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France - 22 mai 2018 - 101 lycéens et grévistes placés 48h en garde à vue

jeudi 24 mai 2018, par anonyme (Date de rédaction antérieure : 24 mai 2018).

#Arago - 101 lycéens et grévistes placés 48h en garde à vue

https://lundi.am/Arago-101-lyceens-…

Paru dans lundimatin#146, le 24 mai 2018

Le message gouvernemental est clair : ceux qui refusent d’être évalués, sélectionnés et triés par des algorithmes, le seront par la police.

Mardi 22 mai 2018, alors que la manifestation parisienne se termine, une centaine de lycéens et de grévistes pénètrent dans le lycée Arago (XIIe arrondissement). Le scandale #parcourssup a déjà commencé. Sur place une armada policière cerne l’assemblée générale qui n’a pas encore commencée et interpelle 101 personnes. Après avoir passé deux nuits en garde à vue ils devraient être présentés à la justice ce jeudi.

[MàJ (12h00) : Selon nos informations la grande majorité des gardés à vue s’apprête à être présentée au procureur de la République pour un rappel à la loi.]

Alors que tous les lycéens du pays apprennent à leur dépens ce que signifie la sélection et le tri du capital humain, et que le scandale de Parcoursup donne des sueurs froides à des dizaines de milliers de parents, le gouvernement semble décidé à réprimer dans l’œuf toute contestation.

Pour le moment, les informations sont parcellaires et éparpillées sur les réseaux sociaux.

Mathilde Larrere, enseignante, s’est rendue au rassemblement organisée devant le lycée le lendemain, elle raconte :

« Je suis allé au rassemblement en soutien aux gamins interpellés, ils seraient une soixantaine, dont un très grand nombre de mineurs. Ils sont élèves à Arago, Condorcet (Montreuil), Voltaire, etc. Ils sont rentrés dans le lycée Arago pour tenir une assemblée générale. La proviseure a appelé la police qui est alors entrée dans l’établissement. Les élèves ont été pressés, tous fouillés, palpés plusieurs fois. Une gamine a fait une crise d’angoisse, les pompiers ont donc été appelés et ont dû arracher à la police le droit d’entrer dans l’établissement. La mère a été appelée mais la police a refusé de la faire entrer. Finalement les pompiers sont parvenus à la faire rentrer puis la gamine a été évacuée en ambulance : c’est la seule qui n’ait pas été interpellée. Elle a pris la parole en larme lors du rassemblement, inquiète pour ses copains les autres gamins emmenés dans des bus. Certains ont 15 ans, ils sont restés dans ces bus plus de 4 h, sans eau, sans accès au toilettes, sans pouvoir voir d’avocat et sans pouvoir appeler leur parents. Certains parents ont écumé les commissariats toute la nuit à la recherche de leur progéniture. Lors du rassemblement de soutien, soit 24h après leur arrestation, certains parents ne savaient toujours pas où leur enfant était gardé à vue. »

Sur twitter, un parent élu FCPE évoque des ordres venant de « beaucoup plus haut ».

Rappelons que la décision de placer ou non une personne en garde à vue appartient à la police, soumise au ministère de l’Intérieur et pas au parquet qui se contente de décider de maintenir ou prolonger (ce qu’il a fait) la mesure de privation de liberté. Précisons que de nombreux interpelés sont mineurs et qu’il est très rare qu’ils subissent 48 heures de garde à vue.

Mais par-delà le message politique envoyé à la jeunesse, que reproche-t-on au juste à ces lycéens et quelle infraction peut justifier des arrestations en masse de ce type ?

Selon des avocats que nous avons contactés, les charges retenues seraient : « Intrusion dans un établissement scolaire » et « participation à un groupement en vue de de commette des violences ou des dégradations ».

Sur ce dernier délit, notre juriste avait, dans un article du 13 juin, anticipé l’usage de cette loi contre les manifestants :

Délit de participation à un groupement violent ou comment manifester est devenu un délit

La centaine d’élèves étant toujours en garde à vue ce matin, il est pour le moment impossible de connaître en détail les suites judiciaires que connaîtra cette incroyable opération policière. Le site Paris-luttes.info évoque 73 comparutions aujourd’hui, probablement devant le procureur, 5 comparutions immédiates, 5 autres remises en liberté sans charge et une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.

Le message gouvernemental est clair : ceux qui refusent d’être évalués, sélectionnés et triés par des algorithmes, le seront par la police. Les lycéens l’entendront-ils de cette oreille ?

Alors que nous terminions la rédaction de cet article, on nous signale qu’un journaliste serait lui aussi parmi les gardés à vue. Lire le communiqué de La Meute ci-dessous :


COMMUNIQUÉ DU COLLECTIF DE PHOTOGRAPHES LAMEUTE SUITE AUX ARRESTATIONS DU 22 MAI

https://www.facebook.com/notes/lame…

LaMeute

Mercredi 23 mai 2018

« Se mobiliser est devenu un crime, en témoigner fait maintenant de nous des complices »

La manifestation du 22 mai 2018 à Paris s’est retrouvée marquée par l’arrestation de 24 personnes, après une série de gazages, de matraquages et de violences policières inouïes et démesurées. Des arrestations prenant pour cibles principalement des jeunes, étudiant.es, lycéen.nes, qui n’avaient souvent pour seul tort que celui d’être là, et d’avoir de quoi se protéger des gaz. 101 personnes supplémentaires furent arrêtées à l’occasion de l’occupation du Lycée Arago à la fin de la manifestation. La quasi-totalité de ces personnes ont été placées en garde-à-vue, et on demeure au moment de la rédaction de ce communiqué sans grandes nouvelles d’une bonne partie d’entre elles.

Parmi ces arrêté.es, des photographes dont Stuv, membre de notre collectif.

Depuis l’hiver, et plus profondément encore depuis le 22 mars 2018, le gouvernement s’est empêtré dans un mouvement de convergence des contestations sociales. Mouvement que nous avons jusqu’ici couvert, dès octobre 2017 avec les premières manifestations étudiantes contre la sélection, ou depuis mars 2018 avec la mobilisation cheminote. Des mobilisations au cours desquelles nous avons dû assister à des scènes de violences contrastant sans équivoque à celles dépeintes quotidiennement par les autorités. Des violences policières systématisées, répressives, vouées à un étouffement total de la contestation ; droit fondamental parmi les droits fondamentaux. L’emploi systématique de gaz CS (dont la dangerosité chimique est supposée par les Street Medics), les grenadages et matraquages non-réglementaires au niveau du visage, la rétention systématisée de foules entières pendant plusieurs heures, l’arrestation arbitraire de manifestant.es, les contrôles au faciès aux abords des manifestations, les vices de procédures lors des garde-à-vue, l’omniprésence policière lors des défilés voulus et affichés comme pacifiques, la dissimulation des matricules des agents de police empêchant de fait tout recours judiciaire… Telle est la liste non-exhaustive des contraintes à la prétendue « liberté d’expression », enjeu politique et cheval de guerre des factions de gauche comme de droite depuis 2015. Car, sur une temporalité restreinte, c’est à la mise en place de l’état d’urgence pendant près de deux ans puis l’inscription de certaines de ses mesures répressives dans le droit commun qu’il faut imputer la dégradation actuelle du droit de manifester.

Il n’y a personne en France, en 2018, qui ne puisse se vanter d’avoir manifesté récemment sans avoir eu le goût âpre et brûlant en bouche des gaz lacrymogènes. La « Génération Macron » est une « Génération CS », et nous, photographes, en sommes les témoins. Car dans un pays où l’on envoie la Brigade Anti-Criminalité (BAC) encadrer des manifestations syndicales, un seul constat semble s’imposer, lourd de toute sa gravité : se mobiliser est devenu un crime, en témoigner fait maintenant de nous des complices. Sans aucune comparaison possible tant le degré de violence à l’encontre des manifestant.es est élevé, les Journalistes Reporters d’Images (JRI), spécialement les indépendant.es, sont victimes d’une intimidation policière systématisée. Contrôles d’identité, confiscation de matériel de protection (ce qui empêche par exemple de montrer ce qui se passe sous les épais nuages de gaz), insultes infondées… C’est le lot quotidien de celles et ceux qui cherchent à montrer ce qui se passe dans les rues. Et si les forces de l’ordre sont capables d’infliger de telles entraves au travail de celles et ceux qui témoignent, que déduire alors de ce qui est infligé à celles et ceux qui luttent ? La liberté d’expression est indissociable de la liberté de la presse, et l’une sans l’autre est incomplète. Il n’y a pas de liberté d’expression là où les journalistes sont muselé.es. Il n’y a pas de liberté de la presse quand la contestation y est absente. En France, et ce depuis 1881, la profession de journaliste n’est pas règlementée, dans le but initial de garantir sa liberté. Pas donc besoin de « carte de presse » (dont ne disposent que 50% des photographes de presse, via leur activité salariale principalement), il n’y a dès lors rien qui ne puisse justifier cette garde-à-vue de Stuv.

Prenant acte de tout ce qui a été énoncé, et au regard de ce dont nous avons été témoins jusqu’ici, nous affirmons notre soutien à tou.tes les interpellé.es du 22 mai, et condamnons le caractère arbitraire et souvent injustifié de ces interpellations. Nous y voyons une dérive autoritariste toujours plus alarmante d’un gouvernement qui se refuse à prendre en compte la contestation sociale à son encontre, étendant aux journalistes la violence déjà bien installée envers les manifestant.es. La répression ne saura apparaître comme autre chose qu’un aveu de faiblesse de la part du gouvernement, et nous poussera toujours plus à réaliser notre travail d’information.

Libérez-les !

Libérez Stuv !

Le Collectif LaMeute Photographie

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