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L’émeute de Poitiers - Coucou c’est nous !

jeudi 22 octobre 2009, par anonyme (Date de rédaction antérieure : 22 octobre 2009).

Coucou c’est nous

    Poitiers, 10 octobre 2009. Y a d’la casse. Un institut de beauté, une agence de voyage, une librairie catho, une bijouterie, départ de feu à la Direction du Travail, une banque, un Bouygues-qui-construit-des-ballons, un France Telecom dont on ne peut décemment demander la démission du PDG, mais seulement le suicide, deux banques, un journal local...

    Bon, nous sommes passés par ces rues. Le plus vieux baptistère de France a été baptisé. Les traces que nous laissons. À même le patrimoine. Il faut avouer qu’on s’en fout, du patrimoine. Toute trace des incandescences passées est monumentalement neutralisée. Alors, faut ranimer un peu. Mettre de la couleur. Se souvenir de l’oubli des puissances. « OMNIA SUNT COMMUNIA ». Nous allons, nous manifestons à la rencontre de tout ce qui, dans le passé, nous attend.

    Nous sommes passés par ces rues. Sur les images, il y a des pleurs d’enfants. ON voudrait que les enfants pleurent à cause de nous. Mais ils pleurent avec nous. Ce sont les mêmes larmes que nous avons versées, celles de la Séparation, des larmes contre ce monde. La destruction, elle, est source de joie. Tout enfant le sait, et nous l’apprend.

    À propos du 10 octobre à Poitiers, des spécialistes ont parlé de la « stratégie du coucou » (cf. Le Monde du 13 octobre). Les manifestants se seraient fait passer pour des festivaliers. Depuis le nid culturel squatté, ils auraient pris leur envol à grand fracas.

    La réalité est que la manifestation festive contre la prison de Vivonne avait été appelée par voie d’affiches, et que la préfecture avait jugé négligeable de prendre des dispositions particulières.

    La réalité, c’est d’abord un rassemblement masqué donc illégal : rien que des coucous. Limite de la loi anticagoule, on n’interdit pas le carnaval. Embarras des forces de l’Ordre. Difficile de dire, en effet, où commence la fête.

    On n’interdit pas le carnaval. Il y a donc masques et masques. Ceux qui au fond ne recouvrent plus rien, et les autres, les nôtres, ceux des coucous. Ce qui est visé par la loi, c’est une certaine façon de se masquer ; se masquer en ayant de bonnes raisons de le faire, se masquer parce qu’on a quelque chose à cacher, ou plutôt, quelqu’un. ON A TOUS QUELQU’UN A CACHER.

    Ce jour-là, à bien y regarder, les coucous ne sont ni dans le festival, ni dans la manif. Ce qu’ils squattent, c’est la société. La condition de coucou, c’est, simplement, une existence révolutionnaire dans la société.

    « Etre révolutionnaire », rien de plus problématique. Ceux pour qui ça ne fait pas problème seront les premiers à se rendre, à faire de leur mode de vie une défaite. Figés dans leur identité, et dans leur « fierté », et raides.

    Ce qui est lâche, ce n’est pas la duplicité, ni la dissimulation. Ce qui est lâche, c’est d’affirmer l’inaffirmable. De se revendiquer « anarcho-autonomes », par exemple. C’est de prétendre dire, dans la langue de l’ennemi, autre chose que des mensonges. Il n’y a pas des révolutionnaires, pas d’identité révolutionnaire, mais des devenirs, des existences révolutionnaires.

    Eh oui, nous autres coucous, il nous faut inventer, en même temps qu’une réalité tranchante, les moyens de tenir. Ou plutôt c’est la même chose, le même processus.

    La question est : qu’est-ce qui nous tient ?

    La génération des années 60 n’a pas su le faire, avec les années 80 comme excuse historique, et couvercle de plomb. Nous autres, nous n’avons pas droit à l’erreur.

    Jamais la situation n’a été aussi mûre ; et pourtant, le camp révolutionnaire est un vaste chantier. Même parmi les ruines, il faut déblayer le terrain, la place manque toujours pour construire autrement. Jamais la situation n’a été aussi mûre ; et pourtant, tout ou presque reste à faire, et pourtant, nous avons le temps. Il nous faut donc tenir, tenir à ce qui nous tient. Tenir, tromper l’ennemi. Déjouer les logiques de représentation, piéger la répression. NOUS SOMMES TOUS DES COUCOUS.

    Nés dans le nid de la domination, il nous faut grossir, devenir trop-grands pour son espace et ses coquilles vides. C’est ainsi : l’époque a dans son ventre les enfants qui lui marcheront dessus. Elle les nourrit, leur donne un semblant de « monde », elle n’a pour les choyer que ses flux toxiques, elle n’a que ses poisons. S’ils en réchappent, ils la tueront. Ils la tueront de la plus noble, de la plus digne, de la plus belle des façons, enfin, comme on commet sans doute un MATRICIDE.

    Quelques casseurs.


Notes de do :

1°) L’émeute de Poitiers, coucou c’est pas eux : ce tract est présenté par la presse comme un texte de revendication explicatif produit par les émeutiers de Poitiers. Mais n’importe qui peut bien envoyer n’importe quoi à la presse et se faire passer pour ce qu’il n’est pas. Personnellement, ce tract me semble d’une lumière bien faible par rapport à l’éblouissement et à la joie procurée par l’émeute elle-même, et par la peur et l’indignation qu’elle a provoquée chez les journaputes et autres portes-paroles du pouvoir. j’ai du mal à croire que les auteurs de ce tract soient les mêmes que ceux qui ont fait cette brillante émeute qui éclaire suffisamment l’avenir par elle-même sans avoir besoin d’aucune explication. Une telle explication ne serait-elle d’ailleurs pas contraire au principe de la propagande par le fait ?

Une explication peut cependant se faire après une action de ce genre, mais à la condition express qu’elle explique vraiment. Ce qui n’est pas le cas ici : celles et ceux qui n’avaient pas compris tout seul en quoi le fait de "casser" peut avoir une quelconque efficacité révolutionnaire ne l’ont toujours pas compris après ce texte.

Pour de telles explications, vous pouvez visiter cette page spéciale sur les émeutes de Gênes en 2001 :

http://mai68.org/pages-speciales/genes/genes.htm

Ou ce texte intitulé VIVE LA VIOLENCE RÉVOLUTIONNAIRE :

http://mai68.org/journal/N55/16juin2001.htm#v

2°) Il existe une version pdf de ce tract où la présentatioon est encore moins géniale que le texte lui-même. Si vous voulez vérifier, c’est ici :

http://mai68.org/spip/IMG/pdf/Poitiers_Emeute_Coucou_c-est_nous.pdf

3°) Il paraît, d’après claudeguillon.internetdown.org, que : « OMNIA SUNT COMMUNIA » vient de "In extrema necessitate omnia sunt communia, id est communicanda", soit à peu près : « Dans l’état d’extrême nécessité, toutes choses sont communes et accessibles à tous ». La citation se trouve, paraît-il, dans un texte du Concile Vatican II de 1965 (Constitution sur l’Église dans le monde de ce temps, « Gaudium et Spes », § 69). La formule courte taguée sur le baptistère de Poitiers se rencontre antérieurement chez Isidore de Séville et Thomas d’Aquin.

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