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Egypte : résidus de propagande et révolution
La machine médiatique atlantiste, quoique fortement ébranlée dans ses certitudes printanières, n’en continue pas moins d’espérer que son cauchemar va se dissiper. Les deux peuples, Tunisien et Egyptien, qui ont fait mouvement sans des « amis » constitués et sans « représentants légitimes » désignés par la « communauté internationale » sous parrainage déclaré de Washington, devaient rassurer en soumettant leur destinée aux Frères musulmans. Un temps la chose semblait fonctionner et l’humeur atlantiste était au beau fixe. Et voilà que rien ne va plus. Le peuple Egyptien refait mouvement et oblige l’armée à démettre le président élu des Frères et exprime son hostilité à la connexion de ces derniers avec les Etats-Unis. En réponse les Frères sont ouvertement encouragés à ne pas se laisser faire. Ce qu’ils vont faire durant plus de trois semaines, seuls sur la scène pour clamer la « légitimité » bafouée et le « projet islamiste » bloqué. Peu importe à ce propos le déterminant, le peuple égyptien par dizaines de millions reprend la rue, à l’appel de l’armée, pour réitérer sa volonté de se débarrasser du pouvoir de la Confrérie. L’Egypte renoue avec l’expression populaire qui ramène la contesta frériste à sa marginalité première. Les données en termes de rapport de nombre de manifestants ne laissent aucun doute sur le caractère dérisoire de la « légitimité » revendiquée. Ce n’est pas ce que veut voir et faire voir la presse de l’OTAN qui ne démord pas de nier la réalité. Le Figaro titre : « Deux Égypte manifestent l’une contre l’autre », Le Monde à l’unisson nuance à peine le message concerté : « Egypte : les deux camps rivaux manifestent », le Parisien ne déroge pas non plus : « Egypte : les deux camps mobilisent… » et ainsi de suite. Au mépris de la gigantesque disproportion des forces en présence que de très rares publications osent présenter, à l’instar du Washington Post qui rapporte une demi-vérité : « Morsi’s supporters also showed no signs of backing down, though they turned out in vastly smaller numbers ». Le journal tente juste de justifier l’écart des effectifs par le non déplacement des Frères. Pourtant, les enjeux se situent bien au-delà de ces pitoyables et désespérées manipulations qui ne trompent que leurs auteurs. Le peuple d’Egypte est en train d’écrire une nouvelle période de son histoire et, ce faisant, celle de la région et probablement celle d’une refondation des rapports de forces internationaux. Ce peuple qui, le premier, vient d’adresser un message écrit, du lieu de son irruption sur la scène politique, à l’ambassadrice étatsunienne pour lui signifier de s’en tenir à sa mission et la menacer d’expulsion au cas où il lui viendrait à l’esprit de se mêler des affaires qui ne concernent que les Egyptiens. Ce peuple doit aussi résoudre une problématique complexe, éviter de retomber sous une version, même édulcorée, de la dictature qu’il a abattue. Pour le moment, la confusion semble être la règle. Il ne trouve à portée d’imagination que le souvenir de Gamel Abdenasser, dont il propose le modèle au général Abdel Fattah Al Sissi. Soit un message alternatif au vide politique pour un retour au nationalisme populiste, au moins attentif à la souffrance populaire.
Ahmed Halfaoui