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Erysichton, le nom (difficile à prononcer) de celui qui se mange lui-même

lundi 2 juillet 2018, par anonyme (Date de rédaction antérieure : 2 juillet 2018).

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Les inspirateurs du « Nouveau Siècle Américain » et les exécutants de ce projet, ont fait des prévisions selon un modèle économétrique et social où les variables sont considérées indépendantes entre elles et où la réalité résulterait de combinaisons linéaires de quelques causes mesurables. Leur ingénierie sociale a montré ses limites depuis le début du nouveau millénaire. L’exportation des escadrons de la mort, mis en place en Amérique centrale et latine au 20e siècle qui ont bien fonctionné pendant des décennies, puis élargis au monde islamique sous la forme d’unités mercenaires peinturlurées aux couleurs d’un néo-Islam criminel n’a pas eu les résultats escomptés dans l’Orient arabe.

Les gains aisés du secteur bancaire dans la fabrication des dettes ont fini par dominer le paysage, villes industrielles devenues jachères désolées, classe ouvrière lumpénisée et disparition de fait de la classe moyenne en faveur d’un précariat parfois hautement diplômé, au travail instable et incapable d’assurer à ses enfants à la fois logement décent, sécurité alimentaire, scolarité et soins médicaux. Les Usa sont entrés dans une phase de lente agonie et chaque remède appliqué à ses manifestations semble avoir des effets qui l’accélèrent.

Autophagie, un exemple parmi d’autres.

Une analyse utilisant les statistiques de Medicare et la cartographie électorale des comtés en 2016 a montré le recouvrement des régions étasuniennes qui ont voté majoritairement pour Trump avec celles où la consommation des opioïdes délivrés sur prescription médicale est la plus importante.(1) La forte corrélation constatée ne prétend pas établir un lien de causalité. Les auteurs soulignent cependant que les usagers des pain-killers dont l’indication première est la visée antalgique, sont souvent ceux de drogues illicites. Là où la prescription des antalgiques opioïdes est supérieure à la moyenne nationale, le vote pour Trump atteint les 60%, mais là où elle reste en dessous de la moyenne nationale, il ne dépasse pas les 39%. Les facteurs socio-économiques, taux de chômage revenu moyen, ruralité, niveau éducationnel et fréquentation des services religieux ont été évalués comme paramètres déterminant le choix d’un Président atypique. De façon surprenante, ils ne sont que partiellement corrélés avec le vote Trump, soit 66%, loin du très fort chevauchement vote pour Trump et usage d’opioïdes. Ainsi, il ne suffit pas d’être « déplorable » pour espérer un changement social rapide promis par un acteur rompu aux spectacles de téléréalité, il faut une (ou des) caractéristique sociale ou psychologique particulière, celle qui induit une consommation chronique d’opioïdes. Le choix porté sur des promesses intenables d’un changement rapide dans un environnement social déprimé est le même qui fait adopter l’effet apaisant immédiat des opioïdes sur des douleurs réelles ou imaginaires et installer une pharmacodépendance. On sait le désastre (2) produit aux USA par la banalisation de la prescription sans restriction temporelle des opioïdes, 2,4 millions de dépendants, 90 morts par jour par overdose, plus que les accidents de la voie publique et les homicides réunis. La publicité forcenée développée auprès des médecins par les fabricants n’est que l’un des agents de cette pandémie qui ne doit pas occulter le lobbying auprès des politiques et les financements des campagnes électorales. En effet, un tel laxisme de la part de la FDA et des autorités sanitaires pour une pratique onéreuse en santé publique a largement été facilité. La décision de la Cour Suprême de 2010 de déplafonner les contributions des entreprises et des syndicats pour les partis et campagnes électorales et de les rendre anonymes (au nom de la liberté-) est venue conforter le lobbying déjà fort répandu.(3) On ne saura sans doute jamais ce qu’a injecté la famille Sackler, fondatrice de Purdue Pharma, le laboratoire qui a mis sur le marché l’Oxycontin® en 1995, dans la campagne pour les Démocrates.

Le paradoxe n’est qu’apparent. Les zones où la zombification par les opioïdes est la plus prononcée ont opté pour un exécutif qui se proposait de détruire la généralisation de leur remboursement par l’extension de la couverture de l’assurance maladie. Une variable non prédite vient contredire les prévisions des ingénieurs d’une paix sociale obtenue par des drogues licites. Dans la vie réelle, un système incapable de s’autolimiter finit par induire des mécanismes d’autophagie, il se dévore lui-même.

La Californie,

Si tu as faim mange une main

Et garde l’autre pour demain.

A peine un peu plus d’un siècle après l’annexion de la Californie* arrachée au Mexique après une guerre de deux ans soutenue par les Démocrates en 1848, cet Etat, le plus peuplé et le plus riche des Usa redevient majoritairement hispanique.(4) Son développement exceptionnel est lié d’abord à ses ressources naturelles, en tout premier lieu minières, l’or surtout, puis les hydrocarbures. Le Mexique a fourni une main-d’œuvre bon marché, apport considérable pour le développement de l’agriculture puis de l’industrie. Les bases intrinsèques qui ont fait la fortune de la Californie sont donc intimement liées à la fièvre de l’or qui a motivé les Conquistadors espagnols poursuivie jusqu’au 19e siècle mais qui n’a abouti à la découverte de zones aurifères que très peu de temps après l’annexion nord-américaine. Son essor industriel a été dopé par les commandes de l’Etat fédéral dans l’armement. Les industries de pointe, l’industrie culturelle, l’électronique et l’investissement des capitaux à risque sont secondaires.

La transformation du Mexique en territoire dominé et quasiment gouverné par les cartels de la drogue date des années 80 quand la CIA a choisi la ‘cocaïne contre le marxisme’.(5) En contrôlant le transit et les débouchés des narcotrafiquants, les agences de renseignement étasuniennes ont fait plus que financer la contre-révolution en Amérique centrale et latine. Elles ont été l’élément régulateur des flux de stupéfiants qui ont détruit les populations des banlieues, l’épidémie de crack avec 100 000 overdoses recensées dans les hôpitaux américains en 1987 a explosé car la matière première parvenait de manière illimitée grâce aux bons soins de la CIA (6). L’instauration de régimes faillis aux confins des Usa, aux mains de trafiquants qui corrompent tout le tissu social et en même temps le stabilisent par des mesures de redistribution en est le troisième bénéfice. Des seigneurs locaux régissent et tiennent sous leur coupe des régions entières, ils ne peuvent concevoir de politique nationale souveraine et sont faciles à abattre ou destituer en faveur d’autres collaborateurs.

Enfin, le blanchiment d’argent issu du trafic illégal de la drogue constitue un apport non négligeable pour les grosses banques internationales, les anglo-saxonnes en premier. 670 milliards de dollars au moins ont transité par HSBC Mexique entre 2006 et 2010 sans encombres, une légère amende au terme d’un procès où HSBC a plaidé coupable. Ce genre de pratique est régulièrement usité par les autres institutions financières qui n’ont pas de raisons de bouder pas l’arrivée d’argent frais (et sale). Partie prenante de ce trafic, les agences de renseignement étasuniennes se sont progressivement constituées des réserves financières considérables au point d’être devenues acteurs dans les placements de fonds. Agents économiques, elles sont aussi un agent politique à part entière, les tiraillements de la politique étrangère étasunienne témoignent de leur autonomie non négligeable. Cela fait bientôt deux ans que Trump a été élu, la machinerie Russiagate, sur fond de rivalités entre agences, continue son long travail d’autophagie. Le procureur chargé de l’enquête est un ancien patron du FBI (8). Il ne s’agit pas moins de démontrer que l’actuel Président des Usa a été élu grâce à une ingérence étrangère et donc est en intelligence avec ‘l’ennemi’.

Les villes de Californie sont devenues trop chères pour ses habitants qui la fuient et sans l’afflux d’une immigration étrangère, la légale, hautement diplômée, jeune, le solde migratoire eût été négatif.(8) Certains restaurants fonctionnent sans serveur, la préparation et le service sont assurés par des robots, avec un salaire de 30 000 dollars par an, un travailleur ne peut s’offrir un logement à San Francisco (9). Les métiers de bouche mais surtout l’agriculture intensive, la première des Usa, souffre d’un manque de main d’œuvre chronique (10) car la traversée de la frontière mexicaine par les illégaux est devenue de plus en plus difficile au cours de la décennie précédente. Pas d’illégaux et les fruits pourriront in situ. Pas de visas H1B1 et la Silicon Valley sera privée des éléments humains nécessaires à nourrir ses startups. Les décisions de Trump concernant l’immigration sont « populistes », démagogiques, au sens qu’elles ne sont pas réalisables mais satisfont un courant de l’opinion. Ce sont des juges fédéraux californiens (11) qui les ont contestées le plus efficacement. Peu après l’élection de Trump, de nombreuses voix se sont élevées pour promouvoir la sécession d’un Etat plus peuplé que la Pologne et plus riche que la France, un véritable Calexit, soutenu par des patrons de la Silicon Valley. (12)

Los Angeles, San Francisco, Las Vegas sont des villes hispaniques, leur recouvrement par un vernis nord-européen n’aura été que provisoire, elles retournent progressivement à leur langue, catholicisme et ethnicité d’origine. L’instauration d’un Mur qui empêcherait l’arrivée de migrants clandestins semble être un rêve chimérique, l’entité californienne séparée du grand corps mexicain est un pur artifice, résultat d’une légère supériorité du mousquet fabriqué aux Usa sur l’ancienne arme datant des guerres napoléoniennes employée par l’armée de la toute récente République du Mexique en 1846-1848. A trop vouloir marquer la frontière à son Sud, les Usa prennent le risque de voir se détacher d’eux la sixième puissance économique plus proche de Mexico que de Washington. Trop préoccupés à fomenter une révolution colorée en Iran, les services étasuniens vont peut-être être moins efficaces à empêcher l’élection de AMLO. Le candidat Andres Manuel Lopes Obrador, à la tête du mouvement de régénération nationale et dans une alliance avec le Parti du Travail et celui de la Rencontre sociale risque d’emporter la victoire pour la présidence du Mexique. Il refuse de se déclarer en guerre ouverte avec les cartels des narcotiques (13) et ne compte en aucune manière coopérer avec la politique répressive des Usa vis-à-vis de l’immigration clandestine. (14)

Plutôt qu’un collapsus brutal, un processus de lente autophagie.

Toute tentative de s’attaquer à un effet de la mondialisation que les Usa ont orchestrée pour étendre leur puissance hégémonique se retourne contre eux.

* Harley Davidson a menacé de délocaliser sa production hors des Usa en cas d’instauration de surtaxes qu’imposeraient les pays importateurs par mesures de réciprocité vis-à-vis le de la politique protectionniste des Usa.

* L’incitation répétée adressée aux membres de l’OTAN en Europe de majorer leurs efforts de contribution financière à cet instrument au service des seuls intérêts étasuniens a conduit l’Allemagne à vouloir développer sa propre capacité militaire (15), voire a abouti à la création d’un embryon de forces militaires propres à l’UE. Le mouvement est net, ce n’est plus l’Allemagne (16) qui est l’épicentre de la présence de l’Us Army en Europe, de plus en plus il se déplace en Pologne. (17)

* La Turquie représente le paradigme des occasions autophagiques. Enrôlée dans la guerre contre la Syrie, elle alimente vaillamment en armes et mercenaires les ‘rebelles’ syriens, en fait le plus souvent étrangers, venus en nombre chercher une aventure rémunérée ou exaltante profitant de la frontière généreusement ouverte par les douaniers turcs. Ses partenaires de l’OTAN encouragent la création d’un Kurdistan sur des zones où la population n’a jamais été majoritairement kurde au nord de la Syrie, sans égard au risque encouru d’un foyer autonome militarisé contre la souveraineté d’Ankara. Erdogan estime de peu de poids la récompense offerte en contrepartie de sa déstabilisation par un front kurde, le pétrole volé à la Syrie et l’Irak par les takfiristes et qui transite par son territoire. La tentative de coup d’Etat en juillet 2016 emporte le basculement vers une alliance avec une Russie un peu plus fiable dans ses engagements. Membre observateur de l’organisation de Coopération de Shanghaï, la Turquie va acquérir les S 400 russes et se passer des F35 tellement furtifs qu’ils en sont devenus immatériels.

* L’Arabie aux mains des Séoud s’est engagée dans une guerre ingagnable avec le Yémen. La Malaisie quitte la coalition qui est en train de créer le plus grand génocide du siècle, faire mourir d’inanition 28 millions de Yéménites. Elle utilise l’armement acheté auprès du parrain étasunien et paie très cher ses mercenaires essentiellement venus d’Amérique Latine, persuadée d’être en danger de mort si une démocratie s’installait à son extrémité. L’Etat s’est endetté et ne peut plus investir autant que par le passé dans les bons du Trésor étasunien. Elle s’en débarrasse avec plus ou moins de discrétion (18) et, réaliste, s’entend avec la Russie pour le maintien d’une réduction de l’offre pétrolière et maintenir le pétrole à un prix qui la sorte de sa détresse budgétaire. En termes strictement économiques, la possibilité de conduire une automobile, et de travailler pour les femmes du royaume équivaut à l’arrivée sur le marché du travail de millions de travailleurs qualifiés indigènes (à bas prix car ce sont des femmes, même processus que dans le monde occidental) et à rendre superflue l’armée des travailleurs étrangers qui consomment assez peu localement. Autrement dit, vendre autant d’armements et le faire utiliser assèche la pompe vitale qui alimente le Trésor étasuniens de pétrodollars tout frais.

La liste est fort longue.

Mais revenons à des récits sapientiaux.

Ceux que des générations d’humains ont élaboré pour dispenser des enseignements aux nouvelles générations qui doivent les admettre comme vérités avant d’en découvrir les démonstrations au cours de leur vie.

Son nom est imprononçable, « celui qui fend la terre » ou Erysichton. Il fut puni par la déesse de la terre, Déméter, pour avoir abattu un arbre sacré habité par une nymphe. Ni les compagnons de ce prince ni la prêtresse dépêchée auprès de lui n’ont réussi à le dissuader de voir la couronne de feuilles toucher terre. Un terrible châtiment le frappa pour l’acte sacrilège commis, la mort d’un arbre et de la dryade qu’il abritait, une Faim insatiable l’a habité. Une fois épuisées les ressources disponibles autour de lui, il finira par se manger lui-même.

La fatuité et l’arrogance finissent par faire se dévorer par lui-même l’impie qui croit son pouvoir illimité. Rattaché au cycle de l’agriculture, ce mythe soutient que cette activité humaine, toute nécessaire qu’elle est, et son préalable, le défrichement, doit se faire dans le respect de certaines règles qui visent à préserver la ressource première de dégradations intempestives et irréversibles. La patience manifestée par la Chine, la Russie et quelques autres États régulièrement sermonnés, menacés, provoqués par Washington est peut-être due à ce constat : puisque l’agresseur est autophage, pourquoi croiser le fer avec lui plus que de raison, il suffit d’attendre qu’il ait terminé sa besogne. L’oukaze prononcé à l’encontre de l’Iran qui vaut, s’il est appliqué par ses partenaires commerciaux qui se fournissent en hydrocarbures chez lui, une asphyxie économie rapide et fatale, sera-t-il l’estocade finale ?

Badia Benjelloun

30 juin 2018.

Guerre entre le Mexique et les Us : https://fr.wikipedia.org/wiki/Guerr…

(1) https://www.northcountrypublicradio…

(2)http://trends.levif.be/economie/ent…

(3) http://www.dhnet.be/actu/monde/usa-…

(4) http://latinosusa.blog.lemonde.fr/2…

(5) http://lesakerfrancophone.fr/un-anc…

(6) https://www.slate.fr/monde/78242/ri…

(7) http://la-chronique-agora.com/hsbc-…

(8) https://www.sfchronicle.com/busines…

(9) http://www.businessinsider.fr/us/sa…

(10) https://www.20minutes.fr/monde/1123…

(11) http://www.liberation.fr/planete/20…

(12) http://www.rfi.fr/ameriques/2017021…

(13) http://www.france24.com/fr/20180628…

(14) https://www.lejdd.fr/international/…

(15 https://www.latribune.fr/entreprise…

(16) http://www.air-cosmos.com/restructu…

(17) http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2…

(18) http://regardsurlafrique.com/larabi…

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