SÉNÉGAL
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Mon voyage au Sénégal en aout 1986 avec ma copine Paulette.
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Cartes
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          Vers la fin des années 1970, avec mon ami Béber, nous discutions un jour des pays où nous aimerions aller, et pour quelle raison. Ma raison était toute simple : exporter la révolution ! Leo Ferré le disait :  « Trimballe tes idées comme de la drogue, tu ne risques rien à la frontière : rien dans les mains, rien dans les poches. " Comment vous appelez-vous? Karl Marx ! Allez, passez ! " »

          Bien sûr, Béber me disait qu'une telle raison ne permettait pas de choisir l'endroit où je voyagerais volontier. Réfléchissant alors, je me dis : « Le voyage, il paraît que c'est pour former la jeunesse. Pour ça, il faut le plus grand choc Culturel possible. Je connais un peu l'Orient par ma pratique du judo et mes études très sérieuses de diverses philosophies orientales. Les USA, c'est pas la peine ! l'Amérique Latine, ce sont des latins. Le plus grand choc Culturel c'est en Afrique Noire que je l'aurai ! Surtout dans la forêt, chez les sauvages ! »

          Béber n'avait rien à redire à un tel raisonnement ; même si, lui, il préférait la Hollande pour ses coffee shop ! Mes utilisations des mots " sauvage " ou " primitif " ne le gênaient pas du tout, car nous détestions tous deux la civilisation, et par conséquent, nous préférions les sauvages. Nous avions une parfaite conscience que si la façon de vivre de ceux qui ne sont pas encore sortis de la forêt est primitive, c'est au sens où nôtre civilisation est secondaire !

           La civilisation, c'est-à-dire la civilisation occidentale, tellement attirante qu'elle a dû utiliser la force pour s'imposer partout, évolue perpétuellement, ce qui signifie que nous éprouvons sans arrêt le besoin de changer de mode de vie, que nous ne parvenons pas à trouver une façon de vivre satisfaisante. Et comme ça va de plus en plus mal, l'évolution est de plus en rapide ; au point de s'apparenter à une fuite en avant vers un précipice que nous refusons de voir : cette fuite, nous l'appelons " progrès ".
          Dans la forêt tropicale africaine vivent des gens qui n'ont pas évolué depuis des millions d'années. S'ils n'ont jamais évolué, c'est parce qu'ils n'en ont jamais éprouvé le besoin, c'est parce que leur mode de vie leur convient parfaitement. Leur existence est primitive, la nôtre est suicidaire.

          Dans ma bouche, les mots " primitif " ou " sauvage " ne sont absolument pas insultants !

 

          J'ai vu des " gauchistes " partir enseigner en Afrique au titre de la coopération. Ils partaient antiracistes en pensant que l'exploitation du Sud par le Nord est un grand scandale. Je les ai vu revenir racistes, me disant qu'il fallait avoir vécu là-bas pour comprendre que les noirs sont de " grands enfants ", que les gauchistes d'occidents ne sont que des " idéalistes " ignorant des réalités, que le Nord, loin d'exploiter le Sud, lui apportait la civilisation.
          Que s'était-il passé ? Dès leur arrivée en Afrique, ils avaient été accueillis à l'aéroport par les autres coopérants, tous bien blancs. Comme ils étaient débutants dans ce pays, ils suivirent la voie de la facilité, ils se laissèrent guider par les autres coopérants, qui avaient de l'expérience, qui savaient dans quel pays ils étaient, qui savaient dans quel quartier il fallait habiter, qui savaient combien il fallait employer d'esclaves pour ne pas être trop mal vu de la population : une nounou pour les enfants, une femme de ménage pour les courses, la cuisine et le ménage, un gardien pour la maison et un autre pour le chat ; pour éviter qu'il ne soit mangé par ces sauvages qui crèvent de faim, il vallait mieux prévoir de nourrir une famille en donnant un maigre salaire à l'un de ses membres qui prendrait bien soin du chat, qui serait l'esclave du chat !
          Comme officiellement depuis la " décolonisation " il n'y a plus d'esclaves, il fallait donner un salaire à ces " employés ". Ce n'était pas un problème, le salaire mensuel variait de 250 à 500 Francs français selon le degré de culpabilité du colon, pardon, du coopérant. Et il avait d'ailleurs largement de quoi payer puisqu'il touchait entre 30 000 et 40 000 Francs français par mois selon qu'il avait ou non le CAPES ou l'AGREG... D'ailleurs, avec un tel salaire, identique à celui d'un ministre de là-bas, il n'était pas si rare que des coopérants mangent à la même table que des ministres. Coopérants qui, à leur retour en fRANCE, et redevenus par ce fait même de simples citoyens, ne manquaient pas de s'en venter.
          Il faut bien comprendre qu'après la " décolonisation ", les coopérants ont pris la suite des colons et ont adopté la Culture de colons que ces derniers ne pas manquèrent de leur léguer. Les coopérants nouvellements arrivés sont invités immédiatements à faire la fête chez d'autres coopérants plus anciens dans ce métier, puis chez d'autres, et chez d'autres encore, sans aucun répit ! Et s'il prenait au nouvel arrivant l'étrange fantaisie de se laisser inviter par un de ses élèves (un noir, forcément !) alors, il était bien vite découragé par l'ensemble des coopérants : le même jour, il y avait une fête organisée par tel coopérant qui avait si bien reçu les nouveaux, il fallait à tout prix y aller sous peine de le vexer, etc...
          Ainsi, les anciens coopérants font ce qu'il faut pour éviter que les nouveaux n'entre en contact avec les noirs. Seuls les contacts scolaires, ou les relations de maître à esclave sont autorisés au nouveau coopérant vis à vis des noirs ! Les anciens se chargent petit à petit de rééduquer les nouveaux coopérants, de leur transmettre leur Culture de colons, leur Culture de gros cons.

          Que voulez-vous, adroitement rééduqué par les anciens coopérants, vivant comme un colon avec quatre esclaves, mangeant avec les ministres, seuls noirs dignes d'être fréquentés par un blanc, touchant 40 000 Francs par mois et par personne tout en vivant non pas au milieu mais à côté de crèves la faim qui ne touchent pas plus de 300 F en moyenne pour nourrir toute une famille, le nouveau coopérant fini par devenir un ancien coopérant, prisonnier de sa Culture de colons, attendant les nouveaux coopérants à l'aéroport afin de leur faire un accueil digne de ce nom !   

 

          Je ne sais pas voyager seul. C'est un gros défaut. La plupart du temps, j'ai accompagné des gens dans leur voyage. Mais je savais que le jour où c'est moi qui serait accompagné dans mon voyage, je partirais pour l'Afrique Noire. le choix du pays ? Des amis gauchistes, Paul et Virginie, partirent enseigner au Sénégal en tant que coopérants. Avant de partir, ils me dirent que si ça me tentait, je pouvais aller passer des vacances chez eux. Voilà pour le choix du pays ! Bien sûr, si je n'avais pas eu une amoureuse que j'adorais (Paulette), je n'aurais jamais eu le courage d'entreprendre (seul) un tel voyage.

          Paul et Virginie étaient très sympatiques avec leurs idées d'extrème-gauche. Leurs parents n'avaient pas réussi à les rendre inquiéts d'emmener là-bàs leur petite fille de deux ans, surtout que Virginie était enceinte et avait décidé d'accoucher au Sénégal en prétendant à ceux et celles qui voulaient lui faire peur que, là-bàs, les femmes accouchaient bien, elles-aussi !

          

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