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Le jour où les Etats-Unis ont fait défaut

vendredi 17 août 2018, par anonyme (Date de rédaction antérieure : 17 août 2018).

https://www.letemps.ch/economie/jour-etatsunis-ont-defaut

Emmanuel Garessus
Publié jeudi 16 août 2018 à 10:29
Modifié jeudi 16 août 2018 à 14:04

Le refus par Roosevelt de respecter les engagements des Etats-Unis sur leur dette, en juin 1933, puis sa décision de dévaluer le dollar font l’objet d’un livre de référence. L’épisode pourrait-il se reproduire aujourd’hui ?

Amnésie collective ? Les Américains, pour qui les contrats sont sacrés, ont oublié le moment où leur président a rompu les engagements américains, écrit le professeur Sebastian Edwards, dans American Default – The Untold Story of FDR, the Supreme Court, and the Battle over Gold (Princeton, 252 p., 2018). Les faits sont-ils trop douloureux ? Ils ne sont en tout cas plus enseignés à l’université.

C’est « une histoire fascinante aux leçons éternelles », selon le Financial Times. Même la dette américaine n’est pas sûre, rappelle le journal britannique. Greg Mankiw, auteur du principal manuel d’économie aux Etats-Unis et ancien conseiller à la Maison-Blanche, loue cet ouvrage et estime sur son blog que l’affaire a été très controversée à l’époque et le serait encore aujourd’hui si elle se renouvelait.

Fermeture des banques

Les faits : entre 1929 et 1932, la Grande Dépression s’est traduite par une chute de l’emploi de 50% et une baisse moyenne des salaires de 67%. Lors de son entrée en fonction, le 4 mars 1933, le président Roosevelt (FDR) affronte une crise bancaire si aiguë qu’il doit fermer les banques plusieurs jours (Banking Holiday). Les Etats-Unis subissent toutefois de fortes sorties d’or.

Le 5 avril 1933, le gouvernement oblige les particuliers et les entreprises à vendre leur or à la Fed au prix de 20,67 dollars l’once, sous peine d’amende (jusqu’à 10 000 dollars) et de prison (jusqu’à 10 ans). Le répit n’est que provisoire. Le 20 avril, les Etats-Unis finissent par abandonner l’étalon-or, provoquant une baisse du dollar. L’objectif de FDR est alors d’augmenter les prix, en particulier agricoles, pour enfin sortir le pays de la crise.

Le rôle de la clause or

L’or joue un autre rôle clé. La plupart des contrats de dette, privée et publique, comprenaient une clause or, prévoyant un remboursement en or qui protégeait l’investisseur d’une baisse de la valeur du dollar. Un montant considérable de la dette, 120 milliards de dollars, soit 180% du PIB, était doté de cette clause. Avec la dévaluation du dollar par rapport à l’or, les débiteurs allaient-ils être remboursés en fonction du cours du billet vert ou du métal jaune ? Le 5 juin 1933, le Congrès annule toutes les clauses or des contrats, même passés. Un coup de tonnerre dans un pays réputé pour le respect de ses engagements.

Le 31 janvier 1934, Roosevelt dévalue le dollar de 69% en fixant le cours de l’or à 35 dollars. Immédiatement, les investisseurs au bénéfice d’une clause or font appel jusqu’à la Cour suprême.

FDR a cherché à se justifier en arguant que les épargnants qui avaient acheté des obligations connaissaient les limites de leur protection. En effet, l’or détenu par les Etats-Unis ne dépassait pas 3 à 4 milliards de dollars. Une goutte d’eau face aux montants d’endettement avec clause or.

Violation des contrats

Pour beaucoup d’avocats, de banquiers et de politiciens, la dévaluation du dollar et l’abrogation de la clause or constituaient une « violation des contrats et un transfert majeur de richesse du créancier au débiteur ».

Après de multiples pressions présidentielles, les juges décident le 18 février 1935, par cinq contre quatre, en faveur du gouvernement. S’ils avaient décidé l’inverse, la dette se serait accrue de 69%. La Cour suprême a décidé que l’abrogation de la clause or était anticonstitutionnelle, mais que le plaignant, en l’occurrence John Perry, n’avait pas subi de préjudice en termes de pouvoir d’achat. En somme, il n’y avait pas de conséquence économique à passer cette loi pourtant anticonstitutionnelle. La nouvelle loi n’était pas annulée. FDR pouvait poursuivre sa politique comme si elle était constitutionnelle.

Le principal argument était celui de la « nécessité ». Sans abrogation de la clause or, la dette se serait fortement accrue.

« La Constitution comme beaucoup d’entre nous l’ont comprise et l’instrument qui signifie tant pour nous, est morte », a commenté James Clark McReynolds, l’un des juges minoritaires.

Reprise économique

Mais en annulant la clause or avec effet rétroactif, le fardeau de la dette américaine a chuté. Pour Ben Bernanke et Milton Friedman, c’est cette décision qui a marqué le début de la reprise économique et la fin de la Grande Dépression.

Les Etats-Unis sont perçus comme un pays sûr qui honore ses contrats parce que le défaut de l’époque était « excusable ». Le gouvernement a agi par « nécessité ». Les marchés financiers comprennent que la restructuration de la dette et la dévaluation de 1933 étaient nécessaires pour assurer une reprise économique.

Les événements américains de 1933 à 1935 peuvent se reproduire, selon l’auteur. En cas de nécessité, les gouvernements peuvent restructurer et modifier les contrats. Mais deux facteurs clés ont changé. L’étalon or a disparu, remplacé par les taux de change flottants. Et les problèmes ne sont plus purement domestiques. Si un gouvernement modifie les contrats, une cour internationale risque de devoir prendre une décision.

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