Tarnac, le relevé bancaire qui change la donne
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24 octobre 2012 à 15:00 (Mis à jour : 18:28)
Le « Canard enchaîné » révèle que la carte bancaire de Yildune Lévy a été utilisée à Paris au moment du sabotage de la voie TGV, en Seine-et-Marne. Un acte dont elle est soupçonnée, avec son compagnon Julien Coupat, depuis 2008.
Par PATRICIA TOURANCHEAU
Le Canard Enchaîné révèle un indice matériel majeur qui tend à dédouaner Yildune Lévy, 29 ans, de son implication supposée avec son compagnon Julien Coupat, 38 ans, du sabotage d’une ligne de TGV, le 8 novembre 2008. Selon les policiers de la sous-direction antiterroriste (Sdat), le couple se serait trouvé à Dhuisy, en Seine-et-Marne, à bord d’une vieille Mercedes, pour poser un fer à béton sur un caténaire à l’aide d’une perche, entre 4 heures et 4h20 du matin. Or, selon l’hebdomadaire satirique, la carte bancaire d’Yildune Levy, mise en examen dans cette affaire dite de Tarnac et incarcérée un temps, a été utilisée à 2h44 à Pigalle, à Paris, ce 8 novembre 2008, pour retirer 40 euros, loin du lieu de la dégradation que la justice relie à « une entreprise terroriste ».
Trois jours après le sabotage, Yildune Lévy, Julien Coupat et sept autres personnes avaient été placés en garde à vue et pour quatre jours, tous avaient été mis en examen. Pour l’un des avocats de Yildune Levy, Me Jérémy Assous, « cet élément anéantit définitivement la version policière, déjà mise à mal par un grand nombre de contradictions ».
La jeune femme et son compagnon ont toujours admis leur virée en Seine-et-Marne dans la soirée du 7 novembre, au Trilport dans une pizzeria, mais pas du côté des voies ferrées de Dhuisy. Selon l’avocat, Julien Coupat et Yildune Lévy ont dit qu’ils avaient dîné dans une pizzeria au Trilport puis avaient dormi dans leur voiture, l’hôtel du Mouflon d’or étant complet. Réveillés par le froid, ils s’étaient rendus dans un « endroit reculé à quelques minutes de là » pour « faire un câlin », avant de rentrer à Paris.
« Une erreur de retranscription »
Dans le procès-verbal numéro 104, pièce maîtresse de l’instruction, la Sdat, qui reprend les étapes de dix-sept heures de filature de Coupat-Lévy, dit qu’une « approche piétonne » de la Mercedes au Trilport a permis de voir le couple endormi à l’intérieur dans des sacs de couchage et de la « buée sur les vitres ». Jusque-là, tout le monde est d’accord. Ensuite, les policiers écrivent que la Mercedes aurait redémarré à 3h50 pour se trouver à Dhuisy à 4 heures. Impossible, à moins de rouler à 159 km/heure pour parcourir les 26,6 km… Les policiers ont donc invoqué « une erreur de retranscription » qu’ils ont corrigée pour ramener l’heure du démarrage à 3h30. Puis, les « vingt policiers, répartis en douze véhicules » comme ils le prétendent, positionnent étrangement la Mercedes en des points différents autour du pont ferroviaire de Dhuisy, sans les voir sortir des perches ou poser un crochet. Pour Me Assous, « les policiers n’ont rien vu, rien entendu, c’est la preuve que Julien Coupat et Yildune Lévy n’y étaient pas et que le PV de synthèse numéro 104 est un faux ». Une juge d’instruction de Nanterre, Nathalie Turquey, enquête depuis un an sur la plainte des avocats du groupe de Tarnac pour « faux en écritures publiques » contre des officiers de police judiciaire.
L’apparition tardive des relevés bancaires de Yildune Lévy s’explique selon Me Assous par le fait que la Sdat les a exploités fin 2011 pour chercher à prouver l’achat de tubes en PVC dans un Bricorama — en vain — puis ne les a versés au dossier qu’en juin 2012 : « Yildune Lévy ne s’est pas expliquée en garde à vue à ce propos car on ne lui a posé aucune question sur ce qu’elle a fait, et si elle avait prêté sa carte bancaire pour se forger un alibi, elle l’aurait invoqué. » Retournement de situation : l’élément que les enquêteurs escomptaient à charge devient à décharge. C’est l’analyse défendue par le groupe de « soutien aux inculpés du 11 novembre » sur son blog : « Si cet extrait de compte avait révélé un retrait de liquide à côté des voies ou à côté d’on ne sait quel magasin de bricolage où personne ne l’a vue, cela aurait été annoncé comme la preuve de sa culpabilité. Elle aurait alors pu dire qu’elle avait prêté sa carte mais on imagine bien que la police l’aurait accusée de mentir. Ironie d’une instruction purement à charge. »
Sans le vouloir, la Sdat a apporté un indice en or à Yildune Lévy.