Évidemment, avec des élections "démocratiques" bourgeoises, on est généralement déçus, et ici, même par le taux d’abstention !!!
La bombinette du cycliste lyonnais a sans doute joué un rôle, mais ne suffit pas à expliquer un tel renversement de tendance. Il faut bien constater que le système a en grande partie "repris la main"…
…Une main que les GJ lui ont tendu, en réalité, par leur aveuglement "apolitique", même si c’est bien involontairement, pour la plupart…
Éviter de tomber dans les pièges manipulatoires est une leçon utile en toutes époques, et dans ce sens, l’histoire d’Auguste Vaillant reste terriblement d’actualité.
Mais ceci dit, ce n’est pas Louis Andrieux qui a pu manigancer le coup de la "bombe Vaillant". En effet, son bouquin parait en 1885, et il ne peut donc y parler d’une affaire se déroulant fin 1893 !
http://mai68.org/spip/IMG/pdf/Souvenir-d-un-prefet-de-police_Louis-Andrieux_N0061678_PDF_1_-1DM.pdf
Louis Andrieux a été Préfet de Police de Paris de 1879 à 1881, et a eu ensuite, et même avant, une carrière politique (centre-droit).
Néanmoins, en tant que Préfet de Police, il a effectivement manipulé les mouvements anarchistes, et notamment en finançant leur journal, "la Révolution sociale", par des voies "détournées"…
Ce qu’il raconte effectivement dans ses mémoires, après allusion à un autre projet d’attentat au Palais Bourbon, mais donc plus ancien et inabouti, de fait.
En cherchant pas mal, j’ai finalement retrouvé "l’homme de l’art" pour 1893, un certain Louis Puirabaud, [ Président du comité des inspecteurs généraux, puis nommé Directeur général des recherches – http://www.sfhp.fr/index.php?post/2… ],
un ultra-réac encore plus machiavélique, si possible, et son implication, probablement assez directe, même, dans l’affaire Vaillant, ne semble guère faire de doute, selon les sources que j’ai pu retrouver.
Ceci dit, encore, bien qu’il ait également écrit des bouquins, Puirabaud n’a nullement revendiqué de responsabilité dans cet attentat.
Toutefois, d’autres témoignages assez précis, de source policière aussi bien que de source anarchiste, tendent à démontrer que l’affaire Vaillant était bien une machination politico-policière, en vue de faire voter la toute première des lois dites "scélérates", qui ont encore une postérité très actuelle, donc sous Macron !!!
Auguste Vaillant, lui, a été "jugé" et décapité, dans la foulée.
Les deux sources principales retrouvées viennent donc d’être republiées conjointement sur Front des Laïcs et TML :
https://tribunemlreypa.wordpress.com/2019/05/27/de-lanarchie-policiere-et-de-la-vie-intime-des-commissariats/
Quant au passage cité de Louis Andrieux, le voici :
Le fonds des reptiles – L’anarchie subventionnée. Les collaborateurs inconscients du préfet de police.
Le sujet choisi pour le précédent chapitre répondait à une intention lénitive. Après les orages qu’avaient soulevés les récits d’intervention en des matières délicates, il était bon de calmer les esprits par le spectacle d’une œuvre de charité.
Je crains d’aborder de nouveau un sujet irritant. Je m’y décide parce que je crois faire une œuvre utile en contribuant à répandre la méfiance entre les divers adhérents des groupes révolutionnaires.
« Soupçonnons-nous les uns les autres, » telle est leur maxime ; elle est juste et salutaire
Æquum et salutare,
comme on dit à l’église.
Elle est juste, car dans leurs rangs la police recrute facilement des agents ; tous ne valent pas la peine d’être achetés, mais beaucoup sont à vendre.
Elle est salutaire, car la méfiance qu’ils ont les uns vis-à-vis des autres contribue à leur impuissance beaucoup plus qu’à leur sûreté. Citoyens, il y aura toujours des traîtres parmi vous.
Les socialistes révolutionnaires ne se bornaient plus à des déclamations dans les réunions publiques ou privées. La dynamite des nihilistes les empêchait de dormir et, pour stimuler le zèle des compagnons, ils se proposaient, eux aussi, de faire entendre la grande voix des explosions ultima ratio.
Il était question de faire sauter le Palais-Bourbon M. Gambetta en avait été avisé, et quelques précautions avaient été prises.
Mais, en même temps qu’ils songeaient à étonner le monde par la destruction de mon honorable ami M. Truelle, les compagnons voulaient avoir un journal pour propager leurs doctrines.
Si j’ai combattu leurs projets de propagande par le fait, j’ai du moins favorisé la divulgation de leurs doctrines par la voie de la presse, et je n’ai pas de raisons pour me soustraire plus longtemps à leur reconnaissance.
Les compagnons cherchaient un bailleur de fonds ; mais l’infâme capital ne mettait aucun empressement à répondre à leur appel. Je poussai par les épaules l’infame capital, et je parvins à lui persuader qu’il était de son intérêt de favoriser la publication d’un journal anarchiste.
On ne supprime pas les doctrines en les empêchant de se produire, et celles dont il s’agit ne gagnent pas à être connues.
Donner un journal aux anarchistes, c’était d’ailleurs placer un téléphone entre la salle des conspirations et le cabinet du préfet de police. On n’a pas de secrets pour un bailleur de fonds, et j’allais connaître, jour par jour, les plus mystérieux desseins. Le Palais-Bourbon allait être sauvé ; les représentants du peuple pouvaient délibérer en paix.
Ne croyez pas, d’ailleurs, que j’offris brutalement aux anarchistes les encouragements du préfet de police.
J’envoyai un bourgeois, bien vêtu, trouver un des plus actifs et des plus intelligents d’entre eux. Il expliqua qu’ayant acquis quelque fortune dans le commerce de la droguerie, il désirait consacrer une partie de ses revenus à favoriser la propagande socialiste.
Ce bourgeois qui voulait être mangé n’inspira aucune suspicion aux compagnons. Par ses mains, je déposai un cautionnement dans les caisses de l’État, et le journal la Révolution sociale fit son apparition.
C’était un journal hebdomadaire, ma générosité de droguiste n’allant pas jusqu’à faire les frais d’un journal quotidien.
Mlle Louise Michel était l’étoile de ma rédaction. Je n’ai pas besoin de dire que « la grande citoyenne » était inconsciente du rôle qu’on lui faisait jouer, et je n’avoue pas sans quelque confusion le piège que nous avions tendu à l’innocence de quelques compagnons des deux sexes.
Tous les jours, autour d’une table de rédaction, se réunissaient les représentants les plus autorisés du parti de l’action on dépouillait en commun la correspondance internationale on délibérait sur les mesures à prendre pour en finir avec « l’exploitation de l’homme par l’homme » ; on se communiquait les recettes que la science met au service de la révolution.
J’étais toujours représenté dans les conseils, et je donnais au besoin mon avis.
Mon but était surtout de surveiller plus facilement les honorables compagnons, en les groupant autour d’un journal.
Louis Andrieux, Souvenirs d’un préfet de police, 1885.
A noter encore, pour l’anecdote, que ce Louis Andrieux est le père "naturel" de …Louis Aragon ! Enfant qu’il n’a jamais reconnu, mais dont il a néanmoins entretenu la maman par des voies également tout à fait indirectes, pour ne pas faire scandale, ni dans sa famille, ni dans celle de cette jeune femme, qui passait officiellement pour la "sœur" …de son fils, supposé être un fils "adoptif" …de sa grand-mère, donc ! Tout étant au mieux, ainsi, dans le "meilleur des mondes", ou presque !!!
Luniterre
LOUIS ARAGON, CHANTÉ PAR JEAN FERRAT
https://youtu.be/RRVdZx9ABDU6
EXTRAIT DU POÈME :
"…Je ne dis pas cela pour démoraliser Il faut regarder le néant
En face pour savoir en triompher Le chant n’est pas moins beau quand il décline
Il faut savoir ailleurs l’entendre qui renaît comme l’écho dans les collines
Nous ne sommes pas seuls au monde à chanter et le drame est l’ensemble des chants
Le drame il faut savoir y tenir sa partie et même qu’une voix se taise
Sachez le toujours le chœur profond reprend la phrase interrompue
Du moment que jusqu’au bout de lui même le chanteur a fait ce qu’il a pu
Qu’importe si chemin faisant vous allez m’abandonner comme une hypothèse
J’écrirai ces vers à bras grands ouverts qu’on sente mon cœur quatre fois y battre
Quitte à en mourir je dépasserai ma gorge et ma voix mon souffle et mon chant
Je suis le faucheur ivre de faucher qu’on voit dévaster sa vie et son champ
Et tout haletant du temps qu’il y perd qui bat et rebat sa faux comme plâtre
Louis Aragon
Épilogue, 1960
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