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Dix idées reçues sur la théorie de l’évolution

mercredi 12 août 2015, par anonyme (Date de rédaction antérieure : 12 août 2015).

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Biologie mercredi 12 août 2015

Fabien Goubet

Censé représenter l’évolution, ce dessin véhicule de nombreuses idées reçues. Parmi elles, celles selon lesquelles l’homme descendrait du singe et aurait évolué par étapes, deux conceptions erronées. (DR)

Riche en observations contre-intuitives, l’étude de l’évolution des espèces est propice aux préjugés. Le point sur dix concepts répandus, mais totalement faux

De tous les domaines scientifiques, celui de l’évolution est sans doute celui qui véhicule le plus d’idées reçues. Qui n’a par exemple jamais entendu que l’homme descend du singe ? Ou que seuls les organismes les plus forts survivent ? Pourtant répandues, ces croyances n’en sont pas moins archi-fausses.

A l’occasion du 15e Congrès de la Société européenne de biologie évolutive (ESEB), qui se tient à Lausanne jusqu’au 14 août, Le Temps vous propose de faire le point sur quelques-unes de ces idées reçues parmi les plus tenaces.

« Ce ne sont que des hypothèses »

Nombreux sont ceux pour qui l’évolution n’est qu’une hypothèse, une opinion comme une autre. Pourtant, « le fait que l’évolution existe ne fait plus aucun doute, corrige Laurent Keller, biologiste à l’Université de Lausanne. Les fossiles prouvent que des espèces ont disparu, tandis que les espèces actuelles n’ont pas toujours existé. » Le malentendu viendrait en fait de l’ambivalence du mot « théorie ». Trivialement, il sous-entend une idée personnelle et spéculative. Mais pour les scientifiques, une théorie désigne un cadre explicatif qui permet de comprendre tel ou tel phénomène naturel, tout en le passant au couperet de la vérification expérimentale. A ce titre, la théorie de l’évolution est donc une véritable théorie scientifique, et non pas une simple intuition qu’a eue un jour Charles Darwin.

« L’évolution n’est pas observable, c’est un phénomène trop lent »

On assimile souvent les processus évolutifs à des événements se déroulant sur des millions d’années. « Faux, répond Tania Jenkins, de l’Université de Lausanne. La résistance des bactéries aux antibiotiques est une preuve que les organismes peuvent évoluer sur des échelles de temps beaucoup plus courtes. » Insectes, virus, bactéries… Tous les organismes capables de se reproduire à grande vitesse évoluent généralement rapi­dement. Le virus de la grippe, qui revient chaque année sous une forme différente, en est la preuve.

« Un truc d’athées »

Faut-il oublier toute croyance religieuse pour accepter la théorie de l’évolution ? « Il n’y a pas à choisir, assure Héloïse Dufour, co-organisatrice, avec Tania Jenkins, de Lausanne, Capitale de l’évolution. La théorie de l’évolution explique le monde autour de nous, mais ne dit rien des croyances ou de l’existence de Dieu. » Evolution et religion font d’ailleurs bon ménage, assure-t-elle, notamment « en Suisse, où la majorité des croyants acceptent cette théorie scientifique ».

« Évolution rime avec amélioration »

On a tous déjà vu sur des t-shirts cette fameuse image censée illustrer l’évolution : un petit singe quadrupède et courbé avance vers la droite en se redressant sur ses pattes pour devenir, au bout de plusieurs étapes, un splendide Homo sapiens droit comme un i. De gauche à droite, les singes puis les hommes sont de plus en plus grands, plus droits, plus forts. Ce que laisse notamment entendre ce dessin, c’est que l’évolution est synonyme de progrès, rendant les organismes plus forts, plus performants. Sauf qu’en réalité, les caractères conservés par la sélection naturelle ne sont pas toujours bé­néfiques, comme l’explique Laurent Keller : « Un caractère profitable pour un individu se révèle parfois néfaste à long terme pour la population. Prenons par exemple des oiseaux dont certains mâles possèdent une queue plus longue que les autres. Ils attirent ainsi les femelles, mais ils volent aussi moins bien. Le résultat est qu’ils vont se reproduire plus facilement mais aussi transmettre ce caractère à leur descendance et, au final, tous les oiseaux voleront moins bien. »

« L’homme descend du singe »

Le chimpanzé est-il notre ancêtre ? Le scénario est tentant. Petit à petit, le singe se serait redressé pour devenir le bipède que nous sommes… Sauf que ce scénario tient plus de l’imagerie d’Epinal que du fait scientifiquement avéré. Déjà parce que le chimpanzé est une espèce aussi récente que la nôtre, apparue il y a 8 millions d’années. « Ce n’est pas notre ancêtre mais plutôt notre cousin », nuance Ivan Scotti, de l’Université d’Avignon. Mais que dire alors des 99% de génome que nous avons en commun ? Cela ne prouve pas qu’il s’agisse de notre ancêtre. Deux frères partagent une bonne partie de leur ADN sans pour autant que l’un descende de l’autre ! « Nous avons bien un ancêtre commun avec le chimpanzé, mais ce n’était ni un singe, ni un homme, ajoute Laurent Keller. Nous ne savons donc pas de qui nous descendons exactement. »

« La vie n’évolue qu’au gré du hasard »

Comment apparaissent les nouveaux caractères qui seront par la suite conservés – ou qui s’éteindront – au cours de l’évolution ? Par les mutations génétiques, phénomène éminemment aléatoire. Cela en tête, il est tentant de penser que l’évolution ne repose que sur le hasard. Cependant, « seules les « bonnes » mutations, celles qui permettent à l’organisme une meilleure adaptation à l’environnement, sont conservées », précise Laurent Keller. Autrement dit, si les mutations sont aléatoires, les processus par lesquels elles sont conservées ou pas (ce qu’on appelle la sélection naturelle) ne doivent rien au hasard. Ainsi, les caractères les plus complexes que l’on observe dans la nature (par exemple la capacité d’écholocalisation des chauves-souris) ne sont pas apparus que par chance, ils sont le fruit d’une sélection qui a favorisé les individus les mieux adaptés et les plus à même de se reproduire (en l’occurrence, les chauves-souris capables de s’orienter dans l’obscurité).

« C’est une quête de l’origine de la vie »

Non, la théorie de l’évolution ne vise pas à expliquer l’origine de la vie. Enfin, pas uniquement. « Il s’agit d’une des questions que l’on se pose parmi tant d’autres, confirme Laurent Keller. Mais elle n’est pas plus importante que celle de l’origine du sexe, des protéines, du vieillissement, etc. C’est une discipline vraiment très large. »

« L’homme n’est plus concerné »

Autre idée reçue : en exerçant un tel contrôle sur son environnement, l’homme se serait affranchi des pressions évolutives. ­Notre histoire génétique récente prouve pourtant que nous évoluons, comme en témoigne l’apparition de la tolérance au lactose. A l’origine, l’homme devenait intolérant à ce sucre présent dans le lait quelques mois après sa naissance. Mais une mutation survenue chez un individu d’Afrique il y a quelque 8000 ans a changé la donne. Elle a en effet permis la digestion du lactose tout au long de la vie. Les biologistes estiment que cette mutation aurait été sélectionnée car les populations vivant à l’époque devaient consommer beaucoup de lait frais pour leur subsistance. Incapables de digérer le seul aliment à leur disposition, les intolérants auraient alors péri.

« Une théorie qui légitime le racisme »

Argument volontiers mis en avant par ses adversaires, la théorie de l’évolution justifierait la supériorité de certains individus sur les autres, ouvrant la voie au racisme. Une ineptie que balaie Ivan Scotti : « S’il est vrai que la sélection naturelle favorise parfois la compétition entre les individus, que dire lorsqu’elle avantage certains comportements coopératifs, par exemple lorsque des oiseaux s’associent pour construire leur nid, ou lorsque des fourmis renoncent à se reproduire afin de dégager des ressources pour la reproduction de la seule reine ? » Les doctrines prônant la compétition entre races ou classes sociales, que l’on regroupe sous le terme « darwinisme social », n’ont aucun sens scientifique, assure-t-il.

« L’étude de l’évolution ne sert à rien »

« Au contraire, l’évolution est partout dans notre vie de tous les jours, affirme Tania Jenkins. Si nous avons une telle diversité de fromages, de bières ou de vins, c’est grâce à la diversité des bactéries, des levures et des fruits ! » Quant aux applications, elles existent : on assiste aujourd’hui ­à l’émergence d’une médecine « darwinienne », où sont développés des traitements qui prennent en compte l’évolution de l’être humain et des microbes, qui ont connu leurs propres adaptations. Tout cela devrait, espèrent les médecins, permettre de voir certaines maladies sous un éclairage nouveau.

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