Le destin politique de Nicolas Sarkozy dans les mains des juges
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Mardi 24 septembre 2013 15h46
par Sophie Louet
PARIS (Reuters) - La porte de la primaire présidentielle s’ouvrait grande à Nicolas Sarkozy pour 2017, mais la justice freine son retour et libère un peu plus le terrain pour François Fillon, son rival le plus menaçant avant la possible entrée en lice d’Alain Juppé.
La chambre de l’instruction de la cour d’appel de Bordeaux a scellé mardi le scénario que redoutaient les fidèles de Nicolas Sarkozy : en validant le volet de l’affaire Bettencourt dans lequel il est mis en examen pour "abus de faiblesse", la justice reste maîtresse du destin de l’ancien président.
Quatre autres dossiers judiciaires (l’arbitrage en faveur de Bernard Tapie, ainsi que les affaires Karachi, Kadhafi et des sondages de l’Elysée) le visent en outre.
Dans le dossier Bettencourt, Nicolas Sarkozy a la possibilité de se pourvoir en cassation, mais techniquement, les juges d’instruction peuvent sans attendre rendre leur ordonnance de règlement pour désigner qui parmi les douze mis en examen bénéficiera d’un non-lieu ou sera renvoyé en correctionnelle.
Dans ce dernier scénario, la perspective d’un procès fin 2014 s’imposerait à Nicolas Sarkozy, avec un éventuel appel en 2016, relèvent des juristes. L’échappée future à laquelle travaille celui qui se décrivait le 18 septembre en Haute-Savoie comme "un cycliste dans le peloton" s’en trouverait compromise.
Sous les regrets de façade, des partisans de François Fillon ne dédaignaient pas mardi de se réjouir du nouveau coup gagnant offert à l’ancien Premier ministre dans la partie d’échecs qui se joue pour la primaire de 2016 à droite.
"Soyons francs, ce n’est pas une mauvaise nouvelle…", concède un soutien du député de Paris.
François Fillon s’est refusé à tout commentaire à son arrivée aux journées parlementaires de l’UMP, à Paris, tandis que son lieutenant Eric Ciotti relativisait avec diplomatie cette péripétie.
"Je dis qu’il ne faut pas que la justice se mêle de politique et il ne faut pas que la politique se mêle de justice", a-t-il dit à des journalistes. "Je suis, sur le fond de ce dossier, certain que la justice dira très vite que Nicolas Sarkozy n’a absolument rien à voir dans ce dossier".
LES "SARKOZYSTES" MEZZA VOCE
Un autre député "filloniste" met néanmoins en garde contre toute joie prématurée : "La force de Nicolas Sarkozy, c’est l’onction populaire, et il n’est jamais meilleur que dans le rôle de la victime".
La député européenne Nora Berra, ancienne ministre sarkozyste, confortait l’analyse en estimant mardi que la justice, croyant "engendrer un rejet de Nicolas Sarkozy", provoquerait "un résultat tout à fait inverse".
Le président de l’UMP Jean-François Copé, qui s’est affranchi à son tour cet été de la tutelle sarkozyste, a rappelé pour sa part ne jamais commenter une procédure en cours.
Le choeur sarkozyste avait retenti le 22 mars dernier, lors de la mise en examen de l’ancien président, pour dénoncer une justice au ordres. Nicolas Sarkozy lui-même, furieux, avait songé à une réplique médiatique. Henri Guaino, son ancien conseiller, avait parlé de "déshonneur" pour la justice.
La réprobation s’exprimait mezza voce mardi, à l’exception de Nadine Morano, qui a dénoncé un "acharnement" judiciaire contre Nicolas Sarkozy.
"J’ai une interrogation, j’ai un doute, je me dis qui sont ces membres du Syndicat de la magistrature qui ont épinglé nos photos sur un ’Mur des cons’ ?", a-t-elle réagi sur BFM TV.
LE CANDIDAT DU PEUPLE
"J’espère qu’on sortira de cette affaire, moi je crois en sa probité, et je sais quelle est sa passion pour le pays. Il pourrait vivre tranquille mais vu la situation de la France aujourd’hui, je n’espère qu’une chose, c’est qu’il s’engage à revenir", a-t-elle ajouté à propos de Nicolas Sarkozy.
Des analystes conviennent que l’ancien président, qui bénéficie d’un magistère d’opinion incontesté malgré les tentatives d’émancipation et de transgression de François Fillon, saura jouer de cette nouvelle embûche pour affirmer sa pugnacité aux yeux des militants UMP. Le "candidat du peuple" contre le "candidat des cadres".
La garde rapprochée de Nicolas Sarkozy assurait ces derniers temps qu’il attendait sereinement que François Fillon "se plante". "Vous verrez, ils nous rejoindront tous à la fin", pronostique un "sarkozyste" en visant les "fillonistes".
Difficile toutefois de cultiver la posture du recours gaullien, "au-dessus de la mêlée", avec cette forme de "salissure" judiciaire, soulignent les mêmes analystes.
Porté par le succès du "Sarkothon" (11 millions d’euros pour renflouer les caisses de l’UMP), Nicolas Sarkozy, annoncé mardi à Washington, devrait se rappeler au souvenir de ses électeurs vendredi lors de sa première conférence rémunérée en France, à Cannes (Alpes-Maritimes), à l’invitation d’un industriel indien.
Un déjeuner est prévu ensuite à Nice avec les parlementaires UMP du département.
Avec Emile Picy, édité par Yves Clarisse