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La Bible des assassinats

mardi 18 février 2020, par anonyme (Date de rédaction antérieure : 18 février 2020).

Critique du livre « Rise and kill first » de Ronen Bergman

Traduit et édité en France sous le titre « Lève-toi et tue le premier ; l’histoire secrète des assassinats ciblés commandités par Israël » aux éditions Grasset & Fasquelle, à Paris février 2020.

« Je ne comprends pas pourquoi on raconte que, nous les Juifs, nous perdons la guerre des esprits. Si je mets une balle entre les deux yeux d’Abou Jihad, là où se trouve son esprit, cela ne signifie-t-il pas que j’ai gagné la guerre ? »

Lieutenant-colonel Yaalon, ex-ministre de la Défense d’Israël.

Un syndicat du crime a pignon sur rue à Tel-Aviv, là où autrefois s’érigeait le quartier allemand des Templiers (1).

Il s’appelle Mossad, né le 13 décembre 1949 ; l’année cruciale où l’Union soviétique qui a été la première puissance à reconnaître Israël faisait péter sa bombe nucléaire (29 août 1949).

Avec le Shin Bet pour la sécurité intérieure et l’AMAN du renseignement militaire, ce bureau des assassinats internationaux reçoit ses ordres (« des feuillets rouges » nous dit Bergman) directement d’un parrain élu, le Premier ministre de l’Etat hébreux.

En effet, il y a belle lurette que les généraux de Tsahal, devenus politiciens, ont remplacé la croyance en la dissuasion nucléaire par la religion du crime parfait.

D’autant qu’aucune nation au Monde – même celles composant le conseil de sécurité de l’ONU – ne s’oppose à leurs crimes de guerre.

Pour la première fois dans l’Histoire du Mossad, un avocat-journaliste, Ronen Bergman, raconte dans une Bible des assassinats (935 pages, traduites en 25 langues), comment les ordres d’exécution à l’étranger et en territoires occupés y sont donnés.

Le bouquin à la couverture qui ressemble à une toile de Pierre Soulages ou à une tombe sans épitaphe, avec une police de caractère « blanc-bleu », ne contient pas de révélations explosives ; mais un lecteur avisé pourrait penser que l’objet est en soi un message inquiétant adressé au Monde ; et, peut-être, une injonction cryptée, destinée à réveiller ce que le Mossad appelle un « Sayanim » (2) et la communauté du renseignement, un agent dormant.

Car la terrible question, écrite noir sur blanc, qui traverse le livre est de savoir si Israël veut – oui ou non – exécuter un chef d’état étranger.

Il n’est pas anodin que l’auteur évoque, entre deux récits d’assassinat, une opération d’hypnose ratée sur un prisonnier, membre du Fatah, qui eut lieu dans les années soixante, inspiré du roman mythique « The Manchurian Candidat » de Richard Condon (3).

Laver le cerveau avec des moyens chimiques ou électromagnétique, retourner l’ennemi et le renvoyer tuer son prochain a toujours été le Graal recherché par les services secrets.

A en croire le livre « Lève-toi et tue le premier » (une injonction qui fait étrangement penser à une scène de « Blade Runner », tirée d’un livre de Philip K. Dick) (4), un psychologue du Mossad aurait tenté chez un sujet isolé, prisonnier, d’inscrire, dans un épisode de rêve lucide et un traitement tour à tour bienveillant et menaçant, un ordre de mission : « Tuez Arafat ».

Le message subliminal, implanté dans le cerveau, aurait été activé par un simple signal radio.

De manière amusée, l’auteur raconte comment « l’hypnotisé », nommé Fatkhi, faillit se noyer lors de la traversée du Jourdain, sauvé in extremis par un commando ; et comment à défaut de se rendre chez la cible, il se rendit au premier poste de police raconter son histoire.

Trente ans plus tard, l’officier traitant du Mossad, un certain Raffi Sutton, rencontrait dans une rue jordanienne l’ex-prisonnier du Front du refus dont il s’était occupé ; ce dernier le remerciait de ne pas l’avoir tué et de lui avoir sauvé la vie (page 799).

« Puisse-t-il y avoir la paix et ne plus y avoir besoin d’hypnose, Inch Allah ! »

Dans les religions du Livre, « les rencontres avec Dieu » (terme dont les assassins se servent pour désigner leurs homicides) doivent un jour ou l’autre finir sous le regard et le doigt d’un scribe.

Ne serait-ce que pour écrire une légende, murmurée entre deux tombes…

Mais, parfois, le nombre de crimes perpétrés par un état est tellement énorme qu’il est préférable de le cacher.

C’est le cas dans cette Bible des assassinats : la comptabilité des meurtres y est mal tenue.

L’écrivain donne vaguement le chiffre de 2 700 homicides exécutés par le Mossad ou les unités de Tsahal, depuis la naissance de l’OLP et les deux Intifada.

Exit la Naqba (le massacre des Palestiniens en 1948) (5), le vol des terres au quotidien et la colonisation meurtrière avec ses dommages collatéraux.

Israël est le seul pays au monde dont les frontières ne sont pas définies par des traités internationaux et la citoyenneté, accordée du fait de sa religion.

Le journaliste du « New York Times » dessine une carte du Monde divisée en nations goy amies (Etats-Unis, France, Royaume-Uni, etc.) où la signature des fantassins du crime doit rester « silencieuse » ; et les pays cibles (Iran, Syrie et Liban), où le paysage, l’eau et le visage des hommes peuvent porter la trace du couteau, du poison et des bombes.

Chaque théâtre de guerre ayant un protocole d’action particulier et un mode de revendication différente.

Plus le pays et le peuple ennemi sont proches du Mur de séparation à Jérusalem (6), plus on cherche à le massacrer et à le dominer de toutes les façons.

En Syrie dévastée et Iran sous embargo, le Mossad évite d’utiliser des ressortissants israéliens pour « leurs missions de cadrage et d’interception » afin d’éviter captures, exécutions ou agents doubles ; le Mossad préfèrent y manipuler des mercenaires arabes, balluches, kurdes voire occidentaux n’hésitant pas à provoquer des guerres civiles ou des incidents diplomatiques.

Aujourd’hui, la surveillance électronique et satellitaire, reliée par des drones équipés de missiles qui remplacent voiture piégée des années 80 ou lettre explosive, facilitent beaucoup les choses…

Nombre d’anciens militaires de l’unité 8 200, par exemple (le service militaire en Israël est de deux ans et huit mois pour les hommes ; deux ans pour les femmes), montent des entreprises privées et vendent leur savoir-faire et logiciel d’écoute (7) à des puissances étrangères comme l’Inde, par exemple…

Ronen Bergman (8) est-il un agent dormant ou simplement un porte-parole ?

Bien que l’auteur s’en défende, sa collecte d’informations payé pendant sept ans, par une maison d’édition américaine, a reçu l’aval sinon la protection de Tsahal (voir les remerciements du journaliste, embarqué au Liban, au Bataillon de parachutistes 202 de l’armée de défense d’Israël, page 773).

A noter Random house est la maison d’édition qui a publié le livre « Opération Sanson » de Seymour Hersch, en 1991 (9).

Le directeur éditorial chez Random House ne dit pas pourquoi il a été choisi pour dévoiler des secrets d’Etat et recueillir les confessions de tueurs comme, Mike Harari, Meir Dagan, longtemps directeurs du Mossad, Ehud Barak ou Ariel Sharon.

Toutefois, dans la manière où Ronen Bergman présente ce dernier, « brutal mais juste », attablé dans sa ferme des Sycomores au sud d’Israël, on devine une admiration et une forte empathie.

A remarquer : l’écrivain ne dit presque rien sur le mouvement des refuznik (10) important à Tel-Aviv et les dissensions entre les Etats-Unis et Israël soulignées par d’autres journalistes.

L’avocat américain n’accuse pas un instant, par exemple, l’ex-commandant de l’unité 101, Arik Sharon, d’être le boucher, le 15 octobre 1953, du village de Quibya (opération Shoshana) lequel a été dénoncé par le conseil de sécurité de l’ONU(résolution 101) ou responsable, le 15 septembre 2000, de la seconde Intifada.

« Rise and kill first » est en fait, sous des dehors romanesques (les droits d’auteur ont été achetés par une maison de production), une apologie de la Terreur à peine tempérée par des considérations juridique et éthique dans la dernière partie du livre.

On pourrait parler d’une banalisation du Mal destinée au grand public.

Les anecdotes autour des meurtres commis à Paris, Bruxelles, New York, Aman, Beyrouth, etc. qui raviraient l’auteur de SAS, l’emportent sur une réflexion sur les causes de l’impasse politique dans laquelle se trouve l’état d’Israël.

Le combat pour la survie d’une nation née « dans le sang et le feu » (titre du premier chapitre), les pogroms culminant avec la Shoa et les références aux groupes d’autodéfense (Hashomer, Haganah, Irgoun, Lehi), héritiers eux-mêmes dans leurs méthodes terroristes des nihilistes russes devant suffire à la compréhension de la mise en place « d’une véritable fabrique d’assassinat à la chaîne » (l’expression est d’un officier supérieur du Mossad, page 691).

L’identification au peuple Juif est l’effet recherché par un roman d’aventure plaisant à lire dont la saga sera bientôt projetée sur les écrans de nos Smartphones.

Le lecteur qui n’est pas cependant fasciné est horrifié par le nombre de crimes revendiqués dont celui de Medhi Ben Barka (ses restes enterrés, paraît-il, en forêt de Saint-Germain sous le siège social de la compagnie Louis Vuitton), d’attaques sous faux drapeau et d’empoisonnement.

Le plus emblématique étant celui – à demi avoué – du dirigeant de l’Autorité palestinienne, Yasser Arafat, pages 687 à 689, victime, peut-être, d’une poignée de mains ou d’une accolade amie.

Là on touche à la spécificité de la doctrine israélienne : la dissuasion par la menace voilée…

Selon des laboratoires suisses, le leader palestinien aurait été empoisonné par du Polonium, une substance radioactive.

Un poison coûteux d’origine russe qui entraîne une longue agonie pleine de souffrances.

Mort à l’hôpital militaire de Percy à Paris, le 11 novembre 2004, les services de santé des armées et le gouvernement français connaissent l’origine du décès mais se taisent.

Signant par leur silence un pacte avec l’Assassin.

A propos de cette vérité vénéneuse, l’auteur écrit : « Si je connaissais la réponse à la question de savoir ce qui a tué Yasser Arafat, je ne serais pas en mesure de l’écrire dans les pages de ce livre, ou même en position d’écrire que je connais la réponse à cette question. La censure militaire israélienne m’interdit d’aborder le sujet. »

Ron Bergman dresse lui-même les limites de son exercice littéraire.

HIMALOVE

1. https://fr.wikipedia.org/wiki/Soci%…

2.https://www.investigaction.net/fr/L…

3.https://www.dictionary.com/e/politi…

4. https://www.numerama.com/pop-cultur…

5.https://fr.wikipedia.org/wiki/Exode…

6.https://www.ouest-france.fr/monde/i…

7. https://fr.wikipedia.org/wiki/Pegas…)

8. https://fr.wikipedia.org/wiki/Ronen…

9.https://books.google.fr/books?id=3F…

10.https://fr.wikipedia.org/wiki/Refuz…)

4 Messages de forum

  • La Bible des assassinats 18 février 2020 21:41, par do

    Salut Himalove,

    Je suis heureux de ton retour sur internet

    Bien à toi,
    do
    http://mai68.org

    Répondre à ce message

    • La Bible des assassinats 19 février 2020 16:42, par RB

      Bonjour.

      Une petite remarque : l’ouvrage de Bergman contient des revelations saisissantes concernant le conflit au Liban. Plusieurs officiers israeliens creerent de toutes pieces un groupe "terroriste," le Front de Liberation du Liban des Etrangers, qui conduisit des dizaines d’attaques (souvent a la voiture piegees) et firent des centaines de morts parmi les civils entre 1979 et 1983. Ce livre a ete publie aux USA debut 2018. Depuis, aucun media americain n’a fait mention de ces revelations.

      J’ai ecrit a ce propos en anglais, et aussi en francais : ici par exemple :
      https://orientxxi.info/lu-vu-entend…

      Pour l’instant (ce livre a ete publie en France il y a 2 semaines), les medias francais ont eux aussi fait le silence sur ces revelations.

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    • La Bible des assassinats 20 février 2020 15:30, par Himalove

      Merci pour la publication. Je suis de retour pour dénoncer ce livre qui est au sens strict du terme un appel au meurtre "pour changer le cours de l’histoire…"*

      Cette expression a été utilisée par Ronen Bergman lors d’une récente interview radiophonique sur Europe 1.

      Je ne comprends pas que les militants politiques n’aient pas porté les informations contenues dans le livre comme par exemple la revendication de la disparition de Ben Barka chez le juge d’instruction.

      Comment un tel livre a pu être diffusé à une telle échelle ? Quand tu sais que les livres de Victor Ostrovsky, un repenti du Mossad, ont connu des problèmes avec la censure et les tribunaux …

      https://arretsurinfo.ch/lvictor-ost…

      Ronen Bergman traite Ostrovsky de menteur dans son livre. Peut-être, en tout cas si toutes les informations précises que donne l’auteur de "Lève-toi et tue le premier" sont ici exactes, pourquoi n’a-t-il pas été convoqué par le tribunal de la Haye ou d’autres cours de Justice ? Il n’y a pas de prescription pour les crimes de guerre, l’apologie du terrorisme et les crimes contre l’Humanité.

      Bien à toi.

      Himalove

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