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Quand la SNCF allait chercher des cheminots "aptes à tout" au Maroc

mercredi 31 janvier 2018, par anonyme (Date de rédaction antérieure : 31 janvier 2018).

https://assawra.blogspot.fr/2018/01/quand-la-sncf-allait-chercher-des.html

30 janvier 2018

Assawra

Au procès en appel des "Chibanis" marocains contre la SNCF, le 16 mai 2017 à Paris (afp)

Environ 2.000 Marocains ont été recrutés dans les années 1970 par la SNCF. "Aptes à tout", ils ont notamment été envoyés dans les gares de triage. Aujourd’hui "usés", plus de 800 d’entre eux espèrent faire condamner définitivement mercredi la SNCF pour discrimination.

Après moult renvois et, pour certains plus de dix ans de procédure, la plupart des 848 "Chibanis" (cheveux blancs en arabe) poursuivant la SNCF avaient obtenu gain de cause devant les Prud’hommes en septembre 2015. Mais l’entreprise a fait appel de cette décision qui la condamnait à plus de 170 millions de dommages et intérêts.

Lors du réexamen du dossier en mai 2017, quelques anciens salariés avaient été autorisés à s’exprimer au nom des autres. "On est là pour défendre notre honneur" car "la SNCF a profité de nous", a dit l’un deux, ému aux larmes en évoquant le moment où il a découvert le montant de sa retraite, inférieure à celle de ses collègues français.

"On travaillait comme des moutons" et "j’ai baissé la tête parce que j’avais une famille sur le dos", a expliqué un autre.

La plupart ont connu le même parcours, recrutés directement au Maroc par la SNCF dans les années 70.

En manque de main d’oeuvre, la SNCF a pu alors embaucher à grande échelle pendant plusieurs années en vertu d’une convention signée en 1963 entre la France et le royaume fraichement indépendant. Environ 2.000 recrues marocaines ont été recensées par l’association des Chibanis.

Les sélections et visites médicales étaient organisées surtout dans les régions qui avaient fourni des hommes vaillants lors de la seconde guerre mondiale. Leur contrat signé à l’Office national de l’immigration à Casablanca, beaucoup sont arrivés à la gare d’Austerlitz à Paris, après quatre jours de bateau et train, "un voyage inoubliable avec neuf autres Marocains" pour Abdelghani Azhari, envoyé ensuite à la gare de triage d’Achères, en banlieue parisienne.

"On calait les wagons. C’était dur l’hiver de faire l’attelage des trains de 700 mètres mais quand il fait chaud c’est pire", avait-il témoigné à l’AFP en 2015. Logés dans un foyer préfabriqué, "on était des cheminots aptes à tout, disponibles à Noël".

"On roulait en 3x8 mais on ne craignait pas le travail. On était jeunes et forts. On nous avait triés sur le volet", se rappelle également Abdel (prénom modifié), débauché d’un village minier de l’Atlas pour atterrir lui aussi en banlieue de Paris, à Villeneuve-Saint-Georges.

Agent "de mouvement", "reconnaisseur", "aiguilleur", "au charbon" ou "au graissage", il a enchaîné les postes. "On a fait le même boulot mais on n’avait pas les mêmes avantages que les collègues français pour la retraite, la médecine ou les jours de carence", poursuit ce Franco-marocain resté contractuel de droit privé. Après sa naturalisation, il était "trop vieux" pour décrocher le "statut" particulier des cheminots.

"Frustré", il se plaint d’avoir été plusieurs fois refoulé à des examens internes, "attend qu’on (lui) explique les raisons de ce gâchis, pourquoi j’ai été bloqué alors que les collègues pouvaient évoluer".

Une partie des cheminots marocains ont raccroché à 55 ans, "usés". "Je n’en pouvais plus, j’étais blessé des pieds à la tête alors je suis parti en 2010 quand ils m’ont proposé une prime de 16.000 euros", confie Aziz (prénom modifié), entré en 1974. Il dit avoir eu "un grand choc" en découvrant le montant de sa retraite de base : "1.004 euros".

Lors de l’examen en appel du dossier, la DRH de SNCF Mobilités a présenté à tous ses anciens salariés son "plus profond respect" et sa "reconnaissance" mais a nié les avoir "traités de façon différente".

"Des situations de discrimination pourront être retenues par votre cour", avait au contraire estimé l’avocat général. Le jugement est attendu mercredi 31 janvier à 13h30.


Les "Chibanis" marocains, discriminés, font plier la SNCF en appel

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30 janvier 2018

Assawra

Victoire en appel à Paris le 31 janvier 2018 des "Chibanis" marocains contre la SNCF (afp)

Les cheminots marocains de la SNCF ont "gagné" après un long combat : la cour d’appel de Paris a condamné mercredi la compagnie ferroviaire dans l’affaire des 848 "Chibanis" qui la poursuivaient pour discrimination.

Il était impossible dans l’immédiat de connaître le montant total des dommages et intérêts, ni même le nombre précis de cas de discriminations reconnues. En première instance, la SNCF avait été condamnée à plus de 170 millions de dommages et intérêts.

La centaine de Chibanis ("cheveux blancs" en arabe) présents mercredi à la cour d’appel ont attendu une heure, dans une ambiance grave et joyeuse à la fois, pendant que les avocats consultaient une partie des arrêts rendus.

Puis leur avocate est sortie, les bras en l’air et émue aux larmes, pour annoncer que c’était "gagné", avant d’être portée en triomphe.

"Il y a eu aujourd’hui la confirmation des condamnations (pour discrimination) obtenues en première instance en matière de carrière et de retraite et nous avons obtenu en plus des dommages et intérêts pour préjudice moral" et pour "préjudice de formation", a déclaré Clélie de Lesquen-Jonas, sous les vivas et les sifflets.

"C’est un grand soulagement, une grande satisfaction", a-t-elle commenté. Après moult renvois et plus de douze ans de procédure pour certains, la quasi-totalité des plaignants avaient obtenu gain de cause devant les Prud’hommes en septembre 2015. Mais l’entreprise avait fait appel de cette décision.

Dans une déclaration à l’AFP, la SNCF a dit "prend(re) acte" de la décision rendue mercredi.

Ses avocats vont "étudier les décisions prises par la Cour d’appel pour chacun des 848 dossiers" et "à l’issue de cette analyse, SNCF Mobilités se réserve le droit d’un éventuel pourvoi en cassation", a-t-elle précisé.

Les cheminots, marocains pour la plupart (la moitié ont été naturalisés), ont été embauchés entre 1970 et 1983 par la SNCF, majoritairement comme contractuels, et n’ont pas bénéficié du "statut" plus avantageux des cheminots, réservé aux ressortissants européens, sous condition d’âge.

Des "contractuels sont partis (en retraite) à 65 ans, alors que les cadres permanents sont partis à 55 ans", a ainsi expliqué à l’AFP Brahim Ydir, un des plaignants. "On a travaillé dix ans de plus" qu’eux avec des salaires inférieurs, sans avoir "le droit de monter les grades" ni d’avoir accès "aux soins gratuits", a-t-il dit.

La décision de la cour d’appel est une "reconnaissance" des discriminations subies, cela "nous soulage un peu, mais la blessure est profonde", a réagi un autre plaignant, Ahmed Mikali, saluant une justice qui "a bien fonctionné dans ce cas".

Tout au long de la procédure, le groupe public ferroviaire a nié une "quelconque politique discriminatoire à l’encontre des travailleurs marocains", estimant avoir constamment "veillé à l’égalité de traitement de tous ses agents dans l’environnement réglementaire décidé par les pouvoirs publics".

Ces salariés "sans qualification" n’avaient "qu’une très faible chance, y compris s’ils avaient bénéficié des règles statutaires, d’arriver à une position cadre", avaient plaidé les avocats de la SNCF devant la cour d’appel.

Ce n’est pas l’avis du Défenseur des droits qui avait pointé, par la voix de son représentant, une discrimination "organisée, statutaire" qui n’est pas sans lien avec "notre histoire coloniale".

Les parties s’étaient également opposées sur le montant des éventuels dommages et intérêts.

Les Chibanis ont demandé 628 millions d’euros en tout pour différents préjudices (carrière, retraite, formation, d’accès aux soins, santé, etc.), soit "700.000 euros par demandeur", selon la SNCF qui juge ces chiffres "exorbitants".

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