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Staline - URSS - En réponse au mensonge médiatique

samedi 7 novembre 2015

En réponse au mensonge médiatique et à ses complices "de gauche"…

SUR LA RÉALITÉ DE LA LUTTE DE CLASSES EN URSS ET LE RÔLE DE STALINE POUR TENTER DE RÉFORMER LE SOCIALISME CONTRE LA BUREAUCRATIE, ET LES CAUSES DE SON ÉCHEC.

Ce qui est « frappant » dans la vision de l’histoire que la bourgeoisie veut maintenant nous imposer à travers ses médias, c’est précisément son approche « apocalyptique » ! C’est une vision qui succède à celle de la prétendue « fin de l’histoire » qui aurait du, selon ses désirs, être inaugurée avec la chute de l’Union Soviétique. Elle prétendait alors nous promettre un paradis de « liberté » capitaliste éternel, comme d’autres promettaient la pérennité du 3e Reich pour mille ans…

Las, c’était vouloir oublier la crise systémique déjà installée de manière chronique depuis le tournant des années 70, avec la « faillite » des accords financiers de Bretton Woods, sous la pression montante des luttes anti-impérialistes, notamment au Vietnam. Avec le séisme financier de 2007-2008 la réalité est venue brutalement rattraper ce mythe de la « fin de l’histoire », pour le remettre à sa vraie place : la poubelle de l’histoire !

Mais comme cette poubelle déborde des haines, des peurs et des rancunes que la bourgeoisie nourrit constamment contre le peuple, il lui faut donc néanmoins en ressortir régulièrement les mensonges éhontés dont elle remplit ses « livres noirs » !

Autre aspect « frappant » de la vision bourgeoise de l’histoire, c’est de nous présenter le peuple comme une sorte de troupeau de moutons masochistes, adulant ses « bourreaux »… En réalité, c’est déjà, à la base, la vision fataliste qu’elle voudrait elle même imposer aux peuples pour essayer de leur démontrer la « futilité » de toute tentative de révolution… Elle ne fait que projeter ses propres fantasmes de domination sur les leaders révolutionnaires historiques.

Concrètement, dans la réalité de l’histoire, cette vision de leur omnipotence et de leur prétendue « infaillibilité » n’appartient qu’aux opportunistes, bureaucrates parasites et dogmatiques imbéciles de toutes sortes… Si des millions de citoyens soviétiques prétendument misérables, affamés et torturés se sont lancés à l’assaut de la forteresse nazie supposée pouvoir les « libérer », ce n’est tout simplement pas sans raisons basées sur la réalité de leur expérience de la construction du socialisme.

La réalité de l’histoire soviétique, ce n’est pas celle d’un bloc monolithique au sommet du quel trônent successivement quelques dictateurs fanatiques et paranoïaques, mais au contraire, c’est l’histoire de bouleversements sociaux, de luttes de classes, anciennes et nouvelles, de controverses âpres sur les décisions à prendre constamment sous la pression du blocus et/ou de la répression impérialiste.

Pour illustrer cette réalité occultée, il nous parait approprié de centrer le débat sur l’histoire de la Constitution de 1936, qui est restée, par la suite, avec plusieurs modifications, celle de l’URSS jusqu’en 1977.

A l’origine, cette constitution avait clairement pour fonction d’entériner la nouvelle étape du développement socialiste inaugurée avec la fin de la NEP. C’est l’exemple type d’une période de luttes et de bouleversements économiques et sociaux, où, sous la pression du capitalisme renaissant avec la NEP, rien ne se fait facilement. Une période qui entraine effectivement son lot de violences et de tragédies, mais au terme de laquelle l’économie soviétique redécolle rapidement, au point d’être en mesure d’arrêter l’offensive nazie, dès décembre 1941, aux portes de Moscou ! (Tiens, … au passage, mais où s’est donc « arrêtée » l’armée nazie, en Europe de l’Ouest, en Décembre 1941… ?)

A la suite du texte de l’historien US, le Professeur Grover Furr, nous republions le rapport de Staline lui-même commentant le projet de Constitution de 1936.

Et encore à la suite, un lien vers une édition PDF de cette Constitution, et même un lien vers le texte de Trotsky critiquant ce projet, en dénigrant essentiellement sa volonté d’améliorer la démocratie…

AINSI, CHACUN PEUT COMMENCER A SE FAIRE UNE OPINION BASÉE SUR UNE DOCUMENTATION HISTORIQUE RÉELLE.

Naturellement, cela reste tout à fait insuffisant pour comprendre la complexité des luttes de classes en URSS, notamment dans les années trente.

Cela suppose d’étudier l’évolution des différentes strates sociales en fonction de l’évolution économique du pays, qui est très rapide, et qui en, en moins de 20 ans, de 1922 à 1941, à partir d’un pays ruiné par la guerre « civile » largement entretenue par l’occident, a permis de constituer l’URSS comme la force stratégique essentielle de résistance au nazisme, et qui l’a finalement vaincu !

Comprendre l’évolution des strates sociales en URSS, c’est aussi comprendre l’évolution des forces politiques qui se sont affrontées, entre elles et plusieurs contre Staline et ses partisans.Elles se sont affrontées dans les organisations du Parti et de l’État, et aussi sous la forme d’opposition structurée et ouvertes, comme celle de la « Plate-forme marxiste-léniniste » de Rioutine, histoire étrangement « méconnue » en France…

Bien évidemment cette « étrangeté » a une explication, et même une double, du fait que cette « Plate-forme », à l’instar des futurs « maoïstes », prétendait combattre au nom du ML, alors qu’elle en était l’antithèse et pour mieux le détruire, évidemment.

Son autre aspect étonnamment « moderne », en terme de révisionnisme, est sa base sociale, qui tendait à unir, sur un discours démagogique et populiste, la paysannerie réactionnaire Koulak à l’opposition « de gauche » trotskyste, intérieure et exilée, et à la droite « boukhariniste » au sein du Parti… !

Cette histoire méconnue déconstruit totalement le mythe d’un Staline luttant arbitrairement contre une opposition prétendument « inexistante », …selon les anticommunistes et leurs alliés « de gauche », dont certains, à l’instar de Rioutine, s’affublent encore de titres « communistes » et même « marxistes-léninistes » !

Reste à faire la critique dialectique ML de la méthodologie selon laquelle cette lutte a été menée par Staline et ses partisans, mais cela n’appartient manifestement pas au domaine de l’histoire « médiatique » actuelle.

Pour nous, sur TML(*), une analyse marxiste-léniniste ne peut s’appuyer que que la réalité des faits et non sur des préjugés et/ou des présupposés « idéologiques », fussent-ils même « de gauche » !!

Luniterre

************* (* Tribune Marxiste-Léniniste )

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Quelques liens pour une autre approche de l’histoire :

Rappelons ce qu’il en est des recherches historiques réelles sur l’histoire de l’URSS et notamment sur la période dite « stalinienne »… Rappelons également, en ce qui concerne les années trente, que les Koulaks et les Nepmen sont essentiellement responsables des difficultés économiques qui ont amené la fin de la NEP et les tragédies de cette époque.

Paradoxalement, les recherches les plus sérieuses ont commencé aux USA… Pourquoi ? En 1945, les américains y ont ramené l’ensemble des archives soviétiques de la région administrative de Smolensk, qu’ils avaient été amenés à occuper brièvement, suite au recul des allemands. Ils ont donc eut la possibilité de faire la part des choses entre la réalité et leur propre délire de propagande.

Le principal artisan de cette première remise à jour a été l’historien John Arch Getty :

http://www.history.ucla.edu/people/faculty/faculty-1/faculty-1?lid=651

Par la suite il a également été un des premiers à travailler sur les archives soviétiques déclassifiées, après la chute de l’URSS, ce qui a notamment permis de mettre à jour les vrais chiffres et la composition sociale du système pénitentiaire soviétique, le « goulag ».

http://www.cercec.fr/materiaux/doc_membres/Gabor%20RITTERSPORN/Victims%20of%20the%20Gulag.pdf

Un autre grand artisan de ce retour au réel est incontestablement le Professeur Grover Furr, de Montclair State University, New Jersey :

http://www.montclair.edu/profilepages/view_profile.php?username=furrg

C’est l’auteur de l’étude que nous republions aujourd’hui, mais ses contributions sont nombreuses et essentielles dans tous les domaines de l’historiographie soviétique. L’essentiel en est référencé sur son site, dont une partie en français.

https://msuweb.montclair.edu/ furrg/

http://editionsdelga.fr/portfolio/grover-furr/

Un extrait, publié sur « le Grand Soir » :

http://www.legrandsoir.info/khrouchtchev-a-menti.html

Autre chose : un premier essai de synthèse ML de ces données historiques, sur le site suédois de Mario Sousa :

http://www.mariosousa.se/lesmensongessurlunionsovietique.html

Sur l’importante et significative affaire Rioutine et sa « Plate-forme marxiste-léniniste », deux notices Wikipédia correctes en anglais et une première approche ML, en anglais, également…

https://en.wikipedia.org/wiki/Ryutin_Affair

https://en.wikipedia.org/wiki/Martemyan_Ryutin

http://ml-review.ca/aml/MLRB/MLRB10-Ryutin.htm

Enfin, et surtout, rappelons cet ouvrage fondamental sur la politique de l’URSS en tentative de résistance au « Plan Marshall » :

The Cominform — Minutes of the Three Conferences 1947/1948/1949, édité par Giuliano Procacci, Feltrinelli Editore (Milan, 1994)

Ouvrage directement tiré des archives soviétiques, et qui est quasiment à la base du blog Tribune Marxiste-Léniniste, avec notamment la publication intégrale de la version originale du célèbre « Rapport Jdanov » !!

https://tribunemlreypa.wordpress.com/la-doctrine-jdanov-du-front-anti-imperialiste/

Ce texte, dans sa version intégrale, permet d’en redonner le véritable sens, au delà de la version publique « officielle », et de comprendre le décalage économique qui s’est opéré entre l’Est, véritable vainqueur des nazis, mais ruiné, et l’Ouest, gavé des dollars de ce grand profiteur de guerre qu’était déjà l’ »Oncle Sam ».

Il montre, sous le poids de cette manne pernicieuse, la corruption et la lâcheté des dirigeants « communistes » français et italiens, dont la « capitulation », c’est à dire le ralliement de fait au « Plan Marshall » a marqué le premier basculement du rapport de force entre l’impérialisme et le socialisme.

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Études et documents

Les falsifications de l’histoire

Staline et la lutte pour la réforme démocratique

Par Grover Furr

Première partie

Introduction

2. Une nouvelle constitution

3. La lutte anti-bureaucratique

4. La défaite de Staline

Procès, conspirations, répression

Notes complémentaires

7. Bibliographie

Deuxième partie

Pendant la guerre

9. Après la guerre

10. L’ébauche du programme du parti de 1947

Le dix-neuvième congres du parti

1 Lavrentii Beria

Les actions de Beria vers la reforme démocratique

Les décès de Staline et de Beria… et d’autres ?

Conclusions et future recherche

Bibliographie supplémentaire pour la deuxième partie

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PREMIÈRE PARTIE

Introduction

Cet article décrit les tentatives de Joseph Staline, des années 1930 jusqu’à sa mort, pour démocratiser le gouvernement de l’Union soviétique.

Cette assertion et l’article qui suit étonnera nombre de personnes et en choquera d’autres. En fait c’est ma propre stupéfaction, à la suite des résultats de mes recherches qui m’a conduit à écrire cet article. Je soupçonnais depuis longtemps que la version « Guerre froide » de l’histoire soviétique avait des défauts sérieux. Cependant, j’étais loin d’évaluer l’étendue des mensonges que l’on m’avait présentés comme des faits incontestables. Tout cela est bien connu en Russie, où le respect, voire l’admiration pour Staline est répandue. Youri Zhukov, le principal historien russe qui met en avant le paradigme de « Staline démocrate » et dont les travaux constituent la plus importante source pour cet article -mais pas la seule- est une figure du courant dominant de l’Académie des Sciences. Ses travaux sont largement connus en Russie.

Cependant, cette histoire et les faits qui la confirment sont pratiquement inconnus à l’extérieur de la Russie, où le paradigme de la Guerre froide de « Staline dictateur » domine tout ce qui est publié et où les travaux commentés ici sont très rarement cités. Aussi, une bonne partie des sources secondaires utilisées pour cet article sont seulement disponibles en russe, ainsi que, bien sûr, toutes les sources primaires.

Cet article n’informe pas simplement les lecteurs de nouveaux faits et sur leur interprétation à propos de l’histoire de l’URSS. C’est plutôt une tentative d’apporter à des lecteurs non-russes les résultats d’une nouvelle recherche sur la période « stalinienne » et sur Staline lui-même, basée sur les archives soviétiques. Les faits présentés sont compatibles avec une série de paradigmes de l’histoire soviétique, de même qu’ils aident à réfuter un certain nombre d’autres interprétations. Ils seront tout à fait inacceptables – en fait, scandaleux – à ceux dont les perspectives politiques et historiques sont basées sur les notions fausses et idéologiquement motivées « de la Guerre froide », « de totalitarisme » soviétique et « de terreur » stalinienne.

La caractérisation khrouchtchévienne de Staline en tant que dictateur assoiffé de pouvoir, traître à l’héritage de Lénine, a été créée pour servir les objectifs de la nomenklatura du Parti communiste dans les années 1950. Mais elle présente des similitudes et partage beaucoup de suppositions, avec le discours canonique sur Staline hérité de la Guerre froide, qui a servi la propagande des élites capitalistes, soutenant que les luttes des communistes, et donc de n’importe quelles luttes pour le pouvoir du prolétariat, mènent inévitablement à un certain type d’horreur.

Elle sert aussi à l’argumentation des Trotskistes selon laquelle la défaite de Trotski, « véritable révolutionnaire », n’a pu avoir lieu que par la faute d’un dictateur qui, est-il affirmé, a violé tous les principes pour lesquels la révolution avait combattu. Les paradigmes khrouchtchéviens, anti-communistes de la Guerre froide et Trotskistes de l’histoire soviétique partagent la même diabolisation quasi-totale de Staline, de son leadership et de l’URSS à son époque.

La vision de Staline décrite dans cet essai est compatible avec un certain nombre de paradigmes historiques autrement contradictoires. Les interprétations communistes anti-révisionnistes et post-maoïstes de l’histoire soviétique considèrent Staline comme l’héritier créateur et logique, et à certains égards imparfait, de l’héritage de Lénine. En même temps, beaucoup de nationalistes russes, tout en n’approuvant pas vraiment les réalisations de Staline en tant que communiste, respectent Staline en tant que principal acteur qui a conduit la Russie à devenir une puissance industrielle et militaire mondiale majeure. Staline est un personnage fondamental pour les deux, bien que de façon très différente.

Cet article n’est pas une tentative « de réhabiliter » Staline. Je suis d’accord avec Yuri Zhukov quand il écrit :

« Je peux honnêtement vous dire que je m’oppose à la réhabilitation de Staline, parce que je m’oppose aux réhabilitations en général. Rien ni personne dans l’histoire ne devrait être réhabilité – mais nous devons découvrir la vérité et dire la vérité. Cependant, depuis l’époque de Khrouchtchev les seules victimes des répressions de Staline dont on entend parler sont celles qui y ont participé elles-mêmes, qui les ont facilitées ou qui n’ont pas réussi à s’y opposer »

Je ne veux pas non plus suggérer que, si Staline s’y était bien pris, les multiples problèmes de la construction du socialisme ou du communisme en URSS auraient été résolus.

Durant la période que cet essai étudie, la conduite de Staline a été non seulement de chercher à promouvoir la démocratie dans la gestion de l’État, mais aussi de favoriser la démocratie interne du parti. Cet aspect important et lié, exige une étude séparée et n’est pas le thème central de cet essai. Cependant le concept de « démocratie » n’a pas le même sens dans le contexte d’un parti basé sur le centraliste-démocratique et d’adhérents volontaires que dans un État immense de citoyens où aucune base d’accord politique ne peut être posée en préalable.

Cet article fait référence à des sources primaires chaque fois que c’est possible. Mais il s’appuie beaucoup plus sur les travaux de recherche des historiens russes qui ont eu accès aux documents non publiés ou récemment publiés des archives soviétiques. Beaucoup de documents soviétiques très importants sont disponibles seulement pour les chercheurs avec un accès privilégié. Un grand nombres d’autres documents sont inaccessibles et classifiés « confidentiels », incluant une bonne partie des archives personnelles de Staline, les documents d’enquête d’avant-procès des procès de Moscou de 1936-38, les documents d’enquêtes relatifs aux purges militaires ou à « l’Affaire Toukhatchevski » de 1937 et beaucoup d’autres.

Yuri Zhukov décrit la situation des archives de cette façon :

« Au début de la perestroïka, un de ses slogans était la glasnost … les archives du Kremlin, autrefois fermées aux chercheurs, ont été liquidées. Leur propriété a commencé à être transféré dans [des institutions publiques diverses – GF]. Ce processus a commencé, mais n’a pas été achevé. En 1996, sans aucune publicité ou explication de quelque sorte que ce soit, les documents centraux les plus importants ont été de nouveau re-classifiés, enfouis dans les archives du Président de la Fédération de Russie. Très vite les raisons de cette opération secrète sont devenues claires ; elle permettait la résurrection d’un des deux anciens vieux et très minables mythes. »

Par ces mythes Zhukov désigne le mythe de « Staline dictateur » et « Staline grand leader » Seul le premier de ces mythes est familier aux lecteurs de l’historiographie occidentale et anti-communiste. Mais les deux écoles sont bien représentées en Russie et dans la Communauté des États Indépendants.

L’un des livres de Zhukov, qui sert de base d’une grande partie de cet article, est intitulé Staline Inoy – Staline différent – « différent » de l’un ou de l’autre mythe, plus près de la vérité, basé sur des documents d’archives récemment déclassifiés. Sa couverture montre une photographie de Staline et, y faisant face, la même photographie en négatif : son opposé. C’est seulement à de rares occasions que Zhukov emploie des sources secondaires. La plupart du temps il fait référence à des matériaux d’archives non publiées, ou des documents d’archives qui ont été seulement récemment déclassifiés et publiés. Le tableau qu’il brosse de la politique du Politburo de 1934 à 1938 est « très différent » de tout ce qui est véhiculé avec n’importe lequel des « mythes » qu’il rejette.

Zhukov termine son introduction avec ces mots :

« Je ne prétends pas avoir tout résolu ou être incontestable. Je poursuis seulement un but : éviter les deux points de vue préconçus, les deux mythes ; essayer de reconstruire le passé, autrefois bien connu, mais maintenant intentionnellement oublié, délibérément tabou, ignoré par tous. »

Comme Zhukov, cet article tente aussi d’éviter de tomber dans les deux mythes.

Dans de telles conditions toutes les conclusions doivent rester provisoires. J’ai essayé d’employer tous les documents judicieusement, qu’ils soient primaires ou secondaires. Pour éviter d’interrompre le texte j’ai mis les sources de mes références à la fin de chaque paragraphe. J’ai utilisé des notes en bas de page numérotées classiquement seulement là où je pense que des notes plus explicatives sont nécessaires.

La recherche que cet article résume a des conséquences importantes pour ceux d’entre nous qui ont intérêt à faire avancer une analyse de classe de l’histoire, y compris de l’histoire de l’Union Soviétique.

Un des meilleurs chercheurs américains de la période stalinienne en URSS, J. Arch Getty, a qualifié la recherche historique effectuée pendant la période de la Guerre froide de « produit de la propagande » -« recherche » qu’il ne sert à rien de critiquer ou d’essayer de corriger point à point, mais qui doit être complètement revue depuis le début.

Je suis d’accord avec Getty, mais j’ajouterais que cette « recherche » tendancieuse, politiquement orientée et malhonnête est encore produite de nos jours.

Le paradigme khrouchtchévien et de la Guerre froide a été le point de vue dominant de l’histoire « des années Staline. » La recherche dont je fais le compte-rendu ici peut contribuer à « déblayer le terrain, en recommençant tout depuis le début. »

La vérité qui apparaîtra finalement aura aussi une grande signification pour le projet marxiste en vue de comprendre le monde pour le changer, pour construire une société sans classe, de justice sociale et économique.

Dans la dernière partie de l’essai, j’ouvre pour la recherche ultérieure quelques pistes que suggèrent les résultats de cet article .

Une Nouvelle Constitution

En décembre 1936 le 8e Congrès Extraordinaire des Soviets approuve le projet de nouvelle Constitution Soviétique. Il prévoit le vote secret et la fin de la candidature unique (cf Zhukov, Inoy 307-9).

Les candidats autorisés à se présenter pouvaient être issus non seulement du Parti Bolchevik – qui s’appelait alors le Parti Communiste (Bolchevik) de Toute l’Union – mais également des groupes d’autres citoyens , basés sur la résidence, l’affiliation (comme les groupes religieux), ou des organisations professionnelles. Cette dernière disposition n’a jamais été mise en oeuvre. Les élections plurielles n’ont jamais été organisées.

Les aspects démocratiques de la Constitution ont été introduits à la demande expresse de Joseph Staline.. Avec ses partisans les plus proches dans le Politburo du Parti Bolchevik, Staline a combattu avec ténacité pour conserver ces dispositions. Getty, explique qu’ils ont seulement cédé quand ils furent confrontés au refus unanime du Comité Central du Parti et à la panique entourant la découverte de graves conspirations pour renverser le gouvernement soviétique, liées aux fascistes japonais et allemands.

En janvier 1935 le Politburo a assigné à Avel Yenukidze la tâche de rédiger le contenu d’une nouvelle Constitution qui, quelques mois plus tard, est revenu avec une proposition pour des élections ouvertes et à candidature unique. Presque immédiatement, le 25 janvier 1935, Staline a exprimé son désaccord avec la proposition de Yenukidze, insistant sur des élections à bulletin secret. (Zhukov, Inoy 116-21)

Staline a rendu public ce désaccord d’une façon spectaculaire dans une entrevue en mars 1936 avec le magnat américain de la presse Roy Howard. Staline y affirme que la constitution soviétique garantirait que tout vote serait à bulletin secret. Le vote serait organisé sur une base égalitaire, avec le vote paysan comptant autant que celui d’un travailleur et sur une base territoriale, comme en Occident, plutôt que selon le statut (comme pendant l’époque tsariste) ou du lieu d’emploi ; et direct – tous les Soviets seraient élus par les citoyens eux-mêmes, non indirectement par des représentants. (Howard-Staline Interview ; Zhukov, « Repressii » 5-6)

Staline : Nous adopterons probablement notre nouvelle constitution à la fin de cette année. La commission désignée pour rédiger la constitution fonctionne en ce moment et doit finir ses travaux bientôt. Comme il a déjà été annoncé, selon la nouvelle constitution, le suffrage sera universel, égal, direct et secret. (Howard-Staline Interview 13)

Le plus important de tous, Staline a déclaré que toutes les élections seraient à candidature multiple.

« Vous êtes perplexes par le fait qu’un seul parti se présentera aux élections. Vous ne pouvez pas imaginer comment les luttes électorales peuvent avoir lieu dans ces conditions. Évidemment, les candidats seront proposés non seulement par le Parti Communiste, mais par toutes sortes d’organisations publiques, indépendantes du Parti. Et nous en avons des centaines. Nous n’avons pas de parti concurrent pas plus que nous n’avons une classe capitaliste luttant contre un prolétariat qu’elle exploite. Notre société est composée exclusivement de travailleurs libres de la ville et de la campagne – des ouvriers, des paysans, des intellectuels. Chacune de ces couches peut avoir ses intérêts spéciaux et les exprimer au moyen des nombreuses organisations publiques qui existent. »(13-14)

Les différentes organisations des citoyens pourraient présenter des candidats contre les candidats du Parti Communiste. Staline a dit à Howard que les citoyens pourraient rayer les noms de tous les candidats à l’exception de ceux pour lesquels ils voudraient voter.

Il a aussi souligné l’importance d’élections à candidature multiple pour combattre la bureaucratie.

« Vous pensez qu’il n’y aura aucune lutte électorale. Mais il y aura et je prévois des campagnes électorales très animées. Il n’y a pas quelques institutions dans notre pays qui fonctionnent mal. Les cas se produisent quand tel ou tel organe de l’administration locale ne réussit pas à donner satisfaction à certaines exigences diverses et croissantes des travailleurs de la ville et de la campagne. Avez-vous construit une bonne école ou non ? Avez-vous amélioré les conditions de logement ? Est-ce que vous êtes un bureaucrate ? Avez-vous agi pour rendre notre travail plus efficace et notre vie plus cultivée ? Une telle volonté sera le critère avec lequel des millions d’électeurs mesureront les aptitudes des candidats, et rejetteront ceux qui ne sont pas adéquats, bifferont leurs noms des listes des candidats et choisiront et nommeront le meilleur. Oui, les campagnes électorales seront animées, elles seront conduites autour des problèmes nombreux, très aigus, principalement d’une nature pratique, d’une importance de premier ordre pour le peuple. Notre nouveau système électoral renforcera toutes les institutions et organisations et les obligera à améliorer leur travail. Le suffrage universel, égal, direct et secret en URSS sera un fouet entre les mains de la population contre les organes du gouvernement qui fonctionnent mal. À mon avis notre nouvelle constitution soviétique sera la constitution la plus démocratique dans le monde. »(15)

Sur ce point, Staline et ses camarades les plus proches dans le Politburo, Vyacheslav Molotov et Andrei Jdanov, ont défendu le principe d’élections secrètes et à candidature multiple dans toutes les discussions à l’intérieur de la direction du parti. (Zhukov, Inoy 207-10 ; entrevue Staline-Howard)

Staline a aussi insisté pour que de nombreux citoyens Soviétiques qui avaient été privés du droit de vote recouvrent ce droit. Ceux-ci incluent des membres d’anciennes classes exploiteuses tels que les anciens propriétaires et ceux qui s’étaient battus contre les Bolcheviks pendant la Guerre civile de 1918-1921, connus en tant que « Gardes Blancs », aussi bien que ceux reconnus coupables de certains crimes (comme aux États-Unis aujourd’hui). Les plus importants et probablement les plus nombreux, parmi les lishentsy (« les privés de droit ») appartenaient à deux groupes : « les koulaks », les cibles principales pendant le mouvement de collectivisation qui s’est déroulé quelques années auparavant ; et ceux qui avaient violé « la loi des trois oreilles » de 1932 – qui avaient volé la propriété d’État, souvent du grain, parfois simplement pour éviter la famine. (Zhukov, Inoy 187)

Ces réformes électorales auraient été inutiles à moins que la direction Stalinienne n’ait voulu changer la façon dont était dirigée l’Union soviétique. Elle a voulu retirer au Parti communiste la tâche de gouverner directement l’Union soviétique.

Pendant la Révolution russe et les années critiques qui ont suivi, l’URSS avait été légalement dirigée par une hiérarchie élue de soviets (« des conseils »), du niveau local au niveau national, avec le Soviet Suprême en tant que corps législatif national, le Conseil (soviétique) des Commissaires du Peuple en tant que corps exécutif et le Président de ce Conseil en tant que chef d’État. Mais en réalité, à chaque niveau, le choix de ces fonctionnaires avait toujours été entre les mains du Parti Bolchevik. Les élections avaient lieu, mais les nominations directes par des dirigeants du parti, appelée « cooptation » étaient aussi fréquentes. Même les élections étaient contrôlées par le parti, puisque personne ne pouvait présenter sa candidature à moins que les dirigeants du parti n’aient été d’accord.

Pour les Bolcheviks, cela avait un sens. C’était la forme que la dictature du prolétariat a prise dans les conditions historiques spécifiques de l’Union Soviétique révolutionnaire et post-révolutionnaire. Sous la Nouvelle Politique Économique ou NEP le travail et les compétences d’anciens et actuels exploiteurs étaient nécessaires. Mais utilisées seulement pour servir la dictature du prolétariat – et le socialisme. Ils ne leur étaient pas permis de développer des rapports capitalistes au-delà de certaines limites, ni de reconquérir le pouvoir politique.

Pendant les années 1920 et au début des années 1930 le Parti Bolchevik a recruté énergiquement au sein du prolétariat. Vers la fin des années 1920, la plupart des membres du parti étaient des ouvriers et le Parti comprenait un pourcentage élevé d’ouvriers. Ce recrutement massif et les tentatives gigantesques pour l’éducation politique eurent lieu en même temps que les gigantesques bouleversements du premier Plan Quinquennal, de l’industrialisation intensive et de la collectivisation en grande partie forcée de fermes individuelles en fermes collectives (kolkhoze) ou en fermes soviétiques (sovkhoze). La direction bolchevique était sincère dans sa tentative de « prolétariser » le Parti et elle a été couronnée de succès. (Rigby, 167-8 ; 184 ; 199)

Staline et ses partisans au Politburo ont donné un certain nombre de raisons pour expliquer leur volonté de démocratiser l’Union soviétique. Ces raisons résidaient dans le fait que Staline pensait qu’un nouveau stade du socialisme avait été atteint. La plupart des paysans appartenaient à des fermes collectives. Avec la disparition des fermes paysannes individuelles régulièrement chaque mois, la direction sous Staline a cru qu’objectivement les paysans ne constituaient plus une classe socio-économique séparée. Les paysans étaient plus proches des travailleurs que différents.

Staline argumentait que, avec la croissance rapide de l’industrie soviétique et particulièrement avec la classe ouvrière détenant le pouvoir politique par l’intermédiaire du Parti Bolchevik, le mot « prolétariat » n’était plus exact. « Le prolétariat », déclara Staline, désigne la classe ouvrière sous l’exploitation capitaliste, ou travaillant sous les rapports de production de type capitaliste, tels que ceux qui ont existé pendant la première douzaine d’années d’existence de l’Union soviétique, particulièrement sous la NEP. Mais étant donné que l’exploitation directe des ouvriers par les capitalistes pour le profit était maintenant supprimée, la classe ouvrière ne doit plus être appelée « prolétariat ».

Selon ce point de vue, les exploiteurs n’existant plus, les ouvriers, gouvernant maintenant le pays dans leur propre intérêt par l’intermédiaire du Parti Bolchevik, ne ressemblaient plus « au prolétariat » classique. Donc, « la dictature du prolétariat » n’était plus un concept pertinent. Ces nouvelles conditions appelaient à un nouveau type d’État. (Zhukov, Inoy 231 ; 292 ; Staline, « Projet 800-1 »)

La lutte anti-bureaucratique

La direction stalinienne était également préoccupée par le rôle du parti dans cette nouvelle étape du socialisme. Staline lui-même a entrepris le combat contre « le bureaucratisme » avec une grande vigueur très tôt, comme dans son Rapport au 17e Congrès du Parti en janvier 1934. Staline, Molotov et d’autres ont appelé le nouveau système électoral « une arme contre la bureaucratisation. »

Les dirigeants du parti contrôlaient le gouvernement, à la fois en contrôlant qui entrait dans les Soviets et en exerçant diverses formes de surveillance ou de révision sur ce que les ministères du gouvernement faisaient. Prenant la parole au 7e Congrès des Soviets le 6 février 1935 Molotov déclara que les élections secrètes « atteindrons avec une grande force les éléments bureaucratisés et leur donneront un choc utile. » Le rapport de Yenukidze n’avait pas recommandé, ou même mentionné, des élections secrètes et l’élargissement du droit de vote. (Staline, Rapport au 17e Congrès du Parti. ; Zhukov, Inoy 124)

Les ministres du gouvernement et leur personnel devaient être compétents pour traiter les tâches dont ils étaient responsables et être efficaces dans la production. Ceci signifiait d’avoir une éducation, habituellement technique, dans leurs domaines respectifs. Mais les dirigeants du parti faisaient souvent carrière par l’avancement à travers les postes de responsabilité dans le parti. Aucune expertise technique n’était nécessaire pour cette sorte d’avancement. On exigeait plutôt des critères politiques. Ces fonctionnaires du parti ont exercé le contrôle, mais il leur manquait souvent la connaissance technique qui devait en théorie les rendre plus habiles dans leur tâches (Entrevue Howard-Staline ; Zhukov, Inoy 305 ; Zhukov, « Repressii » 6)

C’était, apparemment, ce que la direction de Staline désignait par le terme « bureaucratisme ». Bien qu’ils l’aient vu comme un danger – comme, en effet, tous les marxistes – ils ont cru que qu’il n’était pas inévitable. Ils ont plutôt pensé qu’il pourrait être surmonté en changeant le rôle du parti dans la société socialiste. Le concept de démocratie que Staline et ses partisans dans la direction du parti ont voulu inaugurer en Union soviétique impliquait nécessairement un changement qualitatif du rôle social du Parti Bolchevik.

« Ces documents qui étaient accessibles aux chercheurs nous ont permis de comprendre … que déjà vers la fin des années 1930 des tentatives déterminées ont été entreprises pour séparer le parti de l’État et pour limiter d’une façon substantielle le rôle du parti dans la vie du pays. » (Zhukov, Tayny 8)

Staline et des partisans ont continué cette lutte malgré l’opposition d’autres éléments dans le Parti Bolchevik, résolument mais avec des chances décroissantes de succès, avant que Staline ne meure en mars 1953. La détermination de Lavrentii Beria de continuer cette même lutte semble être la raison réelle pour laquelle Khrouchtchev et d’autres l’ont assassiné, juridiquement, par le procès sur des accusations fabriquées en décembre 1953, et – comme l’évidence le suggère – en l’assassinant, le mois de juin précédent.

L’article 3 de la Constitution de 1936 se lit comme suit, « En URSS tout le pouvoir appartient aux travailleurs de la ville et de la campagne tels que représentés par les Soviets des Députés Ouvriers ». Le Parti communiste est mentionné dans l’Article 126 comme étant « l’avant-garde des travailleurs dans leur lutte pour renforcer et développer le système socialiste et est le noyau dirigeant de toutes les organisations des travailleurs, à la fois publiques et étatiques. » C’est-à-dire que le parti devait diriger les organisations, mais pas les organes législatifs ou exécutifs de l’État. (1936 Constitution ; Zhukov, Tayny 29-30)

Staline semble avoir cru qu’après que le parti n’aurait plus le contrôle direct sur la société, son rôle serait limité à l’agitation et à la propagande et à la participation dans la sélection des cadres. Qu’est-ce que cela aurait signifié ? Peut-être quelque chose dans le genre de ceci :

« Le parti retournerait à sa fonction essentielle de gagner le peuple aux idéaux du communisme tels qu’ils les ont compris. Ceci signifierait la fin d’emplois tranquilles du type sinécure et un retour à un style du travail dur et au dévouement désintéressé qui a caractérisé les Bolcheviks pendant la période tsariste, la Révolution et la Guerre civile, la période de la NEP et la très dure période de l’industrialisation intensive et de la collectivisation. Pendant ces périodes l’adhésion au parti, pour la plupart, signifiait des sacrifices et travaille dur, souvent parmi des non membres du parti, dont un bon nombre d’entre eux étaient hostiles aux Bolcheviks. Cela signifiait la nécessité d’une base solide parmi les masses. » (Zhukov, KP le 13 novembre 02 ; Mukhin, Ubiystvo)

Staline mettait l’accent sur le fait que les communistes devaient être des travailleurs, des gens instruits, capables d’apporter une contribution réelle à la production et à la création d’une société communiste. Staline lui-même était un travailleur infatigable.

Pour résumer, tout cela suggère que pour Staline, le nouveau système électoral permettrait d’atteindre les buts suivants :

* Permettre que seuls les gens formés techniquement dirigent, dans la production et dans la société soviétique en général ;

* Renforcer le travail de masse du parti ;

* Gagner le soutien au gouvernement des citoyens du pays ;

* Créer la base pour une société sans classe, une société communiste.

La défaite de Staline

Durant l’année 1935, sous l’égide d’Andrei Vyshinski, le Procureur en chef de l’URSS, de nombreux citoyens qui avaient été exilés, emprisonnés et – d’une manière plus significative pour notre propos- privés du droit de vote, ont été rétablis dans leurs droits. Des centaines de milliers d’ancien koulaks, riches fermiers qui avaient été la cible principale de la collectivisation, et ceux qui avaient été emprisonnés ou exilés pour avoir résisté à la collectivisation de quelque façon que ce soit, ont été libérés. Vyshinsky a sévèrement critiqué le NKVD (le Commissariat du Peuple pour des Affaires Internes, incluant la sécurité intérieure) pour « une série d’erreurs les plus grossières et pour des erreurs de calcul » dans l’expulsion de presque 12000 personnes de Léningrad après l’assassinat de Kirov en décembre 1934. Il a déclaré que dès lors le NKVD ne pouvait plus arrêter personne sans le consentement préalable du procureur. La population affranchie, avec le droit de vote, s’éleva au moins à plusieurs centaines de milliers de personnes qui avaient raison d’estimer que l’État et le parti les avaient traités injustement.

(Thurston 6-9 ; Zhukov, KP le 14 novembre et le 19 novembre 02 ; Zhukov, Inoy 187 ; Zhukov, « Repressii » 7)

La proposition originale de Staline pour la nouvelle constitution ne prévoyait pas d’élections plurielles. Il en parla dans son entrevue avec Roy Howard le 1er mars 1936. En Juin 1937 lors du Plénum du Comité Central Yakovlev – un des membres du CC qui, avec Staline, a travaillé le plus étroitement sur le projet de la nouvelle constitution (cf. Zhukov, Inoy 223) – affirme que la suggestion pour des élections plurielles a été faite par Staline lui-même. Cette suggestion semble avoir rencontré l’opposition répandue, bien que tacite, des dirigeants régionaux du parti, des Premiers Secrétaires, « de la partocratie », comme Zhukov les appelle. Après l’entrevue d’Howard il n’y eut même pas dans les journaux centraux – ceux les plus sous le contrôle direct du Politburo – d’éloge symbolique ou d’appui à la déclaration de Staline à propo des élections plurielles -. La Pravda publie seulement un article, le 10 mars, et il ne mentionne pas les élections plurielles.

De tout cela Zhukov tire la conclusion suivante :

« Cela ne pouvait signifier qu’une seule chose. Non seulement les « directions générales » [les Premiers Secrétaires régionaux], mais au moins une partie de l’appareil du Comité Central, de l’Agitprop, n’a pas accepté l’innovation de Staline, n’a pas voulu approuver, même d’une manière purement formelle, des élections plurielles, dangereuses pour beaucoup de personnes qui, suivant les paroles de Staline et que La Pravda a soulignées, menaçaient directement les positions et le pouvoir réel des Premiers Secrétaires – dans les Comités Centraux des partis communistes nationaux, au niveau régional, à l’oblast, dans les villes et les comités de secteur. » (Inoy 211)

« Les Premiers Secrétaires du parti détenaient des fonctions du parti, qu’ils ne pouvaient pas perdre par une défaite lors de n’importe quelle élection aux Soviets ou ils se seraient présentés. Mais l’immense pouvoir local qu’ils détenaient provenait principalement du contrôle que le parti exerçait sur chaque aspect de l’économie et de l’appareil d’État – le kolkhoze, l’usine, l’éducation, l’armée. Le nouveau système électoral priverait les Premiers Secrétaires de leurs positions automatiques en tant que délégués aux Soviets et de leur capacité de simplement choisir les autres délégués. Leur défaite ou celle « de leurs » candidats (les candidats du parti) lors des élections aux soviets serait, en effet, un référendum à propos de leur travail. Un Premier Secrétaire dont les candidats ont été défaits dans les élections par des candidats indépendants serait démasqué comme étant faiblement lié aux masses. Durant les campagnes, les candidats d’opposition auraient sûrement fait campagne sur des questions telles que la corruption, l’autoritarisme, ou l’incompétence des fonctionnaires du parti. Les candidats défaits apparaîtraient pour avoir des faiblesses sérieuses en tant que communistes et ceci mènerait probablement à leur remplacement. » (Zhukov KP le 13 novembre 02 ; Inoy 226 ; cf. Getty, « Excès » pp.122-3)

« Les dirigeants les plus élevés du parti étaient habituellement des membres du parti depuis de nombreuses années, des vétérans des jours vraiment dangereux de l’époque tsariste, de la Révolution, de la Guerre civile et de la collectivisation, quand être un communiste était dangereux et difficile. Beaucoup avaient reçu une éducation réduite. À la différence de Staline, Kirov ou Beria, il semble que la plupart d’entre eux ne voulaient pas ou étaient incapables « de se refaire » par l’apprentissage personnel. » (Mukhin, Ubiystvo 37 ; Dimitrov 33-4 ; Staline, Zastol’nye 235-6).

Tous ces hommes étaient des partisans de longue date de la politique de Staline. Ils avaient mis en œuvre la difficile collectivisation de la paysannerie, pendant laquelle des centaines de milliers de personnes avaient été expulsées. Pendant les années 1932-33 beaucoup de personnes, peut-être bien trois millions, étaient mortes par une famine qui avait été naturelle plutôt que « causée par l’homme », mais qui a rendu plus sévère pour la paysannerie la collectivisation et l’expropriation de grain pour alimenter les ouvriers dans les villes, ou bien dans des rébellions armées de paysans (qui avaient aussi tué bon nombre de Bolcheviks). Ces dirigeants du parti avaient mis en œuvre l’industrialisation intensive, encore une fois dans les rudes conditions d’hébergement, d’alimentation insuffisante et de manque de soins médicaux, de bas salaires et de rareté de biens de consommation. (Tauger ; Anderson et Argent ; Zhukov, KP le 13 novembre 02).

Maintenant ils allaient se trouver, lors des élections, face à ceux qu’ils avaient autrefois privés de leur droit de vote parce qu’ils avaient été du mauvais côté, face à ceux dont la politique soviétique avaient soudainement restitué le droit de voter. Il est probable, qu’ils craignaient que beaucoup votent contre leurs candidats, ou contre n’importe quel candidat bolchevik. Si c’était le cas, ça voulait dire qu’ils seraient rétrogradés ou pire encore. Ils obtiendraient toujours quelque position du parti, ou – au pire – un travail. La nouvelle constitution de « Staline » garantissait en tant que droit un travail à chaque citoyen soviétique, avec des soins médicaux, des allocations de retraite, l’éducation, etc. Mais ces hommes (pratiquement tous étaient des hommes) étaient habitués au pouvoir et aux privilèges, ce qu’ils étaient menacés de perdre par la défaite de leurs candidats dans les élections. (Zhukov, KP le 13 novembre 02 ; 1936 Const., Ch. X ; cf. Getty, « Excess » 125, sur l’importance du sentiment religieux dans le pays).

Procès, Conspirations, Répression

Les plans pour la nouvelle constitution et les élections avaient été rédigés pendant le Plénum du Comité Central de Juin 1936. Les délégués ont unanimement approuvé le projet de la Constitution. Mais aucun d’eux n’a apporté ouvertement leur appui. Cette défiance par rapport à la proposition de Staline signifiait certainement une « opposition latente de la part du personnel dirigeant, une démonstration du manque d’intérêt. » (Zhukov, Inoy 232, 236 ; » Repressii « 10-11)

Lors de la réunion du 8e Congrès des Soviets de toute la Russie en novembre-décembre 1936, Staline et Molotov ont de nouveau insisté sur l’importance d’élargir le droit de vote et d’avoir des élections à vote secret et à candidats multiples. Dans l’esprit de l’entrevue de Staline avec Howard, Molotov a de nouveau insisté sur l’effet bénéfique, pour le parti, de permettre à des candidats non communistes de se présenter aux élections des Soviets :

« Ce système … ne peut que heurter ceux qui se sont bureaucratisés, qui se sont aliénés les masses …. Il facilitera la promotion de nouvelles forces … qui doivent émerger pour remplacer les éléments bureaucratisés [ochinovnivshimsya] qui restent en arrière . Sous ce nouveau système électoral, l’élection d’éléments ennemis est possible. Mais même ce danger, en dernière analyse, doit nous aider, dans la mesure où il servira de coup de fouet aux organisations qui en ont besoin et aux militants [du parti] qui se sont endormis. » (Zhukov, « Repressii » 15).

Staline lui-même l’exprime encore plus clairement :

« Certains disent que c’est dangereux, parce que des éléments hostiles au pouvoir soviétique pourraient occuper les fonctions les plus élevées, comme certains anciens Gardes Blancs, des koulaks, des prêtres, et ainsi de suite. Mais qu’avons-nous à craindre ? – Si vous avez peur des loups, ne marchez pas dans la forêt- D’une part, ce ne sont pas tous les anciens koulaks, Gardes Blancs et prêtres qui sont hostiles au pouvoir soviétique. D’autre part, si les gens ici et là élisent des forces hostiles, cela signifiera que notre travail de propagande est mal organisé et que nous avons entièrement mérité cette disgrâce. » (Zhukov, Inoy 293 ; Staline, « Projet »).

Encore une fois, les Premiers Secrétaires ont démontré une hostilité tacite. Le Plénum du Comité Central de décembre 1936, dont la session a empiété sur le Congrès, s’est réuni le 4 décembre. Mais il n’y eut pratiquement aucune discussion du premier article à l’ordre du jour, le projet de la Constitution. Le rapport de Yezhov, « Sur les organisations trotskystes et antisoviétiques de droite, » était beaucoup plus important pour les membres du C.C. (« Fragmenty » 4-5 ; Zhukov, Inoy 310-11).

Le 5 décembre 1936, le Congrès a approuvé le projet de la nouvelle Constitution. Mais il n’y a pas eu de discussion réelle. Au lieu de cela, les délégués – les dirigeants du parti – ont rapporté leur attention sur les menaces des ennemis de l’extérieur et de l’intérieur. Au lieu de prononcer des discours approuvant la Constitution, qui était le sujet principal dont les rapporteurs étaient Staline, Molotov, Jdanov, Litvinov et Vyshinski, les délégués l’ont pratiquement ignorée. Une Commission a été créée pour une étude ultérieure du projet de Constitution, sans rien fixer à propos des élections plurielles. (Zhukov, Inoy 294 ; 298 ; 309)

La situation internationale était en effet tendue. La victoire du fascisme dans la Guerre civile espagnole était seulement une question de temps. L’Union soviétique était entourée par des puissances hostiles. Dans la deuxième moitié des années 1930 tous ces pays étaient dirigés par des régimes férocement autoritaires, militaristes, anti-communistes et antisoviétiques. En octobre 1936 la Finlande a provoqué des incidents armés sur la frontière soviétique. Le même mois « l’Axe Berlin-Rome » a été formé par Hitler et Mussolini. Un mois plus tard, le Japon a rejoint l’Allemagne Nazi et l’Italie fasciste pour former le « Pacte Anti-Komintern. » Les efforts soviétiques pour réaliser des alliances militaires contre l’Allemagne Nazi se heurtèrent au rejet dans les capitales occidentales. (Zhukov, Inoy 285-309).

Tandis que le Congrès s’occupait de la nouvelle Constitution, la direction soviétique était entre les deux premiers grands Procès de Moscou. Zinoviev et Kamenev étaient passés en justice avec certains autres en août 1936. En janvier 1937 Le deuxième procès, impliquait certains des principaux disciples de Trotski, à la tête desquels se trouvait Yuri Piatakov qui, jusqu’à tout récemment était le Commissaire adjoint à l’industrie lourde.

En février mars 1937 le Plénum du Comité Central a dramatisé la contradiction à l’intérieur de la direction du parti : entre la lutte contre les ennemis de l’intérieur et la nécessité de préparer des élections à votes secrets et plurielles conformément à la nouvelle Constitution d’ici la fin de l’année. La découverte de plus en plus de groupes conspirant pour renverser le gouvernement soviétique exigeait une action policière. Mais la préparation pour des élections vraiment démocratiques du gouvernement et pour améliorer la démocratie interne du parti – un thème souligné à plusieurs reprises par ceux qui étaient les plus proches de Staline dans le Politburo – exigeait le contraire : l’ouverture à la critique et l’autocritique, les élections secrètes de dirigeants par les membres de la base du parti et l’arrêt de la « cooptation » par les Premiers Secrétaires.

Ce Plénum, le plus long jamais tenu dans l’histoire de l’URSS, s’est prolongé pendant deux semaines. Mais on n’en a presque rien su jusqu’en 1992, quand l’importante transcription du Plénum commença à être publiée dans Voprosy Istorii – une publication qui a pris presque quatre ans au journal.

Le rapport de Yezhov à propos des enquêtes en cours sur les conspirations dans le pays a été éclipsé par Nikolai Boukharine, qui, dans ses tentatives d’avouer ses erreurs passés, en essayant de prendre ses distances avec ses anciens associés et de convaincre de sa fidélité actuelle, réussissait seulement à s’enfoncer davantage. (Thurston, 40-42 ; Getty et Naumov sont d’accord, 563)

Trois jours après, Jdanov parla de la nécessité d’une plus grande démocratie à la fois dans le pays et dans le parti, invoquant la lutte contre la bureaucratie et le besoin de liens plus étroits avec les masses qu’elles soient membres ou non- membres du parti.

« Le nouveau système électoral donnera une impulsion à l’amélioration du travail des organes soviétiques, à la liquidation des organes bureaucratiques, à la liquidation des défauts bureaucratiques et des disfonctionnements dans le travail de nos organisations soviétiques. Et ces défauts, comme vous savez, sont très substantiels. Nos organes de parti doivent être prêts pour la lutte électorale. Lors des élections nous devrons faire face à l’agitation hostile et à des candidats hostiles ». (Zhukov, Inoy 343)

Il ne fait aucun doute que Jdanov, parlant au nom de la direction de Staline, ait prévu des luttes électorales réelles avec des candidats indépendants qui s’opposeraient sérieusement aux développements de l’Union Soviétique. Ce seul fait est tout à ait incompatible avec les interprétations khrouchtchéviennes et de la Guerre froide.

Jdanov a aussi souligné, en détail, le besoin de développer des normes démocratiques à l’intérieur du Parti Bolchevik lui-même :

« Si nous voulons gagner le respect des militants du parti et des Soviets à nos lois et les masses à la constitution soviétique, alors nous devons garantir de transformer [la perestroïka] le travail du parti sur la base d’une mise en oeuvre indubitable et complète des bases de la démocratie interne du parti, qui est prévue dans les Statuts de notre parti. »

Et il énumère les mesures essentielles, déjà contenues dans le projet de résolution dans son rapport : « l’élimination de la cooptation ; une interdiction de voter par listes de candidats ; une garantie « du droit illimité pour les membres du parti de démettre les candidats cooptés et du droit illimité de critiquer ces candidats. » (Zhukov, Inoy 345)

Mais le rapport de Jdanov a été éclipsé par les discussions des autres points de l’ordre du jour, principalement les discussions à propos des « ennemis ». Un certain nombre de Premiers Secrétaires ont évoqué avec inquiétude ceux qui se préparaient – ou dont on pouvait s’attendre qu’ils le fassent- le plus assidûment pour les élections soviétiques étaient des adversaires du pouvoir soviétique : les Socialistes-Révolutionnaires, les prêtres et autres « ennemis ».

Molotov a répondu dans un rapport insistant, encore une fois sur « le développement et le renforcement de l’autocritique », et s’est directement opposé à la recherche « d’ennemis » :

« Il n’y a aucune raison pour chercher des gens à blâmer, camarades. Si vous préférez, nous sommes tous ici coupables, des institutions centrales du parti aux organisations inférieures du parti. » (Zhukov, Inoy 349)

Mais ceux qui ont suivi Molotov à la tribune ont ignoré son rapport et sont revenus sans arrêt sur la nécessité de la recherche des ennemis, de démasquer les saboteurs, et de lutter contre les saboteurs. Quand il a pris à nouveau la parole, Molotov s’est étonné du fait qu’il n’y ait eu presque aucune attention accordée à la substance de son rapport, qu’il a répété, après avoir résumé au préalable ce qui avait été fait contre les ennemis internes.

Dans son discours du 3 mars, Staline est revenu, dans sa deuxième partie sur le besoin d’améliorer le travail du parti et de remplacer les membres incompétents du parti par des nouveaux. Comme celui de Molotov, le rapport de Staline a été pratiquement ignoré.

Dès le début des discussions, les craintes de Staline étaient compréhensibles. Il semble qu’il se soit heurté à un mur d’incompréhension et à la réticence des membres du CC, qui ont entendu dans le rapport juste ce qu’ils voulaient entendre, discuter ce dont ils voulaient discuter. Des 24 personnes qui ont participé aux discussions, 15 ont parlé principalement « des ennemis du peuple », c’est-à-dire des trotskystes. Ils en ont parlé avec conviction, agressivement, de la même façon qu’ils l’avaient fait après les rapports de Jdanov et Molotov. Ils ont réduit tous les problèmes à un seul- la nécessité de chercher « des ennemis ». Et pratiquement aucun d’eux n’a souligné le point principal des interventions de Staline à propos des défauts dans le travail des organisations du parti, et sur la préparation pour les élections au Soviet Suprême. (Zhukov, Inoy 357)

La direction Stalinienne a intensifié l’attaque contre les Premiers Secrétaires. Yakovlev a critiqué le dirigeant du parti de Moscou, Khrouchtchev, parmi d’autres, pour les expulsions injustifiées de membres du parti ; Malenkov a appuyé sa critique des secrétaires du parti en critiquant leur indifférence envers les membres à la base du parti. Cela semble avoir stimulé les membres du C.C. et stoppé temporairement leurs interventions sur les ennemis, mais seulement dans le but de se défendre. Et toujours aucune intervention sur le rapport de Staline. (Zhukov, Inoy 358-60)

Dans son discours final le 5 mars, le dernier jour du Plénum, Staline a minimisé le besoin de traquer des ennemis, même les trotskystes, dont nombre d’entre eux, étaient retournés au parti. Son thème principal était la nécessité de retirer aux fonctionnaires du parti la tâche de s’occuper de chaque aspect de l’économie, de lutter contre la bureaucratie et d’élever le niveau politique des fonctionnaires du parti. Autrement dit, Staline a insisté dans la critique des Premiers Secrétaires.

« Quelques camarades parmi nous pensent que, s’ils sont un Narkom (Commissaire du Peuple), alors ils savent tout. Ils croient que le poste, en lui-même, donne une connaissance très grande, presque illimitée. Ils pensent : si je suis un membre du Comité Central, je n’en suis pas par accident, donc je dois tout connaître. Ce n’est pas le cas. » (Staline, Zakliuchitel’noe ; Zhukov, Inoy 360-1)

De la manière la plus inquiétante pour tous les fonctionnaires du parti, y compris les Premiers Secrétaires, Staline déclara que chacun d’entre eux devrait choisir deux cadres pour prendre leur place pendant qu’ils suivraient des cours d’éducation politique d’une durée de six mois qui seraient bientôt instaurés. Avec de nouveaux fonctionnaires à leur place, les secrétaires du parti pouvaient craindre d’être facilement réaffectés, les coupant ainsi de leurs « familles » (les fonctionnaires subalternes), cause majeure de la bureaucratie. (Zhukov, Inoy 362)

Thurston caractérise le discours de Staline comme étant « considérablement plus modéré, en insistant sur le besoin d’apprendre des masses et de prêter l’attention à la critique de la base ». Même la résolution adoptée sur la base du rapport de Staline abordait brièvement « les ennemis » et traitait principalement des échecs des organisations du parti et de leurs directions. Selon Zhukov, qui cite cette résolution non publiée, pas un seul de ses 25 points ne concernait principalement « les ennemis ». (Thurston, 48-9 ; Zhukov, Inoy 362-4)

Après le Plénum, les Premiers Secrétaires organisèrent une rébellion de fait. D’abord Staline et ensuite le Politburo, envoyèrent des messages insistant sur la nécessité de mener des élections secrètes dans le parti, contre la pratique de la cooptation plutôt que de l’élection et le besoin général de démocratie interne au parti. Les Premiers Secrétaires continuaient à se comporter comme avant, indépendamment des résolutions du Plénum.

Pendant les quelques mois suivants, Staline et ses associés les plus proches ont essayé de détourner le centre d’attention d’une chasse aux ennemis internes – le plus grand souci des membres du CC – et de retourner à la lutte contre la bureaucratie dans le parti et à la préparation des élections des soviets. Pendant ce temps, « les dirigeant locaux ont fait tout ce qu’ils pouvaient dans les limites des règles du parti (et parfois en les enfreignant) pour retarder ou changer la date des élections. » (Getty, « Excesses » 126 ; Zhukov, Inoy 367-71)

La découverte soudaine en avril-mai et au début de juin 1937 de ce qui semblait être une conspiration largement répandue dans l’armée et la police a poussé le gouvernement de Staline a réagir en état de panique. Genrikh Yagoda, le chef de la police secrète et du Ministre des Affaires Intérieures a été arrêté à la fin de mars 1937 et a commencé à avouer en avril. En mai et au début de juin 1937 des commandants militaires de haut rang ont avoué qu’ils étaient en train de conspirer avec l’état-major allemand pour vaincre l’Armée Rouge dans le cas d’une invasion par l’Allemagne et ses alliés et qu’ils étaient liés à des conspirations de personnalités politiques, y compris certaines qui occupaient toujours de hautes fonctions. (Getty, « Excesses » 115, 135 ; Thurston, 70, 90, 101-2 ; Genrikh Yagoda)

Cette situation était beaucoup plus sérieuse que toutes les autres auxquelles le gouvernement soviétique avait du faire face auparavant. Dans le cas des Procès de Moscou de 1936 et 1937, le gouvernement avait pris son temps pour préparer les procès et organiser un procès public avec un maximum de publicité. Mais la conspiration militaire a été traitée très différemment. Un peu moins de trois semaines passèrent à partir de la date de l’arrestation du Maréchal Mikhail Toukhatchevsky à la fin mai jusqu’au procès et à l’exécution de Toukhatchevsky et de sept autres commandants militaires de haut rang les 11 et 12 juin. Pendant ce temps-là des centaines de commandants militaires de haut rang sont rappelé à Moscou pour prendre connaissance des accusations contre leurs collègues – pour la plupart d’entre eux, leurs supérieurs – et pour écouter des analyses alarmées de Staline et du Maréchal Vorochilov, le Commissaire du Peuple pour la Défense et personnalité militaire occupant le rang le plus élevé dans le pays.

Au moment du Plénum de février-mars ni Yagoda ni Toukhatchevsky n’avaient encore été arrêtés. Staline et le Politburo voulaient que la Constitution soit le principal article à l’ordre du jour et ils furent mis sur la défensive par le fait que la plupart des membres du CC ont ignoré ce sujet, préférant mettre l’accent sur la bataille contre « les ennemis ». Le Politburo projetait que les réformes constitutionnelles soient également le principal article à l’ordre du jour au Plénum suivant de juin 1937. Mais en juin la situation était différente. La découverte de complots fomentés par le chef du NKVD et par des dirigeants militaires les plus en vue pour renverser le gouvernement et tuer ses principaux membres, a changé entièrement l’atmosphère politique.

Staline était sur la défensive. Dans son discours du 2 juin à la session prolongée de l’armée soviétique (qui a eu lieu du 1er au 4 juin), il a décrit la série de conspirations récemment découvertes comme étant limitée et en grande partie traitée avec succès. Également lors du Plénum de février-mars, lui et ses partisans du Politburo ont minimisé le souci prépondérant des Premiers Secrétaires sur la question des ennemis de l’intérieur. Mais, comme Zhukov l’a noté, la situation » échappait lentement, mais résolument, de son [Staline] contrôle. » (Staline, « Vystuplenie » ; Zhukov, Inoy Ch. 16, passim ; 411).

En juin 1937, le Plénum du Comité Central a commencé par des propositions pour exclure, d’abord, sept membres siégeant au C.C. et des membres candidats pour « manque de fiabilité politique », et ensuite 19 autres membres et membres candidats pour « trahison et activité contre-révolutionnaire » Ces dernières 19 personnes devaient être arrêtées par le NKVD. Incluant les dix membres expulsés sur des accusations semblables avant le Plénum par un vote des membres du C.C. (y compris ces commandants militaires qui avaient déjà été jugés, reconnus coupables et exécutés), cela signifiait que 36 des 120 membres et membres candidats du C.C. avaient été démis de leurs fonctions à partir du 1 mai.

Yakovlev et Molotov ont critiqué l’échec des dirigeants du Parti à organiser des élections indépendantes pour les soviets. Molotov a insisté sur le besoin d’écarter des révolutionnaires même honorés s’ils n’étaient pas préparés pour les tâches du moment. Il a souligné que les fonctionnaires des soviets n’étaient pas « des travailleurs de deuxième classe. » Évidemment les dirigeants du parti les traitaient comme tel.

Yakovlev a révélé et critiqué l’échec des Premiers Secrétaires à organiser des élections secrètes pour les postes dans le parti, plutôt que des nominations (« cooptations »). Il a souligné que les membres du parti qui étaient élus comme délégués aux Soviets ne devaient pas être soumis au contrôle d’organisations du parti à l’extérieur des Soviets ni qu’on leur dicte la façon de voter. Ils ne devaient pas recevoir les consignes de voter de leurs supérieurs du parti, y compris des Premiers Secrétaires. Ils devaient être indépendants d’eux. Et Yakovlev insistait fortement sur le besoin « de recruter à partir de la très riche réserve de nouveaux cadres pour remplacer ceux qui étaient devenus « ripoux ou bureaucratisés » Toutes ces déclarations constituaient une attaque explicite contre les Premiers Secrétaires. (Zhukov, Inoy 424-7 ; Tayny, 39-40, citant des documents d’archives)

La Constitution a été finalement rédigée et la date des premières élections a été fixée au 12 décembre 1937. La direction stalinienne a de nouveau insisté sur la nécessité de combattre la bureaucratie et de tisser des liens avec les masses. Cependant, rappelons que tout ceci suit l’expulsion rapide et sans précédent de 26 membres du C.C. dont dix-neuf d’entre eux furent directement accusés de trahison et d’activité contre-révolutionnaire. (Zhukov, Inoy 430)

Le plus révélateur est peut-être la remarque suivante de Staline, telle que citée par Zhukov :

À la fin de la discussion, quand le sujet porta sur la recherche d’une méthode plus impartiale de compter les bulletins de votre, [Staline] a fait remarquer qu’en Occident, grâce à un système pluripartite, ce problème n’existait pas. Immédiatement ensuite il a soudainement prononcé une phrase qui a sonné très étrange à une réunion de ce type : « nous n’avons pas de partis politiques différents. Heureusement ou malheureusement, nous avons seulement un parti. » [L’italique est de Zhukov] Et ensuite il a proposé, mais seulement comme une mesure provisoire, d’utiliser, dans un but de surveillance impartiale des élections des représentants, toutes les organisations sociales existantes sauf du Parti Bolchevik…. Le défi à l’autocratie du parti a été ainsi exprimé. (Zhukov, Inoy 430-1 ; Tayny 38)

La Parti Bolchevik était dans une crise sévère et il était impossible de croire à ce que les événements se déroulent sans problèmes. C’était la pire atmosphère possible pour se préparer à l’adoption des élections démocratiques – secrètes, universelles et plurielles -. Le plan de Staline pour réformer le gouvernement soviétique et le rôle du Parti Bolchevik à l’intérieur de celui-ci était voué à l’échec.

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La constitution de 1936

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https://fr.wikisource.org/wiki/Constitution_sovi%C3%A9tique_1936

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EN DOC PDF :

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. CONSTITUTION URSS 1936

https://tribunemlreypa.files.wordpress.com/2015/11/constitution-urss-1936.pdf

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25 nov 1936 Staline – Sur le projet de constitution de l’URSS (1936)

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. Rapport présenté au VIIIe congres extraordinaire des Soviets de l’URSS le 25 novembre 1936.

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I – LA COMMISSION DE LA CONSTITUTION, SA FORMATION ET SES TACHES

Camarades,

La Commission de la Constitution, dont le projet est soumis à l’examen de ce congrès, a été formée, comme on sait, par décision spéciale du VIIe congrès des Soviets de l’U.R.S.S. Cette décision fut adoptée le 6 février 1935. On y lit :

1. Apporter à la Constitution de l’U.R.S.S. des modifications en vue a) de démocratiser encore le système électoral, en remplaçant les élections incomplètement égales par des élections égales, les élections à plusieurs degrés par des élections directes, le vote public par le scrutin secret ;b) de préciser la base sociale et économique de la Constitution, pour faire correspondre celle ci avec l’actuel rapport des forces de classes en U.R.S.S. (création d’une nouvelle industrie socialiste ; écrasement de la classe des koulaks ; victoire du régime kolkhozien ; affermissement de la propriété socialiste comme base de la société soviétique, etc.)

2. Inviter le Comité exécutif central de l’U.R.S.S. à élire une Commission de la Constitution, chargée d’établir le texte rectifié de la Constitution sur les bases indiquées au paragraphe 1, et de le soumettre à l’approbation de la session du Comité exécutif central de l’U.R.S.S.

3. Procéder aux prochaines élections ordinaires des organes du pouvoir soviétique de l’U.R.S.S. sur la base du nouveau système électoral.

Cela se passait le 6 février 1935. Un jour après l’adoption de cette décision, c’est à dire le 7 février 1935, se réunissait la première session du Comité exécutif central de l’U.R.S.S., qui, en exécution de la décision du VIIe congrès des Soviets de l’U.R.S.S., formait la Commission de la Constitution, composée de 31 membres. Elle chargea cette Commission d’établir le projet du texte rectifié de la Constitution de l’U.R.S.S.

Tels sont les motifs officiels et les directives de l’organisme suprême de l’U.R.S.S., qui devaient servir de base aux travaux de la Commission de la Constitution. Ainsi donc, la Commission de la Constitution devait apporter des changements à la Constitution adoptée en 1924, actuellement en vigueur, en tenant compte des transformations qui ont été réalisées dans la vie de l’U.R.S.S. vers le socialisme, depuis 1924 jusqu’à nos jours.

II - LES CHANGEMENTS INTERVENUS DANS LA VIE DE L’U.R.S.S. PENDANT LA PÉRIODE 19241936

Quels sont les changements qui sont intervenus dans la vie de l’U.R.S.S. pendant la période 19241936, et que la Commission de la Constitution devait refléter dans son projet de Constitution ?

Quel est le fond de ces changements ?

Qu’avions nous en 1924 ?

C’était la première période de la Nep, alors que le pouvoir soviétique avait permis une certaine reprise du capitalisme, tout en faisant le maximum ; pour développer le socialisme ; alors qu’il se proposait, au cours de la compétition entre les deux systèmes économiques — capitaliste et socialiste — d’organiser la prépondérance du système socialiste sur le système capitaliste. La tâche était de consolider pendant cette compétition les positions du socialisme, d’obtenir la liquidation des éléments capitalistes et d’achever la victoire du système socialiste, système fondamental de l’économie nationale. Notre industrie offrait alors un tableau peu enviable, l’industrie lourde surtout.

Il est vrai qu’elle se rétablissait peu à peu, mais elle était encore loin d’avoir porté sa production au niveau d’avant guerre. Elle était basée sur une technique vieille, arriérée et pauvre. Certes, elle se développait vers le socialisme. La part du secteur socialiste de notre industrie était alors d’environ 80 %. Cependant le secteur capitaliste ne détenait pas moins de 20 % de l’industrie. Notre agriculture offrait un tableau encore moins attrayant. Il est vrai que la classe des grands propriétaires fonciers était déjà liquidée ; par contre la classe des capitalistes agricoles, la classe des koulaks, représentait encore une force assez considérable. Dans son ensemble l’agriculture était comme un immense océan de petites exploitations paysannes individuelles, avec leur technique arriérée, médiévale.

Dans cet océan, kolkhoz et sovkhoz formaient des points et des îlots ;ils n’avaient pas encore, à proprement parler, une importance tant soit peu sérieuse dans notre économie nationale. Les kolkhoz et sovkhoz étaient faibles, tandis que le koulak était encore en force. Nous parlions alors non de la liquidation de la classe des koulaks, mais de sa limitation.

Il faut en dire autant des échanges dans le pays. Le secteur socialiste dans le domaine des échanges représentait quelque 50 ou 60 %, pas plus, et tout le reste du champ d’activité était occupé par les marchands, les spéculateurs et autres commerçants privés. Tel était le tableau de notre économie en 1924.

Où en sommes nous maintenant, en 1936 ?

Si nous étions alors à la première période de la Nep, au début de la Nep, dans la période d’une certaine reprise du capitalisme, nous en sommes maintenant dans la dernière période de la Nep, à la fin de la Nep, en période de liquidation complète du capitalisme dans toutes les sphères de l’économie nationale.

Ainsi, par exemple, notre industrie, durant cette période, est devenue une force gigantesque. Maintenant, on ne peut plus la qualifier d’industrie faible et techniquement mal équipée. Au contraire, elle est maintenant basée sur une technique nouvelle, riche et moderne, avec une industrie lourde fortement développée et des constructions mécaniques encore plus développées. Mais le plus important, c’est que le capitalisme a été complètement chassé de notre industrie, et que la forme socialiste de production y domine actuellement sans partage. On ne saurait négliger le fait que la production de notre industrie socialiste d’aujourd’hui dépasse de plus de sept fois celle de l’industrie d’avant guerre.

Dans l’agriculture, au lieu d’un océan de petites exploitations paysannes individuelles, avec leur technique arriérée et l’emprise des koulaks, nous avons maintenant la plus grande production mécanisée du monde, et armée d’une technique moderne : un vaste système de kolkhoz et de sovkhoz.

Tout le monde sait que lia classe des koulaks a été liquidée dans l’agriculture, et que le secteur des petites exploitations paysannes individuelles, avec sa technique arriérée, médiévale, occupe maintenant une place insignifiante ; sa part dans l’agriculture, pour l’étendue des surfaces ensemencées, représente 2 à 3 % au plus. On ne peut s’empêcher de constater que les kolkhoz disposent aujourd’hui de 316.000 tracteurs d’une puissance de 5.700.000 CV, et, avec les sovkhoz, ils totalisent plus de 400.000 tracteurs d’une puissance de 7.580.000 CV. En ce qui concerne les échanges dans le pays, les marchands et spéculateurs ont été chassés complètement de ce domaine. Tout le commerce est aujourd’hui entre les mains de l’État, des coopératives et des kolkhoz. Un nouveau commerce est né et s’est développé, le commerce soviétique, commerce sans spéculateurs, sans capitalistes. Ainsi la victoire totale du système socialiste dans toutes les sphères de l’économie nationale est désormais un fait acquis.

Et qu’est-ce que cela signifie ?

Cela signifie que l’exploitation de l’homme par l’homme a été supprimée, liquidée, et que la propriété socialiste des instruments et moyens de production s’est affirmée comme la base inébranlable de notre société soviétique. (Applaudissements prolongés.) Ces changements dans l’économie nationale de l’U.R.S.S. font que nous avons aujourd’hui une nouvelle économie, l’économie socialiste, qui ignore les crises et le chômage, qui ignore la misère et la ruine, et offre aux citoyens toutes possibilités d’une vie d’aisance et de culture. Tels sont pour l’essentiel les changements survenus dans notre économie, de 1924 à 1936.

Ces changements dans l’économie de l’U.R.S.S. ont entraîné des changements dans la structure de classe de notre société. On sait que la classe des grands propriétaires fonciers avait déjà été liquidée à la suite de notre victoire finale dans la guerre civile. Les autres classes exploiteuses ont partagé le même sort. Plus de classe des capitalistes dans l’industrie. Plus de classe des koulaks dans l’agriculture. Plus de marchands et spéculateurs dans le commerce. De sorte que toutes les classes exploiteuses ont été liquidées. Est restée la classe ouvrière. Est restée la classe des paysans.

Sont restés les intellectuels.

Mais on aurait tort de croire que ces groupes sociaux n’ont subi aucun changement pendant la période envisagée et qu’ils sont demeurés ce qu’ils étaient, disons, à l’époque du capitalisme. Prenons, par exemple, la classe ouvrière de l’U.R.S.S. On, l’appelle souvent, par vieille habitude, prolétariat. Mais qu’est-ce que le prolétariat ?

Le prolétariat est une classe privée des instruments et moyens de production dans le système économique où instruments et moyens de production appartiennent aux capitalistes, et où la classe des capitalistes exploite le prolétariat. Le prolétariat est une classe exploitée par les capitalistes. Mais chez nous, on le sait, la classe des capitalistes est déjà liquidée ; les instruments et moyens de production ont été enlevés aux capitalistes et remis à l’État, dont la force dirigeante est la classe ouvrière.

Par conséquent, il n’y a plus de classe de capitalistes qui pourrait exploiter la classe ouvrière. Par conséquent notre classe ouvrière, non seulement n’est pas privée des instruments et moyens de production ; au contraire, elle les possède en commun avec le peuple entier. Et du moment qu’elle les possède, et que la classe des capitalistes est supprimée, toute possibilité d’exploiter la classe ouvrière est exclue. Peut-on après cela appeler notre classe ouvrière prolétariat ? Il est clair que non. Marx disait : pour s’affranchir, le prolétariat doit écraser la classe des capitalistes, enlever aux capitalistes les instruments et moyens de production et supprimer les conditions de production qui engendrent le prolétariat. Peut on dire que la classe ouvrière de l’U.R.S.S. a déjà réalisé ces conditions de son affranchissement ?

On peut et on doit le dire incontestablement. Et qu’est-ce que cela signifie ?

Cela signifie que le prolétariat de l’U.R.S.S. est devenu une classe absolument nouvelle, la classe ouvrière de l’U.R.S.S., qui a anéanti le système capitaliste de l’économie, affermi la propriété socialiste des instruments et moyens de production, et qui oriente la société soviétique dans la voie du communisme. Comme vous voyez, la classe ouvrière de l’U.R.S.S. est une classe ouvrière absolument nouvelle, affranchie de l’exploitation, une classe ouvrière comme n’en a jamais connu l’histoire de l’humanité. Passons à la question de la paysannerie.

On a coutume de dire que la paysannerie est une classe de petits producteurs dont les membres, atomisés, dispersés sur toute la surface du pays, besognant chacun de leur côté dans leurs petites exploitations, avec leur technique arriérée, sont esclaves de la propriété privée et sont impunément exploités par les grands propriétaires fonciers, les koulaks, les marchands, les spéculateurs, les usuriers, etc. En effet, la paysannerie des pays capitalistes, si l’on considère sa masse fondamentale, constitue précisément cette classe.

Peut-on dire que notre paysannerie d’aujourd’hui, la paysannerie soviétique, ressemble dans sa grande masse à cette paysannerie là ?Non, on ne peut le dire. Cette paysannerie là n’existe plus chez nous. Notre paysannerie soviétique est une paysannerie absolument nouvelle. Il n’existe plus chez nous de grands propriétaires fonciers ni de koulaks, de marchands ni d’usuriers, pour exploiter les paysans. Par conséquent, notre paysannerie est une paysannerie affranchie de l’exploitation.

Ensuite notre paysannerie soviétique, dans son immense majorité, est une paysannerie kolkhozienne, c’est-à-dire qu’elle base son travail et son avoir non sur le travail individuel et une technique arriérée, mais sur le travail collectif et la technique moderne. Enfin l’économie de notre paysannerie est fondée, non sur la propriété privée, mais sur la propriété collective qui a grandi sur la base du travail collectif.

La paysannerie soviétique, vous le voyez, est comme n’en a pas encore connu l’histoire de l’humanité. une paysannerie absolument nouvelle.

Passons enfin à la question des intellectuels, des ingénieurs et techniciens, des travailleurs du front culturel, des employés en général, etc. Les intellectuels ont eux aussi subi de grands changements au cours de la période écoulée. Ce ne sont plus ces vieux intellectuels encroûtés, qui prétendaient se placer au dessus des classes, mais qui, dans leur masse, servaient en réalité les grands propriétaires fonciers et les capitalistes. Nos intellectuels soviétiques, ce sent des intellectuels absolument nouveaux, liés par toutes leurs racines à la classe ouvrière et à la paysannerie.

Tout d’abord, la composition sociale des intellectuels a changé. Les éléments issus de la noblesse et de la bourgeoisie représentent un faible pourcentage de nos intellectuels soviétiques. 80 à 90 % des intellectuels soviétiques sont issus de la classe ouvrière, de la paysannerie et d’autres catégories de travailleurs.

Enfin le caractère même de l’activité des intellectuels a changé. Autrefois ils devaient servir les classes riches, parce qu’ils n’avaient pas d’autre issue. Maintenant ils doivent servir le peuple, parce qu’il n’existe plus de classes exploiteuses. Et c’est précisément pourquoi ils sont aujourd’hui membres égaux de la société soviétique, où, avec les ouvriers et les paysans attelés à la même besogne, ils travaillent à l’édification d’une société nouvelle, de la société socialiste sans classes.Ce sont, vous le voyez bien, des travailleurs intellectuels absolument nouveaux, comme vous n’en trouverez dans aucun pays du globe. Tels sont les changements survenus au cours de la période écoulée dans la structure sociale de la société soviétique.

Qu’attestent ces changements ?

Ils attestent, premièrement, que les démarcations entre la classe ouvrière et la paysannerie, de même qu’entre ces classes et les intellectuels, s’effacent et que disparaît le vieil exclusivisme de classe. C’est donc que la distance entre ces groupes sociaux diminue de plus en plus.

Ils attestent, deuxièmement, que les contradictions économiques entre ces groupes sociaux tombent, s’effacent.

Ils attestent enfin que tombent et s’effacent également les contradictions politiques qui existent entre eux.

Il en est ainsi des changements survenus dans la structure de classe de l’U.R.S.S. Le tableau des changements dans la vie sociale de l’U.R.S.S. serait incomplet, si l’on ne disait quelques mots des changements intervenus dans un autre domaine encore. Je veux parler des rapports entre nations, en U.R.S.S. Comme on sait, l’Union soviétique comprend environ 60 nations, groupes nationaux et nationalités. L’État soviétique est un État multinational. On conçoit que la question des rapports entre les peuples de l’U.R.S.S. soit pour nous d’une importance de premier ordre.

L’Union des Républiques socialistes soviétiques s’est formée, on le sait, en 1922, au Premier congrès des Soviets de l’U.R.S.S. Elle s’est formée sur la base de l’égalité et de la libre adhésion des peuples de l’U.R.S.S. La Constitution adoptée en 1924, actuellement en vigueur, est la première constitution de l’U.R.S.S.

C’était une période où les relations entre les peuples n’étaient pas encore dûment établies, où les survivances de la défiance à l’égard des Grands Russes n’avaient pas encore disparu, où les forces centrifuges continuaient encore à agir.

Dans ces conditions il fallait établir la collaboration fraternelle des peuples sur la base d’une assistance mutuelle, économique, politique et militaire, en les groupant dans un seul État multinational fédéral. Le pouvoir soviétique voyait bien les difficultés de cette tâche. Il avait devant lui les expériences malheureuses des États multinationaux dans le monde bourgeois. Il avait devant lui l’expérience avortée de l’ancienne Autriche-Hongrie. Et cependant il décida de faire l’expérience de la création d’un État multinational, parce qu’il savait qu’un État multinational, ayant pour base le socialisme, devait triompher de toutes les épreuves.

Depuis, quatorze ans ont passé. Période suffisante pour vérifier l’expérience. Eh bien ?

La période écoulée a montré indubitablement que l’expérience de la formation d’un État multinational, basé sur le socialisme, a pleinement réussi. C’est là une victoire incontestable de la politique léniniste dans la question nationale. (Applaudissements prolongés.) Comment expliquer cette victoire ?

Absence de classes exploiteuses, principales organisatrices des collisions entre nations ; absence de l’exploitation qui entretient la méfiance réciproque et attise les passions nationalistes ; présence, au pouvoir, de la classe ouvrière, ennemie de tout asservissement et fidèle champion des idées d’internationalisme ; réalisation pratique de l’assistance mutuelle entre peuples dans tous les domaines de la vie économique et sociale ; enfin, épanouissement de la culture nationale des peuples de l’U.R.S.S., nationale par la forme, socialiste par le contenu : tous ces facteurs et autres analogues ont fait que la physionomie des peuples de l’U.R.S.S. a radicalement changé ; que le sentiment de la méfiance réciproque a disparu chez eux ; qu’en eux s’est développé un sentiment d’amitié réciproque, et que s’est établie ainsi une véritable collaboration fraternelle des peuples, au sein de l’État fédéral unique.

C’est ce qui fait que nous avons aujourd’hui un État socialiste multinational parfaitement constitué, qui a triomphé de toutes les épreuves et dont la solidité peut faire envie à n’importe quel État fondé sur une seule nation, de n’importe quelle partie du monde. (Vifs applaudissements.)

Tels sont les changements survenus pendant la période écoulée dans les rapports entre nations, en U.R.S.S.

Tel est le bilan général des changements intervenus dans la vie économique, politique et sociale de l’U.R.S.S., au cours de la période 19241936.

III - PARTICULARITÉS ESSENTIELLES DU PROJET DE CONSTITUTION

Comment tous ces changements de la vie de l’U.R.S.S. ont-ils été marqués dans le projet de la nouvelle Constitution ?

Autrement dit : quelles sont les particularités essentielles du projet de Constitution soumis à l’examen de ce congrès ?

La Commission de la Constitution avait été chargée d’apporter des changements au texte de la Constitution de 1924. Des travaux de cette Commission est sorti un texte nouveau, le projet de la nouvelle Constitution de l’U.R.S.S. En établissant ce projet la Commission est partie du principe qu’une constitution ne doit pas être confondue avec un programme.

Cela veut dire qu’entre un programme et une constitution il existe une différence essentielle. Alors qu’un programme expose ce qui n’est pas encore et ce qui doit seulement être obtenu et conquis dans l’avenir, une constitution, au contraire, doit exposer ce qui est déjà, ce qui a déjà été obtenu et conquis maintenant, dans le présent. Le programme concerne principalement l’avenir ; la Constitution, le présent. Deux exemples à titre d’illustration.

Notre société soviétique a d’ores et déjà réalisé le socialisme, dans l’essentiel ; elle a créé l’ordre socialiste, c’est à dire qu’elle a atteint ce que, en d’autres termes, les marxistes appellent la première phase ou phase inférieure du communisme. Cela veut dire que la première phase du communisme,le socialisme, est déjà réalisée chez nous, dans l’essentiel. (Applaudissements prolongés.) Le principe fondamental de cette phase du communisme est, on le sait, la formule : « De chacun selon ses capacités, à chacun selon son travail » Notre Constitution doit elle marquer ce fait, celui de la conquête du socialisme ? Doit-elle être basée sur cette conquête ?

Elle doit l’être incontestablement. Elle doit l’être parce que le socialisme, pour l’U.R.S.S., est ce qui a déjà été obtenu et conquis. Mais la société soviétique n’a pas encore réalisé le communisme dans sa phase supérieure, où le principe dominant sera la formule : « De chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins », encore qu’elle se fixe comme but de réaliser le communisme dans sa phase supérieure.

Notre Constitution peut-elle être basée sur la phase supérieure du communisme, qui n’est pas encore et qui doit encore être conquise ? Non, elle ne peut pas l’être, car la phase supérieure du communisme c’est, pour l’U.R.S.S., ce qui n’est pas encore réalisé et ce qui doit l’être dans l’avenir. Elle ne peut pas l’être si on ne veut pas transformer la Constitution en programme ou en simple déclaration sur les futures conquêtes. Tel est le cadre de notre Constitution dans le moment historique actuel.Ainsi le projet de la nouvelle Constitution marque le bilan du chemin parcouru, le bilan des conquêtes déjà acquises. Il est, par conséquent, l’enregistrement et la consécration législative de ce qui en fait a déjà été obtenu et conquis. (Vifs applaudissements.)

C’est là la première particularité du projet de la nouvelle Constitution de l’U.R.S.S.

Poursuivons. Les constitutions des pays bourgeois partent habituellement de la conviction que l’ordre capitaliste est immuable. La base essentielle de ces constitutions, ce sont les principes du capitalisme, ses principaux fondements : propriété privée de la terre, des forêts, fabriques, usines et autres instruments et moyens de production ; exploitation de l’homme par l’homme et existence d’exploiteurs et d’exploités ; à un pôle de la société, c’est la majorité des travailleurs dont le lendemain n’est pas assuré ; à l’autre pôle, c’est le luxe de la minorité non travailleuse, mais dont le lendemain est assuré, etc., etc. Ces constitutions s’appuient sur ces fondements du capitalisme et autres analogues. Elles les reflètent, elles les consacrent par voie législative.

A la différence de ces constitutions, le projet de la nouvelle Constitution de l’U.R.S.S. part de la liquidation de l’ordre capitaliste, de la victoire de l’ordre socialiste en U.R.S.S. La base essentielle du projet de la nouvelle Constitution de l’U.R.S.S., ce sont les principes du socialisme, ses principaux fondements déjà conquis et établis : propriété socialiste de la terre, des forêts, des fabriques, des usines et autres instruments et moyens de production ; suppression de l’exploitation et des classes exploiteuses ; suppression de la misère de la majorité et du luxe de la minorité ; suppression du chômage ; le travail comme obligation et devoir d’honneur de chaque citoyen apte au travail, selon la formule : « Qui ne travaille pas ne mange pas ». Le droit au travail, c’est à dire le droit de chaque citoyen de recevoir un travail garanti ; le droit au repos ; le droit à l’instruction, etc., etc.

Le projet de la nouvelle Constitution s’appuie sur ces fondements et autres analogues du socialisme. Il les reflète, il les consacre par voie législative. Telle est la deuxième particularité du projet de la nouvelle Constitution. Poursuivons. Les constitutions bourgeoises partent tacitement de cette prémisse que la société est composée de classes antagonistes, de classes possédant la richesse et de classes ne la possédant pas ; que, quel que soit le parti accédant au pouvoir, la direction politique de la société (dictature) doit appartenir à la bourgeoisie ; que la constitution est nécessaire pour fixer l’ordre social au gré et à l’avantage des classes possédantes.

A la différence des constitutions bourgeoises, le projet de la nouvelle Constitution de l’U.R.S.S. part du fait que dans la société il n’existe plus de classes antagonistes ; que la société est composée de deux classes amies, d’ouvriers et de paysans ; que ce sont justement ces classes laborieuses qui sont au pouvoir ; que la direction politique de la société (dictature) appartient à la classe ouvrière, en tant que classe avancée de la société ; que la Constitution est nécessaire pour fixer l’ordre social au gré et à l’avantage des travailleurs.

Telle est la troisième particularité du projet de la nouvelle Constitution. Poursuivons. Les constitutions bourgeoises partent tacitement de cette prémisse que les nations et les races ne peuvent être égales en droits, qu’il est des nations jouissant de la plénitude des droits et d’autres qui n’en jouissent pas ; qu’en outre il existe une troisième catégorie de nations ou de races, par exemple, dans les colonies, qui ont encore moins de droits que les nations ne jouissant pas de la plénitude de leurs droits.

Cela signifie que toutes ces constitutions sont nationalistes en leur fond, c’est à dire qu’elles sont des constitutions de nations dominantes. Contrairement à ces constitutions, le projet de la nouvelle Constitution de l’U.R.S.S. est profondément internationaliste. Il part du principe que toutes les nations et races sont égales en droits. Il part du principe que la différence de couleur ou de langue, de niveau de culture ou de niveau de développement politique, aussi bien que toute autre différence entre nations et races, ne peut justifier l’inégalité de droits entre nations. Il part du principe que toutes les nations et races, indépendamment de leur situation passée et présente, indépendamment de leur force ou de leur faiblesse, doivent jouir de droits identiques dans toutes les sphères de la vie économique, sociale, politique et culturelle de la société. Telle est la quatrième particularité du projet de la nouvelle Constitution.

La cinquième particularité du projet de la nouvelle Constitution, c’est son démocratisme conséquent et sans défaillance. Du point de vue du démocratisme, on peut diviser les constitutions bourgeoises en deux groupes : un groupe de constitutions nie ouvertement ou, en fait, réduit à néant l’égalité en droits des citoyens et les libertés démocratiques.

L’autre groupe de constitutions accepte volontiers et affiche même les principes démocratiques ; mais en même temps il fait de telles réserves et restrictions que les droits et libertés démocratiques s’en trouvent complètement mutilés. Ces constitutions parlent de droits électoraux égaux pour tous les citoyens, mais aussitôt les restreignent par les conditions de résidence et d’instruction, voire de fortune. Elles parlent de droits égaux pour les citoyens, mais aussitôt font cette réserve que cela ne concerne pas les femmes, ou ne les concerne que partiellement. Etc., etc.

Le projet de la nouvelle Constitution de l’U.R.S.S. a ceci de particulier qu’il est exempt de pareilles réserves et restrictions. Pour lui, il n’existe point de citoyens actifs ou passifs ; pour lui, tous les citoyens sont actifs. Il n’admet point de différence de droits entre hommes et femmes, entre « domiciliés » et « non domiciliés », entre possédants et non possédants, entre gens instruits et non instruits. Pour lui, tous les citoyens ont des droits égaux. Ce n’est pas la situation de fortune, ni l’origine nationale, ce n’est pas le sexe ni la fonction ou le grade, mais les qualités personnelles et le travail personnel de chaque citoyen, qui déterminent sa situation dans la société. Enfin, une autre particularité du projet de la nouvelle Constitution.

Les constitutions bourgeoises se contentent habituellement de fixer les droits officiels des citoyens, sans se préoccuper des conditions garantissant l’exercice de ces droits, de la possibilité de les exercer, des moyens de les exercer. Elles parlent de l’égalité des citoyens, mais oublient qu’il ne peut pas y avoir d’égalité véritable entre patron et ouvrier, entre grand propriétaire foncier et paysan, si les premiers ont la richesse et le poids politique dans la société, et les seconds sont privés de l’un et de l’autre ; si les premiers sont des exploiteurs et les seconds des exploités. Ou encore : elles parlent de la liberté de la parole, de réunion et de la presse, mais elles oublient que toutes ces libertés peuvent n’être pour la classe ouvrière qu’un son creux, si elle est mise dans l’impossibilité de disposer de locaux appropriés pour tenir ses réunions, de bonnes imprimeries, d’une quantité suffisante de papier d’imprimerie, etc.

Le projet de la nouvelle Constitution a ceci de particulier qu’il ne se borne pas à fixer les droits officiels des citoyens, mais qu’il reporte le centre de gravité sur la garantie de ces droits, sur les moyens de les réaliser. Il ne proclame pas simplement l’égalité des citoyens, mais il la garantit en consacrant par voie législative la suppression du régime d’exploitation, l’affranchissement des citoyens de toute exploitation. Il ne proclame pas simplement le droit au travail, mais il le garantit en consacrant par voie législative l’absence de crises dans la société soviétique, la suppression du chômage. Il ne proclame pas simplement les libertés démocratiques, mais il les garantit par voie législative, avec des moyens matériels déterminés.

On conçoit, par conséquent, que le démocratisme du projet de la nouvelle Constitution ne soit pas un démocratisme en général, « habituel » et « généralement reconnu », mais le démocratisme socialiste. Telles sont les particularités essentielles du projet de la nouvelle Constitution de l’U.R.S.S. C’est ainsi que le projet de la nouvelle Constitution reflète les transformations et les changements réalisés dans la vie économique, politique et sociale de l’U.R.S.S., durant la période 19241936.

IV - LA CRITIQUE BOURGEOISE DU PROJET DE CONSTITUTION

Quelques mots sur la critique bourgeoise du projet de Constitution. L’attitude observée par la presse bourgeoise de l’étranger à l’égard du projet de Constitution offre sans contredit un certain intérêt. Pour autant que la presse étrangère reflète l’opinion des différentes catégories de la population dans les pays bourgeois, nous ne pouvons passer outre à la critique que cette presse a développée contre le projet de Constitution. Les premières réactions de la presse étrangère au projet de Constitution se sont manifestées dans une tendance bien nette : passer sous silence le projet de Constitution.

Je veux parler ici de la presse la plus réactionnaire, de la presse fasciste. Ce groupe de critiques a jugé que le mieux était simplement de passer sous silence le projet de Constitution, de présenter les choses comme si le projet n’existait pas et n’avait jamais existé. On peut dire que la tactique du silence n’est pas de la critique. Mais c’est faux. La méthode du silence comme moyen particulier de méconnaître les faits, est aussi une forme de critique, sotte et ridicule, il est vrai, mais une forme de critique tout de même. (Rire général. Applaudissements.)

Mais la méthode du silence ne leur a pas réussi. Finalement ils ont été obligés d’ouvrir la soupape et d’informer le monde que, si triste que cela soit, le projet de Constitution de l’U.R.S.S. existe pourtant ; que non seulement il existe, mais commence à exercer une action pernicieuse sur les esprits.

D’ailleurs il ne pouvait en être autrement, car il existe tout de même dans le monde une opinion publique, des lecteurs, des hommes vivants, qui veulent savoir la vérité sur les faits, et il est absolument impossible de les maintenir longtemps dans l’étau de la tromperie. Avec la tromperie on n’ira pas loin… Le deuxième groupe de critiques reconnaît que le projet de Constitution existe réellement, mais estime qu’il n’est pas d’un grand intérêt, puisque, au fond, ce n’est pas un projet de Constitution, mais un chiffon de papier, une vaine promesse, visant à opérer une certaine manœuvre et à duper les gens. A cela ils ajoutent que l’U.R.S.S. ne pouvait d’ailleurs pas donner un meilleur projet, puisque l’U.R.S.S. elle même n’est pas un État, mais une simple notion géographique (rire général) ; dès lors, sa Constitution ne saurait être une vraie constitution.

Le représentant typique de ce groupe de critiques est, si étrange que cela paraisse, l’officieux allemand, la Deutsche Diplomatisch Politische Korrespondenz. Cette revue « déclare expressément que le projet de Constitution de l’U.R.S.S. est une vaine promesse, une tromperie, un « village à la Potemkine ». Elle déclare sans hésiter que l’U.R.S.S. n’est pas un État ; que l’U.R.S.S. « n’est autre chose qu’une notion géographique exactement définie » (rire général) ; que la Constitution de l’U.R.S.S. ne peut donc, pour cette raison, être considérée comme une vraie constitution.

Que peut-on dire de semblables critiques, s’il est permis de les appeler ainsi ? Dans un de ses contes et nouvelles, le grand écrivain russe Chtchédrine dépeint le type du bureaucratetyranneau, très borné et obtus, mais suffisant et zélé à l’extrême. Après avoir établi « l’ordre et le calme » dans la région à lui « confiée », en exterminant des milliers d’habitants et en brûlant des dizaines de villes, ce bureaucrate jette un regard autour de lui et aperçoit à l’horizon l’Amérique, pays évidemment peu connu, où il existe, paraît il,des libertés qui troublent le peuple, et où l’Etat est gouverné par d’autres méthodes. Le bureaucrate aperçoit l’Amérique et s’indigne : Qu’est ce que ce pays ? D’où sort il ?

De quel droit existetil, voyons ?

(Rire général, applaudissements.) Evidemment, on l’a découvert par hasard quelques siècles plus tôt, mais estce qu’on ne peut pas le recouvrir, pour qu’on n’en entende plus jamais parler ?

(Rire général.) Et ceci dit, il décrète : « Recouvrir l’Amérique ! » (Rire général.)

Il me semble que ces messieurs de Deutsche Diplomatisch Politische Korrespondenz ressemblent comme deux gouttes d’eau au bureaucrate de Chtchédrine. (Rire général, applaudissements.) Il y a longtemps que l’U.R.S.S. blesse la vue de ces messieurs. Voilà dix neuf ans que l’U.R.S.S. se dresse comme un phare, infusant l’esprit de libération à la classe ouvrière du monde entier et provoquant la fureur des ennemis de la classe ouvrière. Et voilà que cette U.R.S.S., non contente simplement d’exister, grandit même, et non seulement grandit, mais prospère, et non seulement prospère, mais rédige même un projet de nouvelle Constitution, projet qui exalte les esprits, qui inspire de nouveaux espoirs aux classes opprimées. (Applaudissements.) Comment ces messieurs de l’organe officieux allemand ne s’indigneraient ils pas après cela ?

Qu’estce que c’est que ce pays ? clamentils ; de quel droit existetil, voyons ?

(Rire général.) Et si on l’a découvert en octobre 1917, pourquoi ne pourrait on pas le recouvrir, pour qu’on n’en entende plus jamais parler ? Et ceci dit, ils décident : Recouvrir l’U.R.S.S. ; proclamer haut et clair que l’U.R.S.S. n’existe pas en tant qu’Etat, que l’U.R.S.S. n’est autre chose qu’une simple notion géographique ! (Rire général.)Après avoir décrété de recouvrir l’Amérique, le bureaucrate de Chtchédrine, en dépit de toute son étroitesse d’esprit, avait cependant trouvé en lui des éléments de compréhension de la réalité, car il se dit aussitôt : « Mais je crois que ladite chose n’est pas en mon pouvoir ». (Explosion de franche gaieté, applaudissements en rafale.) J’ignore si ces messieurs de l’organe officieux allemand auront assez d’esprit pour se douter qu’ils peuvent bien, évidement, « recouvrir » sur le papier tel ou tel Etat, mais à parler sérieusement, « ladite chose n’est pas en leur pouvoir ». (Explosion de franche gaieté, applaudissements en rafale.)

Quant à l’affirmation que la Constitution de l’U.R.S.S. est soidisant une vaine promesse, un « village à la Potemkine », etc., je tiens à invoquer une série de faits établis, qui parlent d’eux mêmes. En 1917, les peuples de l’U.R.S.S. ont renversé la bourgeoisie et instauré la dictature du prolétariat, instauré le pouvoir soviétique. C’est un fait, et non une promesse. Ensuite, le pouvoir soviétique a liquidé la classe des grands propriétaires fonciers et remis aux paysans plus de 150 millions d’hectares de terres ayant appartenu aux grands propriétaires fonciers, à l’Etat et aux couvents ; cela, en plus des terres qui se trouvaient auparavant déjà entre les mains des paysans. C’est un fait, et non une promesse.

Ensuite, le pouvoir soviétique a exproprié la classe des capitalistes ; il lui a enlevé les banques, les usines, les chemins de fer et autres instruments et moyens de production, proclamés propriété socialiste, et il a placé à la tête de ces entreprises l’élite de la classe ouvrière. C’est un fait, et non une promesse. (Applaudissements prolongés.)

Ensuite, ayant organisé l’industrie et l’agriculture selon des principes nouveaux, socialistes, avec une nouvelle base technique, le pouvoirdes Soviets est arrivé à ceci qu’aujourd’hui l’agriculture de l’U.R.S.S. fournit une production une fois et demie supérieur à celle d’avant guerre ; l’industrie produit sept fois plus qu’avant guerre et le revenu national a quadruplé par rapport à la période d’avantguerre.

Tout cela, ce sont des faits, et non des promesses. (Applaudissements prolongés.) Ensuite, le pouvoir soviétique a supprimé le chômage, réalisé le droit au travail, le droit au repos, le droit à l’instruction, assuré les meilleures conditions matérielles et culturelles aux ouvriers, aux paysans et aux intellectuels ; assuré aux citoyens l’application du suffrage universel, direct et égal, au scrutin secret. Tout cela, ce sont des faits, et non des promesses. (Applaudissements prolongés.) Enfin l’U.R.S.S. a donné le projet d’une nouvelle Constitution qui n’est pas une promesse, mais l’enregistrement et la consécration législative de ces faitsconnus de tous, l’enregistrement et la consécration législative de ce qui a déjà été obtenu et conquis.

On se demande à quoi se réduit, après tout cela, le verbiage de ces messieurs de l’organe officieux allemand sur les « villages à la Potemkine », sinon à ceci qu’ils se proposent de cacher au peuple la vérité sur l’U.R.S.S., d’induire le peuple en erreur, de le tromper. Tels sont les faits. Or les faits, comme on dit, sont têtus. Ces messieurs de l’organe officieux allemand peuvent dire que c’est tant pis pour les faits. (Rire général.) Mais alors on peut leur répondre par ce proverbe russe que l’on connaît : « Pour les imbéciles, il n’y a pas de loi qui tienne ». (Rires joyeux, applaudissements prolongés.)

Le troisième groupe de critiques est prêt à reconnaître certains mérites au projet de Constitution ; il le considère comme un événement positif, mais, voyezvous, il doute fort que certaines de ses dispositions puissent être mises en pratique, convaincu qu’il est que ces dispositions en général sont irréalisables et doivent rester surle papier. Ce sont, pour parler délicatement, des sceptiques. Ces sceptiques là existent dans tous les pays.

Il faut dire que ce n’est pas la première fois que nous les rencontrons. Lorsque les bolcheviks prirent le pouvoir en 1917, les sceptiques disaient : Les bolcheviks ne sont peut- être pas de mauvaises gens, mais pour ce qui est du pouvoir, ils ne s’en tireront pas, ils se casseront le nez. Il s’est avéré que ce ne sont pas les bolcheviks, mais les sceptiques qui se sont cassé le nez. Pendant la guerre civile et l’intervention étrangère, ce groupe de sceptiques disait : Evidemment, le pouvoir des Soviets n’est pas une mauvaise chose, mais il y a des chances pour que Dénikine avec Koltchak, plus les étrangers, en viennent à bout.

Cependant les sceptiques, cette fois encore, se sont trompés dans leurs calculs. Lorsque le pouvoir soviétique a publié le premier plan quinquennal, les sceptiques ont réapparu sur la scène, disant : Le plan quinquennal est, certes, une bonne chose, mais il n’est guère réalisable ; il faut croire que les bolcheviks s’enferreront sur leur plan quinquennal. Les faits ont cependant montré que les sceptiques, cette fois encore, n’ont pas eu de chance : le plan quinquennal fut réalisé en quatre ans.

Il faut en dire autant du projet de la nouvelle Constitution et de la critique qu’en ont fait les sceptiques. Il a suffi de publier le projet pour que ce groupe de critiques réapparaisse sur la scène, avec leur morne scepticisme, leurs doutes sur la possibilité de réaliser certaines dispositions de la Constitution. Il n’y a aucune raison de douter que les sceptiques échoueront cette fois encore, qu’ils échoueront aujourd’hui comme ils ont échoué mainte fois dans le passé.

Le quatrième groupe de critiques, en attaquant le projet de la nouvelle Constitution, le caractérise comme une « évolution à droite », comme un « abandon de la dictature du prolétariat », commela « liquidation du régime bolchevik ». « Les bolcheviks ont obliqué à droite, c’est un fait », déclarentils sur divers tons. Certains journaux polonais et, en partie, les journaux américains, se montrent particulièrement zélés à cet égard.

Que peuton dire de ces critiques, s’il est permis de les appeler ainsi ? Si l’élargissement de la base de la dictature de la classe ouvrière et la transformation de la dictature en un système plus souple, et par conséquent plus puissant, de direction politique de la société, sont interprétés par eux, non comme un renforcement de la dictature de la classe ouvrière, mais comme son affaiblissement ou même comme son abandon, il est permis de demander : ces messieurs saventils en général ce que c’est que la dictature de la classe ouvrière ? Si la consécration législative de la victoire du socialisme, la consécration législative des succès de l’industrialisation, de la collectivisation et de la démocratisation, ils l’appellent « évolution à droite », il est permis de demander : ces messieurs saventils en général ce qui distingue la gauche de la droite ?

(Rire général, applaudissements)

Il ne peut faire de doute que ces messieurs se sont définitivement embrouillés dans leur critique du projet de Constitution, et s’étant embrouillés, ils ont confondu la droite avec la gauche. On ne peut s’empêcher de songer à Pélagie, cette « gamine »servante des Ames mortes de Gogol.

L’auteur raconte qu’an jour elle s’était chargée de montrer le chemin à Sélifane, cocher de Tchitchikov,mais n’ayant pas su distinguer le côté droit du côté gauche de la route, elle s’était embrouillée et mise en fâcheuse posture. Il faut avouer que les critiques des journaux polonais, malgré toute leur présomption, ne dépassent pas de beaucoup le niveau de compréhension de Pélagie, la « gamine »servante des Ames mortes.(Applaudissements.)

Si vous vous rappelez bien, le cocher Sélifane trouva bon de tancer Pélagie pour avoir confondu le côté droit et le côté gauche, en lui disant : « Hé, va donc, pieds sales… tu ne sais même pas distinguer ta droite de ta gauche. » Il me semble qu’on ferait bien de tancer de même nos critiques à la manque, en leur disant : « Hé, allez donc, critiques de malheur…. vous ne savez même pas distinguer votre droite de votre gauche. » (Applaudissements prolongés.)

Enfin, encore un groupe de critiques. Si le groupe précédent accuse le projet de Constitution de renoncer à la dictature de la classe ouvrière, ce groupa ci l’accuse, au contraire, de ne rien changer à l’état de choses existant en U.R.S.S., de laisser intacte la dictature de la classe ouvrière, de ne pas admettre la liberté des partis politiques et de maintenir la position dirigeante du Parti communiste en U.R.S.S. Au surplus, ce groupe de critiques estime que l’absence de libertés pour les partis en U.R.S.S. est une violation des principes du démocratisme.

Je dois avouer qu’en effet le projet de la nouvelle Constitution maintient le régime de la dictature de la classe ouvrière, de même qu’il conserve sans changement la position dirigeante du Parti communiste de l’U.R.S.S. (Vifs applaudissements.) Si les honorables critiques considèrent ceci comme un défaut du projet de Constitution, on ne peut que le regretter. Nous, bolcheviks, considérons cela comme un mérite du projet de Constitution. (Vifs applaudissements.)

En ce qui concerne la liberté pour les différents partis politiques, nous sommes ici d’un avis quelque peu différent. Un parti est une portion d’une classe, sa portion d’avant garde. Plusieurs partis et, par conséquent, la liberté des partis, ne peuvent exister que dans une société où existent des classes antagonistes, dont les intérêts sont hostiles, inconciliables ; où il y a, par exemple, capitalistes et ouvriers, grands propriétaires fonciers et paysans, koulaks et paysanspauvres, etc.

Mais en U.R.S.S., il n’y a plus de classes telles que les capitalistes, les grands propriétaires fonciers, les koulaks, etc. Il n’existe en U.R.S.S. que deux classes, les ouvriers et les paysans, dont les intérêts, loin d’être hostiles, sont au contraire basés sur l’amitié. Par conséquent, il n’y a pas en U.R.S.S. de terrain pour plusieurs partis, ni par conséquent pour la liberté de ces partis.

En U.R.S.S. il n’existe de terrain que pour un seul parti, le Parti communiste. En U.R.S.S. il ne peut y avoir qu’un seul parti, le Parti communiste, qui défend hardiment et jusqu’au bout les intérêts des ouvriers et des paysans. Et qu’il ne défende pas mal les intérêts de ces classes, on ne saurait guère en douter. (Vifs applaudissements.) On parle de démocratie. Mais qu’est-ce que la démocratie ?

La démocratie dans les pays capitalistes, où il y a des classes antagonistes, c’est en dernière analyse la démocratie pour les forts, une démocratie pour la minorité possédante. La démocratie en U.R.S.S. est, au contraire, une démocratie pour les travailleurs, c’est à dire la démocratie pour tous. Il s’ensuit donc que les principes du démocratisme sont violés, non par le projet de la nouvelle Constitution de l’U.R.S.S., mais par les constitutions bourgeoises. Voilà pourquoi je pense que la

Constitution de l’U.R.S.S. est la seule au monde qui soit démocratique jusqu’au bout. Voilà ce qu’il en est de la critique bourgeoise du projet de la nouvelle Constitution de l’U.R.S.S.

V - AMENDEMENTS ET ADDITIONS AU PROJET DE CONSTITUTION

Passons aux amendements et additions que les citoyens ont proposés au cours de la discussion du projet par l’ensemble du peuple. On sait que la discussion populaire du projet de Constitution a donné un nombre assez considérable d’amendements et d’additions qui, tous, ont été publiés dans la presse soviétique.

Etant donné la grandediversité des amendements et leur valeur inégale, il serait bon à mon avis de les diviser en trois catégories.Le trait distinctif des amendements de la première catégorie, c’est qu’ils ne traitent pas des problèmes de la Constitution, mais de l’activité législative courante des futurs organismes législatifs. Certaines questions d’assurances, certaines questions touchant l’édification des kolkhoz, l’édification industrielle, les finances, tel est le sujet de ces amendements. Les auteurs de ces amendements n’ont visiblement pas compris la différence entre les problèmes constitutionnels et les problèmes de législation courante.

C’est pour cela précisément qu’ils s’efforcent de faire rentrer dans la Constitution le plus de lois possible, ce qui conduirait à faire de la constitution quelque chose comme un code des lois. Or la Constitution n’est pas un code. Elle est la loi fondamentale, et rien que la loi fondamentale. La Constitution n’exclut pas mais suppose l’activité législative courante des futurs organismes législatifs.

La Constitution donne une base juridique à la future activité législative de ces organismes. Aussi les amendements et additions de ce genre doivent ils être, selon moi, renvoyés aux futurs organismes législatifs du pays, comme n’ayant pas de rapport direct avec la Constitution.

Dans la deuxième catégorie doivent être rangés les amendements et additions qui visent à introduire dans la Constitution des données historiques ou des déclarations sur ce que le pouvoir soviétique n’a pas encore conquis, et qu’il doit conquérir. Marquer dans la Constitution les difficultés que le Parti, la classe ouvrière et tous les travailleurs ont surmontées durant de longues années dans la lutte pour la victoire du socialisme ; indiquer dans la Constitution le but final du mouvement soviétique, c’està dire l’édification de la société communiste intégrale : tel est le sujet de ces amendements, qui se répètent en de nombreuses variantes.

Je pense que ces amendements et additions doivent eux aussi être mis de côté, comme n’ayant pas de rapport direct avec la Constitution. Celleci est l’enregistrement etla consécration législative des conquêtes déjà obtenues et assurées. Si nous ne voulons pas altérer ce caractère fondamental de la Constitution, nous ne devons pas la remplir de données historiques sur le passé ou de déclarations sur les conquêtes futures des travailleurs de l’U.R.S.S. Nous avons pour cela d’autres voies et d’autres documents.

Enfin, dans la troisième catégorie il convient de ranger les amendements et additions ayant un rapport direct avec le projet de Constitution. Une partie considérable des amendements de cette catégorie ont un caractère rédactionnel. On pourrait donc les renvoyer à la Commission de rédaction qui, je pense, sera constituée à ce congrès et à laquelle on confiera la rédaction définitive du texte de la nouvelle Constitution.

Quant aux autres amendements de la troisième catégorie, ils ont une importance substantielle, et il faut, à mon avis, en dire ici quelques mots.

1. Tout d’abord en ce qui concerne les amendements à l’article 1 du projet de Constitution. Il y a quatre amendements. Les uns proposent au lieu des mots « Etat des ouvriers et des paysans », de dire : « Etat des travailleurs ». D’autres proposent d’ajouter aux mots « Etat des ouvriers et des paysans » les mots : « et des travailleurs intellectuels ». D’autres encore proposent au lieu des mots « Etat des ouvriers et des paysans », de dire : « Etat de toutes les races et nationalités peuplant le territoire de l’U.R.S.S. ». D’autres enfin proposent de remplacer les mots « des paysans » par les mots « des kolkhoziens » ou par les mots : « des travailleurs de l’agriculture socialiste ». Fautil accepter ces amendements ?

Je pense que non. De quoi parle l’article 1 du projet de Constitution ?

De lacomposition de classe de la société soviétique. Nous, marxistes, pouvonsnous dans la Constitution ne rien dire de la composition de classe de notre société ? Evidemment non. La société soviétique se compose, comme on sait, de deux classes : les ouvriers et les paysans. C’est de cela précisément que traite l’article 1 du projet de Constitution. Par conséquent, l’article 1 reflète bien la composition de classe de notre société. On peut demander : Et les travailleurs intellectuels ?

Les intellectuels n’ont jamais été et ne peuvent être une classe, ils ont été et demeurent une couche sociale recrutant ses membres parmi toutes les classes de lasociété. Dans l’ancien temps, les intellectuels se recrutaient parmi les nobles, la bourgeoisie, en partie parmi les paysans et, seulement dans une proportion très insignifiante, parmi les ouvriers. A notre époque, à l’époque soviétique, les intellectuels se recrutent surtout parmi les ouvriers et les paysans.

Mais quelle que soit la façon dont ils se recrutent, quel que soit le caractère qu’ils revêtent, les intellectuels sont néanmoins une couche sociale, et non une classe. Cet état de choses ne portetil pas atteinte aux droits des travailleurs intellectuels ? Pas du tout !

L’article 1 du projet de Constitution parle, non des droits des diverses couches de la société soviétique, mais de la composition de classe de cette société. Quant aux droits des diverses couches de la société soviétique, y compris ceux des travailleurs intellectuels, il en est parlé principalement aux chapitres X et XI du projet de Constitution. De ces chapitres il ressort que les ouvriers, les paysans et les travailleurs intellectuels sont complètement égaux en droits, dans toutes les sphères de la vie économique, politique, sociale et culturelle du pays. Par conséquent, il ne peut être question d’atteinte aux droits des travailleurs intellectuels.

Il faut en dire autant des nations et des races faisant partie de l’U.R.S.S. Au chapitre II du projet de Constitution il est dit déjà que l’U.R.S.S. est une union librement consentie de nations égales en droits. Faut il répéter cette formule à l’article 1 du projet deConstitution, qui traite non de la composition nationale de la société soviétique, mais de sa composition de classe ?

Il est clair que non. Quant aux droits des nations et des races faisant partie de l’U.R.S.S., il en est parlé aux chapitres II, X et XI du projet de Constitution. De ces chapitres il ressort que les nations et les races de l’U.R.S.S. jouissent des mêmes droits dans toutes les sphères de la vie économique, politique, sociale et culturelle du pays. Par conséquent, il ne peut être question d’atteinte aux droits des nationalités. On aurait également tort de remplacer le mot « paysan » par le mot « kolkhozien » ou par les mots « travailleur de l’agriculture socialiste ». D’abord, il existe encore parmi les paysans, outre les kolkhoziens, plus d’un million de foyers de nonkolkhoziens. Comment faire ? Les auteurs de cet amendement pensentils ne pas en tenir compte ?

Ce ne serait pas raisonnable. En second lieu, si la majorité des paysans ont passé à l’économie kolkhozienne, cela ne veut pas encore dire qu’ils aient cessé d’être des paysans, qu’ils n’aient plus d’économie personnelle, de foyer personnel, etc. Troisièmement, il faudrait substituer également au mot « ouvrier » les mots « travailleur de l’industrie socialiste », ce que pourtant les auteurs de l’amendement ne proposent pas. Enfin, estce que la classe des ouvriers et la classe des paysans ont déjà disparu chez nous ?

Et si elles n’ont pas disparu, fautil rayer du vocabulaire les dénominations établies pour elles ?

Les auteurs de l’amendement ont sans doute en vue, non pas la société actuelle, mais la société future, lorsqu’il n’y aura plus de classes et que les ouvriers et les paysans seront devenus les travailleurs d’une société communiste unique. C’est dire qu’ils anticipent manifestement. Or, en rédigeant la Constitution, il faut prendre comme point de départ, non le futur, mais le présent, ce qui existe déjà. La Constitution ne peut ni ne doit anticiper.

2. Vient ensuite l’amendement à l’article 17 du projet de Constitution. Cet amendement propose de retrancher complètement l’article 17 selon lequel les Républiques fédérées conservent le droitde se retirer librement de l’U.R.S.S. Je pense que cette proposition n’est pas juste et que le congrès ne doit pas l’adopter. L’U.R.S.S. est une union librement consentie de Républiques fédérées égales en droits. Retrancher de la Constitution l’article relatif au droit de se retirer librement de l’U.R.S.S., c’est violer le principe de libre adhésion à cette union.

Pouvonsnous prendre ce parti ?

Je pense que nous ne pouvons ni ne devons le faire. On dit qu’en U.R.S.S. il n’est pas une seule République qui veuille se retirer de l’U.R.S.S. ; que, pour cette raison, l’article 17 n’a pas de portée pratique. Qu’il n’y ait pas chez nous une seule République désireuse de se retirer de l’U.R.S.S., c’est exact évidemment. Mais il ne s’ensuit nullement que nous ne devions pas fixer dans la Constitution le droit des Républiques fédérées à se retirer librement de l’U.R.S.S. Il n’existe pas en U.R.S.S. de République fédérée qui veuille prévaloir sur une autre. Mais il ne s’ensuit nullement que l’on doive retrancher de la Constitution l’article relatif à l’égalité en droits des Républiques fédérées.

3. Ensuite, on propose de compléter le chapitre II du projet de Constitution par un nouvel article qui dit en substance que les Républiques socialistes soviétiques autonomes, après avoir atteint le niveau de développement économique et culturel voulu, peuvent être transformées en Républiques socialistes soviétiques fédérées. Peut on accepter cette proposition ? Je pense que non. Elle est erronée non seulement en sa substance mais aussi en ses motifs.

On ne peut motiver le passage des Républiques autonomes au rang de Républiques fédérées par leur maturité économique et culturelle, de même qu’on ne peut motiver le maintien de telle ou telle autre République sur la liste des Républiques autonomes, par son retard économique ou culturel. Ce ne serait pas là une manière de voir marxiste, léniniste. La République de Tatarie, par exemple, reste autonome, tandis que la République de Kazakhie devient fédérée ; mais cela ne signifie pas encore que la République de Kazakhie, du point de vue du développement culturel et économique, soit supérieure à la République de Tatarie.

C’est le contraire qui est vrai.Il faut en dire autant, par exemple, de la République autonome des Allemands de la Volga et de la République fédérée de Kirghizie, dont la première, au point de vue culturel et économique, est supérieure à la seconde, bien que demeurant République autonome. Quels sont les indices motivant le passage des Républiques autonomes dans la catégorie des Républiques fédérées ?

Ces indices sont au nombre de trois.

Premièrement, il faut que la République soit périphérique, qu’elle ne soit pas entourée de tous côtés par le territoire de l’U.R.S.S. Pourquoi ?

Parce que si la République fédérée conserve le droit de se retirer de l’U.R.S.S., il faut que cette République, devenue fédérée, ait la possibilité de poser, logiquement et pratiquement, la question de sa sortie de l’U.R.S.S. Or, cette question ne peut être posée que par la République qui, par exemple, est limitrophe d’un Etat étranger quelconque et, par conséquent, n’est pas entourée de tous côtés par le territoire de l’U.R.S.S. Certes, nous n’avons pas de Républiques qui posent pratiquement la question de leur sortie de l’U.R.S.S.

Mais du moment qu’une République fédérée conserve le droit de se retirer de l’U.R.S.S. il faut faire en sorte que ce droit ne devienne pas un chiffon de papier dénué de sens. Prenons, par exemple, la République de Bachkirie ou de Tatarie. Admettons que ces Républiques autonomes aient été portées dans la catégorie des Républiques fédérées. Pourraient- elles poser la question, logiquement et pratiquement, de leur sortie de l’U.R.S.S. ? Non, elles ne le pourraient pas. Pourquoi ?

Parce qu’elles sont entourées de tous côtés par des républiques et régions soviétiques, et elles n’ont pas à proprement parler par où sortir de l’U.R.S.S. (Rire général, applaudissements.) Aussi bien, l’on aurait tort de porter ces Républiques dans la catégorie des Républiques fédérées. Deuxièmement, il faut que la nationalité qui a donné son nom à la République soviétique y représente une majorité plus ou moinscompacte. Prenons, par exemple, la République autonome de Crimée.

C’est une république périphérique, mais les Tatars de Crimée ne forment pas la majorité dans cette République ; au contraire, ils y représentent la minorité. Par conséquent, il serait faux et illogique de faire passer la République de Crimée dans la catégorie des Républiques fédérées. Troisièmement, il faut que la république ne soit pas trop petite au point de vue de la population, que celleci, disons, ne soit pas inférieure, mais supérieure à un million au moins.

Pourquoi ?

Parce que ce serait une erreur de supposer qu’une petite république soviétique ayant une population minime et une armée insignifiante, pût exister comme Etat indépendant. On ne peut guère douter que les rapaces impérialistes auraient tôt fait de mettre la main dessus. Je pense qu’à défaut de ces trois indices objectifs, on aurait tort de poser en ce moment historique la question du transfert de telle ou telle république autonome dans la catégorie de Républiques fédérées.

4. On propose ensuite de supprimer dans les articles 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28 et 29 l’énumération détaillée de la division administrative et territoriale des République fédérées, en territoires et régions. Je pense que cette proposition est également inacceptable. Il est des gens en U.R.S.S. qui sont prêts, très volontiers et sans se lasser, à tailler et retailler territoires et régions, en jetant ainsi la confusion et l’incertitude dans le travail. Le projet de Constitution met un frein à cesgenslà. Et cela est fort bien, parce qu’ici comme en beaucoup d’autres choses, il nous faut une atmosphère de certitude, de la stabilité, de la clarté.

5. Le cinquième amendement concerne l’article 33. On estime qu’il n’est pas rationnel de créer deux Chambres et l’on propose de supprimer le Soviet des nationalités. Je pense que cet amendement n’est pas juste non plus. Le système à Chambre unique seraitmeilleur que le système à deux Chambres, si l’U.R.S.S. était un Etat national homogène. Mais ce n’est pas le cas. L’U.R.S.S. est, on le sait bien, un Etat multinational. Nous possédons un organisme suprême, où sont représentés les intérêts communs à tous les travailleurs de l’U.R.S.S., indépendamment de leur nationalité. C’est le Soviet de l’Union. Mais outre les intérêts communs, les nationalités de l’U.R.S.S. ont encore leurs intérêts particuliers, spécifiques, liés à leurs particularités nationales. Peuton négliger ces intérêts spécifiques ? Evidemment non.

Estil besoin d’avoir un organisme suprême spécial, reflétant ces intérêts spécifiques ? Incontestablement. Il ne peut faire de doute que sans cet organisme il serait impossible de gouverner un Etat multinational comme l’U.R.S.S. Cet organisme est la seconde Chambra, le Soviet des nationalités de l’U.R.S.S.

On invoque l’histoire parlementaire des Etats d’Europe et d’Amérique ; on rappelle que le système à deux Chambres dans ces pays n’a eu que des résultats négatifs, que la seconde Chambre dégénère habituellement en un centre de réaction, qui freine la marche en avant. Tout cela est exact. Mais cela vient de ce que, dans ces pays, il n’y a pas d’égalité entre les Chambres. On sait que souvent l’on accorde à la seconde Chambre plus de droits qu’à la première ; ensuite, la seconde Chambre ne se constitue pas en règle générale par voie démocratique : souvent ses membres sont nommés par en haut. Il est certain que ces résultats négatifs n’existeront pas, si l’on établit l’égalité entre les deux Chambres et si l’on organise la seconde de façon aussi démocratique que la première.

6. On propose ensuite une addition au projet de Constitution, demandant que soit égalisé l’effectif des deux Chambres. Je pense qu’on pourrait accepter cette proposition. Elle offre à mon avis des avantages politiques évidents, puisqu’elle souligne l’égalité des deux Chambres.

7. Vient ensuite une addition au projet de Constitution, proposantd’élire les députés au Soviet des nationalités de la même manière que ceux du Soviet de l’Union par voie d’élections directes. Je pense que cette proposition, on pourrait également l’accepter. Il est vrai qu’elle peut présenter certains inconvénients d’ordre technique lors des élections. Mais en revanche elle offre un important avantage politique, parce qu’elle augmentera l’autorité du Soviet des nationalités.

8. Vient ensuite une addition à l’article 40, qui propose de réserver au Présidium du Soviet suprême le droit d’édicter des actes législatifs provisoires. Je pense que cette addition n’est pas juste, et que le congrès ne doit pas l’adopter. Il faut enfin mettre un terme à cette situation où ce n’est pas un organisme unique qui légifère, mais toute une série d’organismes. Cette situation est contraire au principe de la stabilité des lois. Or, la stabilité des lois nous est nécessaire aujourd’hui plus que jamais. Le pouvoir législatif en U.R.S.S. doit être exercé par un seul organisme, le Soviet suprême de l’U.R.S.S.

9. On propose ensuite une addition à l’article 48 du projet de Constitution, demandant que le président du Soviet suprême de l’U.R.S.S. soit élu, non par le Soviet suprême de l’U.R.S.S. mais par toute la population du pays. Je pense que cette addition n’est pas juste, car elle n’est pas conforme à l’esprit de notre Constitution. Suivant le système de notre Constitution, il ne doit pas y avoir en U.R.S.S. de président unique, élu comme tel par la population entière, au même titre que le Soviet suprême, et pouvant s’opposer à ce dernier.

En U.R.S.S. la présidence est collective, elle est assurée par le Présidium du Soviet suprême, y compris le président du Présidium du Soviet suprême, élu non pas par toute la population, mais par le Soviet suprême, et tenu de rendre compte de son activité devant ce dernier. L’histoiremontre que cette structure des organismes suprêmes est la plus démocratique, et qu’elle garantit le pays contre des éventualités indésirables.

10. Vient ensuite un amendement au même article 48 proposant deporter viceprésidents au Présidium du Soviet le nombre des suprême à 11, à raison d’un viceprésident par République fédérée. Je pense que l’on pourrait accepter cet amendement, qui améliore les choses et ne peut que renforcer l’autorité du Présidium du Soviet suprême de l’U.R.S.S.

11. Vient ensuite un amendement à l’article 77. Il demande que soit organisé un nouveau commissariat de l’U.R.S.S., le commissariat du peuple de l’Industrie de la Défense. Je pense qu’il serait bon d’accepter aussi cet amendement (applaudissements), car le moment est venu de faire une place spéciale à notre industrie de la Défense et de la doter d’un commissariat. Il me semble que ceci ne pourrait qu’améliorer la défense de notre pays. 12.

Vient ensuite un amendement à l’article 124 du projet de Constitution, demandant que soit interdit l’exercice des cultes religieux. Je pense qu’il faut rejeter cet amendement, comme n’étant pas conforme à l’esprit de notre Constitution.

13. Enfin, encore un amendement plus ou moins essentiel. Je parle de l’amendement à l’article 135 du projet de Constitution. Il propose de priver des droits électoraux les desservants du culte, les anciens gardes blancs, tous les ci devant et les personnes qui ne font pas un travail d’utilité publique, ou tout au moins de limiter les droits électoraux des individus de cette catégorie en ne leur accordant que le droit d’élire sans pouvoir être élu. Je pense que cet amendement doit également être rejeté.

Le pouvoir soviétique a privé de leurs droits électoraux les éléments non travailleurs et exploiteurs, non à perpétuité mais provisoirement, pendant une certaine période. Il fut un temps où ces éléments faisaient ouvertement la guerre au peuple et s’opposaient aux lois soviétiques. La loi soviétique qui les privait du droit électoral fut la réponse du pouvoir des Soviets à cette opposition. Depuis lors il s’est passé pas mal de temps. Durant la période écoulée, nous avons obtenu ce résultat que les classes exploiteuses ont été supprimées et le pouvoir soviétique est devenuune force invincible.

Le moment n’estil pas venu de raviser cette loi ?

Je pense que oui. On dit qu’il y a là un danger, parce que dans les organismes suprêmes du pays peuvent se glisser des éléments hostiles au pouvoir soviétique, anciens gardes blancs, koulaks, popes, etc. Mais que peuton craindre ici ? Qui craint le loup n’aille pas au bois. (Joyeuse animation dans la salle, vifs applaudissements.)

D’abord, les anciens koulaks, gardes blancs ou popes ne sont pas tous hostiles au pouvoir soviétique. Ensuite, si le peuple élit, çà et là, des hommes hostiles, cela voudra dire que notre travail d’agitation ne vaut rien, et que nous avons parfaitement mérité cette honte ; si au contraire notre travail d’agitation est fait à la manière bolchevique, le peuple ne laissera pas pénétrer les éléments hostiles dans ses organismes suprêmes. Par conséquent, il faut travailler et ne pas pleurnicher. (Vifs applaudissements.)

Il faut travailler et ne pas attendre que les choses vous soient servies toutes prêtes, par la voie de dispositions administratives.

Déjà en 1919 Lénine disait que letemps était proche où le pouvoir des Soviets jugerait utile d’introduire le suffrage universel sans aucune restriction. Notezle bien : sans aucune restriction. Il le disait alors que l’intervention militaire étrangère n’était pas encore liquidée, et que notre industrie et notre agriculture étaient dans une situation désespérés. Dix sept ans ont passé depuis. N’estil pas temps, camarades, de nous conformer à cette indication de Lénine ?

Je crois qu’il est temps.

Voici ce que Lénine disait en 1919 dans son ouvrage « Projet de programme du Parti communiste (bolchevik) russe ». Permettezmoi de vous en donner lecture : Le Parti communiste russe doit expliquer aux masses laborieuses, généralisation erronée des nécessités historiques passagères, que le électoraux à une partie des citoyens en République soviétique, ne comme ce fut le cas dans la plupart des républiques démocratiques afin d’éviter une retrait des droits concerne nullement, bourgeoises, unecatégorie déterminée de citoyens, que l’on déclare privés dedroits pour la vie ; il ne concerne que les exploiteurs, que ceux qui, en dépit des lois fondamentales de la République socialiste soviétique, persistent à défendre leur position d’exploiteurs, à maintenir les rapports capitalistes.

Par conséquent, dans la République des Soviets, d’une part, à mesure que le socialisme se fortifie de jour en jour et que diminue le nombre de ceux qui ont la possibilité objective de rester des exploiteurs ou de maintenir les rapports capitalistes, la proportion des individus privés du droit électoral diminue. Aujourd’hui, cette proportion ne dépasse guère en Russie, 2 ou 3 %. D’autre part, dans le plus proche avenir, la fin de l’invasion étrangère et l’achèvement de l’expropriation des expropriateurs, peuvent sous certaines conditions, créer un état de choses tel que le pouvoir d’Etat prolétarien choisira d’autres moyens pour écraser la résistance des exploiteurs, et introduira le suffrage universel sans aucune restriction. (t. XXIV, p. 94, éd. Russe.)

C’est clair, je pense.

Voilà ce qu’il en est des amendements et additions au projet de la Constitution de l’U.R.S.S.

VI IMPORTANCE DE LA NOUVELLE CONSTITUTION DE L’U.R.S.S.

A en juger par les résultats de la discussion populaire, qui a duré à peu près 5 mois, il est permis de supposer que le projet de Constitution sera approuvé par ce congrès. (Vifs applaudissements qui tournent en ovation. La salle se lève. ) D’ici quelques jours, l’Union soviétique aura une Constitution nouvelle, socialiste, basée sur les principes d’un large démocratisme socialiste. Ce sera un document historique, traitant avec simplicité et concision, presque dans un style de procès-verbal, des victoires du socialismeen U.R.S.S., de l’affranchissement des travailleurs de l’U.R.S.S. de l’esclavage capitaliste, des victoires remportées en U.R.S.S. par une démocratie conséquente et développée jusqu’au bout. Ce sera un document attestant que ce dont rêvaient et continuent de rêver des millions d’hommes honnêtes dans les pays capitalistes, est déjà réalisé en U.R.S.S. (Vifs applaudissements.)

Ce sera un document attestant que ce qui a été réalisé en U.R.S.S. peut très bien l’être aussi dans les autres pays. (Vifs applaudissements)

II s’ensuit donc que la portée internationale de la nouvelle Constitution de l’U.R.S.S. ne saurait guère être surestimée. Maintenant que le fascisme vomit ses flots troubles sur le mouvement socialiste de la classe ouvrière et traîne dans la boue les aspirations démocratiques des meilleurs hommes du monde civilisé, la nouvelle Constitution de l’U.R.S.S. sera un réquisitoire contre le fascisme, réquisitoire témoignant que le socialisme et la démocratie sont invincibles. (Applaudissements.)

La nouvelle Constitution de l’U.R.S.S. sera une aide morale et un soutien efficace pour tous ceux qui mènent actuellement la lutte contre la barbarie fasciste. (Vifs applaudissements.)

Pour les peuples de l’U.R.S.S., l’importance de la nouvelle Constitution est encore plus grande. Alors que pour les peuples des pays capitalistes, la Constitution de l’U.R.S.S. sera un programme d’action, pour les peuples de l’U.R.S.S. elle est comme le bilan de leur lutte, le bilan de leurs victoires sur le front de la libération de l’humanité. Quand on a parcouru ce chemin de lutte et de privations, quelle satisfaction et quelle joie d’avoir sa Constitution, qui parle du fruit de nos victoires.

Quelle satisfaction et quelle joie de savoir pour quoi ont combattu nos hommes, et comment ils ont remporté leur victoire historique et mondiale.

Quelle satisfaction et quelle joiede savoir que le sang répandu abondamment par nos hommes ne l’a pas été en vain, qu’il a donné ses résultats. (Applaudissements prolongés.)

C’est ce qui arme moralement notre classe ouvrière, notre paysannerie, nos intellectuels travailleurs. C’est ce qui pousse en avant et stimule notre sentiment d’orgueil légitime.

C’est ce qui affermit la foi que nous avons en nos forces et nous mobilise pour une lutte nouvelle, pour remporter de nouvelles victoires dans la voie du communisme. (Ovation enthousiaste, toute la salle se lève. Des « hourras » éclatent en tonnerre. Acclamations unanimes : « Vive le camarade Staline ! » Le congrès, debout, entonne l’Internationale. Puis, nouvelle ovation. On crie : « Hourra ! », « Vive notre chef, le camarade Staline ! »).

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Et le point de vue de Trotsky sur la question…

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https://www.marxists.org/francais/trotsky/oeuvres/1936/04/lt19360416a.htm

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