Le 18.01.2015 08:00
Par Mohamed Bouhamidi
Source : http://www.impact24.info/?p=3734
Le désarmement culturel de notre pays vient de connaître un nouveau développement encore plus dangereux que les tendances lourdes à l’abandon national relevées ces dix dernières années. Le très visible financement par l’Algérie de deux films (1) inventant à l’ALN des origines puis des aboutissements maffieux cache des réalités bien plus graves.
Les affaires du boycott du Salon du livre de Paris de 2008 consacré à la naissance d’Israël, puis de la caravane censée nous professer la bonne lecture de Camus, ont révélé la présence tentaculaire et la puissance d’un lobby néo-colonial qui s’est ouvertement attaqué à la légitimité du 1er novembre. Au cours de ces dix dernières années, les modes et les émissions parisiennes ont déterminés l’ensemble des débats, des consécrations et des thèmes artistiques ou littéraires et de façon plus spectaculaire pendant les Salons du Livre hôte des stars parisiennes du moment totalement étrangères à nos besoins de développement du livre et de la lecture, ici, en Algérie mais si utiles pour faire de notre pays un marché annexe du livre français à côté du livre du Moyen-Orient takfiri.
Notre « réalité » culturelle cherchait son centre de gravité à ses repères à Paris, bien loin des besoins immenses de nos millions d’étudiants et collégiens et de nos couches populaires. Cette dénationalisation de notre politique en est arrivée à acheter des programmes clés en main en Australie (2) même pour nos missions de rayonnement culturel.
Le développement dangereux en cours consiste à donner à ces tendances lourdes une formalisation, et une théorisation aptes à en faire des buts désirables. Il se perçoit sur tous les plans, ceux du discours, des faits et des symboles.
Sur le plan du discours nous entendons un nouveau crédo : « le ministère n’a pas à donner d’orientation mais à soutenir et encourager les initiatives ». Ce qui signifie qu’il renonce à concevoir et formuler une politique nationale au service de tous et se met au service des opérateurs culturels qui n’auront en vue que leurs intérêts privés dans leurs initiatives.
L’Etat doit donc se désengager de la culture comme il l’a fait pour le développement économique. La culture, alors, n’est plus un enjeu pour l’Etat. Elle est désocialisée dans la perception de ses racines et de ses buts et devient une activité contingente sans causes ni déterminations et sans intérêt proprement national pour la formation esthétique, pour des chances culturelles pour le plus grand nombre, pour la réappropriation de notre identité et la reconstruction de notre Être national en dépit de la fractures et des aliénations coloniales, et pour notre présence au monde et à l‘histoire (3).
Elle nous empêchera surtout de corriger la conception coloniale qui habite encore nos têtes et qui réduit la culture aux arts et au patrimoine folklorisé alors que ces anciennes puissances restent les seules architectes de leurs culture dont la part, à leur yeux, décisive et la plus importante reste la science et ses services communs : revues pour jeunes, musées scientifiques et techniques, centres et itinéraires de la découverte, etc…
Ce crédo a un compagnon d’idée dans le discours : la créativité. Le ministère doit encourager la créativité …par la formation. La créativité, dans quels buts, pour quelles valeurs, pour quel futur, pour défendre quoi ? Dans un pays qui a dû s’arcbouter sur sa culture pour résister au colonialisme puis pour se libérer, c’est une audace d’affirmer l’absence d’enjeu de la culture.
Pendant que la ministre énonçait la pure innocence de la créativité, une ONG sud-africaine (3) organisait des stages de formations de jeunes algériens dont le programme essentiel consistait en leçons sur les droits culturels des minorités, liberté d’expression, les valeurs démocratiques, les droits humains et les droits des artistes, bref tout pour préparer des « futurs leaders culturels » capables des pires outrages provocateurs de clivages incontrôlables ou de nous fabriquer des Pussy Riot à l’algérienne, etc… mais surement pas des Alloula.
Sans causalités ni retombées sociales, sans enjeu pour l’Etat, la culture ne recouvre, en elle, aucun enjeu pour le sens du Monde et des rapports de soumission ou d’émancipation humaine aux yeux de notre actuel gouvernement.
Le troisième crédo découle logiquement de ces prémisses : laisser la culture à l’initiative de la société civile (4), en clair aux ONG. Cette proposition soumet la culture aux stricts rapports des forces existantes dans la société. ONG dotées des moyens des agences US et de l’U.E ou courants frères musulmans et autres financés par les Emirats du Golfe.
En attendant que ces rapport de force nous jettent dans la tourmente des guerres identitaires et religieuses, l’U.E organisent en grand des réunions pour financer des activités culturelles dans la droite ligne des « valeurs démocratiques » dans toutes les grandes villes du pays et au ministère lui-même(5). Cette prise de pouvoir culturel par l’U.E au sein même du ministère est lourde de sens et de symboles de la marche accélérée ver le désarmement culturel de notre pays après son désarmement industriel.
M.B
1-« El Wahrani » et « Les hors la loi » financés grâce à cet accord avec le CNC français : http://www.cnc.fr/web/fr/accords-in…
2/ http://www.ifacca.org/announcements…
3/ http://www.arterialnetwork.org/artwatch
4/ http://www.ifacca.org/national_agen…
5/ http://gtpca.org/algerie-appel-a-pr…
Source : http://www.impact24.info/?p=3734