Il ne s’agit pas, tout de suite, de troquer le maillot de bain contre le treillis ni de monter à l’assaut du ciel avec des filets à crevettes, mais simplement de résumer l’essentiel du débat en cours pour en dégager ce qui peut être utile en termes de perspective politique et de construction d’une alternative prolétarienne au capitalisme.
Le constat, concernant la base économique, c’est que le prolétariat industriel ne représente plus qu’un secteur très minoritaire de l’emploi, en France, mais que le secteur tertiaire, et notamment dans les activités de services, tout en s’étendant, se prolétarise de plus en plus.
Dans la Critique du Programme de Gotha, le texte de Marx faisant référence en termes de transition, il est clairement expliqué la nécessité d’organiser la transition sur la base de l’échange direct entre producteurs, en fonction des besoins sociaux. Echange évalué en valeur-travail, mais débarrassé de la contrainte capitaliste de l’ « économie de marché », qui ne répond qu’aux besoins solvables et crée des besoins artificiels sans pour autant répondre aux besoins sociaux basiques pour des millions d’êtres humains.
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[D’après le programme alimentaire mondial (PAM), un enfant de moins de cinq ans meurt de faim toutes les 11 secondes dans le monde : cela représenterait 3 millions d’enfants chaque année !]
L’échange direct entre producteurs permet de construire un équilibre entre forces productives et besoins sociaux, mais il doit donc aussi tenir compte des besoins sociaux collectifs en ce qu’ils dépassent les besoins individuels.
Parmi ceux-ci, l’éducation et la santé : on comprend bien que si tous les travailleurs n’ont pas forcément de progéniture à éduquer ni ne tombent malade ou sont victimes d’accidents, cela n’en répond pas moins à une nécessité de l’ensemble du corps social, pour son développement et son épanouissement.
C’est donc pour ce genre de préoccupation qu’une partie de la survaleur produite, autrefois essentiellement amassée par les capitalistes, continue donc d’être utilisée, mais resocialisée pour répondre à de tels besoins sociaux collectifs.
Dans cette phase de transition Marx considère donc bien que la répartition de la survaleur se fait entre l’ensemble des travailleurs, et pas seulement en répartissant la seule valeur produite par le secteur industriel… ! Les deux seules corporations de travailleurs qui paraissent dépendre vraiment entièrement de la survaleur produite par les autres sont ces deux là, éducation et santé, point barre !
Et de plus, cela n’infère rien sur le caractère « productif » ou non de leur travail…
Dans ce même texte, du reste Marx écrit :
« Et qu’est-ce qu’un travail « productif » ? Ce ne peut être que le travail qui produit l’effet utile qu’on se propose. Un sauvage, – et l’homme est un sauvage après avoir cessé d’être un singe -, qui abat une bête d’un coup de pierre ; qui récolte des fruits, etc., accomplit un travail « productif ». »
Comme on l’a vu au cours d’une autre polémique estivale, sur VLR (*), il s’avère, de plus, avec les récentes recherches archéologiques, que l’hominisation elle-même, la mutation de l’australopithèque à l’humain, s’est elle-même faite à travers l’invention d’outils et d’armes de chasse primitives, de sorte qu’il n’a, littéralement, jamais existé de race humaine qui ne soit « productive » par nature !
Il est évident qu’à l’époque de Marx la composition sociale et la structure des activités productrices étaient différentes et que le capitalisme industriel, encore à cette époque en pleine expansion, était pratiquement la source unique de plus-value permettant l’accumulation des capitaux. C’était clairement l’objet central de l’analyse que Marx faisait du système, mais comme on l’a vu également cela n’inférait pas du tout une définition restrictive du travail productif, de manière plus générale, ce qu’il pose lui-même comme prémisse de cette définition, du reste :
« Du simple point de vue du procès de travail en général, est productif le travail qui se réalise en un produit ou, mieux, une marchandise. »
Ce qui ressort du débat actuel, c’est clairement que la marchandisation des services a concrètement achevé de les faire rentrer dans un cycle productif de plus-value, indispensable à la survie du système, en lui permettant ainsi de compenser en partie la réduction drastique de plus-value qu’il peut encore extraire du secteur industriel.
Le rôle stratégique du secteur industriel n’en est pas réduit pour autant, puisqu’il produit bien, et pratiquement à lui seul, tout ce qui permet aux autres de fonctionner concrètement.
La construction d’une alternative au système capitaliste, même si les conditions ont radicalement changé depuis l’époque de Marx, repose toujours sur la possibilité qu’on les travailleurs d’organiser entre eux un nouvel équilibre entre forces productives et besoins sociaux, tout en tenant compte des besoins sociaux collectifs. Et cette possibilité de construire une alternative ne repose pas sur les seules épaules d’un prolétariat industriel devenu minoritaire, mais sur la capacité de tous les travailleurs, de toutes les catégories sociales productives, c’est à dire l’immense majorité, d’être solidaires dans ce but, comme elles l’ont été le 17 Novembre 2018 et les jours suivants…
Par ses provocations et ses manipulations, le pouvoir a réussi à retourner ce rapport de force en sa faveur, mais cette expérience prouve qu’avec une nouvelle perspective politique et sociale compréhensible de tous, tout est possible !
Luniterre
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(* http://mai68.org/spip2/spip.php?art…
et aussi : http://mai68.org/spip2/spip.php?art… )
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LES ÉLÉMENTS DU DÉBAT :
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https://tribunemlreypa.wordpress.com/2019/08/10/devoir-de-vacances/
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