VIVE LA RÉVOLUTION

La mort de l’âme

vendredi 1er mai 2015, par anonyme (Date de rédaction antérieure : 30 avril 2015).

À droite, à gauche, au dessus et en dessous, ça part en couilles. Pourquoi chercher les mots plus doux et arrondir les angles ? Pourquoi ? Pendant que des milliers de gens biens rient de nos dirigeants plutôt que de s’en inquiéter, pendant qu’on nous éclabousse le visage de menaces extrémistes chaque jour et qu’on nous empêche de penser simplement un monde qui tournerait logiquement, voici ce qui se passe.

A Baltimore, Oakland, Minneapolis, Washington, New-York, partout aux États-Unis et même ailleurs des individus se soulèvent pour dénoncer les violences policières et racistes d’un pays dont la devise est « In God we trust ». Mais Allahu Akbar fait trembler dans les chaumières, et dieu merci les américains nous ont sauvés, une fois qu’ils en avaient fini avec les indiens et autres parasites. Hiroshima Nagasaki, et après. Tandis que les Syriens ne sont plus en mesure de reconnaître leurs propres rues, tandis que l’Irak nous est inconnue et que la Lybie ne ressemble plus à rien. Pendant que c’est le bordel en Ukraine, pendant que la Corée du Nord joue à la menace elle aussi. Dans d’autres lieux, on caillasse les journalistes et on frappe les gamins tout en étant « du côté qui sanctifie la vie », sur une Terre promise, promise au déclin et à la guerre éternelle si vous voulez mon avis.

Au Brésil pendant que ces gens là se débrouillent avec leurs problèmes, on sort la police militaire pour qu’elle fasse un carton dans une manifestation d’enseignants, qui deviendront plus de 200 blessés à ramasser. En Colombie, les enseignants sortent aussi. Et chez nous ? Ils prennent leur tour au calendrier, et le cortège suit l’itinéraire approuvé. Chez nous on peut bien buter les écolos et envoyer la lacrymo sur les poussettes, tout va bien, tant qu’on peut se marrer et agiter un crayon pour combattre l’obscurantisme, tant qu’on serre le fesses de façon républicaine. Tant qu’on peut se persuader que le seul problème c’est le chômage, tant qu’on s’en tape de l’avenir et qu’on fait mine d’avoir compris le passé, pendant que les rafales se vendent bien. Quel monde misérable.

En Égypte aussi, tout roule. Les opposants du dictateur déchu prennent plus d’années de prison que lui, Sanaa peut bien crever la gueule ouverte avec tous ses amis qui osaient s’exprimer publiquement, et les frères musulmans qui étaient présentés comme la pire menace se font pendre par lots de cent, non loin de femmes toujours confrontées au harcèlement, de gamins qui travaillent pour aider leurs parents ou qui vivent dans des tas de déchets. Vus par des révolutionnaires des espoirs plein le cœur, LE cœur, qui cessera bientôt de battre. Vus par un peuple dont on changera bientôt la capitale, et oui, adieu le Caire. Et puis quoi, l’Afrique en a vu tellement, ce berceau de l’humanité où une kalachnikov est plus expéditive qu’une élection. Et puis quoi, même le cinéma rend banals les coups d’états, le chapeautage CIA, la chasse au pétrole, les complots de tous genres. Au détour d’un massacre on ira découvrir Bangkok et ses putes imberbes.

Les esprits plus éclairés se laissent bouffer par la menace constante simplement mise en scène, non pas inventée, mais mise en scène, propulsée. Trois connards avec une barbe tranchent une gorge devant la caméra et postent ça sur internet. Sur quel réseau ? Sur quelle page de qui ou de quoi ? Qui le sait ? Moi c’est Yahoo, Figaro, « Libé », Valeurs actuelles, Causeur, une saloperie orientée qui se pense démocratique dans une liste de publications que l’argent du pouvoir maintient en vie. En boucle sur ma chaîne favorite, en plein dans ma gueule la giclée de sang. Et ce tas de cadavres qui fait le buzz.

Posée là devant une caméra, diffusée en masse et devenant la pensée unique. La peur toujours, la peur tout le temps, et la mort même plus mystique, avec pour seul espoir la sécurité d’un famas pointé sur les files de voyageurs qui n’auront jamais leur train à l’heure et qui se gratteront les couilles en écoutant la dernière chiure de l’artiste pop qui monte. Ainsi va la vie, vers le néant total, vers l’abrutissement insoupçonnable qui n’est autre que l’indifférence. Bogda-bogdanov. Putain-putain de merde. Où est-il passé ce fameux Dieu ? Et où ont-ils rangé leur respect et leur tact ceux qui se croient juste en dessous de lui, même chez nous, entourés de symboles et de dorures dont les significations nous resteront inconnues ? Dans les gamelles des cuistots de l’Élysée ? Dans les smartphones de conseillers en politique ?

Pourquoi sommes nous si patients ? Pourquoi tant de milliers d’années à contempler l’Histoire et les récits de grandes guerres, à faire l’inventaire des espèces qui ont disparu et à imaginer le monde d’avant l’Homme sans rien changer à ce qu’il est ? Comment continuer à admirer les anciens ?Pourquoi on s’en tamponne ? Why so funny ?

Mais passons, car l’actualité n’attend pas. En Espagne on fait passer les lois sécuritaires et on évacue des familles entières manu militari. On piétine le visage des épuisés de la crise, on les empêche de dire « basta ! ». Alors qu’au nord du Kurdistan, les soldats tirent quelques balles dans les pieds de manifestants, à quelques kilomètres de « commémorations » d’un génocide, mais fera-t-on un jour entrer la Turquie dans l’Europe ? Sans doute pas, il y aura bien trop de musulmans dans l’Union, bah tiens, encore un problème épineux, de premier ordre. Bordel, comment protégerons ce monde bancal si on ne trie pas les moutons ?

Tout ira mieux dans mille ans, quand l’incendie qui ronge les forêts proches de Tchernobyl aura fait péter la centrale dont le cocon de sécurité n’aura jamais été livré à temps. Peut-être va-t-on envoyer les canadairs se ravitailler sur les berges de Fukushima ? De toute façon, le Japon finira sous les eaux. La Chine aussi, au moins en partie, quand les trois gorges seront tranchées. Alors Monsanto s’empressera de nous fournir le riz et les poules équipées de dents.

Soyons rassuré par un groupe anonyme faisant quelques vidéos sur Youtube et promettant la révolution derrière des masques de Guy Fawkes, le mec qui s’est foiré et que le Roi fit torturer. Une légion de leurres.

Mais on m’apprend qu’en Corée du Sud des manifestants venus soutenir les familles des victimes du naufrage d’un ferry se font taper dessus. Heureusement que la dictature est de l’autre côté de la frontière. Tiens, au Burundi le Président sortant annonce qu’il veut un troisième mandat. Les manifestants se multiplient, la répression aussi. Tiens, au Guatemala on réclame la chute du gouvernement corrompu avec des manifestations pacifiques, et à Tapei on se retrouve autour d’un centre commercial géant pour mettre fin à la corruption et reclamer la forêt qui aurait dû se trouver là. Toutes les heures une nouvelle qui vient du bout du monde et qui explique que l’humanité en a plein le dos.

Mais ici ça roule, nous sommes au pays des lumières, tellement brillantes qu’elles nous aveuglent. Une terre promise bis, où les communautés sont seules à compter et où chacun doit s’indigner de façon sélective comme au moment de choisir quel série se mettre à dévorer. Nous ne devrions pas nous laisser apprivoiser par toute cette haine et faire de la destruction une caractéristique humaine. Parce que ceux qui dirigent détruisent et méprisent tout, et s’ils peuvent se le permettre eux qui écrivent les lois, peut-être doit-on accepter cette norme ?

On pisse de rire. Le budget de la publicité additionné à celui de l’armement et on peut tout raser sur Terre pour en construire une nouvelle, on a même de quoi monter des préfabriqués pour pas se les geler les nuits d’hiver. Mais non, pourquoi faire ça. Tout est tellement stable ainsi. Avec les déchets nucléaires, les armes chimiques et l’homme bionique, les puces RFID, Monsanto Google Nestlé et toutes les autres saloperies qui dirigent le monde, même dans la culture BEAST by dré. Si nous sommes si nombreux à ne plus savoir quoi faire c’est que l’époque de la lucidité est venue, la menace est une et indivisible, comme l’humanité qu’on viole.

Oui je suis las et désespéré de nous voir tous si loin les uns des autres et je perds patience. Je sais que demain un dirigeant se permettra de plaisanter, de rabrouer, de se torcher dans la soie en riant du peuple, cette foule de descendants d’opprimés de tous les pays qui fuient des misères pour en trouver d’autres et à qui on donne tout juste le droit de se plaindre. A force de diviser la répression devient optionnelle, c’est la démocratie. Et puis ces cons paieront leurs impôts et se mettront dans la panade afin de pouvoir manifester entre deux cordons de CRS. Tout ça commence à sentir mauvais et nous sommes sans doute beaucoup à rêver d’avoir des enfants tout en se culpabilisant déjà de les amener à vivre dans ce monde là. Alors on fait quoi ? On continue de les écouter ces enfoirés ? On va jusqu’au jour de notre mort en se disant que ceux d’avant ont morflé et que ceux d’après morfleront encore plus ? On choisit quoi ? De croire que ça vaut le coup d’être la honte des générations heureuses du monde de l’an 3000 ? S’il ne finit pas avant ?

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