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Palestine - 28 septembre 2000 - Ariel Sharon met le feu aux poudres

dimanche 19 mai 2013 (Date de rédaction antérieure : 19 mai 2013).

Ariel Sharon met le feu aux poudres

http://www.jeuneafrique.com/Article…

29/09/2003 à 00h:00 Par Marcel Péju

Le tourisme, c’est bien connu, en arrive parfois, sans le vouloir, à détruire son objet. Celui qu’Ariel Sharon pratiqua le 28 septembre 2000 visait délibérément, au contraire, à en faire un scandale. En allant « visiter » à Jérusalem, ce jour-là, l’esplanade des Mosquées, que les Juifs préfèrent appeler le mont du Temple, en référence à celui d’Hérode, détruit en 70 par les Romains et dont ne subsiste, en soubassement, que le Mur occidental — l’une de ses extrémités étant dite « des lamentations » —, celui qui n’était alors que chef du Likoud ne provoqua rien de moins que la seconde Intifada : laquelle dure encore, au prix de centaines de morts de part et d’autre.

Ariel Sharon, il est vrai, n’est pas un touriste ordinaire. Pour se rendre, avec quelques comparses, devant la mosquée el-Aqsa, sur le troisième Lieu saint de l’islam, il se fait protéger par mille cinq cents policiers et soldats, plusieurs dizaines de voitures blindées et un hélicoptère. Ce qu’il conçoit, bien dans son style, comme une démonstration de souveraineté : « Je suis ici dans la capitale de mon pays », proclame-t-il en ajoutant sans ironie : « Je suis venu porter un message de paix : celui qui touchera au Temple devra rentrer chez lui. »

Comme il était à prévoir, dès qu’il redescend, plus d’une heure après, la rampe de l’esplanade, noyé dans une mer de casques et d’uniformes, des incidents éclatent. Des centaines de musulmans, scandant « Allah akbar ! », se mettent à bombarder de pierres les forces de sécurité qui occupent l’esplanade. Des tirs de grenades lacrymogènes et de balles en caoutchouc leur répondent, qui font de nombreux blessés, dont Ahmed Tibi, député arabe israélien, qui reçoit un violent coup de matraque en tentant d’empêcher ses collègues, députés du Likoud, de pénétrer dans l’enceinte sacrée : « Déguerpissez de cet endroit ! leur hurle-t-il. Sharon est un assassin et vous devriez avoir honte de l’accompagner ! »

Les choses s’aggravent le lendemain, vendredi, jour de prière. À la sortie, des manifestants bombardent à nouveau de pierres les policiers, présents en force, et qui, cette fois, ripostent à balles réelles. On relève sept morts et plus de deux cents blessés, les Israéliens, rapportent des témoins, ayant, durant une vingtaine de minutes, empêché les secours d’intervenir ; deux adolescents, qui jetaient des pierres du haut d’un toit, ont été touchés en pleine tête.

Du coup, le Fatah de Yasser Arafat, imité par le Hamas, décrète la journée « jour de colère » en appelant les Palestiniens des Territoires à converger vers la mosquée el-Aqsa. Les troupes israéliennes, aussitôt, bouclent les frontières de Cisjordanie et de Gaza, réussissant à réduire de moitié, ce deuxième vendredi, le nombre des fidèles accédant à l’esplanade, mais sans parvenir à endiguer un mouvement général de protestation qui se solde, en quelques jours, par des dizaines de morts et des milliers de blessés. L’engrenage de la violence est lancé. « Si ce n’est pas une guerre, peut déclarer le 12 octobre Saeb Erekat, principal négociateur palestinien, alors qu’est-ce que c’est ? »

Mais si l’affaire illustre à merveille la volonté de provocation d’Ariel Sharon — et sa sanglante réussite —, elle reflète aussi le double jeu du Premier ministre d’alors, Ehoud Barak, dont on a peine à croire qu’il ne savait pas ce qu’il faisait en autorisant l’incursion musclée du Grand Likoudnik sur l’esplanade des Mosquées. Émergeant à peine des infructueuses négociations de Camp David, Barak s’employait à forger la légende des « propositions généreuses » qu’il aurait faites aux Palestiniens et vilainement rejetées par Yasser Arafat. Ainsi, ce même 28 septembre de l’an 2000, tout en donnant des gages à la droite israélienne, déclarait-il dans une interview au Jerusalem Post qu’il n’excluait pas que la Ville sainte pût constituer la capitale de deux États, Israël et la Palestine. Cela, en donnant pour la première fois à la seconde son nom arabe d’Al-Qods, mais en ajoutant, avec sa duplicité habituelle, que la première inclurait les colonies de Givat Ze’ev, Maaleh Adumin et Goush Etsion, situées à l’est de la partie arabe, ce qui la ferait « plus grande qu’elle ne l’a jamais été depuis le roi David ». Quelles miettes resteraient alors à Al-Qods ? En vérité, malgré les apparences, Ariel Sharon et Ehoud Barak : même combat.

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