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Acte XVIII des gilets jaunes à Paris : « C’est pire que le 1er décembre. Mais Macron ne veut rien entendre ! Jusqu’où va-t-il falloir aller pour qu’on nous écoute ? »

mercredi 20 mars 2019, par anonyme (Date de rédaction antérieure : 20 mars 2019).

Acte XVIII des gilets jaunes à Paris : « C’est pire que le 1er décembre, mais Macron ne veut rien entendre »

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16 mars 2019 à 19:57

Par Ismaël Halissat et Charles Delouche

Selon l’Insee, « certains achats peuvent avoir été simplement reportés du mois de décembre au mois de janvier, occasionnant un contrecoup positif début 2019 ». Photo Yann Castanier. Hans Lucas pour Libération

Quelques 10 000 gilets jaunes ont convergé sur la capitale samedi 16 mars 2019 pour marquer le quatrième mois de leur mobilisation. De nombreux casseurs, issus de leur rangs, ont tenté de prendre d’assaut l’Arc de Triomphe. Repoussés par les forces de l’ordre, ils ont saccagé, pillé et incendié une partie des Champs-Elysées.

Certains avaient lancé un « ultimatum » à Emmanuel Macron. La journée devait être « historique ». Pour ce 18e samedi de mobilisation, les gilets jaunes avaient décidé de converger à Paris. Un moment symbolique, qui marque la fin du grand débat national et célèbre les quatre mois du mouvement. Dans différents points de la ville, rendez-vous était pris dès 10 heures. De son côté, la préfecture de police avait annoncé se préparer à une journée mouvementée. 5 000 gendarmes et policiers avaient été mobilisés, notamment pour tenir un périmètre autour des institutions. Les gilets jaunes avaient annoncé, comme souvent, leur intention de marcher vers l’Elysée.

A 10h10, plusieurs centaines de manifestants s’élancent du parvis de la gare du Nord en direction des Champs-Elysées. Les chants habituels hostiles à Macron sont entonnés. Les pancartes fleurissent sur le chemin et les riverains contemplent la scène. Rue de Maubeuge, la circulation n’est pas encore coupée. Laurent, la quarantaine avancée, allume sa caméra. C’est sa première manifestation avec les gilets jaunes. « J’ai senti qu’il fallait que je me motive. Que je sois là. » Dans quelques heures, la « marche du siècle » pour le climat doit s’élancer du Trocadéro et rejoindre la place de la République. « Nos revendications se rejoignent ! Si Nicolas Hulot est parti du gouvernement, c’est bien parce que Macron n’en a rien à faire de l’écologie. Il faut que tout le monde rejoigne le mouvement. Cheminots, profs, aides-soignants. » Son ami Mohamed dénonce, lui, cette « société de la concurrence. Car il faut aller vers le partage. Lorsque j’étais à l’école on me disait que si je travaillais mal je finirai maçon. Mais qu’est-ce que ça veut dire ça ?! On veut juste manger, se laver et vivre dignement ».

En passant devant un rassemblement du PCF, le cortège jaune reprend en chœur « l’Internationale » chantée par les militants communistes. Les manifestants échangent dans une ambiance bon enfant et se promettent de se rejoindre dans la journée. En moins d’une heure, ils se retrouvent sur l’avenue des Champs-Elysées, qui se pare petit à petit de jaune fluo. Place de l’Etoile, des affrontements particulièrement tendus ont déjà commencé depuis un moment. De nombreux manifestants rebroussent chemin, les yeux rouges et en larmes. « Ça gazouille, ça gazouille, mais on s’en bat les couilles », hurle un manifestant. En fin de matinée, les différents cortèges de la capitale se rejoignent sous des tonnerres d’applaudissements et de sifflets.

« Scie »

Le bas de l’avenue est entièrement quadrillé par les forces de l’ordre. Les affrontements s’enchaînent au niveau de l’Arc de Triomphe. Objectif des plus violents : reprendre le monument, comme le 1er décembre. Les charges répétées des forces de l’ordre créent des vagues successives de manifestants qui reculent. Des barricades sont montées, et mises à feu. Le sac des boutiques a déjà commencé. Au croisement de la rue Galilée et de l’avenue des Champs-Elysées, le magasin Hugo Boss est pillé. Chaque commerce est visé par des groupes de casseurs organisés. Sur le trottoir d’en face, ce sont les grilles de chez Swarovski qui ont cédé. Des dizaines de manifestants pénètrent à l’intérieur devant une foule compacte et déterminée. C’est cristal pour tous. Les coffrets et les boîtes de bijoux volent dans le ciel. Puis c’est au tour de la boutique Nespresso. Clément, gilet jaune et brassard sécurité au bras, barre ce qu’il reste de l’entrée de la boutique. « Ils y sont allés à la scie, à la tronçonneuse… J’empêche ce qui reste d’être volé, déplore-t-il. C’est très chaud aujourd’hui. »

En réponse aux actes de vandalisme et aux affrontements, Christophe Castaner, le ministre de l’Intérieur, a promis « la plus grande fermeté » pour les « professionnels de la casse et du désordre » à Paris. Le porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux, a lui martelé qu’il n’y aurait « ni excuse ni faiblesse ». Pendant que les Champs brûlent, le Premier ministre, Edouard Philippe, apparaît soudain en contrebas de l’avenue. Tandis qu’Emmanuel Macron fait du ski dans les Hautes-Pyrénées, il est venu apporter son soutien aux forces de l’ordre et réaffirme que « ceux qui excusent ou qui encouragent » de tels actes s’en rendent « complices ». Il s’entretient avec plusieurs responsables policiers. L’un d’eux lui raconte l’intervention sur les Champs-Elysées dans la matinée : « On s’est fait charger de partout. » Quand le Premier ministre l’invite à comparer cette journée avec celle du 1er décembre, qui avait connu un déchaînement de violences, le policier lui répond : « On a ramassé pareil, on aurait pu perdre du monde. »

Fouquet’s

Dans l’après-midi, la mise à sac des magasins se poursuit, progressivement et méthodiquement. La tente du Fouquet’s, déjà pillée plus tôt dans la journée, est en flamme. Son mobilier est utilisé pour alimenter les divers feux ou pour servir de table à des manifestants qui font mine de casser la croûte, carte du restaurant en main. Une banque du boulevard Roosevelt est également embrasée, entraînant un important incendie dans un immeuble (11 blessés légers). Les affrontements se font de plus en plus violents et les forces de l’ordre n’hésitent pas à répliquer aux jets de pavés par des tirs de LBD. L’Arc de Triomphe se distingue à peine tant le nuage de gaz lacrymogène est dense. Les vitrines ont toutes volé en éclat. Chez Lacoste, des mannequins traversent des vitres défoncées. Les cintres sont éparpillés un peu partout sur le trottoir.

Sur le macadam, de nombreuses barricades s’embrasent. Des feux de poubelles partent de divers trottoirs. Les vents violents du jour ramènent les gaz lacrymogènes vers la foule pacifique nassée au milieu de l’avenue. Les kiosques à journaux sont également ciblés par des casseurs. Ils ont tous été saccagés et pour la plupart incendiés. Une nuée de papiers journaux en cendres se répand dans le ciel tandis que les alarmes des magasins vandalisés résonnent dans la rue. Les batteries des trottinettes électriques balancées dans les foyers explosent. Tout cela constitue même une attraction pour certains badauds et touristes qui sortent leurs smartphones. En vacances à Paris, trois Américains sont ébahis. Ian, survêtement de sport sur les épaules : « A la télévision ils ont dit que le mouvement s’essoufflait. J’ai voulu voir de mes propres yeux. » A ses côtés, son pote n’en revient pas. « This is wild, man ! » Devant les kiosques en flammes, une vieille dame baisse la tête. « C’est malheureux… » déplore-t-elle. A ses côtés, une jeune femme sort de la cohue, le visage rougi de gaz lacrymogène. « C’est pire que le 1er décembre. Mais Macron ne veut rien entendre ! Jusqu’où va-t-il falloir aller pour qu’on nous écoute ? »

A 18h50, les Champs-Elysées ont été évacués. A la même heure, 192 personnes ont été interpellées, selon la préfecture de police. Le bilan provisoire fait état de 42 manifestants pris en charge par les services de secours et 17 du côté des forces de l’ordre. Selon le ministère de l’Intérieur, 10 000 gilets jaunes ont manifesté samedi à Paris, soit quatre fois plus que les 2 800 comptabilisés une semaine plus tôt. Mais trois fois moins qu’à la marche du siècle. Face à ce regain de violence – et pour tenter de mettre un terme à la polémique alimentée sur les réseaux sociaux et les chaînes d’info par des photos où on le voit au soleil et en tenue de moniteur –, Emmanuel Macron a décidé de quitter plus vite que prévu la station de ski de La Mongie, où il passait le week-end, pour rentrer à Paris.

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