Dans cette conférence, tout comme dans les autres, et selon une habitude maintenant assez bien rodée, Guillaume Suing mène son public en bateau avec un relatif brio, mais sans éviter, toutefois, de botter en touche sur toutes les questions réellement importantes, que ce soit sur le plan historique ou sur le plan scientifique…
Commençons donc directement par celles qui sont normalement son domaine de prédilection, sinon son domaine de compétence hypothétique, Guillaume Suing étant prof de SVT, et même agrégé en biologie !
En réalité, derrière l’apparente bonhomie « écologique » du personnage, c’est bien la renaissance de l’escroquerie pseudo-scientifique lyssenkiste qui se profile, à peine voilée derrière un détournement grossier des récentes recherches et découvertes diverses de l’épigénétique moderne (à 24’ 30’’ dans la vidéo, mais en long et en large, et surtout, en travers, dans la plupart de ses écrits…). Ici il n’hésite donc pas non plus à mettre en avant la thèse lyssenkiste de l’ « hérédité des caractères acquis »(à 26’ dans la vidéo), même s’il renonce à développer en public, par souci d’éviter les complications « techniques » : on comprend aisément pourquoi… !
Alors qu’en réalité la question est assez simple et tout à fait accessible au profane qui prend la peine de se documenter dessus : l’épigénétique et la génétique sont deux domaines de la biologie qui se complètent évidemment, et interagissent naturellement entre eux, sans pour autant pouvoir se confondre dans leurs fonctions et dans leurs conséquences.
L’épigénétique est en quelque sorte le mode de régulation de l’expression des gènes, par lequel se différencient, au cours de leur développement, les différents types de cellules d’un même organisme, à partir d’un patrimoine génétique commun et inscrit en elles au départ, quelle que soit leur fonction ultérieure dans l’organisme.
Concrètement c’est donc ce qui fait qu’une cellule du foie n’est pas identique à une cellule du poumon et que chacune peut donc remplir sa propre fonction dans l’organe où elle se développe.
Le concept d’hérédité des caractères génétiques (spécifiques) est maintenant un classique scientifique assez bien compris de tous, et le fait qu’il exclut l’hérédité des caractères acquis également …sauf pour une poignée d’ « illuminés » néo-lyssenkistes et pseudo-"marxistes", manifestement…
La « confusion », en réalité délibérée, qui leur permet d’ébaucher cette tentative grotesque de réhabilitation du charlatanisme de Lyssenko repose sur le fait que l’épigénétique peut effectivement induire une hérédité provisoire, sur quelques générations, de caractères phénotypiques reflétant des modifications épigénétiques (*), mais qui n’affectent en rien, par elles mêmes, le génome, et ne constituent donc pas du tout une hérédité des caractères acquis, étant donc très concrètement et inévitablement réversibles pour les générations suivantes.
Pour qu’une mutation devienne irréversible au point de mener à l’apparition d’une espèce nouvelle il reste donc évidemment toujours nécessaire qu’elle soit le résultat d’une modification du génome lui-même, et non pas seulement de son expression phénotypique.
L’un des facteurs de mutation du génome récemment mis en évidence est la présence en son sein d’une grande quantité d’ « éléments transposables » (Transposons, rétrotransposons), éléments mobiles au comportement relativement « anarchique » selon l’expression même de certains chercheurs, et qui, en temps normal se trouvent donc « régulés » épigénétiquement au point de ne pouvoir pas du tout s’exprimer au niveau du phénotype, ce qui est le plus souvent heureux, car le cas inverse est couramment celui de maladies génétiques, par exemple, dues à des mutations intempestives et qui échappent donc à la régulation épigénétique.
Bien entendu, la variabilité aléatoire du génome, même si parfois sous l’influence d’un stress environnemental qui perturbe la régulation épigénétique, n’en reste pas moins la source des mutations génétiques qui sont ensuite sélectionnées par la nature en fonction des réponses adaptatives qu’elles apportent aux pressions sélectives du milieu et à leurs évolutions.
Ce n’est qu’en ce sens qu’il peut donc y avoir une interaction dialectique, considérée d’un point de vue épistémologique évolutionniste, entre génétique et épigénétique : le rôle régulateur de l’épigénétique peut évidemment contribuer ensuite à stabiliser l’expression d’un caractère génétiquement déterminé et nouvellement sélectionné pour la réponse adaptative qu’il apporte à une modification du milieu.
Bien qu’en interaction constante, d’une manière ou d’une autre, ces deux domaines de la biologie que sont la génétique et l’épigénétique correspondent donc, dans cet ensemble immense qu’est la biologie, à deux sous-ensembles en termes de connexions nomologiques ( au sens épistémologique que leur donne Werner Heisenberg **), deux sous-ensembles qui se recoupent donc de manière dialectique sans pour autant se recouvrir et se confondre au sens « ontologique » et néo-lyssenkiste des termes abusivement employés par les adeptes de cette forme particulièrement réactionnaire de révisionnisme.
Luniterre
https://tribunemlreypa.wordpress.com/2020/02/10/anti-suing-mutations-mortelles-au-cafe-lyssenkiste/
(* https://fr.wikipedia.org/wiki/Carac… )
( ** https://fr.wiktionary.org/wiki/nomologie
https://fr.wikipedia.org/wiki/Werne… )
Quelques articles utiles pour aborder le sujet :
>>> Moving through the Stressed Genome : Emerging Regulatory Roles for Transposons in Plant Stress Response
https://www.frontiersin.org/article…
>>> Les mutations de la théorie de l’évolution
https://www.pourlascience.fr/sd/bio…
>>> Éléments transposables et nouveautés génétiques chez les eucaryotes - Société Française de Génétique
http://www.ipubli.inserm.fr/bitstre…
>>> Potential impact of stress activated retrotransposons on genome evolution in a marine diatom
https://bmcgenomics.biomedcentral.c…
>>> Etude d’un clade de rétrotransposons Copia : les GalEa, au sein des génomes eucaryotes - Tifenn Donnart
http://citeseerx.ist.psu.edu/viewdo…
>>> L’Hérédité épigénétique en évolution
https://www.researchgate.net/public…’Heredite_epigenetique_en_evolution
>>> La régulation épigénétique des éléments transposables dans les populations naturelles de Drosophila simulans - Benjamin Hubert
https://tel.archives-ouvertes.fr/te…
>>> Transposons : des gènes anarchistes ?
https://www.pourlascience.fr/sd/bio…
http://www.edu.upmc.fr/sdv/masselot…
http://www2.cnrs.fr/sites/communiqu…
>>> Comparaison de séquences d’éléments transposables et de gènes d’hôte chez cinq espèces : A. thaliana, C.elegans, D. melanogaster, H. sapiens et S. cerevisiae - Emmanuelle Lerat
https://tel.archives-ouvertes.fr/te…
>>> Epigénétique : des modifications transitoires ?
https://www.sciencesetavenir.fr/fon…
>>> Comprendre l’épigénétique
https://www.inserm.fr/information-e…