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Serge Moati se déclare juif afin de mieux réhabiliter le Pen

jeudi 18 septembre 2014, par anonyme (Date de rédaction antérieure : 18 septembre 2014).

Serge Moati : « Le Pen n’est pas le diable, ce serait trop facile ! »

http://www.lefigaro.fr/vox/politiqu…

Alexandre Devecchio Mis à jour le 21/09/2014 à 11:59 Publié le 21/09/2014 à 11:22

FIGAROVOX/GRAND ENTRETIEN- Serge Moati a suivi Jean- Marie Le Pen pendant vingt cinq ans. Il en a fait un livre passionnant. Il se confie au FigaroVox.

Ecrivain,

journaliste, documentariste

Serge Moati publie Le Pen, vous et moi chez Flammarion.


Vous avez côtoyé Jean-Marie Le Pen pendant 25 ans. Quel moment retenez-vous de ce long « compagnonnage » ?

Ma première rencontre. C’était en 1990 dans le cadre du tournage d’un documentaire peu de temps après l’affaire du point de détail et la profanation du cimetière de Carpentras. En tant que fils d’un « point de détail », j’avais une image épouvantable de Jean-Marie Le Pen et ce n’était pas une partie de plaisir d’aller l’interviewer. J’en garde un souvenir très fort. J’ai particulièrement été marqué par sa dialectique : selon Jean-Marie Le Pen, c’est le juif ou les juifs qui créent l’antisémitisme en « exploitant » leur propre souffrance. On leur devrait donc, selon lui, une sorte de révérence particulière, « une prosternation » … A la quelle lui évidemment se refuse. Ce jour-là, j’avais donc découvert que, moi juif, j’étais sans le savoir un fourrier de l’antisémitisme !

Qu’est-ce qui vous a séduit chez ce personnage aux antipodes de votre personnalité et de votre histoire ? Est-ce le syndrome de Stockholm ?

Citoyen, j’ai toujours été révulsé par ses idées et les thèmes qu’il développait. En tant que documentariste, journaliste et ici écrivain, j’ai voulu l’entendre, le faire parler. Oui c’est vrai, pendant 25 ans, j’ai été séduit par sa culture, passionné par sa traversée d’un siècle, son histoire de France à lui, racontée pour moi depuis l’autre rive, celle de l’extrême droite nationaliste, loin, si loin, de ma propre vie et de mes engagements. Je suis quelqu’un qui adore filmer ce qui ne lui ressemble pas. Ces 25 ans ont été comme un voyage en terre inconnue, un voyage en « Lepénie ».

Votre portrait de Jean-Marie Le Pen est chargé d’empathie. Ne craignez-vous pas d’être accusé de complaisance ?

Mettons-nous d’accord sur les mots. L’empathie ne signifie pas nécessairement la sympathie. Il s’agit plutôt de se mettre dans la tête des gens. Toute ma méthode d’intervieweur consiste à être dans l’empathie, à être le plus proche possible de mon sujet. Cela me permet de faire parler mes interlocuteurs librement. Si j’avais passé mon temps à traiter Jean-Marie Le Pen de « facho », le dialogue aurait été impossible. Ma rencontre avec lui a été la rencontre entre deux libertés, la mienne et la sienne. Et une curiosité, évidemment la mienne. Le tout sans complaisance.

Mais en vérité, je n’ai pas compris l’entreprise de « diabolisation » dont il a été l’objet de tant de médias qui n’ont eu comme résultat visible que de le faire monter dans l’opinion. Avoir été considéré comme un réprouvé, un exclu, un anti-système, l’a en fait arrangé, et lui a donné paradoxalement une popularité qui s’est traduite progressivement dans les urnes.

Le risque n’est-il pas de « dédiaboliser » également ses idées ?

En off, la plupart des journalistes reconnaissent qu’il est d’un abord sympathique, mais l’hypocrisie et le politiquement correct leur interdit de le dire publiquement. Pour ma part, je pense que les gens sont suffisamment intelligents pour faire la différence entre l’homme et les idées. Jean-Marie Le Pen n’est pas le diable, ce serait trop facile ! Il n’y a pas de « diable », il n’y a que des hommes.

Dans son dernier livre, Marine Le Pen vous dit merci, Jean-François Kahn constate que la stratégie de « diabolisation » est non seulement inefficace, mais contre-productive. Partagez-vous son point de vue ?

J’ai découvert son livre en terminant le mien et j’ai effectivement constaté que nous étions sur la même ligne. L’antifascisme incantatoire, le combat contre le diable, au-delà d’être inopérant, exonère Jean-Marie Le Pen. Quand Jésus voit le diable, celui-ci vient d’ailleurs et on entre dans la magie, le surnaturel. En outre, le diable a quelque chose de séduisant. Les idées de Jean-Marie Le Pen ne sont ni séduisantes, ni surnaturelles. Hitler n’était pas un diable, mais un être humain. L’homme qui a arrêté mon père et l’a envoyé en camps de concentration n’était pas un diable, mais un homme ordinaire. Il faut faire attention à ça.

Au-delà du personnage de Jean-Marie Le Pen, quel regard portez-vous sur les électeurs du FN, souvent issus des classes populaires ?

Si vous voulez parler du FN « light » ou « relifté » de Marine Le Pen, il s’adresse et séduit surtout ces temps-ci des citoyens issus de milieux populaires, trop souvent en précarité, et qui se sentent abandonnés parce qu’elle nomme l’ « UMPS ». Avant, ces Français-là ne rejoignaientt pas le FN, le premier FN celui de Jean-Marie Le Pen. Ces nouveaux militants disent : « On a essayé la droite, on a essayé la gauche, voyez où on en est ! Cela va de pire en pire ! Le FN, on ne l’a pas encore essayé, alors, allons-y ! » A suivre.

Que pensez-vous de l’ascension de Marine Le Pen que vous avez vu grandir ?

Elle a beaucoup hérité des talents oratoires de son père, de son mélange de parler châtié et de parler populaire. Elle a également senti qu’il fallait prendre ses distances avec les « dérapages » de celui-ci. Sa tactique est de rendre le FN « présentable » tout en agglomérant certains des thèmes fondamentaux du vieil FN pour en conserver l’électorat et les voix. Par exemple, elle rend, comme son père, l’immigration responsable de tous les maux. Ceux du chômage en particulier. Elle n’hésite pas à faire un lien entre immigration et insécurité, et dénonce de manière très violente un présupposé islamisme militant qui se cacherait, selon elle, à l’abri des flux migratoires. Le bouc émissaire du FN n’est plus le juif, mais l’islamiste qui se cacherait derrière l’immigré.

D’une certaine manière, peut-on dire qu’elle est plus "dangereuse" que son père ?

Jean-Marie Le Pen aimait son statut de tribun qui secoue la République. Il avait un vieux compte à régler avec celle-ci après avoir vécu de l’intérieur toutes les défaites de l’ancien empire colonial. Il voulait également faire trembler l’ « establishment » qui l’avait rejeté. Mais au soir du 21 avril 2002, lorsque je l’ai filmé, il y a avait de la mélancolie dans son regard. Comme il me l’a expliqué, il se demandait comment il allait pouvoir trouver un Premier ministre et un secrétaire général de l’Elysée ! Il avait conscience d’être isolé et je crois qu’au fond de lui, il ne voulait pas gouverner. Au contraire, Marine Le Pen veut prendre le pouvoir. C’est même une obsession chez elle. Pour cela, elle tente de s’entourer d’énarques, d’économistes, de transfuges de certains cabinets ministériels ou de certains partis politiques de l’« establishment ». Après avoir fait du FN le premier parti de France lors des élections européennes, cela l’a rend effectivement plus dangereuse dans la perspective de la présidentielle de 2017, même si je n’arrive pas à me résoudre à croire qu’elle parviendra à l’emporter.

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