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Quand un ancien ponte de Télérama/Courrier International calomnie DGR sur Reporterre (par Nicolas Casaux)

samedi 9 mars 2019, par Dominique (Date de rédaction antérieure : 9 mars 2019).

Note : DGR est un mouvement naissant en France, et il semble qu’il fasse déjà très peur à nos élites autoproclamées. Pensez-donc, un mouvement d’écologie radicale, anarchiste et anti-civilisation, un mouvement qui prône l’éradication non pas du vivant mais de sa cause, la société industrielle de consommation, d’exploitation et de destruction de masse, ceci par la résistance active. Un mouvement qui prône la construction de sociétés multiples basées sur le local. Un mouvement qui refuse de considérer que l’homme est génétiquement conditionné à être un loup pour l’homme et pour la nature.

Leur site français : http://partage-le.com/

Nous avons eu la surprise de découvrir que le livre Deep Green Resistance : Un mouvement pour sauver la planète (Tome 1), que nous avions envoyé en service de presse à Reporterre, au lieu de faire l’objet d’une note de lecture décente, nous a valu un flot de calomnies déversées par Philippe Thureau-Dangin.

Philippe Thureau-Dangin, ex-président du directoire de Télérama (2008–2011), ex-directeur de la rédaction de Courrier international (1998–2012) — c’est dire si l’on a affaire à un révolutionnaire ou même à un militant écologiste — directeur des éditions Exils, rédacteur en chef de la revue Papiers, n’a — manifestement — pas lu le livre Deep Green Resistance (Tome 1) que nous avons récemment publié aux Éditions LIBRE, ne connaît manifestement pas grand-chose de notre organisation, mais s’est permis d’en parler à Reporterre. Comment expliquer, autrement, que sa chronique colporte autant de mensonges purs et simples, de sophismes et de contresens  ? Par souci de rétablir la vérité, nous nous proposons de les examiner, dans l’ordre où il écrit son papier :

1. Philippe Thureau-Dangin (PTD) semble déterminé à résumer et à réduire Deep Green Resistance à Derrick Jensen. Dans son imagination, DGR sert de « porte-voix » à « la pensée d’un Californien, Derrick Jensen », et le livre Deep Green Resistance, écrit à plus de 95% par Lierre Keith et Aric McBay, devient « le nouveau livre de Jensen ». En réalité, si Deep Green Resistance a été fondée à la suite de la publication de ce livre de Lierre Keith, Aric McBay et Derrick Jensen, elle constitue désormais une organisation rassemblant plusieurs milliers de membres aux États-Unis (et naissante en France). Organisation dont Derrick Jensen — qui était déjà, avant sa création, un auteur à succès aux États-Unis — est un porte-voix, et non l’inverse.

2. On se demande d’où vient la citation suivante que PTD nous prête : « Résoudre problème par problème ou construire des alternatives est inefficace. » J’ai eu beau vérifier dans nos livres, je ne l’ai pas trouvée. Il ne serait pas particulièrement étonnant qu’il l’ait inventée — en effet, nous constatons assez régulièrement[1] que la fabrication d’information est monnaie courante dans le milieu des médias marchands, dont PTD est issu. [P.-S. : entretemps, l’article de PTD a été modifié, les guillemets ont été retirées et cette phrase est désormais présentée comme un résumé d’un de nos postulats.]

3. Selon PTD, « Jensen et ses compagnons » affirmeraient que « notre espèce est « intrinsèquement meurtrière » » et que « 200 espèces animales disparaissent chaque jour ». Deux mensonges en si peu de mots. PTD bat des records. D’abord parce que « Derrick Jensen et ses compagnons » sont précisément de ceux qui combattent l’essentialisation du caractère destructeur de l’espèce humaine, qui s’efforcent au contraire de rappeler que « notre espèce » n’a rien d’intrinsèquement nuisible, que les problèmes socioécologiques actuels sont le résultat d’une culture toxique, d’un système socioéconomique qui, lui, est intrinsèquement destructeur. Aucun membre de DGR n’a jamais écrit de notre espèce qu’elle serait « intrinsèquement meurtrière », et pourtant PTD place cette expression entre guillemets. On rappellera d’ailleurs qu’Ana Minski et moi-même avons écrit un article pour Reporterre visant explicitement à récuser l’affirmation selon laquelle notre espèce serait intrinsèquement destructrice. Joli contresens, cher PTD. Et ensuite parce que ce ne sont pas « 200 espèces animales » qui disparaissent chaque jour, mais 200 espèces animales et végétales confondues (c’est d’ailleurs une estimation de l’ONU[2], pas de Derrick Jensen, ni de « Jensen et ses compagnons »).

4. Contrairement à ce qu’affirme PTD, DGR ne dit pas qu’il est « inutile d’organiser des manifestations ou des actions symboliques ». Il est clairement formulé, par exemple dans le Tome 1 du livre Deep Green Resistance, que les manifestations et autres actions symboliques sont et seront toujours hautement insuffisantes. En revanche, il n’est pas affirmé qu’il est inutile d’en organiser. Nous avons besoin de tout.

5. Selon PTD, toujours, DGR affirmerait que « les obstructions et occupations de lieux stratégiques ne sont pas conseillées, car les forces publiques peuvent facilement circonvenir les militants et les réprimer ». Dommage, encore raté. Les obstructions et occupations de lieux stratégiques sont hautement conseillées (Cf. le tableau « Une taxonomie de l’action », p.285 du Tome 1 de Deep Green Resistance).

6. Contrairement à ce qu’écrit PTD, l’idée de « cibler […] les centrales nucléaires » n’est jamais ne serait-ce que suggérée, ni dans le livre Deep Green Resistance, ni ailleurs par « Jensen et ses compagnons ».

7. Enfin, PTD suggère que DGR encouragerait peut-être le recours à la « violence contre les personnes ». Faux. DGR déconseille le recours à « la violence contre les personnes », pour plusieurs raisons, notamment éthiques, mais aussi, par exemple, parce que « la plupart de ceux qui siègent au gouvernement et dans les entreprises sont des fonctionnaires interchangeables, au rôle standardisé. Ils sont donc facilement remplaçables. »

*

S’étonnera-t-on qu’un ancien ponte de Télérama et Courrier International juge les perspectives de DGR « trop radicales »  ? Évidemment pas. La chose la plus radicale qu’il ait dû connaitre au cours de sa brillante carrière aura probablement été de perdre un zéro sur son chèque de fin de mois, après avoir quitté les deux grands périodiques.

Et s’étonnera-t-on qu’un ancien ponte de Télérama et Courrier International estime que « la non-violence a eu raison du colonialisme britannique en Inde et a largement contribué à la chute du bloc soviétique » — suggérant ainsi que le recours à « la violence » est inutile puisque la non-violence est suffisamment efficace, et justifiant ainsi son jugement de DGR  ? Évidemment pas. Rappelons, pour commencer, que la violente révolution roumaine de 1989 aura fait plus de 1 000 morts, que l’effondrement du bloc soviétique n’a pas été entièrement pacifique, et qu’il n’a pas non plus constitué une véritable victoire en ce qui concerne les enjeux auxquels nous faisons face aujourd’hui. Pour que PTD approfondisse ses réflexions sur le sujet, nous pourrions lui offrir le livre Comment la non-violence protège l’État de Peter Gelderloos, que nous avons récemment publié aux éditions LIBRE, et dans lequel les principaux mythes sur lesquels s’appuient les disciples de la non-violence sont examinés et infirmés, comme l’idée selon laquelle l’indépendance de l’Inde aurait été acquise pacifiquement (ou l’idée selon laquelle l’Inde serait réellement devenue indépendante, selon laquelle la vision de Gandhi aurait triomphé quand, en réalité, c’est tout l’inverse qu’il s’est produit). Ou nous pourrions lui offrir L’échec de la non-violence, l’avant-dernier livre de Peter Gelderloos, qui fait suite à Comment la non-violence protège l’État, et que nous allons bientôt publier — aux éditions Libre, toujours. Mais si c’est pour qu’il en tire autant de contresens, ça n’en vaut pas la peine. Philippe Thureau-Dangin, et Reporterre à travers lui, se retrouvent à jouer le jeu des Éric Dénécé — l’auteur d’Écoterrorisme. Altermondialisme, écologie, animalisme – de la contestation à la violence, et directeur du Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R), qui diabolise les militants écologistes dans les médias de masse en les présentant, par une formidable inversion de réalité, comme une terrible menace pour toutes et tous et tout. Quel dommage.

Pour terminer, une précision importante : le paragraphe introductif de son article, selon lequel DGR inciterait à agir « selon des modalités écartant la non-violence et le pacifisme », colporte une importante distorsion de la perspective de notre organisation. Ainsi que Lierre Keith l’écrit :

« Il est normal, lorsqu’on se préoccupe de justice, de rejeter la violence  ; beaucoup d’entre nous qui en ont souffert mais ont survécu ne connaissent que trop bien les justifications psychologiques des hommes qui en abusent. Quelles que soient nos expériences personnelles, nous pouvons tous constater que l’inexorable violence de l’impérialisme, du racisme et de la misogynie a engendré des destructions et des traumatismes inutiles tout au long de ces derniers millénaires. Ce n’est pas sans raison qu’un grand nombre de personnes sensées adoptent une éthique de la non-violence. […]

Je suis née en 1964, la même année que la loi sur les droits civiques, et vingt-cinq ans plus tard, j’ai suivi la chute du mur de Berlin à la télévision : voilà deux événements montrant que la non-violence est une forme efficace de résistance, mais pour que sa portée soit étendue, il convient d’en maîtriser le sens.

L’ouvrage La Lutte nonviolente de Gene Sharp, le plus grand spécialiste de l’action non violente, devrait être obligatoirement lu par tous les activistes, car il constitue une source d’informations fondamentales sur la nature de la lutte politique. »

En effet, ni DGR, ni Lierre Keith, ni « Jensen et ses compagnons » n’affirment que la non-violence est à écarter. Au contraire, nous reconnaissons pleinement et affirmons qu’elle est utile, qu’elle peut être efficace, et qu’elle a sa place parmi les méthodes de lutte auxquelles les mouvements de résistance peuvent recourir. Nous affirmons en revanche qu’elle ne saurait suffire, et que d’autres méthodes, que d’aucuns qualifieront de « violentes » (ce qui mériterait d’être débattu, mais passons), peuvent et devraient aussi être envisagées. En outre, pour en revenir à la non-violence, nous rappelions, Kevin Amara et moi-même, dans un billet écrit en réponse à un article de La Décroissance :

« Gandhi lui-même affirmait que « si nous ne pouvons nous défendre, nos femmes et nous-mêmes, et les endroits que nous tenons pour sacrés, par la force de la souffrance, c’est-à-dire la non-violence, nous devons, nous, les hommes, au moins être capable de les défendre en combattant[3] ». Tout nous indique, aujourd’hui, que la « force de la souffrance, c’est-à-dire la non-violence » n’est pas adaptée, qu’elle ne suffit pas — nous ne parvenons pas à défendre les endroits que nous tenons pour sacrés, nous ne parvenons pas à défendre nos proches, chaque jour 200 espèces sont précipitées vers l’extinction, et partout le monde naturel part en fumée — et qu’elle ne pourra pas suffire dans notre contexte, notre lutte contre le désastre socioécologique en cours. Dès lors, d’après les conseils de Gandhi lui-même, nous devrions passer à l’offensive. Il insistait lourdement sur ce point : « Je le répète, et le répèterai encore et encore, celui qui ne peut se protéger lui, ou ses proches, ou leur honneur, en affrontant la mort non violemment, peut et doit se servir de la violence contre son oppresseur. Celui qui ne peut faire ni l’un ni l’autre est un fardeau. » […]

La non-violence de Gandhi était extrêmement exigeante. Il affirmait qu’elle ne pouvait « pas être enseignée à ceux qui craignent de mourir, et qui n’ont pas de pouvoir de résistance ». Elle versait même dans le suicidaire : « L’Histoire est pleine d’exemples d’hommes qui, en mourant courageusement avec la compassion sur leurs lèvres, ont changé le cœur de leurs opposants violents. […] L’auto-défense […] est la seule action honorable qui reste lorsque l’on n’est pas prêt à s’auto-immoler. » Sa non-violence impliquait le « courage froid de mourir sans tuer ». « Mais celui qui n’a pas ce courage, ajoutait-il, je veux qu’il cultive l’art de tuer[4]. » (On remarque, effectivement, une certaine binarité dans ces propos que nous n’approuvons pas, ils servent simplement à illustrer la véritable nature de la non-violence gandhienne). »

La non-violence gandhienne est souvent aussi mal connue que la non-violence tout court — celle dont parle Gene Sharp — est souvent incomprise. Cela étant, nous ne sommes pas contre la non-violence — ce qui serait franchement absurde. À l’instar de Mandela, nous considérons simplement que « violence et non-violence ne s’excluent pas mutuellement ».

*

Nous avons été assez étonnés de lire une chronique aussi mauvaise, aussi truffée de mensonges et de contresens, sur Reporterre, qui nous avait habitués à mieux. Et puisqu’il faut rêver, nous attendons une véritable note de lecture d’un membre qualifié de la rédaction sur notre livre.

Nicolas Casaux

Un exemple assez récent : https://www.europe1.fr/faits-divers…

https://www.theguardian.com/environ…

https://www.mkgandhi.org/nonviolenc…

https://www.mkgandhi.org/nonviolenc…

L’article sur son site : http://partage-le.com/2019/03/quand…

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