VIVE LA RÉVOLUTION
Accueil du site > Comment publier un article > OGM - 27 septembre 2013 - À la lueur de la chlorophylle

OGM - 27 septembre 2013 - À la lueur de la chlorophylle

vendredi 27 septembre 2013, par anonyme (Date de rédaction antérieure : 27 septembre 2013).

À la lueur de la chlorophylle

http://www.letemps.ch/Page/Uuid/47a…

Biotechnologies vendredi 27 septembre 2013

Julie Zaugg San Francisco

Kyle Taylor, responsable scientifique du projet.

Un projet californien vise la création de plantes qui brillent dans le noir, en leur injectant des gènes de luciole. Les anti-OGM fourbissent déjà leurs armes.

Avec ses petites lunettes rondes en métal, son teint pâle, sa chemise à carreaux et sa veste polaire, Kyle Taylor ressemble à un vrai rat de laboratoire. Ce « biogeek avoué » se trouve pourtant à l’avant-garde d’un projet qui n’a rien d’une souris grise : produire une plante phosphorescente. Cette initiative qui semble relever de la science-fiction est portée par Anthony Evans, un entrepreneur de San Francisco, et Omri Amirav-Drory, un biochimiste qui dirige une firme de séquençage génétique. Kyle Taylor en assure le volet scientifique.

« Les objets qui brillent dans le noir font rêver », glisse ce natif du Kansas, avec un sourire timide. Qu’on songe aux végétaux lumineux du film Avatar, par exemple. Détenteur d’un doctorat en biologie moléculaire et cellulaire de l’Université de Stanford, ce blond frêle s’appuie pourtant sur des bases tout à fait scientifiques. « Nous allons insérer des gènes de luciférase et de luciférine, une enzyme et une molécule utilisées par les lucioles, dans une arabette des dames ( Arabidopsis thaliana ), une plante régulièrement utilisée dans les laboratoires de recherche », raconte Kyle Taylor, assis dans la cabane de chantier en bordure de la baie de San Francisco qui lui sert de laboratoire.

Dans un premier temps, la séquence de gènes sera insérée dans une bactérie, qui s’arrimera à la plante et facilitera l’adoption de ce matériel génétique exogène. « La bactérie fonctionne comme un interrupteur, permettant d’allumer et d’éteindre des gènes à volonté », précise le chercheur. A terme, il prévoit d’utiliser un « pistolet à gènes », fonctionnant à l’hélium, pour injecter la séquence de gènes directement dans le végétal.

« Les graines d’arabette lumineuse devraient être prêtes d’ici à juin 2014, ce qui signifie que les premiers plants verront le jour l’été prochain », s’enthousiasme-t-il. La prochaine étape sera la création d’une rose qui brille dans le noir. « La première version de ces plantes ne sera pas très lumineuse, cela ressemblera un peu à de la peinture phosphorescente, indique Kyle Taylor. Dans le noir, on verra une sorte de lueur bleu-vert. » Mais une sélection assidue des plants générant le plus de lumière, sur plusieurs générations, devrait permettre d’améliorer le résultat. « Le but est de parvenir un jour à remplacer les lampadaires par des arbres et les lampes de chevet par des pots de fleurs », ajoute-t-il.

Malgré ses objectifs ambitieux, le procédé n’est pas entièrement neuf. « Les laboratoires académiques travaillent sur la création d’organismes qui brillent dans le noir depuis des dizaines d’années, souligne Anthony Evans, l’un des trois hommes derrière le projet. La première plante lumineuse a été créée en 1986 par des chercheurs de l’Université de Californie, mais elle ne contenait que de la luciférase et ne pouvait donc pas fonctionner sans l’ajout de luciférine. » En 2010, l’Université de Stony Brook (New York) a produit un plant de tabac capable de briller dans le noir, mais sa lueur était si faible qu’elle était presque imperceptible à l’œil humain.

Les instigateurs de l’arabette lumineuse se sont inspirés de ces différentes approches, mais ce qui a vraiment rendu leur projet possible, « ce sont les avancées réalisées ces cinq dernières années en matière de séquençage et de reproduction de l’ADN », relève Kyle Taylor. Il est désormais possible de composer sur son ordinateur un chapelet de gènes entièrement neuf, puis de le produire rapidement en grandes quantités au moyen de la réaction en chaîne par polymérase, une sorte d’imprimante à ADN. Et cela même s’il n’existe pas dans la nature. Le tout pour un coût raisonnable : une paire de bases d’ADN coûte 25 centimes à produire. Cela a donné naissance au champ de la biologie synthétique, qui a pour but de produire des organismes génétiquement modifiés (OGM) au moyen de séquences d’ADN artificielles.

Les trois hommes ont aussi voulu donner un aspect communautaire à leur projet. « Nous avons lancé une campagne sur Kickstarter (une entreprise de financement collaboratif) en avril pour lever des fonds, raconte Anthony Evans. Début juin, nous avions récolté 484 000 dollars, bien au-delà de nos attentes. » Cette philosophie collaborative s’étend à la réalisation même du projet. « L’implantation de gènes dans l’arabette requiert de nombreuses tâches répétitives, détaille Kyle Taylor. Je ne peux pas faire cela tout seul. Nous allons donc faire appel à des laboratoires do-it-yourself (DIY), pour diviser la charge de travail et les coûts. »

Ces espaces collaboratifs, où tout un chacun peut s’essayer à des projets de biologie, ont vu le jour un peu partout aux Etats-Unis ces dernières années. Ils sont particulièrement répandus dans la région de la baie de San Francisco, à l’image de BioCurious ou des Counter Culture Labs. « Beaucoup des gens qui les fréquentent n’ont pas suivi un cours de biologie depuis le lycée, explique le chercheur. Mais nous les remettons à niveau et leur apprenons à effectuer des tâches simples. » Comme injecter des gènes dans un plant d’arabette.

Cette division du travail, qui mêle scientifiques et bénévoles sans formation académique, n’est pas du goût de tous. Tout comme la promesse de récompenser les donateurs sur Kickstarter au moyen d’un sachet de graines d’arabette lumineuse. « Ce serait la première dissémination d’une plante créée au moyen de la biologie synthétique, et elle se déroulerait de façon complètement anarchique, sans contrôle étatique, déplore Kathy Wetter, une militante de ETC Group, une ONG qui défend la biodiversité. Qui sait comment elle se comporterait dans la nature ou à quels types de croisements elle donnerait lieu ? »

Elle craint aussi que ce projet n’inspire d’autres amateurs à jouer les apprentis sorciers. Peut-être même ceux formés par Kyle Taylor. Les personnes qui donnent plus de 250 dollars au projet sur Kickstarter recevront un kit contenant de l’ADN lumineux, des graines d’arabette et un mode d’emploi pour « transformer génétiquement des plantes à la maison ». ETC Group et Friends of the Earth ont lancé une pétition qui a récolté 14 000 signatures et écrit au Département américain de l’agriculture pour s’opposer au projet, mais celui-ci leur a dit que sa compétence se limitait aux parasites végétaux, ce qui n’est pas le cas de l’arabette.

« Ces voix critiques sont typiques de la réaction de rejet épidermique que suscitent les OGM en Europe, relève Alex Mauron, bioéthicien à l’Université de Genève. On les diabolise, alors qu’il s’agit d’une technologie largement sûre et qui se prête plutôt bien au mouvement des biologistes DIY. » Il y voit un héritage de la composante la plus fondamentaliste du mouvement écologiste, « qui vit dans le culte de la nature inviolée et pense que toute manipulation par l’homme est mauvaise ». Dans le cas des arabettes lumineuses, le directeur de l’Institut genevois d’éthique biomédicale rappelle qu’il s’agit « d’une espèce non nuisible et que le gène qu’on va leur implanter est inoffensif ». Les anti-OGM ont cependant engrangé une mini-victoire : fin juillet, Kick­starter a annoncé qu’il ne serait plus possible à l’avenir de récompenser les donateurs au moyen d’organismes génétiquement modifiés.

OGM avec un M comme MANIPULÉ

http://mai68.org/spip/spip.php?article1162

(Pour neutraliser la contestation, les mots "manipulé" et "manipulation" furent remplacés par "Modifié" et "modification".)

SPIP | squelette | Se connecter | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0