VIVE LA RÉVOLUTION

LA LUTTE GRÉVISTE

jeudi 23 octobre 2014 (Date de rédaction antérieure : 23 octobre 2014).

robertbibeau@hotmail.com

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La lutte gréviste semble léthargique

Dès 1918, Rosa Luxembourg en parlait avec éloquence, à propos de la seconde révolution russe et du soulèvement du prolétariat allemand. Pourtant, de nos jours, les prolétariats allemand, russe, français, américain, canadien, japonais, chinois, sont infiniment plus nombreux, mieux formés, plus spécialisés, et davantage exploités et spoliés qu’ils ne l’ont jamais été du temps de la révolution spartakiste. Nonobstant ceci, on ne rapporte pratiquement plus les luttes grévistes des prolétaires du monde entier. Elles sont pourtant nombreuses, en Chine notamment. Serait-ce que les ouvriers seraient devenus des « aristocrates ouvriers » (sic), des corporatistes du système d’exploitation, des rentiers du capitalisme, des ploutocrates salariés ? Non, évidemment !

Exploitation et spoliation sont en augmentation

L’indice le plus évident que l’on puisse donner du niveau accru d’exploitation de la main-d’œuvre ouvrière est le taux de productivité horaire moyen. L’indice de productivité horaire de la force de travail mesure l’augmentation de la quantité de biens et de services produits par heure travaillée. Si l’indice est en hausse cela signifie que chaque travailleur produit plus de marchandises pendant chaque heure travaillée. Comme le salaire ne constitue qu’une part décroissante de la valeur des marchandises produites – le solde constituant la plus-value expropriée par le propriétaire de l’entreprise –, la comparaison de l’un et de l’autre donne le taux d’exploitation moyen de la main-d’œuvre dans l’économie que voici pour la France métropolitaine (Tableau 1).

TABLEAU 1

HAUSSE ANNUELLE MOYENNE DE PRODUCTIVITÉ DU TRAVAIL SALARIÉ

(France-1960-2012) (1)

1960-1974 1974-1982 1982-1989 1989-2007 2007-2012
5,0 % 2,1% 2,1% 1,3% 0,1%
0,1 % -0,8% 1,7% 0,2% -0,9%

Ces hausses constantes de productivité du travail ont généré des hausses annuelles moyennes des profits variant entre 0,1 et 1,7%, avec des périodes prolongées de baisse des profits (- 0,8%/an de 1974 à 1982 et -0,9% par année entre 2007 et 2012). Les hausses continuelles de productivité enregistrées ne se traduisent pas nécessairement par des hausses de profits correspondants. C’est que ces hausses de productivité sont parfois la conséquence de l’introduction de nouveaux équipements industriels dispendieux et sophistiqués. Elles proviennent donc d’une augmentation de la portion de capital constant (Cc) ce qui augmente la composition organique du capital (Cc/Cv) et fait chuter les taux de profits malgré la hausse de productivité enregistrée. C’est le capitaliste monopoliste qui produit et vend la machinerie qui encaisse la hausse de profit plutôt que le capitaliste monopoliste producteur de la marchandise finale (l’Allemagne, la Chine, la Corée, la Suède, la Suisse, le Japon sont de ceux-là). Une démonstration supplémentaire de la loi marxiste de la baisse tendancielle du taux de profit.

Par ailleurs, si l’augmentation de productivité est la conséquence d’un accroissement de l’intensité du travail, de l’augmentation des cadences, ou de l’allongement de la journée de travail par exemples, alors la hausse de productivité générera une hausse des profits pour les capitalistes de la production légère (marchandises destinées à la consommation courante) comme l’indique la période 1982-1989 sur le tableau 1.

Cette baisse des taux moyens de profits amène la classe capitaliste monopoliste international à accentuer ses pressions sur le salariat afin de réduire la part du PIB national consacré aux salaires, aux bénéfices marginaux, aux régimes de retraite, et aux services sociaux (santé, éducation, sport et loisir, culture) – qui ne sont rien d’autre que la part du revenu national consacrée à la reproduction de la force de travail.

La classe ouvrière tente de résister à son expropriation

Donc, tout bien considéré la classe ouvrière existe toujours en société impérialiste avancée. Son travail productif est toujours l’unique source de profit et le taux d’exploitation de cette force de travail va s’accroissant régulièrement d’une année sur une autre (2). Cette conjoncture difficile pour le salariat devrait normalement engendrer une grande résistance de la part des ouvriers jusqu’à provoquer des grèves spontanées. Étant entendu qu’en dernière alternative – le seul moyen de lutte dont dispose le salariat contre le patronat – ce sont les bras croisés, c’est-à-dire le refus de l’ouvrier de vendre sa force de travail contre salaire, privant le capitaliste de sa précieuse plus-value – c’est-à-dire du travail non payé et exproprié. La lutte gréviste sur le front économique de la lutte de classe est nécessaire pour qui souhaite soulever la lutte politique de classe. La lutte gréviste disait Rosa Luxembourg est l’arme ultime du mouvement ouvrier. La grève générale illimitée étant l’amorce de l’insurrection, le capharnaüm du capitalisme et le sépulcre du patronat.

Force est pourtant de constater que depuis nombre d’années la lutte gréviste des masses ouvrières va s’essoufflant alors que les conditions de travail et de vie du prolétariat se détériorent. Pourquoi ces deux mouvements qui se devraient concomitants sont-ils divergents ?

Le mainstream médiatique à la solde des riches a pour mission de nous entretenir à propos des grossesses de la princesse, des fugues extra-conjugales du Président, du prochain spectacle d’un humoriste, des dernières frasques de Sarkozy, de Sam Amad ou du député de Beauce et de taire toute information relative à ces impudiques grèves ouvrières. Saviez-vous que les enseignants de Colombie-Britannique ont fait grève pendant des mois et qu’ils ont affronté la police et la justice des riches ?

Depuis trente années la bourgeoisie a retiré – contingenté – encadré – bridé – légiféré afin de contrecarrer le droit de grève des ouvriers ainsi que des salariés sous le regard compassé des officiers syndicaux hébétés, quand ce n’était pas avec leur approbation empressée. On doit admettre que la résistance ouvrière à ces attaques répétées leur retirant tout moyen légal de combattre n’a pas été à la hauteur de l’attaque généralisée contre leurs droits, et leurs combats, profanant la pseudo « démocratie bourgeoise » tant appréciée des bobos exaltés. Pourquoi ?

L’étouffement légal du droit de grève « légal »

La crise économique systémique du capitalisme oblige l’État des riches à sortir de sa réserve hypocrite et à plonger au cœur de la mêlée afin de secourir la classe sociale dominante, celle qui assure la gouvernance. L’État ne peut plus prétendre être neutre, impartial, équitable, champ du combat « citoyen » pour sa conquête « démocratique » électoraliste. Le masque étatique tombe malgré les efforts que déploie la go-gauche « démocratique » – participative – altermondialiste – écologiste – protestataire et citoyenne « progressiste ». Cet État est celui de la classe dominante (pas celui du peuple tout entier) et il doit assurer la perpétuation du système capitaliste en l’état. Il s’y emploiera coûte que coûte même s’il ne peut pas sauver ce mode de production et ces rapports de production moribonds (3).

Au Québec, comme dans bien d’autres entités, l’État a d’abord encadré le droit de grève des employés de la fonction publique et des secteurs para publics jusqu’à rendre le recours à la grève totalement inopérant. Ainsi, la loi sur les services essentiels exige le maintien de services dits essentiels pendant les débrayages. Ces services « essentiels » sont si imposants qu’ils requièrent plus d’employés en service pendant la grève qu’en période de travail normal. Dans certains pays, une loi anti-scabs a été promulguée à la demande des bureaucrates syndicaux et des sociaux-démocrates de la go-gauche bourgeoise « réformiste ». Cette loi n’a servi qu’à démoraliser les salariés, à leur faire croire à l’équité de l’État des riches. Cette loi a servi à démobiliser les ouvriers sur les lignes de piquetage, et à justifier les bureaucrates syndicaux de ne pas organiser la résistance contre les « scabs » sous prétexte que la justice des riches sévira contre ces derniers (peut-être, des années plus tard, après que la grève aura été liquidée).

La classe ouvrière a rapidement perçu que c’est la machine étatique au grand complet qui se mobilisait pour écraser chaque grève spécifique. Loi encadrant le piquetage, spécifiant le moment du déclenchement de la grève et dans de nombreux secteurs les conditions de son exécution (services essentiels, ligne de piquetage, préavis de débrayage). Lois spéciales retirant le droit de grève à des travailleurs décrétés indispensables pour l’économie capitaliste. Injonctions des tribunaux pour pénaliser les grévistes grevés de lourdes amendes, pour empêcher le piquetage, pour interdire la fermeture des installations, des institutions (hôpitaux, bureaux administratifs, universités et CÉGEP). Injonction interdisant d’entraver la production réalisée par des scabs extérieurs ou par des cadres scabs de l’intérieur. Les médias qui se déchaînent contre les luttes grévistes laissant croire que les travailleurs doivent assujettir leurs actions au désidérata de la soi-disant « opinion publique » telle que rapportée par les sondages truqués et les médias propriétés de richissimes milliardaires.

L’industrie du syndicalisme et la taxe syndicale

En société capitaliste, l’appareil syndical est totalement intégré à l’appareil gouvernemental dont il constitue un appendice chargé de négocier les conditions de vente « raisonnable » de la force de travail des salariés. À partir des paramètres établis par les boss syndicaux et par les boss patronaux, en collusion, les conditions de vie et de travail de toute la classe ouvrière sont ajustées dans l’ensemble du pays. Si le contexte l’exige, les bureaucrates syndicaux pourront même organiser des Fronts communs syndicaux pour ne rien faire et s’assurer de paralyser les salariés qui voudraient appeler à la grève générale illimitée.

Afin de maintenir leur « membership » de cotisants à la taxe syndicale les différentes agences de recrutement syndical se maraudent mutuellement et jouent parfois les gros bras pour impressionner les ouvriers. Les bureaucrates syndicaux monteront le ton à l’occasion et si la pression devient trop grande, qu’une grève sectorielle risque d’éclater hors de leur autorité, alors les appareils syndicaux appelleront à une grande manifestation de frustration, casserole en goupillon, un samedi matin pour ne pas perturber la productivité ni la circulation sur les ponts. Un débrayage symbolique sur l’heure du midi ou en soirée. Une marche pour les pieds nickelés. Ils convoqueront un Forum social des peuples populaires, citoyens et citoyennes. Ils en appelleront à la population pour qu’elle vote pour un opposant de façon à punir le député récalcitrant. Une fois la saute d’humeur passée, une fois l’élection bidon terminée, chaque bureaucrate syndical trottine rétablir les ponts de la collaboration de classe avec ses amis de la magistrature, de la justice, de la politique, et de la police. Espérant que la prochaine bouffée de fièvre gréviste de ses membres ne surviendra pas avant longtemps. Ils ne souhaitent pas être dérangés dans leur bureau feutré et climatisé.

Dans tout ce manège anti-ouvrier, les « syndicalistes » accrédités se font les courroies de transmission des médias et des menaces du capital contre le salariat. S’il le faut, l’État s’en prendra aux officiers syndicaux et aux organisations syndicales richissimes. Il menacera de saisir les biens du syndicat, de lui imposer des contraventions qui l’acculeront à la faillite s’il ne démobilise pas de suite les ouvriers grévistes. L’État menacera de mettre fin aux ententes fiscales ayant transformé le bureaucrate syndical en hommes d’affaires gestionnaires de fonds de pension (Fonds de la FTQ et de la CSN). L’État oblige ainsi la bureaucratie syndicale à se mettre au service du patronat pour calmer les ardeurs grévistes de leurs membres.

L’État se compromet et compromet ses agents dans le milieu

Par ces multiples interventions législatives et juridiques ; par la prévarication des officiers syndicaux à sa solde ; par ces lois contraignantes empêchant l’exercice du droit de grève, l’État capitaliste se démasque et crée les conditions objectives et subjectives du soulèvement gréviste. Car chaque ouvrier individuellement, chaque section d’entreprise, chaque contingent salarié esseulé, comprend bien que seul ou par petits groupes ils risquent d’échouer à faire reculer l’État des riches. De là à conclure que seule une grève générale illimitée fera reculer l’État capitaliste au service du patronat, et frappera le capital à l’endroit qui lui fait mal – la plus-value et les profits – il n’y a qu’un pas que la Gauche communiste a le devoir de franchir. C’est à travers la lutte gréviste que la solidarité de classe se forgera et se consolidera (4).

À LIRE EN COMPLÉMENT POUR L’ORGANISATION OUVRIÈRE :

http://www.publibook.com/librairie/…

(1) http://hussonet.free.fr/gainprod50.pdf

(2) http://www.les7duquebec.com/actuali…

(3) http://www.les7duquebec.com/7-au-fr…

et http://www.les7duquebec.com/7-au-fr…

(4) http://www.les7duquebec.com/7-au-fr…

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