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Novembre, au-delà des frontières…

dimanche 2 novembre 2014, par anonyme (Date de rédaction antérieure : 2 novembre 2014).

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Mohamed Bouhamidi le 02.11.2014 07:10

En surnommant « fellagas » (1) l’avant-garde qui a renoué avec la forme récurrente et séculaire de la lutte armée contre le règne colonial, les chefs du colonat et du corps expéditionnaire révélaient deux réalités qui les hantaient : la convergence des luttes animées par les mouvements de libération nationale des trois pays du Maghreb et la peur panique que le 1er novembre les mettent face à l’intransigeance d’un jumeau algérien du mouvement plébéien des « fellagas ». Cette peur était d’autant justifiée que la colonisation avait éradiqué toute capacité d’influence des couches moyennes au profit des chefferies féodales des Caïds et Bachagas.

Par Mohamed Bouhamidi

Cette perception d’une parenté internationale ne s’arrêtait pas aux pays du Maghreb. Le corps expéditionnaire revenu du Viêtnam a vu dans l’insurrection algérienne la manifestation locale d’une « subversion » généralisée contre l’Occident dont l’ordre colonial n’était que la projection civilisatrice. Commençait alors cette alliance hétéroclite entre la métaphysique aux racines mortes de l’extrême droite et les racines sordides de la réalité coloniale qui mènera à l’OAS.

Les chefs défaits en Indochine voudront à la fois effacer leur déroute et sauver « l’Occident » en transformant l’Algérie en laboratoire de la répression des révolutions nationales et de la théorie de la « contre insurrection » bâtis sur les trois exhortations désormais célèbres.

Premièrement la torture généralisée, qu’enseignera Aussaresses à Fort Bragg, accompagnée d’assassinats massifs des torturés, deuxièmement la guerre menée directement la population selon la formule que « dans la guerre révolutionnaire, l’ennemi c’est la population » et troisièmement le déplacement forcé et le déracinement des populations pour leur ôter toute autonomie économique et sociale et les mettre à merci de leurs geôliers ; le tout s’appuyant sur et se réalisant dans l’action psychologique.

Ce syndrome vietnamien des généraux français finira de manifester dans la conscience la portée mondiale de cette nuit inaugurale de novembre qui modifiera en profondeur les données politiques en Afrique et ailleurs dans le monde. Les milieux colonialistes français ont bien perçu cette portée dans le processus mondial de libération et ont démultiplié la dénonciation des parentés politiques de la révolution algérienne : nasséristes, communistes, etc…

Les militants qui ont pensé, préparé et déclenché l’action armée exprimaient au plus haut point cette poussée mondiale contre le colonialisme. Ils l’ont exprimé dans les conditions que leur ont livrées les luttes précédentes et les leçons des échecs répétitifs des luttes pacifiques.

L’impossibilité de toute action politique en faveur des revendications algériennes sera de nouveau délivrée par le socialiste et homme de Gauche Mitterrand qui répondra à l’offre de négociation du FLN par une réponse qui résumait la seule politique dont la France coloniale était capable : « la seule négociation, c’est la guerre ». Mais cette dimension à hauteur de l’Humanité entourera aussi l’Algérie de l’amitié, du respect, de l’admiration du monde entier et au cœur même de ce qui constituait l’intelligence et l’honneur de la France.

Commencera alors une lutte dont Fanon dira qu’elle est « la plus hallucinante de l’histoire de l’Humanité ». Evalué à trois millions d’âmes en 1830 et à neuf millions en 1954, le peuple algérien réussira la seule insurrection dans l’histoire de l’Humanité qui viendra à bout d’une colonie de peuplement en attendant la victoire des Palestiniens.

Celle des Sud-africains, vainqueurs d’une République blanche, est différente. Il sera confronté au taux d’encadrement stupéfiant et unique de plus de huit cent mille soldats, auxquels il faut ajouter les territoriaux ou colons en armes, les policiers, les milices pieds noirs et la « Main Rouge » face à neuf millions d’Algériens soit en gros un militaire pour neuf civils dont il faudrait soustraire la ribambelle d’enfants d’un peuple à très haute natalité.

Il fera face à la fois à la politique de répression de l’Etat français, à celle de l’armée coloniale qui conduisait sa propre politique à l’intérieur de cet Etat et qui débouchera sur l’alliance de sa hiérarchie avec les milices et milieux pieds noirs appelés « Ultras », à la politique de répression locale des colons en armes dont vous voyez une réplique aujourd’hui en Israël.

Il fera face aussi au déplacement de son tiers, soit trois millions d’âmes, dans des camps de regroupements coupées de leurs terres et de leurs ressources. 96% des femmes et 94% des hommes qui ont mené ce combat étaient analphabètes et en 130 ans de colonialisme la France n’a formé que 1000 bacheliers soit moins de 8 par an. La politique coloniale a réussi à reporter ou à avorter, à plusieurs reprises, le déclenchement de cette guerre de libération en procédant à une répression aux contours génocidaires dont les 45.000 morts du 8 mai représentent le point culminant d’une chaîne permanente de tueries et au démantèlement des structures de luttes clandestines montées par les militants.

Les dures leçons apprises dans les geôles et dans les salles de torture permettront aux dirigeants de déjouer les surveillances et de réaliser le projet pensé, réfléchi, maturé des décennies de luttes durant. Et d’enclencher la guerre de libération la plus grandiose du 20e siècle avec celle du Vietnam.

M.B

Restez en contact avec le chroniqueur : mohbouha4 ZWz gmail.com

Fellagas, pluriel de fellag (prononciation locale de fellàq) terme arabe péjoratif qui désigne celui qui explose les têtes utilisé par les autorités coloniales en Tunisie pour désigner les révoltés du sud tunisien menés par Khalifa ben Asker en 1914 puis les militants plébéiens du nationalisme tunisien de 1952 à 1954.

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