VIVE LA RÉVOLUTION
Accueil du site > Comment publier un article > la Banque d’Angleterre démolit les bases théoriques de l’austérité (The (...)

la Banque d’Angleterre démolit les bases théoriques de l’austérité (The Guardian - 18 mars 2014)

samedi 12 avril 2014, par anonyme (Date de rédaction antérieure : 12 avril 2014).

L’argent n’est qu’une reconnaissance de dette…

La vérité éclate : un accès de franchise de la Banque d’Angleterre démolit les bases théoriques de l’austérité. (The Guardian)

David Graeber
theguardian.com,
Tuesday 18 March 2014 10.47 GMT

Traduction "ça donne envie de solder quelques comptes" par VD pour le Grand Soir avec probablement toutes les fautes et coquilles habituelles :

http://www.legrandsoir.info/la-veri…

11 avril 2014

On dit que dans les années 1930, Henry Ford aurait fait remarquer que c’était une bonne chose que la plupart des Américains ne savent pas comment fonctionne réellement le système bancaire, parce que s’ils le savaient, « il y aurait une révolution avant demain matin ».

La semaine dernière, il s’est passé quelque chose de remarquable. La Banque d’Angleterre a vendu la mèche. Dans un document intitulé « La création de l’argent dans l’économie moderne », co-écrit par trois économistes de la Direction de l’Analyse Monétaire de la banque, ces derniers ont déclaré catégoriquement que les hypothèses les plus courantes sur le fonctionnement du système bancaire sont tout simplement fausses, et que les positions plus populistes, plus hétérodoxes qui sont généralement associées à des groupes comme Occupy Wall Street, sont correctes. Ce faisant, ils ont jeté aux orties les bases théoriques de l’austérité.

Pour avoir une idée de la radicalité de cette nouvelle position de la Banque, il faut repartir du point de vue conventionnel, qui continue d’être la base de tout débat respectable sur la politique économique. Les gens placent leur argent dans des banques. Les banques prêtent ensuite cet argent avec un intérêt - soit aux consommateurs, soit aux entrepreneurs désireux d’investir dans une entreprise rentable. Certes, le système de réserve fractionnaire ne permet pas aux banques de prêter beaucoup plus que ce qu’elles détiennent en réserve, et il est vrai aussi que si les placements ne suffisent pas, les banques privées peuvent emprunter plus auprès de la banque centrale.

La banque centrale peut imprimer autant d’argent qu’elle le souhaite. Mais elle prend aussi garde à ne pas en imprimer trop. En fait, on nous dit souvent que c’est même la raison d’être des banques centrales indépendantes. Si les gouvernements pouvaient imprimer l’argent eux-mêmes, ils en imprimeraient sûrement beaucoup trop et l’inflation qui en résulterait sèmerait le chaos. Des institutions telles que la Banque d’Angleterre ou la Réserve Fédérale des États-Unis ont été créées pour réguler soigneusement la masse monétaire pour éviter l’inflation. C’est pourquoi il leur est interdit de financer directement un gouvernement, par exemple, en achetant des bons du Trésor, mais au lieu financent l’activité économique privée que le gouvernement se contente de taxer.

C’est cette vision qui nous fait parler de l’argent comme s’il s’agissait d’une ressource limitée comme la bauxite ou le pétrole, et de dire des choses comme « il n’y a tout simplement pas assez d’argent » pour financer des programmes sociaux, et de parler de l’immoralité de la dette publique ou des dépenses publiques « au détriment » du secteur privé. Ce que la Banque d’Angleterre a admis cette semaine est que rien de tout ça n’est vrai. Pour citer son propre rapport : « Plutôt que de recevoir des dépôts lorsque les ménages épargnent pour ensuite prêter, le crédit bancaire crée des dépôts » … « En temps normal, la banque centrale ne fixe pas la quantité d’argent en circulation, pas plus que l’argent de la baque centrale n’est "démultiplié" sous forme de prêts et dépôts. »

En d’autres termes, tout ce que nous croyions savoir est non seulement faux – mais c’est exactement le contraire. Lorsque les banques font des prêts, elles créent de l’argent. C’est parce que l’argent n’est qu’une simple reconnaissance de dette. Le rôle de la banque centrale est de superviser une décision juridique qui accorde aux banques le droit exclusif de créer des reconnaissances de dette d’un certain genre, celles que le gouvernement reconnaît comme monnaie légale en les acceptant en paiement des impôts. Il n’y a vraiment pas de limite à la quantité que les banques pourraient créer, à condition de trouver quelqu’un disposé à emprunter. Elles ne seront jamais prises de court pour la simple raison que les emprunteurs, en général, ne prennent pas l’argent pour le cacher sous leur matelas ; en fin de compte, tout argent prêté par une banque finira par retourner vers une banque. Donc, pour le système bancaire dans son ensemble, tout prêt devient simplement un autre dépôt. De plus, lorsque les banques ont besoin d’acquérir des fonds auprès de la banque centrale, elles peuvent emprunter autant qu’elles le souhaitent ; la seule chose que fait la banque centrale est de fixer le taux d’intérêt, c’est-à-dire le coût de l’argent, pas la quantité en circulation. Depuis le début de la récession, les banques centrales américaines et britanniques ont réduit ce coût à presque rien. En fait, avec « l’assouplissement quantitatif » [« quantitative easing » ou planche à billets - NdT] elles ont injecté autant d’argent que possible dans les banques, sans produire d’effets inflationnistes.

Ce qui signifie que la limite réelle de la quantité d’argent en circulation n’est pas combien la banque centrale est disposée à prêter, mais combien le gouvernement, les entreprises et les citoyens ordinaires sont prêts à emprunter. Les dépenses du gouvernement constituent le principal moteur à l’ensemble (et le document admet, si vous le lisez attentivement, que la banque centrale finance bien le gouvernement, au final). Il n’est donc pas question de dépenses publiques « au détriment » d’investissements privés. C’est exactement le contraire.

Pourquoi la Banque d’Angleterre a-t-elle soudainement admis cela ? Eh bien, une des raisons, c’est parce que c’est évidemment vrai. Le travail de la Banque est en fait de faire fonctionner le système, et ces derniers temps le système n’a pas très bien fonctionné. Il est possible qu’elle a décidé que maintenir la version conte-de-fées de l’économie, un version qui s’est avérée très pratique pour les riches, est tout simplement devenu un luxe qu’elle ne peut plus se permettre.

Mais politiquement, elle prend un risque énorme. Il suffit de considérer ce qui pourrait arriver si les détenteurs d’hypothèques réalisaient que l’argent que la banque leur a prêté ne vient pas en réalité des économies de toute une vie de quelques retraités économes, mais que c’est quelque chose que la banque a tout simplement créée avec une baguette magique que nous, le public, lui avons donnée.

Historiquement, la Banque d’Angleterre a eu tendance à jouer un rôle de précurseur, en présentant une position apparemment radicale qui finissait par devenir la nouvelle orthodoxie. Si tel est le cas ici, nous pourrions peut-être bientôt savoir si Henry Ford avait raison.

David Graeber

1 Message

  • The truth is out : money is just an IOU, and the banks are rolling in it

    The Bank of England’s dose of honesty throws the theoretical basis for austerity out the window

    http://www.theguardian.com/commenti…

    David Graeber
    theguardian.com, Tuesday 18 March 2014 10.47 GMT

    Back in the 1930s, Henry Ford is supposed to have remarked that it was a good thing that most Americans didn’t know how banking really works, because if they did, "there’d be a revolution before tomorrow morning".

    Last week, something remarkable happened. The Bank of England let the cat out of the bag. In a paper called "Money Creation in the Modern Economy", co-authored by three economists from the Bank’s Monetary Analysis Directorate, they stated outright that most common assumptions of how banking works are simply wrong, and that the kind of populist, heterodox positions more ordinarily associated with groups such as Occupy Wall Street are correct. In doing so, they have effectively thrown the entire theoretical basis for austerity out of the window.

    To get a sense of how radical the Bank’s new position is, consider the conventional view, which continues to be the basis of all respectable debate on public policy. People put their money in banks. Banks then lend that money out at interest – either to consumers, or to entrepreneurs willing to invest it in some profitable enterprise. True, the fractional reserve system does allow banks to lend out considerably more than they hold in reserve, and true, if savings don’t suffice, private banks can seek to borrow more from the central bank.

    The central bank can print as much money as it wishes. But it is also careful not to print too much. In fact, we are often told this is why independent central banks exist in the first place. If governments could print money themselves, they would surely put out too much of it, and the resulting inflation would throw the economy into chaos. Institutions such as the Bank of England or US Federal Reserve were created to carefully regulate the money supply to prevent inflation. This is why they are forbidden to directly fund the government, say, by buying treasury bonds, but instead fund private economic activity that the government merely taxes.

    It’s this understanding that allows us to continue to talk about money as if it were a limited resource like bauxite or petroleum, to say "there’s just not enough money" to fund social programmes, to speak of the immorality of government debt or of public spending "crowding out" the private sector. What the Bank of England admitted this week is that none of this is really true. To quote from its own initial summary : "Rather than banks receiving deposits when households save and then lending them out, bank lending creates deposits" … "In normal times, the central bank does not fix the amount of money in circulation, nor is central bank money ’multiplied up’ into more loans and deposits."

    In other words, everything we know is not just wrong – it’s backwards. When banks make loans, they create money. This is because money is really just an IOU. The role of the central bank is to preside over a legal order that effectively grants banks the exclusive right to create IOUs of a certain kind, ones that the government will recognise as legal tender by its willingness to accept them in payment of taxes. There’s really no limit on how much banks could create, provided they can find someone willing to borrow it. They will never get caught short, for the simple reason that borrowers do not, generally speaking, take the cash and put it under their mattresses ; ultimately, any money a bank loans out will just end up back in some bank again. So for the banking system as a whole, every loan just becomes another deposit. What’s more, insofar as banks do need to acquire funds from the central bank, they can borrow as much as they like ; all the latter really does is set the rate of interest, the cost of money, not its quantity. Since the beginning of the recession, the US and British central banks have reduced that cost to almost nothing. In fact, with "quantitative easing" they’ve been effectively pumping as much money as they can into the banks, without producing any inflationary effects.

    What this means is that the real limit on the amount of money in circulation is not how much the central bank is willing to lend, but how much government, firms, and ordinary citizens, are willing to borrow. Government spending is the main driver in all this (and the paper does admit, if you read it carefully, that the central bank does fund the government after all). So there’s no question of public spending "crowding out" private investment. It’s exactly the opposite.

    Why did the Bank of England suddenly admit all this ? Well, one reason is because it’s obviously true. The Bank’s job is to actually run the system, and of late, the system has not been running especially well. It’s possible that it decided that maintaining the fantasy-land version of economics that has proved so convenient to the rich is simply a luxury it can no longer afford.

    But politically, this is taking an enormous risk. Just consider what might happen if mortgage holders realised the money the bank lent them is not, really, the life savings of some thrifty pensioner, but something the bank just whisked into existence through its possession of a magic wand which we, the public, handed over to it.

    Historically, the Bank of England has tended to be a bellwether, staking out seeming radical positions that ultimately become new orthodoxies. If that’s what’s happening here, we might soon be in a position to learn if Henry Ford was right.

SPIP | squelette | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0