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La résistance populaire, facteur géophysique de la crise d’effondrement

vendredi 1er novembre 2013, par anonyme (Date de rédaction antérieure : 1er novembre 2013).

Le thème de l’article de Klein concerne un phénomène qui se trouve en pleine dynamique de développement, qui concerne la communauté scientifique, – dans tous les cas, à commencer par la frange radicale de cette communauté, qui ne pourra que se renforcer à mesure que l’on constate la rapidité de la destruction du monde causé par la dynamique du surpuissance du Système. (Dans ce cas, il s’agit en l’occurrence du capitalisme extrême, déchaîné, et des destruction qu’il opère sur l’environnement, et cela observé du point de vue de la géophysique. Le Système se manifeste par définition dans tous les domaines, et il a un nom spécifique selon les domaines, – ici le capitalisme, là la surveillance de masse [la crise Snowden/NSA], là les interventions et pressions de communication à prétention militaire [la crise syrienne et alentour], etc. Dans tous les cas, il agit dans toute sa surpuissance dans le sens de l’équation “dd&e” [déstructuration-dissolution-entropisation], tendant à réduire à un état de néantisation tout ce qu’il entend conquérir, soumettre et exploiter, et par conséquent transformant objectivement sa dynamique de surpuissance en dynamique d’autodestruction dans le cours de ce processus. Le Système, prouvant ainsi son absurdité, tend à détruire ce qui devrait le renforcer, et s’épuisant à mesure dans la catastrophique destruction de ce qui est nécessaire à sa puissance.)

L’originalité du propos de Klein, ou disons sa nouveauté dans le constat de la progression des consciences, c’est effectivement le constat de scientifiques de plus en plus nombreux, 1) que, pour des raisons diverses et indubitables, le capitalisme extrême (le Système) ne peut plus être réformé et que la lutte contre la crise qu’il engendre implique désormais sa mise en cause totale ; 2) que cette mise en cause totale du capitalisme, avec la lutte qu’elle implique contre lui, implique également la participation populaire sous forme de la révolte par tous les moyens, et sans nécessité de but constructif, ou disons alternatif ; 3) que cette réaction souhaitée par ces scientifiques a pour but fondamental, essentiel, de freiner la machine, de la gripper, de la contrecarrer par tous les moyens possibles, pour diminuer à mesure son effet destructeur, sans plus se préoccuper de savoir quoi faire et quoi mettre à la place, parce que quand une personne se noie à cause des vêtements trop lourds dont elle est affublée (une armure de chevalier blanc du libéralisme, si vous voulez), on ne se préoccupe pas de savoir comme on l’habillera si on parvient à la sauver, on tente de la sauver tout simplement, en la soulageant de ses oripeaux qui l’entraînent vers le fond.

Le plus actif des scientifiques cités par Klein, Brad Werner, estime que cet appel à la révolte n’est pas un acte idéologique ni politique, mais un fait scientifique objectif nouveau qui doit être inclus dans la démarche géophysique. Il s’agit de tenter de stopper un mouvement de destruction du monde, et un moyen désormais qualifié de “scientifique“ parmi d’autres réside dans cette révolte, que Werner nomme parfaitement du terme de résistance. (Voir notre texte du 2 juillet 2012 sur la “résistance” comme tâche civique et humaine fondamentale, sans se préoccuper des buts de cette résistance puisqu’il s’agit de ne considérer que l’aide qu’on peut apporter à la destruction du Système. Pour la définition d’un monde meilleur, on verra plus tard si vous voulez bien.)

Klein observe donc que “la résistance” est, dans ce cas, devenue un concept scientifique intégré dans la science géophysique, qui mène le constat de la destruction du monde par le Système : « So it stands to reason that, “if we’re thinking about the future of the earth, and the future of our coupling to the environment, we have to include resistance as part of that dynamics”. And that, Werner argued, is not a matter of opinion, but “really a geophysics problem”. »

« Alors il va de soi que, « si nous allons penser à l’avenir de la terre et l’avenir de notre couplage à l’environnement, nous devons inclure la résistance dans le cadre de cette dynamique ». Et ce, a fait valoir Werner, n’est pas une question d’opinion, mais vraiment un "problème géophysique." »

Voici des extraits de l’article de Klein, qui mérite sans aucun doute d’être lu et médité dans sa totalité.

« En décembre 2012, un chercheur dans les systèmes complexes aux cheveux roses nommé Brad Werner a fait son chemin à travers la foule des 24 000 scientifiques de la terre et de l’espace lors de la réunion d’automne de l’American Geophysical Union, qui se tient chaque année à San Francisco. Il y avait quelques grands noms participants à la conférence de cette année, d’Ed Stone du projet de Voyager de la Nasa, expliquant un nouveau jalon sur le chemin d’accès à l’espace interstellaire, au cinéaste James Cameron, discutant de ses aventures en eaux profondes submersibles. Mais c’était la propre session de Werner qui attirait une grande partie du buzz. Elle s’intitulait "Est-ce que la terre est baisée ?" (titre complet : "Est-ce que la terre est baisée ? Futilité dynamique de la gestion de l’environnement mondiale et des possibilités pour le développement durable par l’intermédiaire de l’activisme d’Action directe").

Debout à l’avant de la salle de conférence, le géophysicien de l’Université de Californie, San Diego, a parcouru la foule à travers le modèle informatique de pointe qu’il utilisait pour répondre à cette question. Il a parlé des limites des systèmes, de leurs perturbations, de la dissipation, des attracteurs, des bifurcations et de tout un tas d’autres choses largement incompréhensibles pour ceux d’entre nous non-initiés dans la théorie des systèmes complexes. Mais le résultat a été assez clair : le capitalisme mondial a rendu l’épuisement des ressources si rapide, si pratique et si facile que les "systèmes terre-homme" deviennent dangereusement instables en retour. Pressé par un journaliste pour une réponse claire à la question "sommes-nous baisés", Werner a mis de côté le jargon et a répondu, "Plus ou moins".

Il y a une dynamique dans le modèle, toutefois, qui offre peu d’espoir. Werner l’a baptisée "résistance" – mouvements de "personnes ou groupes de personnes" qui "adoptent un certain ensemble de dynamique qui ne rentre pas dans la culture capitaliste". Selon le résumé de sa présentation, cela inclut "l’action directe environnementale, la résistance prise à l’extérieur de la culture dominante, comme dans des protestations, des blocus et des sabotage par les peuples autochtones, les travailleurs, les anarchistes et les autres groupes militants de la résistance".

Les rencontres scientifiques sérieuses ne proposent habituellement pas des appels à la résistance politique de masse, encore moins à l’action directe et au sabotage. Mais là encore, Werner n’était pas exactement en train d’appeler ces choses. Il observait simplement que les soulèvements de masse des personnes – à l’instar du mouvement abolitionniste, le mouvement des droits civiques ou Occuper Wall Street – représentent la source probable de "frottement" capable de ralentir une machine économique qui est complètement hors de contrôle. Il a fait remarquer que nous savons que les derniers mouvements sociaux ont "eu une influence énorme sur… l’évolution de la culture dominante". Alors il va de soi que, "si nous allons penser à l’avenir de la terre et l’avenir de notre couplage à l’environnement, nous devons inclure la résistance dans le cadre de cette dynamique". Et ce, a fait valoir Werner, n’est pas une question d’opinion, mais "vraiment un problème de géophysique".

Beaucoup de scientifiques ont été forcés par leurs résultats de recherche à prendre des mesures dans la rue. Des physiciens, des astronomes, des médecins et des biologistes ont été à l’avant-garde des mouvements contre les armes atomiques, les centrales nucléaires, la guerre, la contamination chimique et le créationnisme. Et en novembre 2012, Nature a publié un commentaire par le financier et philanthrope environnemental Jeremy Grantham exhortant les scientifiques à se joindre à cette tradition et "être arrêtés si nécessaire", car le changement climatique "n’est pas seulement la crise de votre vie – c’est aussi la crise de l’existence de notre espèce".

Certains scientifiques ne doivent pas être convaincus. Le parrain de la climatologie moderne, James Hansen, est un activiste redoutable, après avoir été arrêté une demi-douzaine de fois pour avoir résister à l’élimination du sommet des montagnes par les mines de charbon et aux pipelines pour les sables bitumineux (il a même quitté son emploi à la Nasa cette année en partie pour avoir plus de temps pour faire campagne). Il y a deux ans, quand j’ai été arrêté à l’extérieur de la maison blanche lors d’une action de masse contre le pipeline de Keystone XL pour les sables bitumineux, une des 166 personnes à avoir été menottées ce jour-là était un glaciologue nommé Jason Box, un expert de renommée mondiale sur la banquise fondante du Groenland. "Je ne pouvais pas maintenir mon respect de moi si je n’était pas venu," a dit Box à cette occasion, ajoutant que "juste voter ne semble pas suffire dans ce cas. J’ai aussi besoin d’être un citoyen."

C’est louable, mais ce que fait Werner avec sa modélisation est différent. Il n’est pas en train de dire que sa recherche l’a conduit à prendre des mesures pour mettre fin à une politique particulière ; il dit que ses recherches montrent que notre paradigme économique en entier est une menace pour la stabilité écologique. Et en effet que contester ce paradigme économique – grâce au mouvement de masse de contre-pression – est le meilleur coup à disposition de l’humanité pour éviter la catastrophe. […]

Si l’on veut éviter ce genre de carnage tout en respectant nos objectifs d’émissions basés sur la science, la réduction du carbone doit être gérée avec soin à travers ce qu’Anderson et Bows décrivent comme "des stratégies de décroissance radicale et immédiate dans les Etats-Unis, l’Union européenne et les autres pays riches". Ce qui est bien, sauf que nous avons la chance d’avoir un système économique qui fétichise la croissance du PIB avant toute chose, indépendamment des conséquences humaines ou écologiques, et à qui la classe politique néolibérale a totalement abdiqué sa responsabilité de gérer quoi que ce soit (étant donné que le marché est le génie invisible auquel tout doit être confié).

Ce qu’Anderson et Bows sont vraiment en train de dire, c’est qu’il est encore temps pour éviter un réchauffement catastrophique, mais pas dans les règles du capitalisme comme elles sont construites actuellement. Ce qui peut être le meilleur argument que nous n’ayons jamais eu pour changer ces règles. […]

Mais la vérité est sortie de toute façon. Le fait que le business-as-usual, cette poursuite des bénéfices et de la croissance, déstabilise la vie sur terre, n’est plus quelque chose que nous devons apprendre dans des revues scientifiques. Les premiers signes nous crèvent les yeux. Et un nombre croissant d’entre nous réagissent en conséquence : blocage d’activités de fracturation à Balcombe ; interférer avec les préparations de forage en Arctique dans les eaux russes (à un coût personnel considérable) ; traîner les exploitants des sables bitumeux devant les tribunaux pour avoir violé la souveraineté indigène ; et d’innombrables autres actes de résistance, grands et petits. Dans le modèle d’ordinateur de Brad Werner, c’est la "friction" nécessaire pour ralentir les forces de déstabilisation ; l’excellent militant de la campagne pour le climat Bill McKibben appelle cela les "anticorps" se levant pour combattre "la fièvre de dopage" de la planète. Ce n’est pas une révolution, mais c’est un début. Et cela pourrait nous acheter juste assez de temps pour trouver un moyen de vivre sur cette planète qui soit nettement moins baisée. »

Il nous apparaît évident que cet article, qui introduit une dimension nouvelle en objectivant la nécessité ce la révolte (de la résistance), quasiment comme un fait scientifique incontestable, doit être lu dans toute sa globalité potentielle. Activiste comme on la connaît, et sans doute aussi est-ce le cas de Werner, Klein cite comme mouvements de résistance des cas classiques de révoltes ou de résistance populaires (Occupy Wall Street). Nous devons aller plus loin que cela, en suivant rigoureusement la même logique. Il s’agit d’attaquer, d’attaquer sans cesse pour gripper le Système, fausser son fonctionnement et accélérer son inéluctable dynamique autodestructrice, donc introduire le désordre en son cœur, par tous les moyens possibles. Tous les actes, tous les événements, dans tous les domaines, selon toutes les formes qu’ils peuvent prendre, sont comptables de ce devoir fondamental, qui est nommé “résistance”.

Pour être bien concret à cet égard et montrer la diversité du propos, on prendra le cas de la crise Snowden/NSA, dans tous les esprits et si souvent traitée dans ces colonnes. Selon la logique ainsi exposée, il ne s’agit pas, dans cette crise, de contrer la NSA, de chercher à assurer une défense de l’Europe contre les actes de la NSA, selon des données principielles devenues objectivement archaïques sinon fantomatiques parce que totalement détruites par le Système, comme la souveraineté, l’identité, etc. Tout cela n’existe plus là où nous étions accoutumés de le trouver car tous les principes ont été détruits dans la structuration par inversion des directions politiques (même s’ils existent ailleurs, car un principe ne se détruit pas, et ils existent justement dans le fait de la résistance). L’on sait bien, ou il serait temps de commencer à le savoir après avoir fait l’effort de la comprendre, – l’intelligence sert à cela, – que la définition de l’Europe comme vassale de l’Amérique est absolument vaine pour les effets espérés, notamment effets de mobilisation, et à la limite que cette définition est complice de la situation actuelle du Système en dissimulant la vérité de la situation. (En acceptant par hypothèse cette logique de l’Europe-vassale, que nous n’acceptons plus dans notre rangement, croit-on une seule seconde que si l’Europe telle qu’elle est se libérait de cette soi-disant vassalité, elle ne serait pas aussitôt le meilleur élève du Système ? Voyez l’allure avantageuse et entendez la profondeur du verbe de Barroso : la messe est dite. [Ou bien, voyez notre président-poire, hein…])

L’Europe, dans le chef de ses dirigeants politiques, est un composant comme l’Amérique dans le chef de ses dirigeants politiques, au service du Système, agissant selon les normes et les consignes du Système, etc. (De là notre rangement en bloc BAO, où l’Europe, répétons-le dans le chef de ses directions politiques, est exactement sur le même pied d’égalité que les USA dans son action dd&e.) Le fait de la “résistance” comme facteur géophysique, mais aussi culturel, psychologique, politique, etc., consiste à introduire le désordre, la confusion dans la machine-NSA, à tenter de la gripper, et par extension dans la direction politique US, au Congrès, dans les relations USA-Europe, dans les réactions des dirigeants européen “écoutés”, et ainsi de suite. (Et Snowden-Greenwald font parfaitement cela, quelles que soient leurs intentions et leurs pensées, et la sympathie qu’on éprouve ou pas pour eux.) Peu nous chaut que Merkel soit espionné et qu’elle ne le soit plus si sa protestation est entendue, – de toutes les façons, tous ces gens disent la même chose, pour le même but-Système, même s’ils ne le réalisent pas ; l’important est qu’elle (Merkel) réagisse, s’indigne, rougisse de colère et de vertu outragée, brandisse la dignité et les “valeurs” suprématistes partagées par le bloc BAO, demande des comptes, exige ceci et cela, et produise ainsi des effets à la Maison-Blanche, au Congrès, et en finale à la NSA dans le chef ahuri du général Alexander, et tous ces effets qui sont autant d’effets de désordre et de confusion, qui handicapent et freinent de plus en plus gravement le fonctionnement de la machine. Bien entendu, cet exemple est un exemple, et la même logique s’applique à toutes les crises, à toutes les situations… Résistez, résistez, et cessez donc de chercher à comprendre pour quelle forme de monde idyllique vous résistez. L’acte seul compte, dans une situation d’effondrement si tragique qu’elle implique au terme de sa logique la destruction du monde et de tout ce qui va avec, compris “les espèces”, et donc sapiens soi-même.

Nous avons pris l’exemple de la crise Snowden/NSA parce qu’elle est dans tous les esprits et qu’elle semblerait être le moins concernée par cette idée de “résistance” impliquant une “révolte” qu’on imagine aussitôt limitée aux seuls mouvements populaires de masse. Au contraire, tout est concerné, à notre sens. Ainsi faut-il prendre, selon notre logique, toute la puissance du propos de Klein, et toute la substance encore plus bouleversante que révolutionnaire, complètement apolitique et anti-idéologique, de cette “révélation” de la nécessité de “résistance” qui commence à toucher le monde scientifique, selon cette autre “révélation” que ce qui est en cause est bien un système entier, général, as a whole, – le Système, certes. Nous ne prendrons pas alors notre calculette pour mesurer en termes politiques et autres les effets de cette démarche, ce qui serait faire acte de fausse-science, de science-bidon, pour mesurer la chose. Nous tentons simplement de proposer l’idée qu’une telle conception qui progresse dans les esprits de nombre de scientifiques constitue un fait psychologique majeur, quoique par ailleurs inévitable au vu de la dynamique du Système et de ses effets, et ce fait psychologique devant nécessairement entraîner des effets psychologiques généraux, des réalisations intellectuelles et de conscience, etc. C’est ainsi que se constate, puis se renforce aussitôt, la nécessité de la “résistance”, devenu fait scientifique objectif.

Bien entendu, nous n’avons examiné qu’un seul aspect de l’article de Klein et de l’attitude de ces scientifiques qu’elle décrit. Un autre aspect concerne évidemment la situation de crise eschatologique d’effondrement qui est ainsi actée (avec ses avatars de fort peu d’intérêt, comme la polémique sur la question des émissions des gaz à effets de serre, le Climategate). Cette crise d’effondrement affectant la structure géophysique du monde est une évidence qui n’a besoin ni de calculettes, ni de polémiques, et le rôle du sapiens en tant que serviteur du Système est de la même évidence. Bien entendu, nous reviendrons sur cet aspect de l’article de Klein.

Ndt : Traduction rapide de la partie anglaise de l’article de Dedefensa par Dominique, avec les fautes habituelles.

Source : http://www.dedefensa.org/article-la…

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