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Malgré les apparences, l’inflation fait son retour

jeudi 4 juin 2015, par anonyme (Date de rédaction antérieure : 4 juin 2015).

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Par Mathilde Farine, le jeudi 04 juin 2015

C’est le moment de se préparer à une hausse des taux d’intérêt

Aux Etats-Unis, l’inflation au mois d’avril est restée au-dessous de la cible de la Réserve fédérale (Fed), fixée à 2%. Cet objectif a été manqué pour le 36e mois consécutif. Du jamais-vu depuis les années 1960. Le renchérissement est même encore plus faible que les mois précédents, avec une hausse de 0,1%.

Les prix du pétrole, qui ont commencé à s’effondrer il y a un peu moins d’une année, sont pour beaucoup dans cette évolution. De même que la vigueur du dollar, qui tend à faire baisser les prix des biens importés. De quoi faire craindre une transmission au reste des prix et aux salaires ? Pour l’instant, cela ne s’est pas produit. Au contraire, aucun signe ne pointe vers un risque de déflation. Car, si l’on prend le taux d’inflation dit sous-jacent, c’est-à-dire qui ne tient pas compte des fluctuations des prix de l’énergie et de l’alimentation, la hausse est plus importante. A 1,2% en avril, les Etats-Unis restent loin d’un emballement des prix.

Des économistes de la société de gestion américaine AllianceBernstein font cependant un autre calcul. « En se basant sur la tendance des derniers mois, l’inflation annuelle, hors éléments volatils comme l’énergie et l’alimentation, s’élève à 2,5% », précisent les économistes. Si la tendance se maintient cette année, il s’agirait de la plus forte hausse annuelle depuis 2006. Il faut donc rester vigilant. « Des facteurs internes, comme l’embellie sur le marché du travail et la pression sur les salaires qu’elle entraîne provoquent une hausse des prix des biens et services plus forte et plus rapide qu’attendu par les banquiers centraux », expliquent les économistes. La première hausse des taux d’intérêt aux Etats-Unis depuis la crise pourrait donc se produire plus rapidement que les marchés ne l’anticipent, préviennent les analystes.

En Europe, le renchérissement montre enfin quelques signes d’accélération. Il était à 0,3% en mai pour la zone euro, signe que le risque de déflation commence à s’écarter, alors que la reprise se matérialise. Sans l’énergie et l’alimentation, la hausse est de 0,9%. Mercredi, la Banque centrale européenne (BCE) a en outre relevé ses prévisions d’inflation pour 2015, de 0,0 à 0,3%.

Seule la Suisse peine à sortir des chiffres rouges. En avril, l’évolution des prix à la consommation a été de –1,1%. Là aussi, la baisse des cours de l’or noir joue un rôle non négligeable, tandis que la force du franc maintient une pression à la baisse sur le prix des importations. A cela s’ajoute la situation économique. Comme l’explique Thomas Stucki, responsable des investissements à la Banque Cantonale de Saint-Gall, dans une note, les économies industrialisées – pas seulement la Suisse – ne fonctionnant pas à plein régime, la pression inflationniste va rester insignifiante.

Pourtant, les clichés ont la vie dure, en économie aussi. Même parmi les économistes de renom, certains n’en démordent pas : les politiques monétaires des banques centrales sont inflationnistes. Elles sont même hyperinflationnistes, selon Laurence Kotlikoff. De passage à Zurich, le professeur de l’Université de Boston a dit ses craintes : « Janet Yellen [la présidente de la Fed] est en train de mettre fin au « quantitative easing ». C’est une bonne chose. Mais les montants injectés dans le système américain sont suffisants pour créer de l’hyperinflation. A n’importe quel moment. » L’expert se fie à la théorie économique qui décrit le multiplicateur monétaire. Lorsqu’une banque centrale crée de la monnaie, celle-ci est multipliée par les banques qui prêtent à des entreprises et des ménages. « La Fed a multiplié par quatre ou cinq la base monétaire américaine. Certes, cet argent ne va pas plus loin que les coffres des banques, mais elles pourraient le libérer à n’importe quel moment en prêtant à des acteurs privés. » Et l’engrenage inflationniste se mettrait en place. C’est une peur partagée par d’autres experts, aux Etats-Unis, mais aussi en Europe, en Suisse et partout où les banques centrales impriment des billets en quantité industrielle pour relancer leur économie ou maîtriser l’évolution de leur monnaie. Cette crainte refait surface, régulièrement, comme maintenant alors que l’évolution des prix, extrêmement faible ces dernières années, semble enfin se redresser. Or, c’est une bonne nouvelle. Il n’y a pas de pire mal en économie que la déflation. Et on est encore loin d’une spirale inquiétante de l’inflation, surtout tant que les prix du pétrole resteront bas et que les banques, contraintes par des fonds propres plus importants de limiter les crédits, n’offrent pas de prêts à tour de bras.

Il ne faudrait pourtant pas donner l’inflation pour vaincue, reprend d’ailleurs Thomas Stucki. Et les banquiers centraux veillent au grain, ils se tiennent prêts à relever les taux d’intérêt dès que des signes de hausses de prix se manifesteront. « S’attendre à des taux bas pour l’éternité serait une erreur fatale », prévient l’analyste. C’est le moment de se préparer à une hausse des taux, donc.

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