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Coronavirus - Le secret du Kerala et du Vietnam

samedi 23 mai 2020, par anonyme (Date de rédaction antérieure : 23 mai 2020).

Approche corona incroyablement efficace. Le secret du Kerala et du Vietnam

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18 Mai 2020

Marc Vandepitte

Le Kerala et le Vietnam sont deux pays pauvres et à la fois particulièrement vulnérables à la propagation du coronavirus. Pourtant, ils ont réussi à contrôler l’épidémie de manière impressionnante. Pourquoi parviennent-ils à sauver tant de vies alors que l’Occident compte encore des milliers de nouveaux décès chaque jour ?

Moins de 5 décès

Le Kerala est un État du sud-ouest de l’Inde avec 35 millions d’habitants. Le Vietnam est situé de l’autre côté de la baie du Bengale et compte 95 millions d’habitants. Les deux pays ont un PIB par habitant très faible, environ 17 fois inférieur à celui de la Belgique.

En règle générale, les pays pauvres sont très vulnérables au coronavirus. Les deux pays ont un désavantage supplémentaire. Le Vietnam a une longue frontière commune avec la Chine, où le virus a fait son apparition. Le Kerala a des frontières poreuses et beaucoup de travailleurs migrants vers et en provenance de l’Inde, mais aussi vers et en provenance de l’étranger, en particulier le Moyen-Orient.

Cependant, la lutte contre le virus y a été particulièrement efficace. Au début, le Kerala était le plus durement touché de tous les États indiens. Le 22 mars, il représentait un cinquième de toutes les infections dans le pays. La campagne « briser la chaîne » a réussi. Alors que, dans le reste du pays, le nombre de contaminations a connu une croissance exponentielle, s’élevant à un multiple de 300, au Kerala, ce nombre est retombé à un quart (voir graphique). Six semaines plus tard, le Kerala connaît le taux de mortalité le plus bas du pays. Au total, 630 infections et quatre décès ont été enregistrés. L’Inde, en revanche, pourrait se diriger vers des millions de cas de corona avec des symptômes graves.

Le Vietnam a fait mieux encore. Il a réussi à étouffer l’épidémie dans l’œuf. À ce jour, 324 infections et zéro décès ont été signalés. Comparés aux pays du Nord, ces pays ont très peu de moyens pour lutter contre le virus. Quel est donc le secret de leur approche efficace ? Voyons-en les facteurs cruciaux.

1. Étouffer dans l’œuf

Le 23 janvier, les premiers patients infectés ont été enregistrés au Vietnam, avec seulement deux cas. Le Vietnam a rapidement reconnu le virus comme une épidémie et a déclaré l’état d’urgence nationale. Il était l’un des premiers pays à le faire. Au plus haut niveau, un comité directeur a été formé, présidé par le vice-premier ministre. Les écoles ont été fermées dans tout le pays et une semaine plus tard, plusieurs villages ont été mis en quarantaine. Un système d’alerte rapide a été mis en place. Deux semaines avant le confinement de Wuhan, le Vietnam a introduit le système de la « distance de sécurité » et les passagers en provenance de l’étranger ont été systématiquement contrôlés.

L’Organisation Mondiale de la Santé a fait l’éloge de cette approche rapide : « La détection précoce, l’isolement précoce et le traitement actif sont extrêmement importants. Les premières actions du Vietnam ont permis d’arrêter la propagation de la maladie, sauvant des milliers de vies. »

Même histoire au Kerala. Avant même la première contamination, le pays a été mis en état d’alerte le 23 janvier 2020. Le Kerala a mis en place une task force un mois et demi avant la Belgique. Les travailleurs migrants de retour au pays ont été contrôlés dans les aéroports et mis en quarantaine s’ils étaient infectés.

Début mars, il y avait 8 cas de contamination confirmés. Un confinement sévère a été annoncé à la mi-mars 16. Les écoles et les commerces ont été fermés et les grands rassemblements interdits. Un système complet de suivi et de traçage a été mis en place.

Selon Todd Pollack, expert en maladies infectieuses, la raison du succès est simple : « Les pays qui ont pris des mesures rapides et agressives, en utilisant des méthodes éprouvées, ont sévèrement limité le virus. Si vous le réduisez assez rapidement, vous n’atteindrez jamais le point de croissance exponentielle. »

2. Radical mais social

Dans les deux pays, la sécurité est primordiale et tout est fait pour sauver le plus grand nombre de vies possible. Les dommages économiques que cela entraîne temporairement sont considérés comme inévitables.[i] « Alors que de nombreux pays débattaient de leurs choix sanitaires et économiques, le gouvernement vietnamien a pris la décision sans équivoque de privilégier la santé avant la croissance économique », a déclaré Sang Minh Le, spécialiste de la santé à la Banque mondiale.

Le Vietnam a imposé des confinements stricts à partir de la mi-février. On a procédé à la fermeture complète de quartiers, avec surveillance policière. Tout le monde a été testé dans les « zones suspectes ». Dans ces zones, comme en Chine, les porteurs potentiels du virus ont été mis en quarantaine loin de leur propre famille. Les personnes âgées étaient ainsi protégées contre une éventuelle contamination. Tous ceux qui sont revenus de l’étranger ont été mis en quarantaine pendant quinze jours.

Le Kerala a institué un confinement beaucoup plus strict, qui a duré plus longtemps et a été mis en place beaucoup plus tôt que dans le reste de l’Inde. Les frontières de l’État ont été fermées et un accueil a été prévu pour les milliers de travailleurs migrants bloqués. Un système de tests intensifs et de suivi des contacts a été déployé. Le Washington Post décrit l’approche comme une « réponse robuste » à l’épidémie.

Cette rigueur s’est accompagnée d’une approche sociale. Au Vietnam, les familles mises en quarantaine recevaient trois repas par jour à des prix très bas. Les chômeurs, les petits indépendants et les pauvres pouvaient compter sur une allocation corona.

Au Kerala, les repas gratuits que les enfants reçoivent normalement à l’école étaient désormais livrés à domicile. Toutes les familles ont reçu de la nourriture gratuite et pouvaient compter sur un prêt à la consommation bon marché. Le paiement de la facture énergétique a été reporté d’un mois et le paiement de certaines allocations a été avancé.

Cette approche sociale atténue les craintes des habitants et renforce la confiance dans le gouvernement, favorisant également le strict respect des mesures.

3. Sensibilisation

Le gouvernement vietnamien a mené une campagne de sensibilisation intensive par le biais d’affiches et de banderoles dans les supermarchés, les banques et d’autres lieux publics. Chaque jour, la population était bombardée de textos, d’applications téléchargeables, de dizaines d’articles lors des émissions d’actualités en ligne les plus populaires. Il s’agissait d’une explication détaillée des symptômes, de la meilleure façon de se protéger contre le virus, etc. Les jeunes ont été divertis avec des chansons pop informatives ou des clips vidéo éducatifs.

Des campagnes de sensibilisation similaires ont eu lieu au Kerala. C’était une priorité absolue pour les membres du gouvernement. Chaque soir, le Premier Ministre réservait une heure pour s’adresser aux citoyens et les informer de la situation. Lorsque les habitants d’une certaine région ont voulu fuir leur village par peur d’être contaminés, le ministre de la santé est venu en personne parler aux villageois pour les rassurer.

Dans ces deux pays, les campagnes étaient non seulement informatives, mais également destinées à apporter un soutien émotionnel à la population. Par ces campagnes, les autorités ont encouragé les personnes en quarantaine et ont exprimé leur sympathie envers celles touchées par l’épidémie. Un tel soutien émotionnel renforce également la confiance des gens dans leur gouvernement. Au Kerala, cette confiance est incarnée par KK Shailaja, ancien enseignante et ministre de la Santé. Elle a reçu plusieurs surnoms dont la « tueuse de corona » et la « ministre de la santé Rockstar ».

4. Les grands moyens

Lutter efficacement contre une épidémie requiert une main-d’œuvre importante, qui dans les deux pays a été mobilisée rapidement et massivement.

Les premières infections du coronavirus au Vietnam se sont produites dans un village près de Hanoi. Des équipes importantes de médecins et des travailleurs de la santé ont été immédiatement dépêchées sur les lieux pour appliquer un protocole de traitement strict. Afin de lutter efficacement contre l’épidémie dans le reste du pays, on a fait appel à des étudiants en médecine et des médecins et infirmières à la retraite. Des casernes et des internats ont été accommodés pour la quarantaine. Le gouvernement a organisé des unités mobiles de réaction rapide. Quelque 16 000 équipes ont été constituées pour gérer les centres d’appel et pour aider les personnes en quarantaine en leur fournissant une assistance médicale, des colis de nourriture ou simplement pour bavarder un peu.

Au Kerala, les organisations de masse du parti communiste au pouvoir[ii] (femmes, agriculteurs, jeunes) sont venues donner un coup de main. Le gouvernement a pu ainsi compter sur de nombreux volontaires pour cette campagne. Les conseils de village locaux ont organisé des cuisines communes pour préparer des repas gratuits et ont encouragé les villageois locaux à héberger des personnes isolées ou qui n’avaient pas assez d’espace chez eux pour garder une distance « sûre ». Des agents ont été déployés pour vérifier que chaque ménage respecte la quarantaine.

5. Médecine pour le peuple

L’élément le plus important dans la lutte contre le virus au Kerala et au Vietnam est la nature de leurs soins de santé. Dans les deux pays, il s’agit d’un système inclusif dans lequel la prévention et les soins de santé primaires jouent un rôle central.

Les médecins et les travailleurs de santé sont actifs jusque dans les plus petits villages les plus reculés du Vietnam. Les soins de santé sont abordables pour tout le monde, y compris pour les plus pauvres. En cas d’épidémie, il est important d’atteindre tout le monde et que personne ne passe à travers les mailles du filet. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le succès de la lutte contre le virus au Vietnam est dû, entre autres, à des années d’investissement dans la santé publique ainsi qu’à l’accessibilité des soins.

Un autre facteur est l’accent mis sur la prévention. Le Vietnam a une forte tradition dans ce domaine. Selon le spécialiste de la santé de la Banque mondiale, Sang Minh Le, le succès du Vietnam dans la lutte contre le COVID-19 est « le résultat d’efforts persistants de préparation à une pandémie ». Des efforts massifs ont été consacrés aux tests, au suivi des contacts et à la mise en quarantaine des personnes infectées. Cela explique pourquoi au final il y a eu si peu d’infections et zéro décès.

Le Kerala a beaucoup investi dans ses soins de santé depuis de nombreuses années. Dans cet état, ces dernières années, il n’y a pas eu de coupes budgétaires comme ailleurs dans le pays, bien au contraire. Le Kerala dépense deux fois plus par habitant en soins de santé que le reste de l’Inde. Son système de santé est considéré commele meilleur du pays. Les infirmières du Kerala bénéficient d’une réputation mondiale et sont très recherchées dans les hôpitaux aux États-Unis et en Europe. L’espérance de vie y est supérieure de sept ans à la moyenne indienne et la mortalité infantile 4,5 fois inférieure.

Tout comme le Vietnam, le Kerala a des soins de santé primaires publics bien développés. Ceux-ci se caractérisent par leur décentralisation. Chaque village a un centre de soins de santé primaires et il y a des hôpitaux dans chaque district. Les autorités locales jouent un rôle clé. Par conséquent, les soins sont très accessibles et on peut répondre rapidement aux plaintes ou aux besoins locaux. Cela a également facilité les tests et la détection des personnes infectées. Pendant la crise corona, les travailleurs de santé locaux et de nombreux bénévoles se sont concentrés sur les personnes ayant des besoins particuliers et les personnes âgées célibataires. On a par exemple vérifié si les gens prenaient leurs médicaments à temps.

Pour The Economist, l’excellence des soins de santé dans les deux pays ne tombe pas du ciel : « ce n’est pas par hasard que le communisme a eu une forte influence, en tant qu’idéologie d’État incontestée du Vietnam et en tant que marque vantée par les partis de gauche qui dominent le Kerala depuis les années 1950. » Jason Hickel, professeur à la Goldsmiths University de Londres et affilié aux Nations Unies, est du même avis : « C’est ce qui se produit lorsque vous avez une société organisée autour du bien-être des humains plutôt que du bien-être du capital. … Cela fait honte au ‘soi-disant premier monde’. » Dont acte.

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