Des morts dans l’est de l’Ukraine, l’accord de Genève menacé
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Dimanche 20 avril 2014 18h03
par Aleksandar Vasovic
SLAVIANSK Ukraine (Reuters) - Trois personnes ont été tuées dimanche lors d’échanges de tirs près de Slaviansk, une ville de l’est de l’Ukraine contrôlée par des séparatistes pro-russes, des morts qui fragilisent un peu plus l’accord international conclu jeudi à Genève et censé éviter une escalade du conflit.
Les gouvernements russe et ukrainien ont chacun mis en doute la volonté de l’autre de respecter et d’appliquer cet accord élaboré avec les Etats-Unis et l’Union européenne.
Les séparatistes ont dit avoir été attaqués par des hommes armés issus de Secteur Droit, un groupe nationaliste d’extrême droite. Ce dernier a démenti tout implication, rejetant la responsabilité de l’attaque sur les forces spéciales russes.
Un échec de l’accord de Genève pourrait ouvrir la voie à de nouvelles violences dans l’est de l’Ukraine mais il pourrait aussi décider les Etats-Unis à imposer dès la semaine prochaine de nouvelles sanctions à la Russie.
Le texte signé à Genève prévoit la dispersion des groupes armés illégaux, mais les activistes pro-russes n’ont pour l’instant pas apporté la preuve de leur volonté de s’y plier.
Kiev avait pourtant nourri l’espoir d’une détente en annonçant une trêve à l’occasion de Pâques et des médiateurs internationaux mandatés par l’OSCE, l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, étaient partis samedi pour l’est du pays dans le but de persuader les dirigeants pro-russes de déposer les armes.
"PROVOCATION", DIT MOSCOU
Mais les échanges de tirs près de Slaviansk risquent fort de durcir les positions dans le camp séparatiste en alimentant le sentiment pro-russe et la défiance vis-à-vis de Kiev.
"La trêve pascale a été violée", a déclaré le ministère russe des Affaires étrangères dans un communiqué, parlant de "provocation" et reprochant à Kiev de ne pas vouloir réellement "réfréner et désarmer les nationalistes et les extrémistes".
Le ministère ukrainien des Affaires étrangères a répliqué en reprochant à Moscou d’avoir réagi sans même disposer d’informations à l’appui de ses accusations.
"Il est nécessaire de rappeler la partie russe à ses obligations dans le cadre de l’accord de Genève, à savoir user de toute l’influence nécessaire pour amener les séparatistes à évacuer les bâtiments, à débloquer les routes, à déposer les armes et à empêcher toute effusion de sang", a-t-il déclaré dans un communiqué.
Le maire auto-proclamé de Slaviansk a décrété le couvre-feu dans la ville et en a appelé directement au président russe, Vladimir Poutine, lui demandant d’envoyer sur place des troupes de maintien de la paix.
Artem Skoropadski, porte-parole de Secteur Droit, a quant à lui qualifié l’attaque de dimanche de "provocation blasphématoire de la Russie, blasphématoire parce qu’elle a eu lieu pendant une nuit sacrée pour les chrétiens, la nuit de Pâques".
"Elle a été manifestement perpétrée par les forces spéciales russes", a-t-il ajouté.
L’OSCE TENTE UNE MÉDIATION
Des membres d’une milice séparatiste ont déclaré à Reuters que quatre véhicules s’étaient approchés de leur barrage vers 02h00 du matin (23h00 GMT) avant d’ouvrir le feu.
"Nous avons eu trois morts et quatre blessés", a dit à Reuters l’un des combattants séparatistes, prénommé Vladimir, sur le "checkpoint" près duquel se trouvaient les carcasses carbonisées de deux jeeps.
"Un de nos hommes s’est approché d’eux. Ils lui ont tiré dans la tête et il est tombé sur le coup. Il y avait aussi des tirs de sniper", a poursuivi Vladimir.
Il a ajouté que les séparatistes avaient riposté et tué deux des assaillants, qu’il a présentés comme des membres de Secteur Droit.
A Kiev, la police a déclaré que trois personnes avaient été tuées et trois autres blessées.
Sur les lieux de l’attaque, à une vingtaine de kilomètres à l’ouest de Slaviansk, une équipe de Reuters TV a vu deux cadavres, dont l’un présente des impacts de balles au visage.
Un médiateur de l’OSCE se trouvait dimanche à Donetsk, la plus grande ville de l’est de l’Ukraine, à une centaine de km au sud de Slaviansk, où il doit tenter de négocier la reddition des séparatistes pro-russes, qui occupent des bâtiments publics depuis deux semaines et réclament un référendum d’autodétermination.
Mais la mission du diplomate britannique Mark Etherington s’annonce très dure.
"Pour l’instant, la volonté politique de se retirer est absente", reconnaissait samedi un membre de la mission de l’OSCE à Kiev, avant même qu’il ne soit fait état de la fusillade meurtrière près de Slaviansk.
(avec Richard Balmforth et Nataiia Zinets à Kiev, Dmitry Madorsky à Slaviansk, Christian Lowe à Moscou, Henri-Pierre André et Marc Angrand pour le service français)