

Le Maire de New York, O'Dwyer, a dû admettre (page 10) qu' il avait protégé les entreprises du gang et même que ce dernier l' avait aidé à devenir maire.

"Le milieu américain possédait ses propres tribunaux et toute infraction à ses lois était punie de mort: ceux qui exécutaient la sentence recevaient en récompense,  des "concessions" sur des appareils à sous, des "droits" sur les revenus des maisons closes clandestines ou des intérêts dans d' autres entreprises lucratives et illégales" (Monde, 21-3-51).

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Le fascisme n' est plus une tendance, une menace, mais une réalité sociale de fait.

Devant l' éventualité d' une crise et l' augmentation du chômage (il y avait, aux Etats-Unis, en 1948, huit millions de chômeurs totaux et quatorze millions de chômeurs partiels), l' accentuation du fascisme et la course aux armements sont devenues des nécessités pour le capitalisme impérialiste.

Afin de décapiter la résistance au fascisme, on a intenté un procès institutionnel aux dirigeants du Parti Communiste américain et on les a jetés en prison. On intente d' autres procès, tout aussi illégaux, à des écrivains et à des cinéastes, afin de semer la terreur. La délation devient monnaie courante et l' on dénonce à la police, au patron, au voisin celui que l' on soupçonne d' être communiste ou de fréquenter des communistes, crime tout aussi grave. Le fait d' être soupçonné est suffisant pour vous mener en prison : à vous de faire la preuve que vous êtes innocent. Ce sont des gangsters politiques, compromis dans des scandales, qui dirigent les débats des commissions des activités non américaines, tels ce Parnell Thomas qu' on fût contraint de mettre un moment en prison. Ces commissions sont illégales et, cependant leurs décisions sont considérées comme (page 11) preuve d' enquête et servent à emprisonner tout coupable de non-américanisme, c' est-à-dire de non-obéissance aux lois des trusts. La peur s' installe dans chaque demeure. Le F.B.I. décrète la mise en quarantaine des communistes sortis de prison, tel le grand écrivain Horward Fast. Ainsi la crainte et la suspicion s' instaurent-elles, chacun pouvant redouter qu' une accusation de crypto-communisme vienne l' enlever aux siens. 

A toutes fins utiles, le Bureau Fédéral d' Investigations poursuit sa tâche principale qui est d' établir des fiches de police pour tout citoyen américain et il se vante d' en posséder déjà dix-huit millions.

Le syndicalisme est miné par la police des trusts. La plupart des grands dirigeants syndicaux ont trahi la cause de la classe ouvrière, dont ils avaient toujours cherché à entraver les mouvements, à saboter les revendications et à diviser les efforts en calomniant tout syndicat prenant au sérieux les revendications de ses adhérents. Les communistes sont chassés des organisations syndicales en dépit du fait qu' ils ont été élus par les masses. La loi Mundt-Carrey, votée en octobre 1950, va plus loin encore : elle prescrit l' enregistrement obligatoire des communistes et "autres membres d' organisations subversives" et prévoit la création de camps de concentration pour les y enfermer. Le mot "camp de concentration" est spécifiquement employé. Il est vrai qu' il n' est pas nouveau et que les Anglais ont, les premiers, tenté l' expérience, en Afrique du Sud, au temps de la Guerre des Boërs.  Si les communistes ont refusé de se déclarer, il n' en reste pas moins que l' administration annonce avoir déjà établi une liste de 14.000 noms de personnes suspectes et que les camps de concentration ont été établis et installés (page 12).

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Dans cette belle démocratie, 40 à 50 % de l' électorat ne vote pas : ce n' est pas par indifférence, mais par impossibilité. En effet, le système électoral restrictif interdit le vote non seulement aux noirs pauvres mais aussi aux blancs incapables de payer une "taxe" électorale. Ces restrictions sont pratiquées dans 19 États. Ainsi dans les États où la population noire majoritaire où, de plus, les menaces, le chantage et la persécution raciale se donnent libre cours, la masse de la population n' a pas le droit de vote. Dans le Mississipi, où la population noire est de 50%, les votants ne sont que 15% de la masse électorale et, dans la Caroline du Sud, où les noirs sont 40%, l' électorat n'est que de 10,4 %.

Les assassinats perpétrés par le Ku Klux Klan se comptent par centaines. La plupart restent impunis. Mieux les meurtriers sont protégés. Par contre, il n' est pas de mois où les noirs ne se trouvent impliqués dans quelque procès, monté de toutes pièces pour exciter les blancs au racisme.

On connaît le meurtre légal de l' innocent Mac Ghee, des Sept de Martinsville, le procès des Six Noirs de Trenton et tant d' autres, mais combien de noirs ont ainsi péri depuis la célère affaire de Scottsboro ? Les tenants du mode de vie américain s' élèvent-ils contre ce génocide intérieur? Non, et le sénateur fasciste Bilbo, de l' Etat de Georgie s' en est vanté en disant: "L' égalité n' a été en aucun temps ni en aucun lieu reconnu aux nègres... si ce n' est dans les codes".

Les États-Unis sont d' ailleurs, avec l' Afrique du Sud, le seul pays où les noirs soient parqués dans des quartiers spéciaux, à New York, comme à Chicago et ailleurs, tout comme il existe partout des quartiers de Portoricains, de Chinois, etc... (page 13).                                                                                                                                                                                      

Le racisme américain s' exerce aussi contre les Juifs: dans nombre de villes, on rencontre, dans les quartiers résidentiels, des maisons sur lesquelles on peut lire l' annonce «Non-Gentils s' abstenir». Ce terme de « Gentils », pour biblique qu' il soit, n' en exprime pas moins, en clair, que les Juifs ne sont pas admis à habiter cette maison. Quel autre pays, en dehors de l' Allemagne hitlérienne, a jamais enregistré un antisémitisme aussi officiel ?

Les avocats du mode de vie américain cachent avec soin les conditions de vie réelles du peuple américain. En fait, plus de six millions de familles (soit 21 % de la population) ont un revenu inférieur d' au moins un tiers au minimum  vital reconnu par le Sénat américain. Les conditions de vie de la paysannerie sont parmi les plus atroces. La reconcentration des terres entre les mains de « fermes commerciales» à gros capitaux et l' exploitation éhontée du paysan pauvre ont jeté  une partie importante de la paysannerie dans une misère constante. C' est ainsi que, sur plus de neuf millions de travailleurs agricoles, un million d' entre eux ont un niveau de vie égal à celui des Chinois sous le régime féodal de Tchang Ka'i Chek ; cinquante pour cent des fermes sont considérées, par l' économie américaine, comme autarciques, c' est-à-dire ne fournissant pas, ensemble, 15 % du marché.

On ne saurait s' étonner, en conséquence, que le nombre d' ouvriers agricoles ou de fermiers dépossédés, réduits à l' état de «nomades», qui vont à la recherche de travail des vallées fruitières aux régions à blé, soit de l' ordre de 1.500.000 (familles comprises). Steinbeck a fort bien décrit ces hordes affamées dans Les Raisins de.la Colère et il est regrettable qu' il se soit borné, ensuite, à des récits où la misère n' est plus qu' une toile de fond sur laquelle se meuvent des êtres, à peine humains, qui se complaisent dans leur malheur et leur prétendue inconscience. (page 14)             

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 Quant à l'éducation américaine, il y aurait beaucoup à en écrire. Le chef des G. Men, Edgard Hoover, a publié un livre dans lequel il expose tous les dessous des divers gangstérismes, en particulier ceux de la prostitution, même enfantine, et le célèbre Kinsey a donné, dans son rapport sur Le Comportement sexuel de l' Homme, des renseignements suffisants sur la dégénérescence américaine. Si l' on ajoute à ces sources les renseignements que l' on peut trouver dans tous les romans américains, on en déduira que la perversité est l' apanage des classes dirigeantes américaines et qu' elles s' y complaisent bien plus sûrement que les héros de Steinbeck dans la misère qui leur est imposée. Signe particulier de cette dégénérescence évidente, les États-Unis sont le pays statistiquement le plus riche en fous et en débiles mentaux.


Il est pertinemment connu que les lieux, où la perversité sexuelle se donne le plus librement cours, sont les Universités. Si nous n' y voyons pas un effet uniquement de ce que celles-ci soient dirigées par des militaires (1), nous y constaterons les résultats de l' oppression grandissante d' une société fasciste pourrie sur l' esprit. Il est logique que cet état de choses empire à raison des mesures prises contre les enseignants progressistes, désormais soumis à un contrôle policer dans 34 États.


Cette année, un nombre considérable d' enfants américains ira grossir l' armée des vingt millions d' illettrés qui existe actuellement aux États-Unis ", écrit United States News and World Report (9-9-49) (page 15) et les revues de l' enseignement constatent, chez les élèves, une ignorance de plus en plus grande, une délibilité mentale et une bestialité accrues. Sans doute est-ce parce que l'enseignement en honneur est, lui-même, raciste. Il exalte la supériorité de l' « homme anglo-saxon » — lequel a tout de l'aryen blond — sur les peuples de Russie et  d' Orient (Warren), la haine en tant que sentiment, naturel (Dewey) et l' art  de tuer », comme le dit le pédagogue Fitzpatrick qui parlant de la préparation militaire à l' Université, la qualifie admirativement de « enseignement de l' art de tuer, sans qu' il importe de savoir si vous êtes un savant, un administrateur ou un militaire».


Bien entendu, ce nouveau Rosenbergisme s' accompagne de mesures fascistes contre la littérature, les manuels d' histoire ou de philosophie et des écrivains tels que Mark wain et Howard Fast se trouvent mis à l' index.


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 Si les conditions actuelles de la prise de conscience des masses poussent les dirigeants capitalistes à accentuer l' emprise du fascisme, elles les poussent, parallèlement, au développement de leur impérialisme, qui tend à l' hégémonie mondiale; mais il ne faut pas oublier que cet impérialisme n' est pas chose nouvelle.


Sans en faire l' historique, rappelons que la doctrine Monroe était, déjà, elle-même, une doctrine impérialiste. Aucune autre nécessité que celles propres au capitalisme (ni même la doctrine Monroe de justification de l' intervention sur le continent américain) n' a commandé aux Américains de s' emparer  par la force de territoires appartenant au Mexique, (Texas, Nouveau-Mexique, Colorado) en y massacrant, par milliers, les populations indiennes, aujourd' hui parquées dans des « réserves », camps (page 16) de concentration tenant du jardin zoologique, où la race indienne se meurt.


Les États-Unis ont, successivement et toujours sous couleur d' aide à l' indépendance des nations, occupé et transformé en colonies: Les Philippines,  Porto-Rico, la zone du canal de Panama (après avoir fomenté la création de l' État de Panama, autrefois partie intégrante de la Colombie), Cuba, Haïti, etc...
Partout, ils ont installé des gouvernements à leur solde contre lesquels le peuple s' est dressé et lutte depuis des dizaines d' années.


Quand les capitalistes nord-américains se trouvent en difficultés au Nicaragua, au Vénézuela ou ailleurs, ils suscitent une révolution qui amène au pouvoir des hommes à eux, empressés à conclure des traités de commerce profitables aux États-Unis que viennent, ensuite, compléter des traités d' asservissement plus complets. Et, quand ils se trouvent évincés, comme au Mexique, où ils ne purent empêcher la nationalisation du pétrole, ils dépensent ce qu' il faut pour rétablir la situation quelques années plus tard.


La doctrine des États-Unis est donc essentiellement impérialiste et nous savons que cet impérialisme ne reculerait devant aucun crime, si nous lui laissions les moyens de poursuivre ses buts.


A l' heure où les cercles dirigeants de ce pays préparent une guerre d' agression qui serait, sans nul doute, la plus dévastatrice que le monde ait connue, il nous semble que le problème de la responsabilité collective du peuple américain devant les autres peuples risque de se poser, comme ce fût le cas pour l' Allemagne de Hitler, organisatrice d' une guerre monstrueuse.

(1) Le Général Eisenhower, aujourd' hui candidat à la Présidence du pays est Président de l' Université de Columbia.


C' est à ce titre qu' il  écrivait au professeur Coleman: "Si je découvre que le titulaire d' une chaire tente de faire pénétrer dans notre Université une philosophie contraire à notre système américain de gouvernement, la révocation sera prononcée". Rien d' étonnant à ce qu' il ait ensuite déclaré aux élèves : "Vous êtes tous, pour moi, des soldats". 
(page 17)

II  L' EMPIRE  MONDIAL ET SES CHEVALIERS ATOMIQUES

Quand le Président Truman déclarait, en 1948, à Waco (Texas) : « Nous sommes les géants du monde. Nous pouvons imposer la paix ou la guerre économique», il énonçait un des principes de la doctrine de suprématie mondiale de Wall Street.


"Dieu a choisi le peuple américain pour conduire finalement le monde à sa régénération», profère le Sénateur Beveridge.
Depuis lors, cette doctrine a été mise en pratique et son application poursuivie sans relâche et sans considérations d' aucune sorte: ni pour le droit des peuples à disposer d' eux-mêmes, ni pour l' indépendance des nations, ni pour la vie des êtres humains.


A ce nouveau «Gott mit uns", il fallait un théoricien : ce fût M. James Burnham qui se chargea de préciser la fin et les moyens de cette volonté d' hégémonie: J' entends par Empire Mondial, écrit-il, un «état... dont le pouvoir politique dominera le monde, pouvoir imposé en partie par la coercition.".  On n' est pas plus clair: la force sera employée. Le terme de Empire Mondial" pouvant sonner mal aux oreilles de certains, M.  Burnham explique que l' on se servira de termes "plus acceptables", tels que, nommément,  «Fédération Mondiale...» ou même « Nations Unies».  A-t-on besoin de plus d' éclaircissements? (page 18).    

                                     
« Nous avons le droit de prendre la direction de l' organisation du monde ", déclare Truman à Chicago, le 6 avril 1946. Rapprochez les cris de cet ex-marchand de bretelles de ceux du peintre raté Hitler:  il n' y a pas de différence.


Toute cette excitation est motivée par la peur. C' est la perspective de la crise qui terrifie les pontifes de Wall  Street. Ils savent que l'économie capitaliste américaine est vouée à l' échec, si la paix persiste et que les peuples puissent juger librement des modes de société en présence; que leur exploitation tragiquement égoïste des ressources nationales aboutirait à la plus grande crise économique intérieure des États-Unis et que leur régime ne résisterait pas à la pression de 25 ou 30 millions de chômeurs et d'affamés.


«  La production américaine a été portée par la guerre à un tel niveau que les États-Unis s'aperçoivent qu' ils  dépendent, désormais, du monde extérieur pour un complément de ravitaillement...    Cela implique un système mondial qui permette d'acheter ces produits. Liberté des mers, des airs et des échanges constituent dès à présent  une nécessité américaine, une nécessité de défense nationale, la défense étant liée à la suprématie ", écrivait   Bertrand de la Salle (Monde, 26-4-47), lequel ajoutait:  «Le climat psychologique américain est favorable à une entreprise de restauration du capitalisme en tant que régime économique mondial"  et il expliquait déjà les dessous du Plan Marshall quand il écrivait:


«Au temps de l'isolationnisme, c'était le capital américain qui se chargeait de l' expansion. Aujourd' hui, il a été compris qu' on ne peut pas dissocier l' argent et la politique, que les crédits, les investissements extérieurs ne sont pas du domaine des affaires privées. "
«Rien n' est tant redouté aux États-Unis que le retour de ce véritable fléau (la crise), dont ils ont connu les effets après 1929 et dont ils ont été si longs à se remettre. La crise, c' est le chômage, des troubles sociaux, l' abaissement  du standard de vie... (page 19) et le spectre du communisme s' installant  à la faveur du marasme au foyer de l' Oncle Sam », écrivait de son côté Chrysale (La Semaine dans le Monde, 18-10-47) sous le titre  Les États-Unis ont besoin du Plan Marshall. Aussi, Henri Claude était-il fondé à déduire (Action,  6-6-47) que ce prêt-bail de l'après-guerre n' était, « en réalité, que le dernier recours d' une classe décadente pour exploiter économiquement et asservir politiquement d' autres peuples en surexploitant le peuple de son propre pays ".


Summer Welles de traduire que le peuple américain devait donc adopter une politique intérieure permettant d' éviter la dépression sur laquelle le Kremlin a misé " (Figaro, 25-1-48), le gouvernement soviétique dirigeant, comme chacun sait, l' économie américaine !


Truman disait, de son côté, qu'il fallait "construire un puissant rempart contre la déflation et la crise" (janvier '49).
«Tout plutôt que la crise» devient le réflexe essentiel des classes dirigeantes américaines, tout plutôt que cette crise dont elles voudraient faire croire à leur peuple qu' elle serait fomentée par le Kremlin, l'U.R.S.S. et chaque communiste, en particulier. 

       

Madame Claire Luce, éditeur et fasciste notoire, pousse ce cri dans Life : « Les États-Unis ont traversé deux grandes guerres, mais les souvenirs qu' elles lui ont laissés sont beaucoup moins amers que ceux de la crise de 1930" et la revue United States News and World Report (31-12-48) conclut:
« ... Si vraiment la paix était assurée, tout serait détraqué. A l' heure actuelle, les dépenses d' armement et l' aide aux autres pays soutiennent les affaires. »
C' est donc bien la paix elle-même qui est l' ennemie. « Il y a eu, l'autre jour, à la Bourse, une des pires dégringolades qu' elle ait connue depuis pas mal de temps... La paix ou une perspective immédiate de paix est apparue comme une chose si épouvantable que, dans la crainte qu' elle arrive, on a vu (page 20) se produire des ventes massives  », écrit le Kansas City Star (mai 1951) qui forme aussitôt l'espoir que  «si les choses tournaient au pire et qu' il y ait la paix en Corée, nous puissions du moins trouver cette consolation que la guerre menace quelque part ailleurs ».  

               
Ils placent donc clairement leurs espoirs dans la guerre n'importe où, n'importe comment pourvu que cela rapporte.


Le fait est que si la guerre de Corée coûte tous les jours des milliers de vies américaines, anglaises et, surtout coréennes et que si la guerre d'Indochine coûte à.la France des morts et, de plus, un milliard de francs quotidien, ces « entreprises» rapportent gros aux trusts de tous les pays.


Les grosses sociétés françaises ont augmenté leurs bénéfices de 30 % en moyenne. 730 trusts américains sont passés, en un an, de 5.990 millions de dollars de bénéfices à. 7.960. Les sociétés britanniques font 15,5 % de bénéfices de plus que l'an dernier. Les grosses sociétés italiennes (Fiat, Montecatini, Edison, Snia Viscosa) en font plus de 50 %.
Il y a pourtant d' autres issues au dilemme: crise ou guerre. Chacun sait qu'il ne se pose pas en Union Soviétique, par exemple. Pourtant, ce pays est le plus riche du monde. Or, le problème « exporter ou mourir », dominer ou dépérir»  lui est inconnu..    Pourquoi donc ne craint-il rien de ce qui épouvante les Américains ou sert d'épouvantail à leurs dirigeants.    
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                    

Parce que l'Union Soviétique utilise ses richesses et celles que créent, chaque jour, les progrès de son industrialisation, ainsi que les découvertes de la science la plus avancée du monde, à. améliorer   les conditions de vie de ses peuples, à transformer les déserts en oasis productifs, à détourner le cours des fleuves pour irriguer des territoires plus vastes que la France, à mécaniser son agriculture, à former des races nouvelles de fruits et de céréales, à construire des logements par centaines de mille et des bibliothèques et des Universités, à transformer la vie à la (page 21) campagne grâce aux agro-villes, etc... L'amélioration constante du niveau de vie matériel et culturel des citoyens est la solution de tous problèmes économiques. Il ne saurait y avoir de crises là où l'enrichissement du pays signifie l'enrichissement de chacun ; là où n'existe plus l'enrichissement de quelques-uns par l'appauvrissement du plus grand nombre ; là où le niveau culturel de l'individu est tel que le travail, la culture ou la science lui apparaissent, d'abord, comme des moyens d'amélioration de la condition de tous; là où l'émulation créatrice a remplacé la rivalité destructrice et où l'homme trouve son bonheur personnel à produire pour le bonheur de tous.


C'est, précisément, à une telle émulation pacifique que l'Union Soviétique, par la voix de ses dirigeants, a, maintes fois, convié les Etats-Unis et les puissances impérialistes, en général.


Car, enfin, les Etats-Unis ont, non seulement des millions de chômeurs en permanence, mais aussi des déserts. La culture extensive de régions considérables y appauvrit le sol à un rythme inquiétant.


Ailleurs,  les sables gagnent sur les cultures  et chassent les hommes.  Ailleurs encore, les crues des grands fleuves dévastent de vastes territoires, etc...
C'est donc un fait que, dans un monde épuisé par deux guerres mondiales rapprochées, la co-existence pacifique des nations est, non seulement une possibilité théorique, mais encore une possibilité pratique et qu'une émulation pacifique entre les peuples permettrait aux États-Unis de trouver et d'appliquer des solutions aux milliers de problèmes économiques intérieurs qui se posent à eux: C'est un fait que tous les éléments économiques de la co-existence et de l'émulation pacifiques en recommanderaient la réalisation dans le monde entier.


Il suffit de réfléchir un peu à l'économie des nations du globe pour se rendre compte que, à l'heure actuelle, la co-existence pacifique de systèmes politiques opposés permettrait — et permettrait seule —  la mise en valeur des richesses du (page 22) globe et l' amélioration rapide des conditions de vie de tous les peuples, grâce au libre commerce entre les nations.

A vouloir  conserver, entre leurs mains, le contrôle des ressources mondiales et à vouloir les utiliser à la préparation à la guerre, les impérialistes en sont arrivés, d'une part, à organiser l'appauvrissement des peuples et, d'autre part, à réduire leur propre système capitaliste à un système de vases communicants sans fin : les États-Unis, impérialisme prépondérant, reversant aux nations exploitées, dépendantes ou asservies, des sommes de plus en plus monstrueuses à mesure qu'ils les appauvrissent davantage.


Ces crédits énormes vont, il est vrai, à la préparation à la guerre. Il n'en demeure pas moins que les dirigeants américains drainent ainsi la richesse de leur pays tout en épuisant, peu à peu, la capacité de résistance de leur propre capitalisme. Tant il est vrai que, à tout, il y a un point de saturation, un point de rupture de l'équilibre économique et financier.


Le libre commerce entre les nations est donc une solution logique et réalisable — la seule —   aux problèmes de tous les pays et, au premier chef, des Etats-Unis.
L'Union Soviétique a, ici encore, fait maintes propositions.  Elle-même prit l'initiative de convoquer, à Moscou, en 1952, une Conférence économique destinée à étudier ces problèmes.

                                             *       *      *     *     *     
Les théoriciens de l'Empire Mondial ayant parlé et les dirigeants donné leur accord, la campagne belliciste s'amplifie, devient générale, dégénère en imprécations et en menaces. Les chiens sont lâchés.


« Les frontières des États-Unis passent, maintenant, par les régions polaires», déclarait, en précurseur (page 23), le Général Curtis Lemay, commandant des Services de Recherches de l'Armée de l'Air, en décembre 1946. Le sénateur républicain Taft dit, en juillet 1951:

« Je ne propose pas une doctrine d'agression, mais j'exprime simplement le point de vue réaliste que la tendance à la guerre est fatale, comme est fatale la tendance de l'homme à la maladie ", énonce Charles E. Wilson, dès janvier 1944, ce qui montre bien que la théorie de la fatalité de la guerre est un des principes les plus anciens que les bellicistes aient cherché à implanter.


Si les autres nations n'acceptent  pas de se laisser mettre au pas et conduire comme des moutons à l'abattoir, « les États-Unis, refusant de se laisser handicaper par les hésitants, doivent agir seuls, si c'est nécessaire, et faire tout ce que leur impose leur  volonté de survivre », affirme le Washington Post.


Foin des traités et des embarras des organisations internationales, foin de la Charte de l'Atlantique et foin des Nations Unies, propose le New York Herald Tribune (29-11-50) : «Les Etats-Unis peuvent être contraints d'agir suivant les nécessités militaires; sans instructions explicites de l'Organisation Internationale. »


Les États-Unis vont donc jusqu'à craindre que cette pauvre O.N.U., jusqu'ici le plus souvent docile à leur voeux, ne soit un jour effrayée par leur soif de guerre et ne se rebelle et ils nous avertissent que même l'unanimité des nations ne les arrêtera pas sur le chemin de la guerre, ne les empêchera pas de détruire et de tuer, car c'est de cette liberté-là qu'il s'agit, comme le précise le New York Herald  Tribune avançant qu'il faut .entreprendre des bombardements « de la nature qui sera nécessaire, partout où existeront des objectifs militaires...   le seul critère doit être d'ordre militaire. » (page 24)

Ces menaces ne sont-elles le fait que de quelques gouvernants isolés, atteints de Forrestalite ? Non, car l' hystérie guerrière n' est pas le monopole de quelques Truman, de quelques Acheson ou de criminels de guerre patentés tels que Marc Arthur, mais le mode d' expression politique usuel de la majorité des députés et des sénateurs. C' est une véritable meute de loups hurlant à la mort.

«Il faut imposer la guerre pour imposer notre paix», déclare en substance le Ministre de la Marine Matthews (25-8-50).

Quant au recteur de l' Université de Tampa, il demande que chacun apprenne «la science de tuer» et que l' on n' ait pas de pitié pour «les hôpitaux, les églises, les établissements scolaires ou pour tel ou tel groupe de population».

Nous voici parvenus à la guerre totale.

Charles Wilson, directeur de l' Office américain de Mobilisation, vante l' aviation stratégique américaine qui, dit-il, «pourrait transformer en un amas de ruines de grandes villes en quelque lieu du monde que ce soit» (23-6-51).

Ne voulant pas être en reste, le sénateur Mc-Mahon  va jusqu' à prétendre que l' existence même d' une armée, en Union Soviétique, «constituerait ... une invitation à la destruction atomique». (1-6-51).

Mais l' U.R.S.S. n' est pas seulement menacée, on s' empresse de nous en avertir: «Nous détruirons tous les ponts, nous inonderons toutes les houillères, nous raserons toutes les cheminées d' usine en France et en Belgique», annonce triomphalement le député Poage, du Texas.

Leur ambition à tous est la guerre. «Nous devons être prêts et annoncer clairement notre détermination de payer n' importe quel prix, même celui d' une guerre, pour obliger les différents pays à coopérer à la paix», s' écrie Mattheews, Ministre de la Marine (août 1950) et il envisage, sans remords, la destruction des populations civiles. C' est même le but qu' il faut atteindre, dit avec précision le Docteur R.F. Bacher, professeur de physique : «La bombe (page 25) atomique...  pourrait  vraisemblablement être lancée de telle sorte qu'on évite de bombarder des régions inhabitées.»  Voilà un homme qui tient à épargner les déserts, mais surtout pas les régions à grande densité de population.
Le docteur Urey, Prix Nobel de Chimie, déclare, en janvier 1951, que les Etats-Unis devraient avertir la Russie qu'ils lâcheraient des bombes sur Moscou, « la première fois que l'Armée Rouge ferait un faux mouvement en Europe» (A.F.P .), mais qui serait juge de ce « faux mouvement»?  Les États-Unis et eux seuls puisque nous avons vu que même les Nations Unies ne sauraient les arrêter sur la voie de la démence.


« Dans mon esprit, l'emploi de la bombe atomique devrait être déterminé par les facteurs suivants:
est-ce que cela me sera utile ou non? » déclare paisiblement le Général Eisenhower, et c'est là une directive militaire autorisée puisqu'il est Commandant suprême des Forces atlantiques.


Les prophètes de la guerre préventive sont, d'ailleurs, nombreux, tels le Comité Exécutif de l'American Legion, réclamant l'emploi de la bombe atomique contre l'U.R.S.S « par mesure de représailles contre toute agression future» (1).


« Tuez-les tous puisqu'ils nous gênent» disent-ils en choeur. C'était déjà la morale du Général Van Fleet, en Grèce, quand il donnait l'ordre de supprimer les prisonniers et c'était celle de Mac Arthur, en Corée, avec son célèbre « Quel plaisir pour mes vieux yeux» devant des cadavres.
Ils ne répondent à toute proposition de désarmement ou d'interdiction de l'arme atomique que par de nouveaux programmes de fabrication d'armes destructives: « Nous sommes franchement engagés dans la fabrication d'armes atomiques plus que dans n'importe quoi d'autre», déclare Gordon Dean, Président de la Commission de l'Energie atomique  (page 26) (14-10-51) et H.M. Jackson, membre de la Commission, affirme que « nos alliés peuvent maintenant être sûrs d'arrêter l'Armée Rouge grâce à l'arme atomique tactique. "


Ils n'ambitionnent jamais que d'employer des armes de plus en plus destructives, telle cette bombe à hydrogène, dont se préoccupait, dès janvier 1949, Carl Vinson, Président de la Commission des ser vices Armés de la Chambre américaine, B. Baruch, ancien Président de la Commission Atomique et le docteur Harold Urey, ancien directeur du laboratoire atomique d' Oakridge. Aucune étendue de dévastation ne les effraie. Pourtant, le docteur Pauling, chimiste de l'Institut de technologie de Californie, affirme que l'emploi de cet engin démoniaque amènerait « la mort, la dévastation et la destruction totale de la civilisation" et que 40 de ces bombes suffiraient à tuer un milliard d'hommes.    
                                            

                                     *      *        *        *      *     

La propagande belliciste qui s'efforce de peindre l'Union Soviétique comme «un danger pour la paix»  cherche, en même temps, à inculquer la peur de l'U.R.S.S. Elle espère, ainsi, obtenir de ses valets une soumission plus complète encore. C'est ainsi que, il y a près de deux ans, le sénateur Mundt, l'un des auteurs de la loi sur l'inscription obligatoire des communistes (cette nouvelle manière d'étoile jaune) affirmait que l'Union Soviétique possédait un stock de bombes atomiques suffisant pour « abattre les Etats-Unis en 90 secondes» (21-1:-50).


« En 1954, les Russes pourront lâcher 150 bombes A sur les Etats-Unis
», écrivent Steward Alsop, journaliste aux gages et Ralph Lapp, savant atomiste, dans le Saturday Evening Post, hebdomadaire à très grand tirage. Ils précisent, pour exciter la fureur du lecteur contre un ennemi aussi cruel,  (page 27) que 75 bombes sur trente villes américaines feraient douze millions de victimes, dont six de morts. Le Général Vandenberg va jusqu'à pousser ce cri provocateur: L'U.R.S.S. fait peser sur les États-Unis une menace aérienne immédiate » (Monde, 3-1-52).


Un jour, ce sont les sous-marins soviétiques qui sont plus nombreux et mieux armés que ceux des Américains, un autre, les chasseurs Mig. Un des chefs de l'armée, le Général Vandenberg, et M. Finletter, Secrétaire à l'Air, ne craignent pas d'annoncer, le 28 mai 1951, que les forces russes sont supérieures en nombre à celles des Etats-Unis. Millard Caldevell déclare que les Russes possèdent une bombe atomique beaucoup plus puissante que celles de Hiroshima et de Nagasaki et ajoute: «Nous ne pourrons arrêter que moins de 30 % des avions soviétiques en cas d'attaque
».  Il parle en tant que chef de la défense passive et l'on fait aussitôt prendre des mesures de précaution. Un rapport du département d'Etat enjoint aux gouverneurs d'Etats «de préparer des plans de défense civile contre les suites d'une attaque atomique» (Associated Press, 10-1-51). Du coup, la défense passive new-yorkaise déclare que, en cas d'attaque atomique, toutes les personnes dont la présence ne serait pas considérée comme essentielle seraient évacuées (24-1-51).


On va jusqu'à creuser des grottes souterraines dans les montagnes du Nouveau Mexique, qui «serviront  de super-défenses en cas d'une troisième guerre mondiale» (Denver Post, 25-8-47), et un laboratoire souterrain  «qui permettrait la livraison automatique des bombes à la surface
». A quelle fantasmagorie mène cette hystérie ?
Et, cependant que le Secrétaire d' Etat Acheson ose parler de l'Union Soviétique,puissance agressivement  impérialiste de notre temps"  (A.F.P . 22-10-49), le Sénateur Rankin demande l'expulsion, du grand savant Einstein, coupable de s' être élevé contre l' emploi de la bombe atomique.  (page 28) L'objectif est on ne peut plus clairement désigné (1). «
Nous pouvons faire disparaître 75 millions de Russes en vingt-quatre heures
». Les Russes le savent bien et c'est pourquoi ils ne songent pas à la guerre », s' exclame un forcené que même la constatation du désir de paix de l' U.R.S.S. rend féroce.


" Je ne me fais pas de soucis pour eux, mais pour nous. Si nous devons les tuer, faisons-le dès à présent et n'attendons pas trois ans."
Quel est cet homme, particulièrement assoiffé de sang?
C'est le docteur Robert H. Montgomery, professeur à l'Université du Texas. On imagine l'esprit pacifique que peuvent avoir ses élèves.


Et ce n'est pas d'une guerre entreprise par l'Union Soviétique qu'ils ont peur. Ils savent pertinemment que l'U.R.S.S. est pacifique. « Le danger de voir  l'Union Soviétique conquérir de nouveaux territoires est moindre que celui de la voir prendre possession de l' esprit des populations et même de celles qui se trouvent en dehors de l'orbite communiste à l' aide de concepts comme celui de la Paix» (2), dit explicitement M. Jessup, le 26 juillet 1951.


                                                                *     *     *     *     *

Donc, ils veulent la guerre. Nous avons vu qu'ils ne reculeraient devant rien pour y parvenir, même pas devant une opposition, bien aléatoire, des Nations Unies. Que le Pacte de l'Atlantique soit un instrument de guerre, ils l'affirment eux-mêmes. Le Sénateur Pearson, Ministre des Affaires Étrangères du Canada, a dit que c'était «le point de départ
».                                                              

Le Général français Chassin se joint à ce concert et envisage, dans la Revue Indochine, des bombardements atomiques sur l'Asie Orientale, « capables de faire, au bas mot, trente millions de morts », Ce criminel vise ainsi la Mandchourie et la Sibérie et conseille d'utiliser, dans ce but, « la plateforme aérienne extrêmement bien placée» qu'est l'Indochine.

 (2) C'est nous qui soulignons. (page 29) d'où nous lancerons une nouvelle attaque» et son collègue Clarence Cannon, des Etats-Unis, précise: «Nous devons frapper Moscou et toutes les villes de Russie dans la semaine qui suivra le début du conflit, grâce à des appareils ayant leurs bases sur le continent.
Grâce à la signature du Pacte Atlantique, nous avons ces bases» (avril 49).

Pour faire cette guerre, il semble qu'ils comptent beaucoup sur les autres nations. Ont-ils une confiance limitée dans leurs propres soldats ou, craignant les réactions des mères américaines, tiennent-ils à se prémunir contre les effets de trop grandes hécatombes? Toujours est-il qu'ils comptent, essentiellement,
sur des armées de mercenaires.
«Tout ce qu'il nous faut, ce sont des avions pour transporter les bombes, équiper les soldats des autres nations et les laisser envoyer leurs garçons se faire tuer afin que nous n' ayions pas à envoyer les nôtres », a déclaré le sénateur Cannon, d'accord en cela avec le sénateur Taft, qui ne craint pas de dire «
qu'il est moins cher de faire la guerre avec les soldats des autres nations, même si les Américains doivent les équiper, qu'avec les siens », et avec le Général Eisenhower, envoyé en Europe pour organiser les armées de mercenaires. Ce dernier dit, en effet: «Si les Etats-Unis peuvent fournir le fusil et trouver quelqu'un d'autre pour le porter, alors je suis profondément satisfait») (5-2-51).

M. Ramadier en tire les mêmes conclusions que nous quand il déclare (3-3-49) : «
L'adhésion au Pacte Atlantique... peut nous amener à jouer le rôle de piétaille », mais cela ne l'empêche nullement d'être l'un des organisateurs de cette piétaille. Il est vrai qu'il n'a pas l'intention de se faire tuer lui-même.
 
                                                                 *     *     *     *     *
Eh bien ! Si violentes que soient ces déclarations, si virulentes que soient ces imprécations et ces (page 30) menaces, il faut constater qu'une telle frénésie témoigne, avant tout, d'une très grande peur.

Il semble que, vers l'an 1000, la population de la Gaulle ait été terrorisée par l'idée de la fin du monde. Il  y a quelques années, la population américaine fût prise de panique, un reporter radiophonique, en mal de sensationnel, ayant commencé une émission, soi-disant réaliste, en annonçant une attaque de bombardiers ennemis au-dessus du territoire des Etats-Unis.

La grande peur des dirigeants américains est toute semblable.. Si l'on en juge par la croissance continue du mouvement de la paix, on peut penser qu'ils se font plus peur à eux-mêmes qu'aux peuples.

Il ne faut cependant pas se leurrer. Ces débordements ne sont pas que des cris. Ils visent à justifier, par la démagogie, la guerre que Wall-Street et ses alliés préparent, à affoler les peuples et à habituer les esprits à la fatalité de la guerre. Mais, aujourd'hui, la panique n'est pas chez les peuples. Le front commun des hommes et des femmes épris de paix s'est constitué et des forces nouvelles viennent, chaque jour, s'y joindre, accroître sa confiance et rapprocher sa victoire. Cette union ne peut plus être disloquée. La preuve en est faite par l'échec des fauteurs de guerre, si souvent qu'ils s'emploient à la terreur. La paix n'est plus un rêve. Elle est devenue l'expression vivante de la volonté des peuples en marche et unis.

Il n'est plus de menaces ni de provocations qui puissent l'empêcher d'être imposée, si nous sommes assez vigilants et assez entreprenants pour prendre les moyens de réaliser, dans les faits, les espoirs de l'humanité. (page 31)

III BASES ET ARMÉES D'AGRESSION

M. Bertrand de la Salle faisait, en quelque sorte, oeuvre de précurseur quand il définissait, en 1947, les buts des Etats-Unis (Monde, 27-4-47) : «Les avions... ont besoin de pouvoir se poser sur des aérodromes qui ne soient
pas situés en pays hostiles.

Cela pose le problème des bases et les bases elles-mêmes ne peuvent exister
que si les hinterland sont pacifiés» (1). Ce qui posait le problème d'une certaine pacification de la France et autres hinterland de l'agression américaine.

Plus ces bases seront proches de l'ennemi, plus il nous sera facile et moins coûteux de procéder à des attaques aériennes de représailles soutenues », déclare le Général Bradley, chef de l'Etat-Major interarmes (24-1-51) et M. Royall, Secrétaire d' Etat à l'Armée de terre américaine, dit aussi (23-3-48) : « Il serait indiqué que de telles bases fussent installées sur des territoires séparés des Etats-Unis par des océans, même si elles sont alors exposées à une attaque des forces terrestres ennemies". Pour ces deux hommes, il faut viser à l'économie et il leur apparaît d'autant plus nécessaire que les bases soient situées à l'étranger que le territoire des Etats-Unis sera ainsi à l'abri des bombardements de l'adversaire. (page 32). Ils sacrifient sans remords la population des « hin­terland ».

C'est dans le cadre de ces directives que se sont développées les bases d'agression américaine à l'étranger. Il serait fastidieux d'en établir la liste complète car, pratiquement, tous les pays sont au­jourd'hui truffés de bases aériennes et navales et l'on en compte, officiellement, plus de quatre cents.

Les Etats-Unis et le Canada ont établi un plan d'action commune en cas d'urgence et le Grand Nord canadien a été le théâtre de plusieurs grandes manœuvres d'hiver.00
L'aviation américaine possède des terrains en Islande, au Groëland, à Terre-Neuve, au Labrador, en Alaska et dans les Iles Aléoutiennes, c''est-à-dire dans les régions de l'Arctique d'où peuvent partir des raids de bombardiers lourds vers l'U.R.S.S. Il est prévu qu'un million de soldats et officiers japonais seront expédiés dans les régions nord de l'Extrême-Orient.

Le Japon est lui-même transformé en un immense porte-avions américain et la remilitarisation y est poussée à l'extrême. La base d'Okinawa est, aux dires du Général américain Stearly, l'une des plus puissantes. De là, dit-il (17-5-51) : « Les superforteresses peuvent dominer toute la Chine, la partie nord du sud-est asiatique et la Sibérie Orientale jusqu'au lac Baïkal. »

Formose et les morceaux d'Indochine sur lesquels Bao Daï règne, à l'ombre des baïonnettes étrangères, sont à leur disposition ainsi que la Corée du Sud, d'où ils sont bien décidés à ne pas partir, l'Australie, la Nouvelle-Zélande, Singapour, l'Indonésie, où le gouvernement ne se maintient que grâce à leur aide, le Siam qui s'est aussi mis à leur disposition, le Pakistan où ils ont installé des aérodromes.

Le Proche-Orient est truffé de bases: en Arabie Séoudite, dont le potentat est grassement payé par la Compagnie américaine qui en exploite les pétroles, en Palestine, en Turquie, sans compter les positions anglaises en Irak, en Egypte, à Bengazi et Tobrouk (page 33). Le pourtour de l'Afrique du Nord est ainsi jalonné tout entier; après la Cyrénaïque, la base de Mellala en Tripolitaine, puis les aérodromes du Maroc: Noaceur, Sidi-Slimane, Mechra-Louis-Gentil, Port­Lyautey, Meknès, Boulhaut, Ben Guerir, Bel-Ksir, Casablanca, Rabat" etc... dont la construction progresse « à une vitesse stupéfiante » (GaI Vandenberg, 14-7-51). « On saisit donc le rôle particulier... du Maroc, qui est le môle de débarquement direct situé en face des Etats-Unis, et la
meilleure zone avancée de sécurité», nous précise W. Le Fur (Monde, 18-10-51).

Dans toute la Méditerranée et en Europe, nous trouvons d'autres positions avancées: les Açores, possession portugaise et le Portugal lui-même; les îles Canaries et Baléares appartenant à l'Espagne et l'Espagne elle-même, qui a concédé aux Etats-Unis Carthagène, Cadix et d'autres ports et aérodromes; la Grèce et les îles de Crète, de Chypre et de Lemnos ; la Yougoslavie, mise à la disposition des bellicistes par le gang Tito; l'Italie de M. de Gasperi, dont les Américains occupent les ports pour commencer; la Belgique qui semble en partie occupée par les Britanniques; la France, l 'Angleterre, l' Allemagne et l'Autriche.

L'Angleterre est devenue un porte-avions atomique comprenant les bases de Sculthorps, Marham, Lakenheath, Burtonwood, Mildenhall, Waddington et le quartier général de Bushey Park. Churchill, vieux loup de la guerre pourtant, s'en inquiète aujourd'hui.

L'Allemagne de l'Ouest est un camp retranché, où les troupes américaines viennent d'être portées à 160.000 hommes et nous ne parlons pas ici des troupes allemandes existantes (456.000), ni de celles qui seront levées dans les rangs des anciens hitlériens, grâce aux associations d'anciens nazis récemment reconstituées.

Quant à la France, il semble que le plan d'implantation de bases aériennes sur son sol soit le plus important, ainsi que le formulait l'Associated Press (page 34) du 25-4-51. En voici quelques-unes : Siège du réseau de communications européennes (Eucom Comz) à Orléans, bases de Bordeaux (camps du Poteau) et de La Palice, Mont-de-Marsan, Cherbourg, Châteauroux, Moulins, mais chaque français peut aujourd'hui constater par lui-même la réalité de cette nouvelle occupation qui s'étend à cinquante-deux départements. Ajoutons que, depuis un an, deux décrets ont été pris par le gouvernement organisant la défense du littoral et les bases stratégiques de l'Union Française (J.O., 13-7-50).

A ces bases existantes s'en ajouteront d'autres, le Général Marshall ayant obtenu du Congrès plus de 2.000 milliards de francs «pour la construction d'une chaîne de bases militaires entourant la moitié du monde» (Monde, 22-6-51).
Il s'agit de 303 nouvelles bases dont une grande partie en Europe.

                                                            *     *     *     *     *     *

Ces divers efforts « pacifiques» ou en vue de «pacifications» éventuelles nécessitent, évidemment, des budgets de guerre monstrueux, en augmentation constante. Celui des États-Unis dépasse 65 milliards de dollars (dont plus de 60 % vont officiellement aux crédits militaires) et l'armée, qui est de 3.500.000 hommes, sera de cinq millions en 1953, la marine comptant 500 navires de guerre, 267 .000 hommes et 576 chasseurs-bombardiers, la production d'avions étant portée à 2.000 avions par mois et les forces aériennes à un million d'hommes en 1952.


Le budget militaire britannique est de un milliard et demi de livres et l'armée comptait 9 divisions 2/3 au mois de juin 1951. On comprend que les denrées de première nécessité, telles que le pain, le lait, le sucre, etc... aient augmenté, en trois ans, de plus de 40 % en moyenne et les textiles de 20%, cependant que les salaires étaient augmentés de 10 %. (page 35).


L'armée des Pays-Bas compte, depuis 1951, 75.000 hommes, dont de nombreux vétérans des campagnes d'Indonésie, et le budget militaire dépasse 35 % du budget général.


La Belgique a formé trois divisions et son budget comporte quelque 13 milliards de francs belges pour les dépenses guerrières. Le poids de ce budget est déjà si lourd que le gouvernement a dû refuser l'augmentation de ses dépenses militaires, exigée par les Américains....


Le Danemark, qui vient de porter le service militaire de douze à dix-huit mois, a augmenté son budget militaire de 15 %.

La Norvège a établi un plan de défense de trois ans, représentant une augmentation de 38 % des charges militaires et prévoyant la création de forces militaires et l'institution du service de dix-huit mois.


La France a promis vingt divisions à l'alliance agressive atlantique dont l'ensemble des forces atteint déjà 5.665.000 hommes alors que l'U.R.S.S. a seulement deux millions d'hommes sous les drapeaux avec des frontières beaucoup plus étendues.

La France, qui traîne derrière elle le fardeau toujours plus pesant de la guerre d'Indochine (plus d'un milliard de francs par jour), accroît de jour en jour la misère populaire pour alimenter son budget de guerre. Elle est en crise d'inflation constante, les prix y augmentent d'une semaine à l'autre à une cadence qui s'accélère de mois en mois. Les faillites se multiplient à mesure du gonflement des charges fiscales et de la concurrence des sociétés américaines dont les investissements ne cessent de s'élever. Les exigences de son partenaire américain a mené le gouvernement français à proposer, pour 1952, un budget si considérable qu'aucun de ses membres ne sait où en trouver le financement, une augmentation même notable des impôts devant le laisser déficitaire, cependant que l'on attend une nouvelle dévaluation.

Militairement, la France, après avoir voté le service de dix-huit mois, s'apprête à voter celui de (page 36) deux ans; elle recrute, à coups de triques et de provocations, Arabes et Noirs pour sa sale guerre, tout en intensifiant le recrutement de la police et des C.R.S. (Compagnies Républicaines de Sécurité) appelées à « maintenir l'ordre» à l'intérieur.

Ce qui explique que, cependant qu'il faut, aujourd'hui, à un ouvrier deux fois plus de temps de travail qu'en 1938 pour payer des produits de consommation courante et que cette consommation a diminué de 1O % en un an, elle a augmenté de 14 % en Union Soviétique pendant le même laps de temps.

Au total, les nations atlantiques aligneraient, selon les rapports des Commissions des Forces armées et des Affaires étrangères du Sénat américain, 4.500.000 hommes. « A ces forces, il conviendrait... d'ajouter l'appoint éventuel allié: l'Espagne (350.000 hommes) et la Yougoslavie (330.000) " (Monde, 16-2-51).

Et, cependant, le "Comité des Sages" n' est pas satisfait. Il estime que l'effort de réarmement européen est insuffisant, ce qui ressort de son récent rapport. On y constate, d'une part, que le Comité ne demande pas d'efforts supplémentaires aux Etats ­ Unis ni à la Grande-Bretagne, mais un effort considérable à la France, à la Belgique, aux Pays-Bas, à l'Italie, à la Norvège et au Danemark.

Quant à la France, en particulier, « elle devrait réaliser, en 1951­52, un programme un peu plus lourd que celui qu'elle envisageait pour 1953-54..." (R. Dadernat, Monde, 17-1-52). Ce qui se passe de commentaires.

Le Comité des Sages organise la mort et la misère. Sa plus grave erreur est de ne pas compter sur la sagesse des peuples qui aura raison de ses intentions criminelles (page 37).

IV ORGANISATION DE LA SUJÉTION


Nul n'a plus d'illusions, depuis longtemps, sur les soi-disant avantages du Plan Marshall. Ce dernier a eu pour but et résultat de soulager l'économie américaine tout en grevant lourdement l'économie des pays « bénéficiaires». C'est ainsi que la France a surtout reçu des céréales, des fruits et légumes, du charbon (dit flambant et contenant 40 % de cendre) et que les produits d'équipement industriel n'ont figuré, dans le total des crédits, que pour 0,75 % de l'ensemble des produits importés. Cette politique a eu, pour effet, d'accroître la misère, de rendre difficile la vie de nombre de petites industries françaises et d'accélérer leur disparition au profit des trusts. La situation de l'agriculture française a considérablement empiré et, cependant que les prix des produits nationaux diminuent à la production, dans des proportions catastrophiques, en raison d'importations massives et de la pression accrue des trusts, ils s'élèvent, à la consommation, en raison de la politique de guerre, qui exige des impôts toujours plus lourds.


Il ne faut pas s'étonner de cette situation générale. Elle correspond, en particulier, à la politique préconisée par le « Comité pour le Développement Economique ", fondation américaine à la tête de laquelle (page 38) nous trouvons des potentats tels que: Eric Johnson (le cinéma), Will Patterson (United Air Lines), W.L. Clayton (banque), Paul Litchfield  (les pneus Good Year), Farley (Coca-Cola), Philip Redd (GeneraI Electric) et dont le but officiel est de « participer là la reconstruction européenne ». Ces noms sont, précisément, ceux de représentants d'industries qui, depuis, se sont implantées en France et qui, leurs capitaux et la soumission du gouvernement français aidant, participent étroitement à l'étranglement d'un certain nombre d'industries françaises.

 

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Le Pacte de l'Atlantique est dirigé, de Washington, par le groupe permanent des « Trois ». Si la France et la Grande-Bretagne y sont présentes, le fait est que les chefs dépendant du Comité de Défense sont, pour la plupart, américains. Pour qu'un militaire étranger en fasse partie, il faut qu'il accepte la suprématie des doctrines militaires de Washington et s'y plie.


Le Comité des « Trois» exécute la politique américaine, pour laquelle les Pactes de Yalta, de Potsdam et autres traités conclus pendant la guerre entre les Puissances alliées ne sont que chiffons de papier n'ayant eu de validité qu'en raison des nécessités de la guerre. Il tend, d'ailleurs, par toutes ses décisions, à en annuler les effets et à éviter toute conversation pouvant amener un règlement général pacifique.


Le 19 septembre 1950, le Comité des Trois décidait que les trois gouvernements allaient prendre, dans leur législation interne, les mesures nécessaires en vue de mettre fin à l'état de guerre avec l'Allemagne... et de « l'assouplissement du statut d'occupation », ce qui comprenait la création d'une nouvelle Wehrmacht, revendiquée par le gouvernement Adenauer, les anciens généraux nazis et le commandement américain en Allemagne. (page 39).

Cette décision était contraire aux accords de Potsdam, aux intérêts des peuples, y compris du peuple allemand, et faisait fi des propositions soviétiques et de celles du Gouvernement de la République Démocratique allemande en vue de l'unité de l'Allemagne.


D'après des données publiées en Allemagne Occidentale, on comptait, en octobre 1950, 456.000 hommes dans les formations militaires allemandes, y compris bon nombre de personnes déplacées incorporées dans différentes unités de police composées, en grande partie, d'anciens soldats et officiers de l'armée hitlérienne et dotées d'unités blindées et d'artillerie.


Huit puissances démocratiques publiaient, à Prague, le 22 octobre 1948, une déclaration dénonçant la politique de remilitarisation de l' Allemagne  revancharde et proposaient des solutions pacifiques: réaffirmation et mise en pratique de l'accord de Potsdam et conclusion d'un traité de paix avec une Allemagne unifiée permettant le retrait de toutes les troupes d'occupation.

Les puissances atlantiques ne pouvaient, bien entendu, les accepter puisque ne voulant, à aucun prix, ni l'unification de l'Allemagne, ni le retrait de leurs troupes. La coupure de l'Allemagne leur permet: d'organiser l'Allemagne occidentale en base d'agression, d'y contrôler les industries-clés, de pousser à la reconstitution du nazisme et des associations para-militaires fascistes, qui sont leurs seules troupes sûres, tout en protestant, officiellement et dans leur presse à gages, contre une coupure soi-disant voulue par les Soviétiques et à l'abri de laquelle ceux-ci réarmeraient d'importants contingents de police. C'est tout bénéfice.


Le 31 octobre 1950, M. Vychinski proposait, à la Commission politique de l'O.N.U., une réduction d'un tiers des armements des Cinq Grands et assurait les puissances occidentales de la volonté de coopération de l'U.R.S.S., prête à donner des renseignements complets sur ses forces armées, qu'il (page 40) serait possible de vérifier " depuis A jusqu'à Z ". Le délégué des Etats-Unis fit rejeter ce plan.


Le 3 novembre, M. Gromyko adressait aux " Trois" une note réclamant l'exécution des accords de Potsdam sur la démilitarisation de l'Allemagne.


Pourquoi Washington accepterait-il de telles propositions? M. Stassen déclare, à la même époque (11-11-50: « L'écrasement complet de la puissance militaire japonaise et allemande dans la dernière guerre est une des principales raisons de la situation mondiale dangereuse qui règne actuellement
», ce qui revient à exprimer le regret de la disparition des puissances fascistes, en tant qu'alliés idéologiques sûrs. Trois ans plus tôt, M. Dean Acheson disait à peu près la même chose à Cleveland (7-5-47) : « Ce que nous devons faire dans la situation présente: c'est nous atteler à la reconstruction de ces deux grands ateliers d' Europe et d' Asie dont dépend dans une large mesure la renaissance économique de ces deux continents. Nous devons, même s'il n'existe aucun accord entre les quatre puissances, faire tout notre possible pour restaurer l' Europe, y compris l'Allemagne. »

On conçoit très bien, à partir de telles déclarations, la politique américaine à l' égard de Bonn et de Tokio, ainsi que la signature du traité de paix avec le Japon et la transformation du statut d' occupation de l'Allemagne.

Dès lors, la préparation de la guerre d' agression se poursuit à un rythme accéléré. Eisenhower est nommé commandant en chef de l' armée atlantique. M. Attlee se rend à Washington et, si l' opposition entre les intérêts britanniques et américains ne permet pas un accord sur nombre de questions, le communiqué final (9-12-50) parvient cependant aux conclusions suivantes:

« 1° La capacité militaire des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne devront être accrues aussi rapidement que possible;
« 2° Les deux pays devront développer la production des armes qui peuvent être utilisées par les (page 41) forces de toutes les Nations libres réunies pour leur défense commune.» .

Ni les propositions soviétiques ni les protestations soviétiques contre les violations de traités n'interrompent cette course: l' Allemagne occidentale est autorisée en plus de ses troupes, à la création « d'unités tactiques aériennes » de soutien pour le continent allemand intégrées dans l' Armée atlantique» et l'Associated Press du 20 décembre 1950 ajoute que, si l' Allemagne consent à participer à la défense de l'.Europe, « une position d'égalité pratiquement complète avec les autres pays dans l' armée occidentale est prévue».

Les revendications militaristes extrêmes des revanchards de Bonn sont ainsi comblées, comme le constate la note soviétique à la France (4-1-51), déclarant gue les « Trois » sont « en train de créer en Allemagne Occidentale une armée régulière, formant non pas des détachements de police, comme l'ont déclaré les ministres des affaires étrangères des trois puissances occidentales, mais des divisions entières ».

M. Pleven va, à son tour, à Washington, donner l'accord du gouvernement français au réarmement occidental et à l' intégration de l'armée allemande reconstituée, à la "défense occidentale".

Il n'est jamais question d' accepter les propositions soviétiques de conférences et, quand celles-ci finissent par être imposées aux bellicistes par l'action des partisans de la paix et l' opposition grandissante des peuples à la politique de guerre, tout est fait pour provoquer leur échec et tout est fait pour que cet échec soit mis au compte de l' Union Soviétique.

C'est que, en effet, comme nous l'avons déjà. montré, la paix est l' événement à éviter.

« Un tout petit succès pourrait même, à leur avis (ceux de Washington), avoir sur certaines opinions publiques un effet dissolvant », comme dit M.Maurice Ferro (Monde, 3-3-51).

Une victoire du camp de la paix aurait un effet, dissolvant, mais sur la politique de guerre et démontrerait (page 42) à ceux qu' aveuglent les mensonges de la presse et qui courbent la tête en acceptant la doctrine de la fatalité de la guerre, que la guerre n'est pas du tout fatale; que, justement, l'ennemi désigné ne la désire pas et saisit, au contraire, toute occasion de réaliser une paix véritable. Mais, comme l'explique M. Jessup, délégué américain à la Conférence des Suppléants, « cela signifierait que nous devrions arrêter les mesures que nous prenons en Europe ». On ne saurait plus clairement dire que la paix est, pour M. Jessup, une hypothèse impossible à envisager, du fait qu'elle arrêterait la course à la guerre voulue par les Américains.

A la veille des élections législatives françaises, en juin 1951, les « Trois» se déclaraient prêts à envisager des conversations avec Moscou. Simple manœuvre électorale, puisque, dès leur lendemain, la rupture des conversations était provoquée.

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Le Général Eisenhower a précisé, une fois de plus (2-2-51), les raisons capitalistes et impérialistes de la politique des États-Unis quand il a déclaré: « Nous devons disposer de la collaboration des autres nations... Il est impossible d'imaginer la chute de l' Europe occidentale sans s'imaginer également la perte d'autres régions vitales
d'où les États-Unis tirent leurs matières premières essentielles... » et il adressait, en passant, un certificat de bonne conduite aux dirigeants français « résolus à faire face à la menace du communisme, à la fois à l'intérieur et à l'extérieur, avec courage ».

De son côté, M. André Laguerre a publié dans Life des commentaires sur la volonté américaine et ses exigences à l'égard de la France, que le Monde qualifia d' « excès de zèle» (3-8-51). M. Laguerre révèle toute l'importance de la mission de Eisenhower en Europe et, en particulier, en France: « Sans (page 43) l'insistance discrète, mais ferme de Ike, les élections françaises auraient été renvoyées en automne » ; c'est Ike encore qui aurait obtenu de Pleven la présentation d'un budget militaire de deux milliards de francs... Mieux: « Il est choquant de constater qu'avant les dernières élections françaises, le gouvernement a refusé d'annoncer soit la cession de bases aux forces américaines en France, soit le renforcement du dispositif américain en France», et ceci en dit long sur la servitude acceptée par nos gouvernants, sur leur crainte de l'opposition populaire et sur leur mépris des droits du Parlement.

Traité de Paix et alliance avec le Japon; Pacte du Pacifique; Préparation d'un Pacte militaire du Proche-Orient; inclusion de la Grèce et de la Turquie au dispositif de guerre décidée par la Conférence d'Ottawa; élévation de l'Allemagne revancharde au rang de collaborateur à « égalité de droits» ; accord séparé de l' Espagne et des États-Unis; telles sont les étapes récentes de la préparation à l'agression.

La Conférence d'Ottawa a eu, pour préoccupations, de dicter aux satellites des États-Unis la décision de Washington sur l'élargissement du réseau des bases américaines en Europe, sur la subordination  de l'économie des pays européens à la clique de Wall-Street, et de les obliger à redoubler leurs 0fforts militaires, décisions qui ont immédiatement provoqué une nouvelle baisse du. niveau de vie des peuples d' Europe, qui s'est traduite en France par une nouvelle augmentation des prix.,. .

Depuis lors, les puissances atlantiques ont remis le sort de leur économie aux mains d'un « directoire économique», dirigé par l' Américain Harriman, lequel distribue la manne aux gouvernements les mieux empressés à servir. Ce dernier a effectivement été nommé administrateur de l'Office de Sécurité Mutuelle, organisme chargé de la répartition de l'aide militaire et économique américaine, et il contrôlera les réalisations militaires européennes.

Si la situation ne commandait pas le tragique, on (page 44) serait porté à rire de ce que le sort de l'Europe américanisée soit entre les mains d'un Comité appelé « Comité des Sages ", leur sagesse étant d'organiser au mieux la guerre de destruction que comportent les progrès scientifiques dans le domaine des armes atomiques et bactériologiques.

La Conférence militaire de Rome, enfin, a vu les chefs militaires des États-Unis donner leurs ordres en vue de l'accélération des armements et de l'augmentation des effectifs, à leurs satellites obéissants.

Quant au célèbre « Point Quatre» de Truman, qui avait allumé l'espoir d'une vie meilleure, au moins chez les gouvernants de ce que l'Amérique appelle « les régions arriérées », il a été fort oublié et les régions arabes auxquelles ses crédits étaient, en partie, destinés, ont compris, depuis, que ces crédits étaient subordonnés à leur soumission économique et militaire aux ordres de Washington.

Il s'agissait là, comme le disait M. Webb, Secrétaire d' État par intérim, « d'une tentative éclairée que nous faisons en hommes d'affaires »...

Les crédits éventuels ont été attribués en priorité aux gouvernements les plus aptes à collaborer à l'entreprise belliciste: ceux de l'Allemagne de Bonn, de Tchang Kaï Chek, de Yougoslavie, de France, etc.. .

En fait, « les pays arriérés" n'ont rien vu venir.

Le Monde relevait, en janvier 1950, que, du fait des contradictions impérialistes entre Anglais et Américains, on ne voyait pas comment le « quatrième point" pourrait entrer dans les faits «d'ailleurs que dans les pays déjà soumis à la prépondérance économique américaine ou autrement que par l'inter­médiaire d'entreprises privées ». Quand on vous le dit !

Aussi, cependant que l'Iran a vainement, attendu les crédits qui devaient lui permettre de mettre en route son Plan de sept ans, le Maroc est devenu l'un des rares bénéficiaires de cette aide, mais sous la forme de sociétés mixtes franco-américaines se partageant l'exploitation de ses ressources. Cela se comprend  (page 45) d'autant mieux que, comme le dit la revue américaine Nation Business: « Nous devons spécialement développer l'Afrique comme notre base tactique éventuelle. Les efforts déployés par l'industrie américaine en vertu du paragraphe 4 du programme Truman doivent être alignés sur la planification militaire. »

Il est donc clair que ni le Plan Marshall, ni le P.A.M., ni le Point Quatre, ni le Pacte Atlantique n'ont d'autres buts que de servir les plans d'agression des bellicistes et d'assurer au capitalisme impérialiste de nouvelles ressources et de nouveaux marchés. Qu'en périssent les hommes et les nations qui acceptent de s'y soumettre leur importe peu et importe moins encore moins à leurs valets. (page 46).
 

V  LE BOURBIER ALLEMAND

Le Traité de Potsdam prévoyait, on s'en souviendra, la démilitarisation et la dénazification de l'Allemagne, le démantèlement de ses usines de guerre et de ses installations militaires ainsi que des réparations aux pays victimes de son agression.

Il n'est, depuis longtemps, plus question de tout cela. Le démantèlement des usines a été entrepris avec lenteur et abandonné dans le courant de l'année 1949. Aux dires des autorités occidentales, la démilitarisation était achevée en février 1950. La dénazification a été sabotée dès le début et les commissaires occidentaux se sont empressés d'en annuler les effets en libérant, à tour de bras, les criminels de guerre nazis pour leur rendre leurs places dans l'industrie ou dans l'armée en formation. Quant aux réparations, abandonnées et sabotées, elles aussi, afin de rendre à l' Allemagne de Bonn toute la puissance industrielle et économique exigée d'un allié, nous en sommes au stade où la France consent à payer les assurances sociales des travailleurs français déportés en Allemagne, comme il ressort d'une dépêche du 6 juillet 1950 : « Aux termes de cet accord (sur la Sécurité sociale), l'Allemagne se chargera au regard de la France des redevances au titre des assurances sociales pour les ouvriers allemands (page 47) travaillant en France depuis 1945. Inversement, la France remplira les mêmes obligations à l'égard de la République Fédérale en ce qui concerne les ouvriers français ayant travaillé en Allemagne de 1940 à 1945. »

La renaissance du parti national-socialiste en Allemagne et son activité de sabotage était signalée, dès janvier 1947, par le « Comité International pour l' Étude des questions économiques» qui groupe des personnalités aussi peu suspectes d'opinions démocratiques que Lord Vansittart, Lord Beveridge, le Président Herriot, etc... Leur rapport soulignait alors « l'activité des organisations national-socialistes à l'étranger, où 652 experts économiques auraient reçu l'ordre de se rendre, lors d'une conférence secrète tenue à Bâle en avril 1945, pour préparer la résurrection du Reich» (Figaro, 28-1-47). A cette fin, des capitaux considérables auraient été déposés en Suède, en Suisse (quelque 600 millions de dollars) et en Argentine. Ce rapport signalait que les nazis étaient déjà à la tête d'importantes affaires allemandes, mais il se gardait bien de donner les raisons et de désigner les responsables de cette situation. Nous les connaissons: ce sont les puissances occidentales qui, sabotant les accords de Potsdam, ont puissamment aidé à la reconstitution du fascisme en tant que force directrice de l'Allemagne Occidentale.

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Il n'est donc pas étonnant que les dirigeants allemands aient si vite relevé la tête et se soient sentis autorisés à protester sans vergogne contre toutes les mesures prises à leur encontre. C'est ainsi qu'ils se sont élevés avec violence contre les accords de Londres sur le statut de la Ruhr. « ... Ils s'imaginaient... depuis quelque temps, constate M. Georges Blun (Monde, 31-12-48), que les alliés étaient devenus (page 48) leurs débiteurs et que leur antisoviétisme leur vaudrait des concessions, dont la moindre devait être que l'on passât l'éponge sur le passé. »

«Seule, l'armée allemande et non le peuple allemand a capitulé », déclare Adenauer (25-3-49), sans que l'on relevât l'identité de cette déclaration provocante avec celle des pires militaristes après la défaite de 1918. « La République Fédérale ne reconnaît pas la frontière orientale de l'Allemagne», ajoutait le Chancelier des Américains (23-10-49), ce que son Ministre des Affaires Etrangères, Jacob Kaiser, confirmait: « Les territoires au delà de l'Oder appartiennent de jure à l'Allemagne» (Monde, 12-2-50) et aucune puissance occidentale ne protesta contre ces appels à la revanche, sans doute parce qu'elles ont l'intention de soutenir cette revendication.

Quant au rattachement économique de la Sarre à la France, un mémorandum du gouvernement de Bonn déclare que «la constitution sarroise est un statut de protectorat» (22-1-50) et le chancelier Adenauer confirme: «J'estime que la République Fédérale Allemande est propriétaire des mines de la Sarre.» Le gouvernement français a-t-il élevé la voix? Non et sans doute est-il d'accord pour rendre la Sarre à Adenauer, le jour où ce sera le prix exigé pour une alliance franco-allemande plus étroite.

La «Koelnische Rundschau» préconise déjà l'incorporation des Sarrois aux contingents allemands de l'armée européenne (Monde, 18-1-52).

Le gouvernement de Bonn n'a pas cessé de protester contre la démilitarisation, de demander la constitution de troupes de police, la participation d'une armée allemande à la coalition atlantique; ainsi que «le renforcement des forces alliées stationnées en Allemagne occidentale» (24-8-50), ce qui est une exigence curieuse de la part d'un tel nationaliste et donne la mesure de sa 'Conception de l'indépendance nationale'.

La politique occidentale d'intégration de l'Allemagne de l'Ouest aux forces d'agression atlantiques (page 49) a permis aux revanchards allemands de pousser plus loin leurs exigences, jusqu'à l'égalité absolue de droits.

«On ne saurait demander aux Allemands de servir comme mercenaires dans des armées étrangères: il faut qu'ils soient représentés sur un pied d'égalité au sein d'une armée européenne ", dit Adenauer (11-12-49) et le Général von Manteuffel ajoute: « Il faut que ce soit une armée puissante, disposant, comme les autres armées européennes, d'armes lourdes, d'aviation et d'unités de protection côtière. Il est indispensable également que ces troupes soient représentées au sein du commandement en chef européen" (Monde, 15-9-50) et nous allons voir que ces revendications sont celles de tous les revanchards allemands. Cette démagogie, autorisée par les puissances occidentales, a pour but de faire croire à une revendication générale qu'il deviendra vite impossible de contrecarrer et que l'on satisfera. Mac Cloy, Haut-Commissaire américain, en est d'accord et c'est sur la base d'un aide-mémoire que lui ont remis des généraux allemands qu'il va en recommander la légitimation. Le Général baron Geyr von Schweppenburg, Président de l'Association des anciens officiers allemands, le reconnaît dans la Tribune des Nations: « Un armement sur une petite échelle n'a aucun sens ", écrit-il (22-9-50) et, d'ailleurs, déclare le Général Guderian, lui aussi aux avant-postes de la défense de la civilisation ,américaine, nous ne croyons pas à ces histoires d'armées européennes: « S'il existe au monde un soldat capable d'arrêter une invasion de l'Europe, c'est le soldat allemand" (Interview, Monde, 22-9-50). « Si j'avais les quatre milliards de marks qui se dépensent ici chaque année pour les frais d'occupation, je vous mettrais debout quelques divisions allemandes qui pourraient vraiment stopper une invasion ", ajoute-t-il, mais, bien entendu, « sous un 'Commandement allemand qui dépendrait, lui-même, d'un commandement en chef allié. Quand on lui demande combien il envisage de divisions, il répond: (page 50)  « Nous parlerons de la question si nous nous retrouvons tous à Fontainebleau », ce qui signifie que le jour n'est pas loin où l' État-Major allemand siégera à Fontainebleau avec les généraux allemands et français. Le Général Guderian confirme, en effet, que le Général Bradley a transmis son rapport au Président Truman et que les militaires américains partagent son avis. Comme il envisage vingt-cinq à trente divisions allemandes, il est aisé de prévoir que ce chiffre sera bientôt avancé par le Haut Commandement atlantique.                                                                                                                                        

Le Général Halder ajoute sa voix à ce concert en déclarant que « les forces allemandes sont dirigées contre l'U.R.S.S». Von Manteuffel reprend un leitmotiv hitlérien et réclame: « Un noyau de troupes blindées, forces allemandes de race pure, 30 divisions animées du plus haut moral de combat et d'expérience » (5-10-50). Adenauer met comme condition à la participation allemande au « front défensif » : « la pleine égalité des droits de l' Allemagne avec les autres nations de la défense européenne » (9-11-50). Le principe en est d'avance accepté car les Américains sont convaincus que leur principal allié, dans une guerre anti-soviétique, ne peut être qu'une armée allemande nazie. « L'Allemagne se fera payer par le rétablissement complet de sa souveraineté, la libération des derniers criminels de guerre et la suppression des ultimes interdictions de fabrication ou d'armement, l' indispensable concours de son armée reconstituée. Le renversement des alliances sera consommé et la situation rappellera singulièrement celle que nous avons connue au lendemain de l'autre guerre», écrit M.A. Fontaine (Monde, 21-11-51). Cette certitude encourage les fascistes à pousser de .nouveau des cris de guerre. Evêques, généraux et politiciens se réunissent sous le masque de l' Académie protestante du pays de Bade et l'on entend l'évêque Wurm déclarer que la guerre, « si meurtrière qu'elle puisse être, doit être osée ». La paix, dit-il, n'est pas le but suprême, et il (page 51) ajoute: «La fin d'un peuple par l'anéantissement vaut mieux qu'une capitulation spirituelle.» «Je suis prêt à rouvrir la porte à Hitler », clame Lehr, Ministre de, l' Intérieur de Bonn (31-1-51). «La Bohême et la Moravie sont des terres allemandes ». proclame le Ministre Seebohm. qui, reprenant à son compte les thèmes de la. propagande sudète, ajoute : « Prague et Eger sont de plus vieilles villes impériales allemandes que Berlin.».  Le jour où un tribunal français, poussé par la protestation populaire, condamne le Général Ramcke à cinq ans de prison, un parlementaire allemand proclame que cette condamnation et celle du GénéralFalkenhausen à Bruxelles, constituent «une violation du droit ». Les gouvernements de Paris et de Bruxelles s'empressent de le reconnaître en libérant ces pauvres généraux tortionnaires et le Chancelier Adenauer accueille Ramcke par ces mots: «J e suis heureux de vous voir en liberté.» (United Press 28-6-51. ) Quoi d'étonnant, au point où nous en sommes, à ce que Bonn envisage «un pool germano-espagnol des armements », comme l' annonce l'agence United Press (18-10-51). Quoi d'étonnant à ce que l' Associated Press (26-1-52) puisse annoncer que «le gouvernement fédéral de Bonn envisage la formation d'une nouvelle «Luftwaffe » de 1.500 appareils pilotés par des équipages entraînés par l'armée de l'air américaine. Les appareils seraient fournis par les Etats-Unis (Le Monde, 27-1-52).

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L'attitude de la social-démocratie allemande est en tous points, semblable à celle de la démocratie chrétienne et M. Schumacher est tout aussi revanchard que M. Adenauer.
M. Schumacher est le type même de ces dirigeants sociaux-démocrates vendus au grand capital. Le capitaine (page 52) Montfort, prisonnier de guerre allemand, a révélé que Schumacher s'était mis, en 1928, à la disposition du trust de cigarettes « Alphaus » et qu' il lui avait remis des dizaines de milliers de marks en remerciements de ses interventions auprès des milieux sociaux-démocrates. Tels sont les débuts de l'homme. Il fût arrêté et envoyé à Dachau lors de l'arrivée de Hitler au pouvoir, mais en fût libéré en 1943, au moment même où l' on arrêtait tous les suspects. Le journaliste soviétique Kraminov a révélé, dans la Komsomolskaïa Pravda, que Schumacher dénonça aux S.S.  92 officiers soviétiques, internés à Dachau, qu'il accusait d' avoir une activité illégale (20-1-47). Ce dénonciateur d'anti-nazis est devenu l' un des hommes des américains tout en demeurant, sans doute, celui des trusts. Les thèmes de ses discours et déclarations sont les mêmes que ceux des autres revanchards: « Le peuple allemand ne peut pas être indéfiniment rendu responsable des actes des nazis» (United Press, 22-6-46). «( Je préférerais aller à genoux jusqu'à Versailles plutôt que d' accepter les accords de Potsdam» (12-12-46).

Opposé au rattachement de la Sarre à la France, à la neutralisation de la Ruhr, il est également opposé, et pour les mêmes raisons, à l' unification des forces ouvrières. De même que les autres dirigeants de la social-démocratie allemande, les Ollenhauer, Heine, Reuter, Brauer, Knoeringen, il s' est fait le défenseur du Plan Marshall, du statut d' occupation, du révisionnisme. petit-bourgeois, de la transformation de l' Allemagne en colonie américaine et est un agent décidé de la division de la classe ouvrière allemande. Son antisoviétisme forcené est bien connu.

Il est indispensable de souligner que le Congrès du parti social-démocrate de 1948 a adopté une directive de Schumacher, selon laquelle ce parti ne demande à personne de reconnaître le marxisme.

Sans doute est-ce même une exigence à l'égard des membres de ce parti qui considère mener une activité socialiste normale en pratiquant l'espionnage (page 53). Il a, en effet, fondé un " Bureau Oriental" dont telles sont les attributions et qui dispose, pour cela, de sommes importantes.

D' où viennent ces fonds? La découverte, en 1948, d' un vaste réseau d' espionnage en zone orientale, nous offre une réponse. Il s' agissait, en l' occurrence, d' un réseau, dirigé par le Général Halder, dont le recrutement était effectué par HaIls Erasmus, ancien chef d' état-major de la division Brandenbourg. L' un de ses agents, le nominé Pinkert, a affirmé que l' organisation était financée par IB Service de Renseignements américain et par de gros industriels allemands.

Peut-être les mêmes sources alimentent-elles le même effort, qu' il soit fourni par les nazis ou par les sociaux-démocrates?

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Les journaux annonçaient, en septembre 1951, que toutes les associations de combattants allemands fusionnaient en un groupement unique. En y regardant de plus près, on s' aperçoit qu'il s' agit d' associations de nazis, exaltant l' esprit de revanche.

Il y a là le B.V.W. ou Ligue des Soldats Allemands (85.000 membres, Président: l' Amiral Gottfried Hansen) ; le Schutzbund ou Ligue de protection des soldats allemands. (55.000 membres, Président: le Général Krakau, des chasseurs de montagne; publie un journal); Le Casque d'Acier ou Stahlhelm de sinistre mémoire, où s' agitent le Générai comte von Schwerin, Conseiller militaire du gouvernement de Bonn et l' ancien dirigeant de la jeunesse hitlérienne Gottsleben ; les membres de l'ancienne division blindée Grossdeutschland du Général von Manteuffel; les "Diables Verts", association de parachutistes du général Ramcke; les anciens de l' Afrika Korps (Président: le Général de blindés Cruewell), etc... (page 54). Le 8 septembre 1951, les représentants de ces diverses associations se réunissaient et constituaient l'Union des Soldats Allemands (Verband deutscher Soldaten) ; Président provisoire: le Général-Colonel Friessner ; membres du bureau: les Généraux Gille, Hauser, Guderian, Stumpf, Herr, Student, Hentschke, von Manteuffel, Cruewell et l'Amiral Hansen. L'ensemble de ses membres est estimé à 500.000.
L'association a aussitôt annoncé qu'elle était en faveur de la remilitarisation de l'Allemagne et de la coopération avec les puissances occidentales.

Parmi les thèmes de propagande de ces membres, citons les suivants: " Nous, anciens soldats, nous ne renoncerons jamais aux terres d'au delà de l'Oder et de la Neisse ») (journal du Schutzbund); «que nous le voulions ou non, il nous faudra prendre les armes pour défendre notre espace vital » (Ramcke) ; « Les camps de concentration du Ille Reich... sont des institutions dont l'utilité et l'efficacité sont indéniables » (caporal Hermann Lamp, S.S. et chef du groupe-franc Pétain) ; et le but suprême du corps-franc Allemagne est « l'avènement d'une Allemagne militarisée »).

Quant à la célèbre association « Bruderschaft » (Fraternité), elle sert au regroupement des hautes personnalités du gratin nazi, et l'on trouve, à sa tête, d'importants personnages représentatifs des S.S., des divisions d'assaut hitlériennes, de la Gestapo, du Ministère de Goebbels et même l'ancien administrateur de la souscription hitlérienne pour le réarmement. Il s'agit donc, sous l' oeil bienveillant et avec les conseils des services d'espionnage anglais et américain, de la reconstitution des organes de direction de l'hitlérisme.
 

En attendant la reconstitution officielle d'une armée allemande, où tous ces bons sabreurs retrouveront la place qu'ils y tenaient au temps de Hitler, le gouvernement de Bonn s'est rabattu sur une armée de mercenaires dont les effectifs se montent à 120.000 hommes. Ces unités, dites « Unités de Service du Travail » sont recrutées par les occupants français, (page 55), anglais et américains et leurs membres signent un engagement où il est stipulé, entre autres, qu'ils sont tenus de remplir " n' importe quelle mission" et qu'ils ne peuvent être jugés par un tribunal allemand sans l'autorisation des occupants, «s'ils sont accusés de crimes commis dans l'exercice de leurs fonctions ou au service des troupes alliées ». On prend la précaution de les protéger à l'avance contre leurs actes criminels, comme-ci ceux-ci étaient dans leurs attributions. Cela nous rappelle fâcheusement la période de la République de Weimar pendant laquelle les militaires s'adonnèrent à l'assassinat politique : Rathenau et des militants ouvriers tels que Rosa Luxembourg, Karl Liebknecht, Kurt Eisner et tant d'autres furent parmi les victimes; le social-démocrate Noske parmi les assassins.

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 Si les généraux nazis prodiguent leurs conseils aux Américains, les financiers de Hitler sont aussi les hommes de confiance de Wall-Street.

Thyssen, qui donna six millions de marks aux hitlériens et fut l'un des pilleurs de l'économie française, a été libéré ainsi que Krupp,  l' homme qui disait à ses juges: " Comment peut-on assurer la paix de l'Europe sans le soutien de Krupp ? " Pferdmenfes, l'un des conseillers financiers de Bonn, fut le collaborateur des nazis et il est à la tête d'un consortium qui représente 40 % de l'industrie de ]'acier. Pau] Reusch, soutien de Hitler, est l'un des grands magnats des hauts fourneaux de la Ruhr ; Gunter Henle, criminel de guerre, est à la tête de quinze sociétés métallurgiques (dont le groupe Siemens) ; Herman Abs, directeur hitlérien de la Deutsche Bank et de la I.G. Farben Industrie, utilisatrice des os de déportés, dirige quinze sociétés de produits chimiques, d'électricité et de travaux publics. La Ruhr est redevenue un arsenal nazi (page 56). "Le nouveau plan américain" lie l'Allemagne au Plan Marshall, en vue de la reconstruction de l'Europe. Si ce plan est accepté par tous, il liera également l' Europe à une Allemagne reconstruite !" , écrivait Edgar Mowrer, journaliste américain, en 1947 (Monde, 7-8-47), et il ajoutait: " Une fois le nouveau plan américain en vigueur, il ne restera plus au monde que la présence permanente d'armées étrangères d'occupation sur le soi allemand pour le protéger d'une troisième offensive teutonne !". Parlant de la Ruhr, Mowrer disait: " Si on leur retire le contrôle de cette centrale industrielle de l'Europe, les Allemands ne pourront dominer le continent, ni militairement, ni économiquement. ". C'était clairement exprimé. Les avertissements n'ont pas manqué, tels ceux de Georges Blun qui constatait: " La preuve est faite — et ce sont des rapports officiels allemands qui en font foi — que la guerre n'a pas détruit la Ruhr )!" (Monde, 31-7-47) et dénonçait la reconstitution des trusts ( " Il n 'y a que les noms qui changent. Les hommes restent les mêmes. Toute la crème, tout le gratin du nazisme est là. !». Blun s'étonnait naïvement de l'état d'esprit des nazis rendus à leur emploi: "Ces fauteurs de guerre n'ont pas désarmé. Eux, qui ont sur la conscience la mort de plusieurs millions d'hommes, et qui ont équipé les chambres à gaz, ils ne se sentent pas plus coupables qu'un ange. "). Que dit, aujourd'hui, M. Georges Blun quand il peut voir, comme tout le monde, la production de l' Allemagne occidentale atteindre 90 % de celle de 1936, et qu'il peut savoir, comme tout le monde, que l'on fabrique cartouches, mitrailleuses, grenades, canons, obus, chars et chenillettes, torpilles, etc... dans une cinquantaine d'entreprises, à Bochum, Dusseldorf et ailleurs ?

Que pense-t-il aussi de ce que l'industrie de la Ruhr ait été "miraculeusement préservée " des bombardements, comme il le constatait alors lui-même ?

Nous pensons, personnellement, que ce sauvetage miraculeux a été réalisé grâce à un plan soigneusement établi, comme l'était, sans doute, celui de la (page 57) " Commission d'Etudes du Bombardement Stratégique ", dont M. Paul Nitze, de la banque Dillon Read, fondatrice du trust allemand de l'acier " Vereinigte Stahlwerke ", était vice-président.

Il permet, aujourd'hui, à l'Allemagne de Bonn de revendiquer de prendre part au réarmement. Le Comité des Sages estime, en effet, non seulement que l'Allemagne de l'Ouest est capable de fabriquer pour un milliard de dollars, d'équipement militaire, mais qu'elle devrait utilement soulager l'économie des autres pays européens. Autant dire qu'on a l'intention de faire, demain, de la Ruhr, le fournisseur d'armes principal de l'Europe Occidentale, ce que l' Associated Press écrit, noir sur blanc (18-1-52).

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L' Abwehr , ou Service secret allemand, a été reconstitué, dès 1948, avec la collaboration de Guderian et les conseils d'Allan Dulles, le célèbre agent de l'O.S.S. qui préparait, en Suisse, au cours de la dernière guerre, les futures entreprises de corruption du titisme (1). Lehr, Ministre de l' Intérieur de Bonn, l'a d'ailleurs officiellement annoncé en octobre 1951, ajoutant que l'Abwehr collaborerait avec les Services de renseignements occidentaux.

La reconstitution de la Luftwaffe a été confiée aux Généraux Student et Stumpf.
En septembre 1950, les forces armées allemandes des trois zones occidentales s'élevaient à 449.200 hommes, y compris 30.000 hommes des formations d'Anders et des personnes déplacées de différentes nationalités.

L'égalité des droits était reconnue à l'Allemagne par M. Schuman lui-même, et M. Mac Cloy, Haut-Commissaire américain, en profitait pour annoncer, (1) Voir Tito, Maréchal des Traitres (E.F.R.).  (page 58) quelques jours plus tard (10-10-50), que les troupes occidentales  d'occupation allaient pouvoir être disposées " le long de la frontière tchécoslovaque et de la République Démocratique Allemande ".

Malgré les notes soviétiques du 19 octobre 1950, avertissant solennellement les puissances occidentales que l'Union Soviétique ne pouvait admettre « la renaissance en Allemagne occidentale de l'armée régulière allemande », le réarmement est activement poursuivi et le Monde peut annoncer (22-6-51) que les plans de Washington comportent la constitution de "douze divisions allemandes, formant quatre corps d'armée, dont un corps cuirassé de trois divisions ". La longue discussion qui a précédé et au cours de laquelle les dirigeants occidentaux, dont M. Jules Moch, avaient affirmé, à maintes reprises, qu'ils n'accepteraient pas la reconstitution de divisions allemandes, a fait long feu. Tout le monde s'est incliné: les divisions seront des divisions, puisqu'aussi bien Adenauer et ses généraux ont proclamé que toute autre formation était une idiotie.

Si le plan Schuman de "Haute Autorité" a placé l'industrie française à la remorque des exigences des industriels allemands, M. Pleven, de son côté, n 'hésite pas à accepter l'intégration des soldats français à l'armée européenne qui va se trouver sous commandement germano-américain.

Le Neue Zürcher Zeitung, journal conservateur suisse, commente ainsi le dernier abandon de souveraineté nationale du gouvernement français: « Aujourd'hui, il n'est plus question de ménagements, les informations de Washington font prévoir une fantastique accélération du rythme. Dans le bref délai des trois prochains mois... le plan Pleven recevra le sceau officiel: en d'autres termes, il n'y aura plus d'armée française, à part quelques effectifs conservés pour la protection des territoires d'outre-mer... Il n'y aura plus d'uniforme français, mais une livrée commune pour les troupes européennes, plus de ministère de l'armée française mais un commissaire international et, en conséquence un état- (page 59) major commun et une école d'officiers commune
pour la nouvelle fédération d'États. On ne dit pas, pour l'instant si, dans le domaine militaire, le drapeau national tricolore aura droit à l'existence."

Les Américains pratiquaient déjà le système de l'armée de mercenaires, puisque nous avons vu qu'ils utilisent, en Allemagne, des formations de Polonais d ' Anders et de personnes déplacées. Les Français possédaient la Légion Etrangère et ils utilisent, en Indochine, des contingents importants de nazis. Mais voilà mieux, maintenant, grâce aux hommes de la démission nationale: ce sont les troupes françaises qui sont transformées en formations mercenaires, qui deviennent une Légion Etrangère au service des bellicistes américains et des généraux nazis. Il est difficile de croire que soldats et officiers français accepteront de servir sous les ordres des Guderian, Ramcke et autres criminels de guerre.

Si complètes que soient la démission et la soumission du gouvernement français, les États-Unis ne s'en sont pas satisfaits. L'Allemagne de Bonn est désormais autorisée à instituer le service militaire obligatoire, à former une armée de 400.000 hommes, à posséder une aviation tactique et l'on envisage sa participation au Pacte de l'Atlantique. "Il est clair, maintenant, que, dans un délai de douze mois, l'Allemagne occidentale possédera une force qui permettra d'opposer une forte résistance ", comme le déclare triomphalement Truman (22 janvier 1952) qui, décidément, aura bien mérité de Hitler .

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Cependant que se poursuit ainsi la préparation de la guerre, la lutte pour la paix s'intensifie en Allemagne et, si, en République Démocratique Allemande, elle jouit du soutien absolu du gouvernement, alors qu'elle est violemment combattue par (page 60) les fantoches de Bonn, il est juste de dire que le peuple allemand tout entier est opposé à la guerre et à la remilitarisation du pays. Le peuple allemand a beaucoup trop souffert de la guerre pour désirer recommencer une telle expérience et a compris, dans son ensemble, où l'hitlérisme l'a mené, puisque, selon les chiffres de l'Associated Press, agence américaine, 79 % des jeunes gens en âge d'être mobilisés sont opposés au réarmement et que les appelés de la dernière guerre ont répondu "Non"', dans la proportion de 70 %, à la question: « Estimez-vous juste d'être appelé sous les drapeaux ?»

"le monde ne doit pas s'imaginer que Bonn représente la capitale de l'Allemagne, s'est écrié courageusement le Pasteur Niemoller, ou que les bonzes qui s'y trouvent représentent le gouvernement allemand "... et il ajoutait :" Chaque arme qu'un Allemand prend en mains est dirigée contre nos frères et contre nos sœurs de l'Allemagne de l'Est. Ce serait agir d'une manière criminelle que d'accepter que le peuple. allemand se laisse diviser par la haine sans scrupule de certains politiciens occidentaux".

Non, le monde ne s'imagine pas que Bonn représente l'Allemagne.

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Il va sans dire que, dans la, zone d'occupation soviétique, les réformes démocratiques ont été appliquées, selon les stipulations du traité de Potsdam : dénazification, démilitarisation, démocratisation, nationalisations et réforme agraire ont permis de donner une structure solide à la République Démocratique Allemande, dont l'établissement fut proclamé en octobre 1949.

"L'établissement de la République Démocratique Allemande dans la zone d'occupation soviétique, où les accords de Potsdam sur la dénazification et la (page 61) démilitarisation ont été scrupuleusement appliqués, souligne toute la différence qu'il y a entre la poIitique poursuivie en Allemagne par l'Union Soviétique et celle des puissances occidentales ", déclarait le Bureau Politique du Parti Communiste Français, le 20 octobre 1949, et la Pravda, rappelant les paroles de Staline selon lesquelles les Hitler arrivent et passent, mais le peuple allemand demeure, précisait (10-10-49).  « La proclamation de la République Démocratique Allemande a une grande importance pour l'avenir du peuple allemand. Elle signifie le renforcement de la lutte du peuple allemand pour la démocratisation de son pays, la liquidation de sa scission et la transformation de toute l'Allemagne en un Etat pacifique et démocratique. »

"Au cours des trois années de son existence (depuis avril 1946), le S.E.D. (parti socialiste unifié} est devenu le plus grand parti politique de la zone d'occupation soviétique et marche en tête du combat des travailleurs pour la démocratie, l'unité et une paix juste ", écrit le journaliste soviétique Melnikov (Parallèle 50, 10-6-49) ... Lors des dernières élections municipales, il a obtenu 58 % des votes.

Sous la direction du S.E.D., la nouvelle République remporte de brillants succès économiques. Le premier plan de six mois pour 1948 lui avait permis de se rendre indépendante des zones occidentales et de pallier ainsi les inconvénients du blocus commercial exercé contre elle. En mai 1950, l'Union Soviétique lui faisait remise de 50 % du montant de ses réparations et prenait la décision d'échelonner, sur quinze annuités, le paiement du reliquat dû, "payable en articles de consommation courante ".

Le bilan du plan biennal, pour 1949, indiquait un accroissement global de production de l'ordre de 16 % et l'accomplissement à 104 % des objectifs fixés à l'origine, le rationnement était assoupli, les prix du marché libre avaient été diminués par trois fois et le chômage avait été éliminé (alors qu'il y a deux millions de chômeurs en Allemagne de (page 62)  l'Ouest). En 1950, la production industrielle a augmenté de 26 % en moyenne en un an et le niveau de vie général s'est encore amélioré, en dépit de la pression occidentale et des difficultés d'approvisionnement suscités par les autorités atlantiques.

La République Démocratique Allemande est l'image même de ce que sera l'Allemagne toute entière quand l'action des partisans de la paix y aura fait triompher la cause de la paix et de la liberté.

Nous nous sommes longuement étendu sur le cas de l'Allemagne parce que ce pays, est un bon exemple de la politique poursuivie par les puissances d'agression tant en Autriche qu'au Japon et ailleurs. On voit clairement que le peuple allemand lui-même est opposé à la guerre. Les journaux ont maintes fois parlé de ce slogan allemand qui signifie "Sans Nous" et exprime la volonté unanime du peuple (1). On peut aussi constater que, pour poursuivre la réalisation de leurs plans, les Américains et leurs valets sont obligés de compter uniquement sur des troupes mercenaires ou "mercenarisées ", si j'ose dire. Qu'il s'agisse des nazis et de leurs associations d'anciens soldats, mercenaires naturels, des formations Anders ou de personnes déplacées, mercenaires professionnels, ou de troupes françaises, formations réduites à l'état de mercenaires par la volonté américaine et la soumission des gouvernants français, encadrées par des états-majors allemands et américains et ayant perdu jusqu'à leur uniforme, il ne s' agit toujours que de mercenaires.

C'est que les hommes de la guerre savent bien qu'ils ne peuvent plus compter, en dépit de la propagande et du mensonge quotidien de leur presse sur l'adhésion d'aucun peuple.

En France, des milieux fort loin d'être progressistes commencent à comprendre que ce que l'Amérique désire, c'est acheter le sang français pour (page 63)

(1) « 16 % des Allemands disposés à réarmer »" écrit Alain Clément (Monde, 6-1-52) parlant, pourtant, de l' AIlemagne Occidentale.

épargner celui des soldats américains. Cette opposition, qui se manifestera de plus en plus efficacement, est bien connue des dirigeants américains qui ne se leurrent pas outre mesure sur la bonne volonté des troupes françaises preuve qu'ils les veulent encadrer) et comptent bien davantage sur des armées de mercenaires tels que veulent leur en fournir Tito, Franco ou les réactionnaires turcs.

Mais ce sur quoi ils comptent le plus encore, c'est sur la cohorte des traîtres, échappés des Démocraties Populaires et disposés à tout pour retrouver leurs prébendes. Aussi poursuivent-ils une politique à longue haleine d'espionnage et de corruption intérieure dans l'espoir insensé et toujours mis en échec de saper les fondements de ces nouveaux pays de liberté et de socialisme.

Ne pouvant nulle part compter sur Ie peuple, ni même sur des minorités, il leur faut des traîtres. Tous les moyens leur sont bons. Aucun échec ne les lasse et leur travail de sape emprunte tous les chemins, se cache sous tous les masques, de la diplomatie à la culture en passant par la bienfaisance. 

C'est ce que nous allons examiner (page 64).

Toute nation qui a assuré la responsabilité

de la sauvegarde d'une civilisation a toujours utilisé des armées étrangères comme les sienne propres. Rome contenait les Barbares à l'aide non seulement des légions romaines, mais aussi avec les troupes étrangères, instruites et armées par elle. L'Angleterre a fait de même durant sa période de responsabilité. Maintenant, les États­ Unis s'attachent à contenir la Russie en disposant en fait de toutes les armées non-soviétiques du monde".

William BRADFORD HUIE,

(Nations' Busciness, organe de la Chambre de Commerce des E.U., janvier 1949.).

VI. DIRECTIVES D'ESPIONNAGES  

On sait que James Burnham, licencié de l'Université de Princeton et professeur de philosophie à celle de New York, tient, aujourd'hui, brillamment le rôle que tenait Rosenberg, grand prêtre du racisme dans l'Allemagne de Hitler. Cet universitaire a élaboré une savante théorie " Pour vaincre l'impérialisme soviétique", qui fait suite à une série d'ouvrages dans le même goût, dont celui intitulé La lutte pour la domination mondiale. L'essentiel, pour Burnham est que " le capitalisme américain doit passer à l'attaque sur tous les points, par la conspiration, par la subversion, par la corruption, par la guerre localisée et finalement, si cela est nécessaire, par la guerre généralisée ". Conspiration, subversion et corruption n'étant que les moyens de gagner plus facilement la guerre. En effet, dit-il, (page 65) «Une guerre politique subversive contre le communisme maintenant, plutôt qu'une attaque armée immédiate, non seulement assurerait la victoire, mais assurerait que la victoire vaut d'être remportée». Il conseille donc de poursuivre le travail de division à l'intérieur des partis démocratiques et des syndicats :"... un principe général de notre action doit être de provoquer ces divisions, de les approfondir, de les exploiter et, si possible, de les contrôler et de les conduire" ; il faut aussi aider partout les mouvements· subversifs : « Maintenir en vie, même d'une façon précaire, un petit détachement de l'armée des insurgés ukrainiens est une victoire dont les conséquences pourraient se révéler d'un poids presque incalculable dans l'issue fatale; quant aux réfugiés, il leur assigne, tout naturellement, le rôle d'espions : « On comprend ... tout ce que les émigrés peuvent offrir dans le domaine de l'espionnage. Du point de vue de la lutte contre le communisme, ils sont un riche filon qui est déjà exploité mais qui pourrait donner plus encore s'il était plus systématiquement travaillé ... De plus, les émigrés ne devraient pas être considérés seulement comme un matériel humain destiné à être utilisé passivement par les services d'espionnage, mais comme des participants actifs à notre travail. ».  Burnham estime indispensable que l'Amérique ait, partout, « des hommes qui iront jusqu'au bout, dont l'amitié nous sera acquise à toutes les phases de la guerre ou de la révolution, des hommes dont l'amitié ne se démentira pas devant la mort, des hommes qui tireront, si cela est nécessaire, dans la même direction que nous ». Attendre autant de fidélité et de courage de la part d'un ramassis de traîtres, dont la lâcheté est l'une des caractéristiques principales, est, sans doute beaucoup, mais il faut reconnaître, par ailleurs, que les théories de Burnham sont, effectivement, celles qu'appliquent les Etats-Unis dans leur préparation à la guerre.

Autre prophète du même genre, l'éditorialiste de (page 66) Fortune, revue américaine du monde des affaires, écrit que Ie but «à long terme» de la politique américaine est « la libération du peuple russe et des peuples satellites» et propose à cet effet :
« 1 ° l'extension de la radio du monde libre de Berlin jusqu'a constitution d'un réseau de stations . dans toute l'Europe d'où s'adresseront à leurs compatriotes les réfugiés du rideau de fer (1).
« 2° La reconstitution du corps polonais d'Anders par Ie regroupement progressif de ses cent quarante mille hommes.
« 3° La formation, aux Etats-Unis, d'un corps d'officiers de 25.000 Baltes, Tchèques, Hongrois, comme première mesure en vue de la mobilisation de la plus grande source disponible d'anticommunistes.»

C'est encore l'opinion de Lord Vansittart qui préconise, dans Ie Daily Mail du 23 juin 1950, la création d'un corps de 200.000 miliciens anticommunistes « destiné à la guerilla» et « prêts à entrer en action dès Ie premier jour de la bataille ».

Cette idée de « guerilla» inspire un important rapport du célèbre « Comite International pour l'Etude des Questions Européennes » qui s'est également déclaré partisan de l'utilisation de la bombe atomique. S'inspirant des leçons de la dernière guerre, ce Comité imagine qu'il est possible d'organiser, dès maintenant, des forces de guerilla. II comprend cependant que, dans Ie cas d'une guerre américaine contre les pays de la liberté, les puissances ...

(1) Cette radio existe en fait. Elle a été organisée par Ie soi-disant «Comite de l'Europe libre », dirigé par des personnages tels que Ie Général Clay, les ambassadeurs Grew et Biddle, les magnats du cinéma Cecil B. de Mille et Darryl Zanuck" etc ... Ces personnages auraient réuni plus de quatre millions de dollars, de source privée, qui leur ont permis de construire un poste d'émission à Munich, en vue « de faire sortir illégalement » des citoyens des démocraties populaires (Reuter), de présenter les régimes communistes « sous Ie jour Ie plus sombre possible» (News-Week) et, si ces activités provoquent, dans les pays visés, des mouvements clandestins, « nous n'en serons pas surpris », a déclaré Ie General Clay, ajoutant : « Il n'y a pas de limites à ce que nous pouvons faire et ferons » (Reuter), (page 67)

... atlantiques ne pourraient compter sur l'ensemble de la nation, ce qui l'amène à conseiller : « Les cadres et les troupes devront être recrutés parmi les éléments politiques les plus sûrs de la nation. Ce qu'il est important d'organiser maintenant, ce sont les bases de l'organisation et ses cadres, dont la constitution devra rester secrète, comme l'est actuellement, dans l'armée régulière, l'organisation du 2 " Bureau. "

Nous pouvons supposer que ces forces de guerilla se recruteront, en fait, dans les milieux de la collaboration et s'identifieront vraisemblablement à ces "volontaires pour la défense civile", tels qu'il en existe au pays de M. de Gasperi, ou aux C.R.S. de MM. Jules Moch et compagnie.

Le recrutement officiel des espions a été mis en pratique. C'est ainsi que M. Carl Vinson annonçait, en juin 1950, l'incorporation à l' armée américaine de 2.500 personnes. «Ces hommes, spécifiait-il, seront triés sur Ie volet et devront connaître la langue, Ie terrain, les philosophies et les peuples des pays avec lesquels nous pourrions avoir affaire.» Le General Collins a demandé, quant à lui (27-1-50), Ie recrutement de « dix mille jeunes étrangers " qui seraient utilisés « dans les services de renseignements ". Un an plus tard, Ie chiffre est augmenté. C'est vingt-cinq mille hommes (1) qui seront incorporés à l'armée américaine et, Ie 10 octobre 1951, Ie Président Truman signe cet acte d'agression caractérisé, nommé "Loi de Sécurité mutuelle", qui prévoit cent millions de dollars pour « la constitution de corps spéciaux formés de réfugiés des pays sités à l'est du rideau de fer ». Ces unités, précisent les informations de Washington, « seront amalgamées à des divisions américaines et intégrées dans l'armée atlantique» (Monde, 2-10-51). « Ces groupes

(1) Le premier contingent de ce que Ie «Sunday Times » (25-6-50) qualifiait de « Unité d'Espionnage du Rideau de Fer » est d'ailleurs arrivé aux Etats-Unis. II y fut accueilli par Ie sénateur Lodge. Le responsable du contingent hongrois, Tomas Dosa, « a passé une année sur Ie front de I'Est »

  (Radlo New­York, 15-10-51). Sans commentaires.  (page 68) 

ne se composeront pas de n'importe quels étrangers, mais seulement de nationaux de certains états ... sélectionnés en raison de leur opposition au système politique et social, installé dans leur pays d'origine, et choisis spécialement en vue d'une guerre déterminée pour combattre contre l'État dont ils sont ressortissants", ajoute le journaliste du Monde, Henri Meyrowitz, qui, s'inquiétant des dispositions de ces réfugiés, pense qu'ils " risquent d'apporter aux moyens de combat et aux procédés de l' occupation éventuelle de leur pays d'origine la passion propre aux guerres civiles et aux croisades. Ils seront inévitablement portés aux excès puisqu'ils rentreront dans leur pays animés d'un esprit de répres-sion ". Mais ces considérations laissent assurément froids les recruteurs américains.

159 millions de dollars sont affectés au « financement des activités clandestines dans les pays démocratiques", sans compter 50 autres millions pour  "la zone générale de la Chine ", nous annonçait une dépêche du ler septembre 1951. Cette propagande comprend la distribution de « deux cent mille postes de radio dans des régions placées sous l'influence soviétique ", précise M. Dean Acheson, ainsi que l'envoi de  "ballons publicitaires du Plan Marshall " (Monde, 1-9-50). On a bien lu : ils veulent distribuer 200.000 postes de radio aux malheureux Polonais, Roumains, Tchèques, etc ... (1) afin qu'ils puissent écouter « La Voix de l'Amérique », Si cela ne semble pas sérieux, les milieux d'affaires ont, par contre, établi un plan « audacieux" — disent-ils — prévoyant notamment « la diffusion de tracts au-dessus des villes soviétiques, l'armement et l'entretien de réseaux de résistance engagés contre le communisme dans les pays satellites" (2) (Monde, 18-10-50). Comment, après cela, peuvent-ils protester quand leurs espions. leurs terroristes et leurs conspirateurs sont

(page 69)

(1) Pour qui connaît l'augmentation de la production de ces divers pays en appareils de radio, l'initiative apparaît tout simplement ridicule.

(2) C'est nous qui soulignons.

arrêtés, jugés et condamnés par la justice des dits pays? Cette activité est si patente que le journal Die Tag, du 26 avril 1949, pouvait écrire : "De l'argent et des armes sont clandestinement introduits dans les pays totalitaires de l'Est par de nombreuses voies. Le rideau de fer (image dont l'exactitude a toujours été douteuse) ressemble davantage, aujourd'hui, à un filet percé d'innombrables trous plus ou moins grands... Suivant l'exemple communiste, l'Ouest a essayé de s'infiltrer au sein des milieux dirigeants, des cadres, de l'élite des Démocraties Populaires et l'on dit que ceci a réussi au delà de tout espoir ... » Que pourrions-nous ajouter à cette information démonstrative, datant de près de trois ans?

L'organisation de l'espionnage a toujours été l'une des grandes préoccupations du gouvernement américain. Dès 1946, le Président Truman procédait à la création d'un Bureau de renseignements national, fonctionnant dans le cadre du Département d'Etat, transformant ainsi, automatiquement, tous les membres du corps diplomatique américain en agents de l'espionnage, ce qui s'est vérifié, comme il est notoire. En février 1949, une nouvelle loi autorisait « l'entrée aux Etats-Unis d'agents américains dans les pays étrangers... Cette loi est destinée à attirer d'anciens communistes détenant des informations concernant les pays situés derrière le rideau de fer» (New York Herald Tribune).

Tout le monde participe à ce travail. C'est ainsi que les professeurs et chercheurs américains sont sélectionnés spécialement « pour leur double aptitude à détecter les ressources matérielles (mines, etc ... ) des pays où ils se rendent, et à faire la propagande politique de l'expansionnisme yankee sous prétexte de cours d'enseignement consacrés à la culture américaine. Dans une autre étude, nous avons déjà fait la preuve que l'Institut of International Education, chargé d'envoyer les étudiants américains en Europe, n'était en somme qu'une section de l'Office of Strategical Services, le 2e Bureau amé-

(page 70)

 

 

 

 (1) C'est nous qui soulignons.

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