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Arabie Séoudite - 31 octobre 2013 - Coup de froid entre Riyad et l’allié américain

samedi 8 février 2014, par anonyme (Date de rédaction antérieure : 8 février 2014).

Depuis le Pacte du Quincy, conclu en 1945 entre le roi Ibn Saoud, fondateur de l’Arabie saoudite moderne, et le président américain Franklin Roosevelt sur le croiseur USS Quincy, la relation spéciale entre les deux pays a été marquée par des hauts et des bas. Mais la secousse semble cette fois plus tectonique.

La mauvaise humeur du royaume saoudien découle de ses peurs existentielles et du changement majeur qu’est en train d’opérer l’administration de Barack Obama dans sa politique moyen-orientale. Riyad est furieux contre les Américains, qui ont refusé de lancer des frappes militaires contre le régime alaouite du président Bachar el-Assad et d’armer massivement l’opposition syrienne.

l’Amérique de Barack Obama, pragmatique, entend jouer un rôle plus modeste que celui qu’a souhaité jouer son prédécesseur George W. Bush avec son « Freedom Agenda ». Ce plan de "démocratisation" du Moyen-Orient concocté par les néo-conservateurs de Washington s’est soldé par un cuisant échec.

Coup de froid entre Riyad et l’allié américain

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Moyen-orient jeudi 31 octobre 2013

Stéphane Bussard

Le roi Abdallah reçu par le président Barack Obama à la Maison-Blanche juin 2010
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Les profonds troubles qui secouent la région ont déstabilisé l’Arabie saoudite, qui doit assurer la transition d’un pouvoir royal fragilisé. La nouvelle politique moyen-orientale de l’administration Obama accentue le malaise.

Il fut une période, pas si lointaine, où la seule évocation de la présence américaine au Moyen-Orient sur les terres de l’islam suscitait des réactions de violent rejet. Aujourd’hui, c’est le retrait relatif des États-Unis qui indispose plusieurs dirigeants arabes. A commencer par l’Arabie saoudite. Illustration du changement : en mai 2011, en plein printemps arabe, Barack Obama déclarait à la tribune des Nations unies que la première puissance mondiale était prête à soutenir la démocratie et l’essor économique du monde arabe par « tous les moyens diplomatiques, économiques et stratégiques à disposition ». Septembre 2013 : le maelström qui emporte le Moyen-Orient dans une phase de profonde instabilité a douché l’optimisme de la Maison-Blanche. A l’ONU, le président américain revoit sa copie : « Nous pouvons rarement atteindre de tels objectifs par une action unilatérale des États-Unis, surtout militaire. »

La crise qui a éclaté ces dernières semaines entre Riyad et Washington est le corollaire du chaos dans lequel a sombré le Moyen-Orient. Le refus inédit des Saoudiens de s’exprimer devant l’ONU, puis d’accepter leur élection à l’un des dix postes de membres non permanents du Conseil de sécurité en fut l’expression. La mauvaise humeur du royaume saoudien découle de ses peurs existentielles et du changement majeur qu’est en train d’opérer l’administration de Barack Obama dans sa politique moyen-orientale. Riyad est furieux contre les Américains, qui ont refusé de lancer des frappes militaires contre le régime alaouite du président Bachar el-Assad et d’armer massivement l’opposition syrienne.

La colère saoudienne masque pourtant la propre incapacité de Riyad d’agir en appui crédible de cette même opposition éclatée en de multiples factions. L’Arabie saoudite n’est pas moins critique de l’opération onusienne de démantèlement de l’arsenal chimique syrien, une « mascarade internationale » visant à offrir à Barack Obama le prétexte de ne pas s’impliquer dans le bourbier moyen-oriental, estime le prince Turki al-Faisal, ex-ambassadeur saoudien aux États-Unis.

La détente caractérisant les relations entre les États-Unis et l’Iran aggrave la crise. Si ce début de rapprochement devait mener à une normalisation partielle entre les deux ennemis, l’Iran chiite pourrait renforcer son pouvoir régional. Une perspective qui inquiète le pouvoir saoudien sunnite. Au-delà de la rivalité confessionnelle et régionale, Téhéran est aussi un concurrent direct dans les exportations de pétrole vers la Chine et la Russie. Or Riyad, qui voit ses exportations vers les États-Unis diminuer en raison de l’explosion de la production des gaz et pétrole de schiste outre-Atlantique, compte sur l’or noir pour asseoir son pouvoir.

Spécialiste du Moyen-Orient, la journaliste Karen Elliott House souligne dans le Wall Street Journal que la présente crise arrive à un moment où la famille royale saoudienne est absorbée par ses problèmes de succession. Elle juge que l’environnement régional dans lequel elle évolue n’a jamais été aussi menaçant. Riyad, dont la politique étrangère reste ambiguë, redoute de ne plus avoir le soutien essentiel, bien que silencieux, de Washington, comme à l’époque de George Bush père.

Depuis le Pacte du Quincy, conclu en 1945 entre le roi Ibn Saoud, fondateur de l’Arabie saoudite moderne, et le président américain Franklin Roosevelt sur le croiseur USS Quincy, la relation spéciale entre les deux pays a été marquée par des hauts et des bas. Mais la secousse semble cette fois plus tectonique. Sous l’impulsion de sa conseillère à la sécurité nationale, Susan Rice, Barack Obama confirme ce qui est déjà ressorti de sa stratégie du pivot vers l’Asie : le Moyen-Orient ne doit plus engloutir toutes les ressources de la politique étrangère américaine. Hormis chercher un compromis nucléaire avec l’Iran, promouvoir un semblant de paix entre Israéliens et Palestiniens et limiter les dégâts ­collatéraux du conflit syrien, l’Amérique de Barack Obama, pragmatique, entend jouer un rôle plus modeste que celui qu’a souhaité jouer son prédécesseur George W. Bush avec son « Freedom Agenda ». Ce plan de démocratisation du Moyen-Orient concocté par les néo-conservateurs de Washington s’est soldé par un cuisant échec. L’administration américaine entend se limiter à répondre à des actes d’agression contre les États-Unis ou leurs alliés tels qu’Israël, la Jordanie ou la Turquie, à s’assurer que le pétrole continue de s’écouler sur les marchés mondiaux, à démanteler des réseaux terroristes ou à supprimer d’éventuelles armes de destruction massive.

Une telle politique interroge sur le devenir de la relation que les Etats-Unis ont nouée avec l’Egypte depuis l’époque d’Anouar el-Sadate : Washington, qui a longtemps soutenu l’autoritaire Hosni Moubarak pour cimenter le traité de paix entre l’Egypte et Israël, est moins disposé à venir en aide à un pays englué dans les tourments de l’après-Printemps arabe. Après avoir refusé de bloquer l’avènement d’un gouvernement islamiste élu démocratiquement et dominé par les Frères musulmans de Mohamed Morsi, la Maison-Blanche n’a pas jugé opportun de défendre le coup d’Etat militaire de juillet. L’Arabie saoudite pousse des cris d’orfraie face à ce désengagement américain, mais verse dans le même temps des milliards de dollars au Caire. Comme le rappelle toutefois Karen Elliott House, ni la Russie, ni la Chine, proches de Téhéran, et encore moins la France et l’Inde ne viendront jouer les anges gardiens. L’Amérique reste la seule alliance possible pour sécuriser la région du golfe Persique. Elle est aussi la seule capable de fournir la technologie militaire et pétrolière dont Riyad a besoin.

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