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En Guyane, Macron esquive les revendications des peuples amérindiens

jeudi 28 mars 2024, par anonyme (Date de rédaction antérieure : 28 mars 2024).

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Publié le 27 mars 2024 à 16h46
Modifié le 28 mars 2024 à 10h08

Enzo Dubesset

Emmanuel Macron a rencontré des membres des communautés autochtones lors de son passage à Camopi, dans l’est de la Guyane. - Ludovic Marin / AFP

En 35 heures sur le territoire, le rapport d’Emmanuel Macron avec les peuples autochtones guyanais se sera restreint à une visite touristique. Ni les urgences climatiques, ni la brûlante question foncière n’auront été abordées.

Camopi (Guyane), reportage

Au détour de son voyage à Camopi, dans le sud-est de la Guyane, Emmanuel Macron a été accueilli par les deux communautés amérindiennes installées dans la région : les Tekos et les Wayãpi. Après quelques échanges autour de la maladie du manioc, qui sévit depuis deux ans dans le bassin amazonien, et une présentation d’artisanat traditionnel, le président de la République a dégusté la boisson traditionnelle amérindienne, le cachiri, une bière de manioc.

Quelques dizaines de minutes après cette immersion express, le chef de l’État rappelait, en marge de ses annonces sur l’orpaillage illégal, que les peuples autochtones de Guyane ayant été « sauvés » font, par leur culture et leurs traditions, « la richesse de la Guyane, de la région amazonienne, et donc de la France ».

Sécheresse et montée des eaux

Au-delà de ce cérémoniel bien rodé, l’Élysée semble pourtant avoir fait peu de cas de ces populations. En 35 heures sur le territoire, les déclarations en lien avec les préoccupations amérindiennes du moment se sont faites rares — entre autres sujets brûlants esquivés, comme l’accès aux services publics et à la santé. Le président n’aura pas eu un mot pour les populations Kali’na du littoral ou pour les Wayana du Haut-Maroni, deux communautés aux avant-postes du dérèglement climatique.

Les communautés amérindiennes de Guyane sont aux avants-postes du réchauffement climatique. / Enzo Dubesset / Reporterre

Depuis des années, habitants et scientifiques alertent sur l’impressionnante montée des eaux qui menace Awala Yalimapo, dans l’ouest de la Guyane, avec 50 mètres de côte engloutis par l’océan en vingt ans. Un phénomène largement dû au dérèglement climatique, de même que la sécheresse historique de 2023, qui a entraîné une crise de l’eau dans les villages amérindiens du sud-ouest du territoire.

Quarante ans de conflit sur la rétrocession des terres

Surtout, si Emmanuel Macron a bien discuté de la libération du foncier à des fins alimentaires avec des représentants du monde agricole, il n’a pas abordé l’épineuse question de la rétrocession des terres, qui oppose les Amérindiens à l’État depuis les années 1980. En 2017, ce dernier s’était pourtant engagé, dans les Accords de Guyane, à restituer 400 000 hectares de terres aux six peuples amérindiens peuplant le département.

« Les terres de Guyane ont été spoliées aux peuples autochtones et notre revendication principale est désormais la restitution de ces terres. Sur ce sujet, nous ne sommes pas plus avancés qu’en 2017. Le dossier est en stand-by », déplore Franck Appolinaire, militant Kali’na, fin connaisseur des questions foncières [1].

Les peuples autochtones de Guyane tentent d’obtenir la rétrocession de leurs terres par l’État français. / Enzo Dubesset / Reporterre

Près de 760 000 hectares ont déjà été rétrocédés depuis les années 1980 et la renaissance des luttes amérindiennes. Mais ils l’ont essentiellement été sous la forme de « zones de droit d’usage collectif », des terres qui restent la propriété de l’État, mais sur lesquelles le droit de populations à subvenir à leurs besoins alimentaires est reconnu. Les concessions et les cessions, qui permettent le transfert de la propriété, restent très demandées, mais rarement accordées.

Lutte contre une centrale électrique

Ces dernières années, la question de la souveraineté foncière des Amérindiens a été au cœur de l’actualité à travers la lutte du village Kali’na de Prospérité contre le projet de Centrale électrique de l’ouest guyanais. Cette vaste infrastructure, très soutenue par les élus locaux, est dénoncée par les Amérindiens car elle raserait 70 hectares de forêt et entraverait l’accès des villageois à 3 816 hectares où ils chassent et pêchent. Des terres qui ont justement été reconnues « zones de droit d’usage collectif », par l’État en 2021…

Le 15 mars, après des mois de lutte ardemment réprimée, les associations représentant les Amérindiens de Guyane ont déposé, à la demande du yopoto Roland Sjabere, chef coutumier de Prospérité, une plainte auprès du comité pour l’élimination de la discrimination des Nations unies à Genève, réclamant l’arrêt immédiat des travaux.

Une actualité brûlante dont ne s’est pas saisie Emmanuel Macron pour s’exprimer sur le dossier et apaiser les tensions, voire clarifier la position de l’État sur la question foncière, qui continue de raviver les traumatismes de la colonisation.

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